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Date : 20070222

Dossier : T-97-06

Référence : 2007 CF 203

 

ENTRE :

GLENN HUDSON

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN et LE CONSEIL DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION PEGUIS et LE CHEF LOUIS STEVENSON et

LES CONSEILLERS MARY SUTHERLAND, GLEN COCHRANE,

GLENNIS SUTHERLAND et LLOYD SINCLAIR

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE MACTAVISH

[1]               Glenn Hudson s’est porté candidat au poste de chef de la Première nation Peguis aux élections organisées en 2005 au sein de la bande. Il a été battu par le chef sortant, le chef Louis Stevenson, par une marge de 29 voix. M. Hudson et plusieurs autres personnes ont alors porté en appel le résultat des élections devant le Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, alléguant, entre autres, que le chef Stevenson s’était livré à des manœuvres frauduleuses dans le cadre de la campagne électorale. Cet appel a été rejeté.

 

[2]               M. Hudson sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision rejetant l’appel, affirmant que le fonctionnaire gouvernemental qui a pris la décision n’avait pas compétence pour le faire, puisque le pouvoir de se prononcer sur un tel appel est réservé au ministre lui-même. M. Hudson soutient de plus que la décision selon laquelle la preuve ne tendait pas à établir des manœuvres électorales frauduleuses de la part du chef Stevenson était déraisonnable et que le processus suivi par l’enquêteur était injuste. Enfin, M. Hudson allègue que la décision est fondamentalement viciée, car l’enquêteur et le ministère ont omis de tenir compte de la légitimité de la liste électorale utilisée dans les élections ou de l’examiner.

 

[3]               Dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire, en l’espèce, il n’appartient pas à la Cour de décider si le chef Stevenson s’est réellement livré à des manœuvres frauduleuses au cours de la campagne électorale de 2005. La Cour est plutôt tenue de décider si le processus suivi relativement à l’appel de M. Hudson était juste et si des erreurs ont été commises lors de l’instruction de l’appel.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la décision selon laquelle la preuve ne tendait pas à établir des actes de fraude était déraisonnable, puisqu’elle se fondait sur des conclusions de fait erronées et qu’elle a été prise sans égard à la preuve. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

 

Questions préliminaires

[5]               Les parties ont soulevé plusieurs questions préliminaires et ces dernières ont été instruites au début de l’audience. Le résumé de mes décisions quant à ces questions est présenté ci-dessous.

 

i)          Modification de l’intitulé

[6]               Avec le consentement des parties, une ordonnance a été prononcée pour modifier l’intitulé : le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien est désigné comme défendeur gouvernemental.

 

ii)         La requête en admission en preuve de nouveaux éléments de preuve et en rejet sommaire de la demande

[7]               Le ministre défendeur a également sollicité une ordonnance autorisant le dépôt tardif d’éléments de preuve supplémentaires, notamment l’affidavit de Carena Roller daté du 9 février 2007, auquel est joint un article de journal portant sur une entrevue accordée par M. Hudson. 

 

[8]               Dans sa requête, le ministre demandait également le rejet sommaire de la demande de contrôle judiciaire, au motif que les renseignements fournis au journaliste par M. Hudson violaient l’ordonnance de confidentialité prononcée par le protonotaire Aronovitch le 9 novembre 2007, de même que l’engagement de confidentialité signé par M. Hudson le 17 novembre 2006. À l’audience, le ministre a toutefois retiré sa requête en rejet sommaire de la demande de contrôle judiciaire, demandant plutôt que la conduite de M. Hudson soit examinée dans le cadre de la procédure de contrôle judiciaire elle-même.

 

[9]               Compte tenu du fait que les renseignements que contient l’affidavit de Mlle Roller n’ont été que récemment portés à l’attention du ministre, qu’ils étaient pertinents à la procédure de contrôle judiciaire et que l’admission des nouveaux éléments de preuve n’exigeait pas le dépôt d’affidavits en réponse ni d’autres contre-interrogatoires, j’ai accueilli la requête et admis les éléments de preuve.

 

[10]           J’ai rejeté la prétention des avocats du conseil de bande de la Première nation Peguis et de tous les défendeurs individuels à une seule exception, selon laquelle la demande de contrôle judiciaire devait être sommairement rejetée, malgré le fait que le ministre défendeur ne sollicitait plus cette mesure. 

 

[11]           Mon principal motif pour ce faire est qu’il n’y avait plus de requête sollicitant une telle mesure pendant devant la Cour. 

 

[12]           J’ai de plus conclu que même s’il y avait en une telle requête, je ne l’aurais pas accordée, compte tenu de la nature de la procédure de contrôle judiciaire et des questions qu’elle soulève. En effet, la demande de contrôle judiciaire de M. Hudson ne soulève pas simplement des questions qui le concernant lui et les défendeurs, mais met plutôt en doute l’intégrité du processus démocratique suivi dans le cadre des élections du chef et du conseil de la Première nation Peguis en 2005, ainsi que la mesure dans laquelle les droits démocratiques de membres individuels de la Première nation ont été respectés.

 

[13]           Dans ces circonstances, j’ai conclu qu’il était dans l’intérêt de la justice d’autoriser l’instruction de la demande contrôle judiciaire au fond, en dépit de la conduite de M. Hudson.

 

[14]           Je n’ai pas non plus accepté la prétention subsidiaire de l’avocat de la Première nation Peguis selon laquelle que je devais, à tout le moins, déclarer M. Hudson coupable d’outrage au tribunal avant d’entendre sa demande de contrôle judiciaire. À cet égard, j’ai souligné que l’outrage au tribunal était une question sérieuse et que les Règles des Cours fédérales contiennent un code de procédure qui doit être suivi à la lettre afin d’assurer le respect des droits des intéressés. Cette procédure n’ayant pas été suivie, je n’étais pas disposé à déclarer M. Hudson coupable.

 

[15]           J’ai bien informé les avocats des parties que, en cas où les défendeurs souhaitaient poursuivre cette voie, ils pouvaient présenter une requête par écrit, présentable devant moi, selon la procédure ex parte, conformément aux dispositions de l’article 467 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, pour solliciter une ordonnance déclenchant la procédure d’outrage au tribunal à l’égard de M. Hudson.

 

[16]           Dans l’intervalle, j’ai avisé les avocats des parties que j’entendrais la procédure de contrôle judiciaire.

 

iii)         La requête en modification de l’avis de demande

 

[17]           La dernière requête préliminaire a été présentée par M. Hudson qui sollicitait la modification de son avis de demande pour y alléguer en outre l’omission du ministre défendeur de tenir compte de la légitimité de la liste électorale utilisée pour les élections. Après avoir entendu les défendeurs à ce sujet, il était évident que la modification ne donnait lieu à nul préjudice et qu’aucune des parties adverses ne pouvait signaler aucun autre élément de preuve supplémentaire dont la présentation était nécessaire afin de faire pleinement valoir son point de vue sur la question.

 

[18]           De plus, en dépit du fait que la question n’apparaissait pas dans l’avis de demande de M. Hudson, ce dernier l’a soulevée dans son exposé des faits et du droit et les défendeurs ont fait des observations complètes à ce sujet dans leurs écritures. Il n’est pas possible de dire que la modification causait une surprise à quiconque ni qu’elle causait quelque autre préjudice.

 

[19]           J’ai donc autorisé M. Hudson à modifier son avis de demande pour y inclure une demande de réparation à l’égard de l’omission alléguée du ministre défendeur de tenir compte de la légitimité de la liste électorale utilisée pour les élections ou de l’examiner.

 

Faits et procédures

[20]           La Première nation Peguis est située à quelque 190 kilomètres au nord de Winnipeg et elle est la plus importante Première nation au Manitoba, avec une population d’environ 7 500 personnes de descendance ojibway et crie.

 

[21]           Des élections pour les postes de chef et de conseillers ont eu lieu le 24 mars 2005. Le chef Stevenson a reçu 1 047 voix, tandis que M. Hudson en a reçu 1 018. Les défendeurs Glen Cochrane, Lloyd Sinclair, Glennis Sutherland et Mary Tyler Sutherland ont été élus à titre de conseillers. Les élections n’ont pas été tenues selon la coutume, mais plutôt conformément aux dispositions électorales de la Loi sur les Indiens, L.R. 1985, ch. I-5.

 

[22]           En raison d’apparents problèmes entachant le processus électoral, M. Hudson a interjeté appel des élections, conformément à la procédure du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens, C.R.C., ch. 952. La lettre d’accompagnement de l’avocat de M. Hudson qui instituait l’appel exposait le fondement de l’appel comme suit : [traduction] « il y [eu] des manœuvres frauduleuses entachant les élections, ainsi que plusieurs violations de la Loi [sur les Indiens] et du Règlement qui ont eu une incidence sur le résultat des élections. »

 

[23]           La lettre était accompagnée de 13 affidavits qui contenaient les diverses allégations [traduction] « d’achat de votes » de la part de M. Stevenson et des conseillers, de même que des allégations d’intimidation des présidents d’élection qui étaient en faveur de candidats de l’opposition. On alléguait notamment les faits suivants :

 

            i)          Un jour ou deux avant les élections, le chef Stevenson a offert de donner à « A » la somme de 600 $, une sécheuse et un lit, en échange de son vote. Cette offre est censée avoir été confirmée par un billet écrit et elle a été corroborée par l’affidavit de « I ».

            ii)         Quelques semaines avant les élections, le chef Stevenson a garé son camion à l’extérieur de la salle de Peguis et a rencontré des personnes une à une dans son camion. Il a offert de l’argent comptant, des meubles et des appareils ménagers à plusieurs résidents, en échange de leur appui aux élections.

            iii)         Le conseiller Rod Sutherland a informé les résidents « B » et « C » que la bande avait reçu quatre chargements de semi-remorque de meubles et d’appareils ménagers, qui avaient été distribués aux membres de la bande. Dix chargements de semi-remorque supplémentaires de meubles et d’appareils ménagers avaient été commandés, mais n’ont jamais été livrés.

            iv)        « D » a été harcelé dans l’isoloir par la présidente d’élection adjointe, Karen Sinclair.

            v)         Larry Amos a été irrégulièrement nommé président d’élection et a sciemment empêché la distribution de bulletins de vote postaux et d’information sur les élections.

            vi)        « E », qui est illettré, a subi les pressions de Larry Amos afin de voter pour le chef Stevenson. Au bureau de scrutin, M. Amos a désigné à « E » le nom du chef Stevenson et de Lloyd Sinclair sur le bulletin de vote et ne lui a lu aucun autre nom sur le bulletin de vote.

            vii)        « F » a livré au bureau de scrutin des bulletins de vote postaux scellés d’autres membres en leur nom. Les bulletins de vote ont par la suite été rendus au membre, toujours dans leur enveloppe scellée, et n’avaient pas été dépouillés.

 

[24]           M. Hudson a également allégué qu’une introduction par effraction dans le bureau de poste de Peguis au cours de la soirée du 8 mars 2005 pouvait avoir donné lieu à une manipulation des bulletins de vote que contenait l’urne des bulletins de vote postaux, qui était conservée au bureau de poste.

 

[25]           Quelques semaines après que l’appel eut été interjeté, deux affidavits supplémentaires ont été transmis au ministre défendeur. L’affidavit de « G » exposait des réserves concernant la liste des membres utilisée pour les élections. L’affidavit alléguait aussi que le chef Stevenson avait irrégulièrement autorisé des dépenses dans le cadre du programme en matière de besoins spéciaux de la bande (le PBS), afin de solliciter des appuis pendant la campagne électorale.

 

[26]           Le PBS verse des prestations aux membres de la bande qui y sont admissibles, afin de fournir des articles qui ne sont pas inclus dans les allocations pour les besoins de base, tels que les gros appareils électroménagers et les meubles, les frais de déplacement pour des raison d’ordre humanitaire et des biens et des services liés à la santé pour des personnes non inscrites.

 

[27]           « G » allègue de plus que quatre chargements de camion de meubles et d’appareils ménagers ont été distribués à des électeurs de la Première nation Peguis peu avant les élections.

 

Le processus d’appel

[28]           Après avoir reçu l’appel de M. Hudson, le Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a sollicité les réponses des candidats aux élections et du président d’élection. Le chef Stevenson, Glennis Sutherland et Mary Tyler Sutherland ont transmis des réponses sous forme d’affidavit.

 

[29]           Dans son affidavit, le chef Stevenson a catégoriquement nié les allégations qui le visaient, y compris l’allégation selon laquelle il ait donné de l’argent et des articles ménagers aux membres de la Première nation Peguis en échange de votes. Il a toutefois reconnu avoir fourni des billets ou des bons d’assistance financière et d’articles ménagers à plusieurs personnes peu avant les élections. Selon lui, cela a été fait conformément au programme en matière de besoins spéciaux de la Première nation.

 

[30]           L’affidavit de Glennis Sutherland et celui de Mary Tyler Sutherland portaient également sur le PBS. Plus précisément, l’affidavit de Mary Tyler Sutherland en particulier exposait le processus à suivre pour fournir de l’aide aux membres recevant de l’aide sociale.

 

[31]           Le 19 juillet 2005, le Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada ont nommé Larry Dyck afin de faire enquête concernant [traduction] « tout appel formé auprès du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien » concernant les élections au sein de la Première nation Peguis. M. Dyck était agent de la GRC à la retraite et il possédait une très grande expérience concernant les enquêtes relatives aux appels en matière électorale.

                                                           

[32]           Entre le 19 juillet 2005 et le 12 octobre 2005, M. Dyck a interviewé un grand nombre de personnes dans le cadre de son enquête, rencontrant M. Hudson à quatre reprises. Après avoir terminé son enquête, M. Dyck a présenté un rapport exposant ses conclusions en détail à l’Unité des élections du Ministère des Affaires indiennes et du Nord le 12 octobre 2005.

 

Le rapport Dyck

[33]           M. Dyck avait pour mission de faire enquête sur quatre questions, énoncées ci-après. Je donne également un bref résumé de ses conclusions pour chaque question.

 

[34]           La première question sur laquelle M. Dyck devait enquêter était l’allégation selon laquelle le chef Stevenson avait donné de l’argent et (ou) des appareils ménagers à « A » en échange de son vote ou pour influencer le résultat des élections.

 

[35]           M. Dyck a rencontré « A » à plusieurs reprises. À certains moments, « A » a affirmé que le contenu de son affidavit était véridique, tandis qu’à d’autres il a affirmé que l’allégation voulant que le chef Stevenson ait expressément déclaré que les marchandises lui étaient fournies en échange de son vote n’était pas vraie. Le témoin a finalement demandé de retirer l’affidavit, affirmant qu’il avait été contraint à le signer par un des partisans de M. Hudson.

 

[36]           Bien qu’il ne fasse nul doute que le chef Stevenson avait donné à « A » un billet représentant 600 $ pour des [traduction] « améliorations domiciliaires » un jour ou deux avant les élections, M. Dyck a conclu que la preuve n’étayait pas l’allégation selon laquelle cela avait été fait à des fins électorales.

 

[37]           La deuxième question sur laquelle l’enquête de M. Dyck devait porter était l’allégation selon laquelle le chef Stevenson avait donné de l’argent et (ou) un billet à ordre pour des articles ménagers alors qu’il se trouvait dans son véhicule dans le stationnement de la salle de Peguis en échange de votes ou sinon en vue d’influencer le résultat des élections.

 

[38]           M. Dyck a interviewé la majorité des personnes identifiées dans les affidavits produits à l’appui de l’appel, bien que certains membres n’aient pas pu être retrouvés ou aient refusé de lui parler. À la suite de ces entrevues, M. Dyck semble avoir conclu que les rencontres ont eu lieu et que des demandes d’aide sous forme d’argent ou d’articles ménagers ont été présentées au chef Stevenson. 

 

[39]           De plus, M. Dyck a paru convenir que, ce soir-là, le chef a au moins remis un bon de 300 $ à un membre et qu’il a fait plusieurs promesses de voir ce qu’il pourrait faire pour obtenir des articles ménagers pour d’autres membres.

 

[40]           Toutefois, après avoir examiné les déclarations faites par les personnes intéressées, M. Dyck a conclu que toutes les communications avaient été faites à l’initiative des témoins eux-mêmes et non à celle du chef Stevenson. De plus, personne ne pouvait confirmer que le chef leur avait directement demandé de voter pour lui dans les élections à venir et personne n’a réellement reçu d’argent ou des meubles de la part du chef, à l’exception d’une personne.

 

[41]           Selon la troisième allégation que M. Dyck a examinée, le chef Stevenson a fourni des meubles et des appareils ménagers à des membres de la bande par l’entremise du PBS, en échange de votes en sa faveur ou pour influencer les résultats des élections.

 

[42]           À cet égard, M. Dyck a examiné plusieurs allégations faites par les membres de la bande. Plusieurs étudiants qui fréquentaient à l’université Brandon avaient rencontré M. Stevenson peu avant les élections pour discuter de la possibilité d’une aide financière et de la question de savoir si le PBS pourrait fournir des meubles pour leur usage pendant qu’ils étaient à l’université. L’aide a été fournie aux étudiants et même si ceux-ci ont eu le sentiment que l’aide leur était fournie en échange de leur appui dans les élections, ils ont aussi confirmé que le chef Stevenson ne leur a jamais déclaré qu’il s’attendait à ce qu’ils votent pour lui en échange des marchandises.

 

[43]           D’autres témoins ont dit à M. Dyck qu’il était de notoriété publique qu’il était possible d’avoir de l’argent et des biens dans le temps des élections et au moins un témoin (« H ») a déclaré qu’environ une semaine avant les élections, le chef Stevenson lui a dit d’aller à un magasin de meubles en particulier, de choisir ce dont elle avait besoin et qu’il paierait. Le témoin a également déclaré que des membres de sa famille avaient reçu de l’argent de la part du chef.

 

[44]           M. Dyck a aussi confirmé qu’en mars 2005, la Première nation Peguis avait dépensé la somme de 24 000 $ pour des meubles et des appareils ménagers pour [traduction] « des cas de besoins spéciaux ». M. Dyck a cependant aussi constaté qu’un total de 54 000 $ a été dépensé pour des meubles et des appareils ménagers au cours de la période de quatre mois entre avril et juillet 2004, bien avant les élections. 

 

[45]           M. Dyck en a déduit qu’il était difficile de qualifier les dépenses de mars 2005 d’achat de votes, compte tenu qu’un montant beaucoup plus important avait été dépensé le printemps et l’été précédents, en dehors de la période électorale. M. Dyck a également noté l’explication du chef Stevenson et de Glennis Sutherland selon laquelle les meilleures aubaines étaient offertes à cette période de l’année.

 

[46]           Enfin, M. Dyck a constaté que la bande avait commandé 14 chargements supplémentaires de semi-remorque de meubles, mais que ces derniers demeuraient entreposés. M. Dyck a supposé que le chef Stevenson et le conseil de bande avaient vraisemblablement cessé [traduction] « d’être généreux » avec les meubles entreposés, après que des allégations d’achat de votes eurent commencé à faire surface. De plus, M. Dyck a noté que le chef Stevenson et le conseil de bande n’avaient pas divulgué dans leur preuve l’existence des 14 chargements supplémentaires de semi-remorque de meubles commandés par la bande.

 

[47]           M. Dyck a conclu que le chef Stevenson et son conseil sont en effet [traduction] « devenus plus généreux à l’approche du jour des élections dans l’espoir que les bénéficiaires du PBS les appuieraient. » Il a de plus conclu que les plans du chef Stevenson et du conseil de distribuer des marchandises supplémentaires avant le jour du vote ont pu avoir été arrêtés lorsque les allégations d’achat de vote ont commencé à faire surface.

 

[48]           La dernière question que M. Dyck devait examiner était l’introduction par effraction au bureau de poste de Peguis, où se trouvaient tous les bulletins de vote, afin de dire si les bulletins de vote postaux avaient été altérés. À cet égard, M. Dyck a conclu que les boîtes de scrutin n’avaient pas été touchées.

 

[49]           Au cours de son enquête, M. Dyck a également examiné le fait qu’une seule personne avait été le témoin d’un grand nombre de déclarations d’électeur. Cependant, après avoir parlé à l’intéressé, l’enquêteur a accepté l’explication du témoin selon laquelle plusieurs membres de la Première nation Peguis vivaient dans la région de Selkirk et qu’il avait recueilli les bulletins de vote des membres pour les apporter à la réserve. M. Dyck a aussi signalé que les bulletins de vote en question étaient en faveur d’une variété de candidats. Enfin, il a noté que plusieurs électeurs dont le bulletin de vote était en cause étaient illettrés et avaient reçu l’aide de la personne dont la conduite était examinée.

 

La décision de rejeter l’appel

[50]           Marc Boivin, gestionnaire intérimaire de l’Unité des élections du Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, a reçu le rapport M. Dyck. En se fondant sur le rapport, M. Boivin a recommandé à Christine Aubin, directrice intérimaire, Administration des bandes, que l’appel soit rejeté. Mme Aubin a accepté la recommandation qui a été acheminée à Brenda Kustra, directrice générale de la Direction générale de l’administration des bandes aux Affaires indiennes et du Nord Canada, accompagnée du résumé des conclusions de l’enquête. Mme Kustra a pris la décision définitive de rejeter l’appel et c’est cette décision qui fait l’objet de la présente procédure de contrôle judiciaire.

 

[51]           M. Hudson a été avisé de la décision de Mme Kustra par la lettre datée du 8 décembre 2005. Même si M. Hudson n’a pas reçu copie du rapport de M. Dyck, la lettre de Mme Kustra contenant sa décision en résumait les conclusions. À cet égard, Mme Kustra a informé M. Hudson que, même s’il y avait des preuves indiquant que le chef Stevenson avait fourni de l’argent, des meubles et des appareils ménagers en vertu du PBS à des membres de la bande pendant la campagne électorale, et même si la manière dont le chef Stevenson avait reçu les demandes d’aide en vertu du PBS et y avait répondu souffraient d’un manque de transparence et d’évaluation, la preuve n’était pas suffisante pour conclure que ces gestes constituaient des actes de fraude.

 

[52]           Mme Kustra a aussi déclaré qu’il n’y avait pas de preuve d’altération des bulletins de vote postaux au cours de l’introduction par effraction au bureau de poste de Peguis et que le président d’élection n’avait pas exercé d’influence sur les électeurs pour qu’ils votent en faveur de tel ou tel candidat précis.

 

[53]           Enfin, Mme Kustra a déclaré que le président d’élection n’a pas violé le Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens en écartant les paquets de bulletins de vote postaux non ouverts qui ne lui étaient pas directement adressés.

 

[54]           La lettre concluait en signalent que, même s’il y avait des problèmes à l’égard des procédures et des pratiques suivies relativement à le processus électoral de la Première nation Peguis, celles-ci ne constituaient pas des manœuvres frauduleuses, comme l’avait allégué M. Hudson.

 

Questions en litige

[55]           La procédure de contrôle judiciaire envoyée par M. Hudson soulève les questions suivantes :

1.         Quelle est la norme de contrôle pertinente?

2.         Mme Kustra avait-elle compétence pour traiter cette question ou bien le pouvoir de trancher un appel en matière électorale est-il un pouvoir que seul le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien peut exercer?

3.         La décision selon laquelle la preuve ne tendait pas à établir conclusion de fraude était-elle fondée sur des conclusions de fait erronées ou a-t-elle été prise sans égard à la preuve?

4.         M. Hudson a-t-il en droit à l’équité procédurale dans le processus d’appel?

5.         Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en omettant de considérer les allégations relatives à la liste électorale utilisée pour les élections?

 

Norme de contrôle

[56]           Les parties s’entendent par dire que la décision examinée doit être examinée en fonction soit de la norme de la décision raisonnable, soit de la norme de la décision manifestement déraisonnable, bien qu’aucune n’ait plaidé fermement en faveur d’une norme ou une autre. Je ne peux tout simplement pas accepter ces observations, du moins dans la mesure où elles se rapportent à la quatrième question en litige, à savoir celle visant l’équité procédurale. 

 

[57]           La jurisprudence est maintenant bien fixée : lorsque la procédure de contrôle judiciaire soulève une question d’équité procédurale, la question de la norme de contrôle ne se pose pas. Il appartient plutôt à la Cour de décider si la procédure suivie dans un cas donné était équitable ou non, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes : Sketchley c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 2056, 2005 CAF 404, aux paragraphes 52 et 53.

 

[58]           En ce qui a trait aux autres questions, aucune partie n’a été en mesure de me citer une décision antérieure entièrement pertinente. Il est donc nécessaire d’effectuer une analyse pragmatique et fonctionnelle afin de vérifier l’intention du législateur quant au degré de déférence à accorder au décideur, compte tenu de la nature des questions auxquelles ce dernier devait répondre.

 

[59]           Je reviendrai à la norme de contrôle pertinente à suivre pour chaque question que soulève le présent appel au cours de mon analyse de chacune de ces questions. Cependant, à ce stade, je peux faire les observations générales suivantes relativement à les facteurs exposés par la Cour suprême du Canada, notamment dans l’arrêt Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19:

            i)          Le Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens ne contient pas de clause privative. Cela n’implique pas une norme élevée de contrôle si les autres facteurs commandent une norme peu exigeante. Le silence sur ce point ne veut rien dire, ni dans un sens, ni dans l’autre.

            ii)         Le décideur en l’espèce est fonctionnaire au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il faut supposer qu’à titre de fonctionnaire chargé de l’application de la loi en question, Mme Kustra possède l’expertise relative à l’application de la loi aux élections au sein des Premières nations. À mon avis, ce facteur milite en faveur d’une plus grande déférence.

            iii)         En ce qui a trait à l’objet de la disposition pertinente en particulier, et à celui de la Loi sur les Indiens et du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens en général, l’objet de la loi est nettement polycentrique. L’objet du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens consiste à administrer les élections au sein des réserves afin que la population autochtone puisse bénéficier d’une représentation structurée et efficace. En prenant le Règlement, le législateur a essentiellement établi le régime procédural que les Premières nations doivent suivre. Ceci milite en faveur d’une plus grande déférence envers les décisions prises en vertu du Règlement.

iv)                 Le dernier facteur à examiner dans l’analyse pragmatique et fonctionnelle est la nature de la question. Cette demande a soulevé plusieurs questions différentes et, comme je l’ai mentionné plus haut, j’examinerai la nature de chaque question soulevée par la demande et déciderai de la norme de contrôle à suivre dans chaque cas au cours de l’analyse.

 

[60]           Gardant à l’esprit les principes généraux relatifs à la norme de contrôle à appliquer à la décision en cause, je vais maintenant examiner si Mme Kustra avait compétence pour instruire cette question ou si le pouvoir de statuer sur un appel en matière électorale est un pouvoir que seul le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien peut exercer.

 

Mme Kustra avait-elle compétence pour instruire cette question ou le pouvoir de statuer sur un appel en matière électorale est-il un pouvoir que seul le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien peut exercer?

 

[61]           La question de savoir si Mme Kustra avait compétence pour instruire l’appel ou si le pouvoir de statuer sur un appel en matière électorale est un pouvoir que seul le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien peut exercer est bien évidemment une question de droit. Une déférence moindre doit donc être accordée à cet aspect de la décision. En tenant compte de tous les facteurs de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, je suis d’avis que cette question doit être examinée en fonction de la norme de la décision correcte.

 

[62]           Comme point de départ de mon analyse, il est utile de reproduire les dispositions législatives qui régissent les appels en matière électorale comme celui que M. Hudson a formé. Voici les dispositions clés du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens :

12. (1) Si, dans les quarante-cinq jours suivant une élection, un candidat ou un électeur a des motifs raisonnables de croire :

 

12. (1) Within 45 days after an election, a candidate or elector who believes that

 

a) qu’il y a eu manœuvre fraduleuse relativement à une élection,

 

(a) there was corrupt practice in connection with the election,

 

b) qu’il y a eu violation de la Loi ou du présent règlement qui puisse porter atteinte au résultat d’une élection, ou

 

(b) there was a violation of the Act or these Regulations that might have affected the result of the election, or

 

c) qu’une personne présentée comme candidat à une élection était inéligible, il peut interjeter appel en faisant parvenir au sous-ministre adjoint, par courrier recommandé, les détails de ces motifs au moyen d’un affidavit en bonne et due forme.

 

(c) a person nominated to be a candidate in the election was ineligible to be a candidate, may lodge an appeal by forwarding by registered mail to the Assistant Deputy Minister particulars thereof duly verified by affidavit.

 

(2) Lorsqu’un appel est interjeté au titre du paragraphe (1), le sous-ministre adjoint fait parvenir, par courrier recommandé, une copie du document introductif d’appel et des pièces à l’appui au président d’élection et à chacun des candidats de la section électorale visée par l’appel.

 

(2) Where an appeal is lodged under subsection (1), the Assistant Deputy Minister shall forward, by registered mail, a copy of the appeal and all supporting documents to the electoral officer and to each candidate in the electoral section in respect of which the appeal was lodged.

 

(3) Tout candidat peut, dans un délai de 14 jours après réception de la copie de l’appel, envoyer au sous-ministre adjoint, par courrier recommandé, une réponse par écrit aux détails spécifiés dans l’appel, et toutes les pièces s’y rapportant dûment certifiées sous serment.

 

(3) Any candidate may, within 14 days of the receipt of the copy of the appeal, forward to the Assistant Deputy Minister by registered mail a written answer to the particulars set out in the appeal together with any supporting documents relating thereto duly verified by affidavit.

 

(4) Tous les détails et toutes les pièces déposés conformément au présent article constitueront et formeront le dossier.

 

(4) All particulars and documents filed in accordance with the provisions of this section shall constitute and form the record.

 

13. (1) Le Ministre peut, si les faits allégués ne lui paraissent pas suffisants pour décider de la validité de l’élection faisant l’objet de la plainte, conduire une enquête aussi approfondie qu’il le juge nécessaire et de la manière qu’il juge convenable.

 

13. (1) The Minister may, if the material that has been filed is not adequate for deciding the validity of the election complained of, conduct such further investigation into the matter as he deems necessary, in such manner as he deems expedient.

 

(2) Cette enquête peut être tenue par le Ministre ou par toute personne qu’il désigne à cette fin.

 

(2) Such investigation may be held by the Minister or by any person designated by the Minister for the purpose.

 

(3) Lorsque le Ministre désigne une personne pour tenir une telle enquête, cette personne doit présenter un rapport détaillé de l’enquête à l’examen du Ministre.

 

(3) Where the Minister designates a person to hold such an investigation, that person shall submit a detailed report of the investigation to the Minister for his consideration.

 

14. Lorsqu’il y a lieu de croire

 

a) qu’il y a eu manœuvre fraduleuse à l’égard d’une élection,

 

14. Where it appears that

 

(a) there was corrupt practice

in connection with an election,

 

b) qu’il y a eu violation de la Loi ou du présent règlement qui puisse porter atteinte au résultat d’une élection, ou

 

(b) there was a violation of the Act or these Regulations that might have affected the result of an election, or

 

c) qu’une personne présentée comme candidat à une élection était inadmissible à la candidature,

 

(c) a person nominated to be a candidate in an election was ineligible to be a candidate,

 

le Ministre doit alors faire rapport au gouverneur en conseil.

the Minister shall report to the Governor in Council accordingly.

 

[63]           Selon M. Hudson, seul le ministre est autorisé à rejeter un appel en vertu du paragraphe 13(1) du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens et ce pouvoir ne peut pas être délégué à un subordonné. À cet égard, M. Hudson dit que le Règlement énonce de manière précise les différentes personnes autorisées à prendre divers genres de décisions relatives aux appels en matière électorale, réservant certains genres de décisions expressément au gouverneur en conseil, au sous-ministre adjoint des Affaires indiennes et du Nord canadien et au ministre lui-même.

 

[64]           Vu que la décision examinée n’a pas été prise personnellement par le ministre, M. Hudson dit que Mme Kustra a agi sans compétence en prétendant rejeter son appel.

 

[65]           Je rejette cette prétention. 

 

[66]           Le pouvoir discrétionnaire conféré à un ministre peut en règle générale être exercé à juste titre par l’intermédiaire de ses fonctionnaires, lorsqu’ils occupent un poste de rang suffisamment élevé : voir, par exemple, l’arrêt R. c. Harrison, [1977] 1 R.C.S. 238.

 

[67]           Cela découle de la notion de responsabilité ministérielle, selon laquelle le ministre est légalement et politiquement responsable des actions prises par les fonctionnaires de son ministère. À cet égard, la Cour suprême du Canada a reconnu la nécessité de cette pratique au sein d’un gouvernement moderne, soulignant ce qui suit dans l’arrêt Harrison, précité :

Le pouvoir de délégation est souvent implicite dans un programme qui donne au ministre le pouvoir d'agir. Comme le remarque le professeur Willis dans « Delegatus Non Potest Delegare », (1943), 21 Can. Bar Rev. 257 à la p. 264 ... « [TRADUCTION] ... dans leur application du principe delegatus non potest delegare aux organismes du gouvernement, les tribunaux ont préféré le plus souvent s'éloigner de l'interprétation étroite du texte de loi qui les obligerait à y voir le mot “personnellement”, et adopter l'interprétation qui convient le mieux aux rouages modernes du gouvernement qui, étant théoriquement le fait des représentants élus mais, en pratique, celui des fonctionnaires ou des agents locaux, leur commandent sans aucun doute d'y voir l'expression ou toute personne autorisée par lui. » ... De nos jours, les fonctions d'un ministre du gouvernement sont si nombreuses et variées qu'il serait exagéré de s'attendre à ce qu'il les remplisse personnellement.

 

[68]           Cette idée se concrétise également dans le paragraphe 24(2) de la Loi d’interprétation, L.R., 1985, ch. I‑21, qui a trait à l’interprétation des dispositions législatives :

(2) La mention d’un ministre par son titre ou dans le cadre de ses attributions, que celles-ci soient d’ordre administratif, législatif ou judiciaire, vaut mention [...]

 

(2) Words directing or empowering a minister of the Crown to do an act or thing, regardless of whether the act or thing is administrative, legislative or judicial, or otherwise applying to that minister as the holder of the office, include [...]

 

d) de toute personne ayant, dans le ministère ou département d’État en cause, la compétence voulue.

(d) [...] a person appointed to serve, in the department or ministry of state over which the minister presides, in a capacity appropriate to the doing of the act or thing, or to the words so applying.

 

 

[69]           Bien entendu, le législateur peut exiger que certains genres de décisions soient pris par le ministre lui-même. Cependant, si telle est son intention, il emploie des expressions comme « de l’avis du ministre », par le ministre « lui-même » ou « à l’entière discrétion du ministre » : voir Ramawad c. Canada (Ministre de la main-d’œuvre et de l’Immigration), [1978] 2 R.C.S. 375, Québec (Procureur général) c. Carrières Ste-Thérèse Ltée, [1985] 1 R.C.S. 831 et Edgar c. Canada (Attorney General) (1999), 46 O.R. (3d) 294 (C.A. Ont.).

 

[70]           Ce genre d’expression est tout à fait absent du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens.

 

[71]           Puisque le texte légal n’indique pas que le ministre doit exercer personnellement son pouvoir en vertu du Règlement aux termes des dispositions du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens visant l’instruction des appels tels que la décision examinée en l’espèce, il n’est pas nécessaire pas que les pouvoirs confiés au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien soient exercés par lui personnellement.

 

[72]           M. Hudson ne m’a donc pas convaincue que Mme Kustra a agi sans compétence lorsqu’elle a rejeté son appel relatif aux élections en cause.

 

[73]           Cela m’amène à la question de savoir si la décision selon laquelle la preuve ne tendait pas à établir conclusion de fraude était fondée sur des conclusions de fait erronées ou si elle a été prise sans égard à la preuve. Je vais maintenant me pencher sur cette question.

 

La décision selon laquelle la preuve ne tendait pas à établir conclusion de fraude était-elle fondée sur des conclusions de fait erronées ou a-t-elle été prise sans égard à la preuve?

 

[74]           La question de savoir si la preuve présentée à Mme Kustra tendait à établir des pratiques électorales frauduleuses est une question mixte de fait et de droit, appelle aussi une norme de contrôle selon laquelle il faut faire preuve d’une moins grande réserve. Elle comporte toutefois une importante composante factuelle. En tenant compte de tous les facteurs de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, je suis d’avis que la question doit être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable.

 

[75]           Dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, la Cour suprême a conclu qu’était décision déraisonnable la décision qui, « dans l’ensemble », n’était étayée par aucun motif capable de résister à un « examen assez poussé ». Par conséquent, en examinant la décision en fonction de la norme de la décision raisonnable, la Cour doit vérifier si les motifs donnés par le décideur étayent la décision.

 

[76]           La décision n’est déraisonnable que s’il n’existe dans les motifs avancés aucun mode d’analyse pouvant raisonnablement amener le décideur, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. La décision peut être raisonnable « si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision. » Voir : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 SCC 20, au paragraphe 55.

 

[77]           En l’espèce, la décision de Mme Kustra était fondée sur les faits constatés, de même que sur les conclusions tirées par M. Dyck à la suite de son enquête. En examinant le caractère raisonnable de la décision de Mme Kustra, toutes les parties ont concentré leurs observations sur le contenu du rapport de l’enquêteur, plutôt que sur la lettre de décision elle-même. À mon avis, cette demande était indiquée. Bien que l’analogie ne soit pas parfaite, on peut néanmoins faire un parallèle avec le processus des droits de la personne. Selon ce processus, la décision de rejeter la plainte, ou de la déférer au Tribunal canadien des droits de la personne, est prise par la Commission canadienne des droits de la personne en fonction d’enquêtes effectuées par des personnes qui ne participent pas au processus décisionnel comme tel. Dans de tels cas, les motifs de la Commission peuvent être complétés par un renvoi au rapport d’enquête : voir Sketchley c. Canada (Procureur général), précité, au paragraphe 37.

 

[78]           En l’espèce, le cas est semblable. En conséquence, en examinant la question de savoir si le constat de Mme Kustra selon lequel la preuve ne tendait pas à établir des pratiques électorales frauduleuses était raisonnable, je tiendrai compte des conclusions et de l’analyse contenues dans le rapport de M. Dyck.

 

[79]           Il ne fait pas de doute que les allégations contenues dans les affidavits déposés au soutien de l’appel de M. Hudson sont très préoccupantes. Toutefois, même si plusieurs témoins étaient d’avis que le chef distribuait nettement des bons pour de l’argent et des meubles afin d’induire les membres à voter pour lui, la seule preuve directe d’une discussion avec le chef Stevenson concernant expressément « de l’argent et des marchandises en échange de votes » provient de la déclaration « A » et de « I » selon lesquels un jour ou deux avant les élections, le chef Stevenson a offert de donner à « A » la somme de 600 $, une sécheuse et un lit, en échange de son vote.

 

[80]           Dans le cadre de son enquête, M. Dyck a eu plusieurs discussions avec « A » à propos de ses allégations, au cours desquelles le membre a déclaré tour à tour que l’allégation selon laquelle le chef Stevenson a offert de l’argent et des articles ménagers en échange du vote du membre était vraie, ou non. À différentes reprises, il a aussi indiqué qu’il avait été invité ou contraint à signer l’affidavit et, à d’autres, il a allégué qu’il avait été contraint à se rétracter. 

 

[81]           Je suis préoccupée par le fait que M. Dyck a omis de communiquer à la GRC les menaces prétendument faites au témoin afin qu’il retire ses allégations. En fin de compte, cependant, la conclusion de M. Dyck selon laquelle le témoin avait été complètement discrédité et que, par conséquent, aucun poids ne devrait être accordé aux allégations de « A » selon laquelle le chef Stevenson lui avait expressément offert de l’argent comptant en échange de son vote était tout à fait raisonnable.

 

[82]           De plus, bien que nul ne conteste l’authenticité du billet qu’a signé le chef Stevenson ordonnant au bureau des finances de la Première nation Peguis de fournir à « A » la somme de 600 $ à titre d’ [traduction] « aide pour des améliorations domiciliaires », l’authenticité de la note supplémentaire figurant sur le document a été nettement mise en doute. Celle-ci est censée avoir été faite par « A » et indiquait que [traduction] « Louie m’a donné ce billet le 23 mars 2005. Il a dit que c’était pour un vote en sa faveur ». En fait, « A » a dit à l’enquêteur que cette note n’apparaissait pas au document au moment où il l’a signé et que quelqu’un d’autre l’avait ajoutée plus tard.

 

[83]           Alors « I » a de toute évidence été témoin de la discussion en question, M. Dyck n’a pas été en mesure de le retrouver et il n’a reçu aucune réponse aux messages laissés auprès de la mère de « I ».

 

[84]           Dans ces circonstances, la décision de M. Dyck de ne pas tenir compte de la preuve concernant l’allégation de « A » était parfaitement raisonnable.

 

[85]           Cela ne met toutefois pas fin à la question. Le chef Stevenson était chef de la Première nation Peguis depuis plus de 20 ans et il est sans aucun doute un vieux routier de la politique. Il serait très étonnant qu’un politicien si expérimenté agisse si ouvertement, offrant expressément de l’argent et des marchandises en échange de votes. De plus, la preuve directe d’efforts accomplis pour acheter des votes n’est pas le seul genre de preuve qui peut mener à une conclusion de pratiques électorales frauduleuses. 

 

[86]           L’article 14 du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens impose au ministre de faire rapport au gouverneur en conseil lorsqu’il y a lieu de croire qu’il y a eu manœuvre frauduleuse à l’égard d’une élection. Des preuves indirectes suffisamment concluantes peuvent aboutir au constat qu’il y a lieu de croire que des manœuvres frauduleuses ont eu lieu dans un tel ou tel cas.

 

[87]           À mon avis, pour en arriver à conclure que la preuve ne tendait pas à établir que le chef Stevenson s’était livré à des manœuvres électorales frauduleuses lors des élections de 2005, M. Dyck, et finalement Mme Kustra, ont fait abstraction de la preuve, ou l’ont mal interprétée à l’égard d’au moins deux aspects importants, qui auraient pu indiquer qu’il y avait lieu de croire que des manœuvres électorales frauduleuses avaient eu lieu dans la Première nation Peguis en mars 2005.

 

[88]           Le premier aspect vise la manière dont l’argent et les marchandises ont été donnés aux membres de la Première nation Peguis, en principe conformément au PBS. À cet égard, on se souviendra de la conclusion de Mme Kustra : même si le processus [traduction] « ne comportait pas de critères de transparence et d’évaluation », la preuve n’était pas suffisante pour conclure que ces actions constituaient des actes de fraude. 

 

[89]           Un exemplaire de la politique de la Première nation Peguis en matière de besoins spéciaux a été fourni à M. Dyck. La politique énonce les critères d’aide, ainsi que le processus à suivre pour les demandes d’aide et leur évaluation. La politique exige, entres autres, l’examen des conditions de vie générales des demandeurs et de la norme de la collectivité à cet égard. Pour être admissible à l’aide en vertu du PBS, les demandeurs doivent aussi être admissibles à l’aide sociale pour les besoins de base. Enfin, il faut également tenir compte de toutes les ressources à la disposition du demandeur, y compris ses gains récents.

 

[90]           En ce qui a trait au processus de demande, la politique prévoit que le formulaire de demande doit être rempli, expliquant la demande et désignant les coûts des marchandises et des services demandés. La demande doit être accompagnée du budget du demandeur. Les formulaires remplis doivent être acheminés au bureau régional pour l’approbation du gestionnaire de l’aide au revenu.  Toutes les demandes doivent être signées par le demandeur.

 

[91]           On ne souvenait nier que le processus suivi par le chef Stevenson lors de la distribution des bons pour de l’argent et les articles ménagers dans les jours précédant les élections de 2005 était loin de répondre aux exigences du PBS. 

 

[92]           Cependant, le plus préoccupant et ce que M. Dyck ou Mme Kustra ne semblent pas avoir mesuré ou examiné est que les actions du chef Stevenson faisait étaient tout à fait contraires à ses propres déclarations quant à la manière dont le PBS était administré dans la pratique.

 

[93]           En effet, dans l’affidavit du chef Stevenson déposé auprès de Affaites indiennes et du Nord Canada en réponse à l’appel de M. Hudson, le chef déclare ce qui suit : [traduction] « Selon le processus, un membre du conseil ou moi ou un membre du ministère des Services sociaux inspecte la résidence afin de confirmer le besoin demandé. Une fois le besoin confirmé, la livraison des articles nécessaires est faite. » 

 

[94]           La déclaration du chef Stevenson quant à la pratique réelle a été confirmée par l’affidavit de Mary Tyler Sutherland, une des conseillères défenderesses individuelles.

 

[95]           Dans son affidavit, le chef Stevenson a également reconnu avoir rencontré des membres dans son camion à l’extérieur de la salle de Peguis et a de plus reconnu qu’il avait distribué deux ou trois bons pour de l’argent à des membres. Il a également admis avoir fourni un billet au montant de 300 $ à « J », bien que le billet ait été annulé plus tard lorsqu’il a été découvert qu’un des partisans de M. Hudson tentait de l’obtenir.

 

[96]           La preuve indique aussi qu’à plusieurs autres occasions, le chef a distribué des bons pour de l’argent et des meubles à des membres de la Première nation Peguis, pratiquement sur demande, et en fait, Mme Kustra a conclu que cela s’était réellement produit.

 

[97]           La preuve n’indique aucune tentative de visiter le domicile des membres en question avant que ne leur soient remis les bons pour de l’argent et des articles ménagers, pas plus qu’il n’y a eu d’efforts apparents visant à confirmer la légitimité des demandes ou l’admissibilité des membres présentant la demande d’aide pour des besoins de base.

 

[98]           Le fait que plusieurs bons n’ont finalement pas été honorés ne change rien, à mon avis, à la gravité des préoccupations soulevées par la conduite du chef. La raison en est, comme l’a lui-même constaté M. Dyck, que le chef et le conseil ont cessé [traduction] « d’être généreux » avec le lot de meubles et d’appareils ménagers après avoir appris qu’un des partisans de M. Hudson tentait de mettre la main sur le billet qu’avait donné le chef à « J ».

 

[99]           Je conviens, avec l’avocat de la Première nation Peguis, que l’objet de l’appel en matière électorale selon le Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens n’est  pas de décider si les politiques administratives de la Première nation, comme le PBS ont été respectées ou non. Cela dit, en l’espèce, de l’argent et des articles ménagers ait été distribués par le chef Stevenson, immédiatement avant les élections, sans aucun examen apparent de l’admissibilité des bénéficiaires et en contravention, non seulement de la politique de la Première nation concernant le PBS, mais également de la description même du chef de la pratique suivie en vertu de la politique. 

 

[100]       L’irrégularité même du processus suivi en l’espèce constitue une preuve indirecte très forte qu’une politique a été utilisée à des fins accessoires et cela aurait dû, à mon avis, soulever de sérieuses questions dans l’esprit des personnes qui ont instruit l’appel.

 

[101]       Le deuxième aspect préoccupant a trait à la valeur du montant dépensé pour les marchandises, un théorie conformément au programme en matière de besoins spéciaux de la Première nation Peguis. 

 

[102]       À cet égard, M. Dyck a examiné la valeur des dépenses de la Première nation Peguis pour les meubles et appareils ménagers pour [traduction] « des cas de besoins spéciaux » en mars 2005, exposant les dépenses dans le tableau joint en annexe à la présente décision. 

 

[103]       En se fondant sur les renseignements financiers fournis par le chef et le conseil, M. Dyck a constaté qu’un montant plus élevé avait été dépensé en vertu du programme pendant une période de quatre mois en 2004, bien avant les élections de 2005, que le montant dépensé en mars 2005. M. Dyck en a déduit qu’il était difficile de qualifier les dépenses de mars 2005 d’achat de votes, vu qu’un montant beaucoup plus élevé avait été dépensé au cours du printemps et de l’été précédents, en dehors de la période électorale. 

 

[104]       M. Dyck a aussi apparemment accepté l’explication du chef Stevenson et de Glennis Sutherland : que les meilleures aubaines sont offertes pendant cette période de l’année.

 

[105]       Cette analyse suscite un problème sérieux. En effet, l’examen des chiffres fournis par le chef et le conseil eux-mêmes révèle que les dépenses de 24 000 $ en meubles et en appareils ménagers pour le mois de mars 2005 étaient déjà plus élevées que le montant dépensé en un seul mois au cours de la période de 30 mois à l’égard de laquelle les données ont été fournies.

 

[106]       Le chiffre de 24 000 $ se rapportait de toute évidence à quatre chargements de camion d’articles ménagers distribués aux membres pendant la période en cause. Toutefois, M. Dyck a aussi constaté que [traduction] « 14 autres chargements de semi-remorque (moins huit unités) sont entreposés ». Il semble qu’il s’agisse d’articles ménagers supplémentaires achetés pour être distribués aux membres pendant la période électorale, mais qui dans les faits n’ont pas été distribués lorsque des questions concernant la possibilité d’achat de votes par le chef Stevenson ont commencé à surgir. 

 

[107]       Même si M. Dyck connaissait nettement l’existence des 14 autres chargements de semi-remorque de marchandises, il ne paraît pas les avoir pris en compte dans son analyse comparative des dépenses. Si la valeur de ces 14 autres chargements était incluse avec le reste, les dépenses en articles ménagers au cours de la période électorale de 2005 auraient été littéralement « sans commune mesure ». En effet, le montant dépensé au début de 2005 aurait été si disproportionné par rapport à toutes les dépenses mensuelles antérieures et ultérieures en vertu du PBS qu’elles auraient indiqué que quelque chose clochait vraiment et auraient suscité de sérieuses questions concernant la possibilité de fraude dans le processus électoral.   

 

[108]       Le fait que les marchandises n’ont pas été distribuées, puisque le chef et le conseil [traduction] « ont cessé d’être généreux » avec le lot de meubles lorsque des questions concernant l’achat de votes ont commencé à faire surface, ne change rien au fait que les marchandises ont en effet été achetées dans le but de les distribuer aux membres. En conséquence, la valeur de ces marchandises aurait dû être prise en compte dans l’examen des dépenses en cause et cette omission rend cet aspect de l’analyse déraisonnable.

 


Conclusion

[109]       Ayant fait un examen assez poussé de la décision de Mme Kustra et du rapport d’enquête de M. Dyck, je conclus que des erreurs graves ont été commises dans l’instruction de l’appel de M. Hudson, de sorte que le rejet de l’appel n’était pas raisonnable. Par conséquent, la procédure de contrôle judiciaire sera accueillie et la décision annulée.

 

[110]       Ayant conclu que la procédure de contrôle judiciaire est accueillie et que la décision de Mme Kustra est annulée, il n’est pas nécessaire d’analyser les autres questions soulevées par M. Hudson.

 

Réparation

[111]       Lorsque la Cour conclut que des erreurs susceptibles de contrôle ont été commises et entachant la décision en cause, la pratique habituelle consiste à renvoyer l’affaire pour  nouvelle décision. Toutefois, en l’espèce, il y a peu à gagner de le faire, puisque la tenue de nouvelles élections pour les postes de chef et de conseillers est prévue pour le 22 mars 2007 et le chef Stevenson et M. Hudson y sont encore une fois tous deux candidats au poste de chef.

 

[112]       En conséquence, bien que je conclus que, dans l’instruction de l’appel de M. Hudson en matière électorale, ont été commises des erreurs d’une telle ampleur que la décision de Mme Kustra était déraisonnable, je m’abstiens de renvoyer la question au ministère défendeur des Affaires indiennes et du Nord canadien pour nouvelle décision.

 

 

Ordonnance

[113]       Les parties ont demandé de présenter des observations à l’égard de la forme de l’ordonnance, ainsi qu’à l’égard des dépens. Ainsi, une conférence téléphonique sera organisée avec les avocats des parties afin qu’ils puissent présenter d’autres observations ; je prononcerai ensuite une ordonnance. 

 

[114]       Comme cela a été évoqué auparavant avec les avocats des parties, avant d’aborder la question des dépens, l’avocat de la Première nation Peguis et des différents défendeurs doit obtenir des directives de ses clients concernant la poursuite de l’outrage suite à donner à la procédure d’outrage au tribunal.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

Toronto (Ontario)

Le 22 février 2007

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-97-06

 

INTITULÉ :                                       GLENN HUDSON c.

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 13 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            la juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS :                      le 22 février 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

J.R. Norman Boudreau                                             POUR LE DEMANDEUR

 

Paul Anderson                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Carena Roller                                                                           LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

 

Wayne P. Forbes                                                      POUR LE DÉFENDEUR LE CONSEIL DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION PEGUIS et al., AUTRE QUE GLEN COCHRANE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Booth Dennehy LLP                                                 POUR LE DEMANDEUR

Winnipeg (Manitoba)

 

John H. Sims, c.r.                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                           LE MINISTRE DES AFFAIRES

Too                                                                        Winnipeg (Manitoba)          INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

 

Pollock & Company                                                 POUR LE DÉFENDEUR LE CONSEIL

Winnipeg (Manitoba)                                                DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION PEGUIS et al., AUTRE QUE GLEN COCHRANE


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