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Date : 20070215

Dossier : IMM-1800-06

Référence : 2007 CF 172

Ottawa (Ontario), le 15 février 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

ANGHEL VLAD

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]        M. Anghel Vlad (le demandeur), citoyen de la Roumanie, a été policier dans ce pays de 1991 à 1999. Il a été accusé et reconnu coupable du crime d’avoir accepté un pot-de-vin et a été condamné à purger une peine de trois ans d’emprisonnement dans un pénitencier. Avant d’être incarcéré, le demandeur s’est enfui de la Roumanie le 18 février 2000 à destination de la France, puis de l’Autriche, où sa sœur habite, et il est arrivé au Canada le 24 juin 2000. Il a alors demandé immédiatement le statut de réfugié au sens de la Convention. Sa demande s’appuie sur ses allégations de crainte pour sa vie en raison de ses opinions politiques. Plus précisément, il croit que les accusations portées contre lui s’inscrivaient dans un coup monté soigneusement ourdi et que, en tant que policier purgeant une peine d’emprisonnement en Roumanie, il serait assassiné par des codétenus.

 

[2]        Dans une décision en date du 7 mars 2006, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué que le demandeur n’avait qualité ni de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger.

 

[3]        Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

Contexte

[4]        D’après l’exposé circonstancié contenu dans son Formulaire de renseignements personnels  (FRP), le demandeur a été affecté à un secteur de Bucarest où se trouvait une boîte de  nuit à la mode fréquentée par des politiciens, des membres de la mafia et d’autres membres de l’élite. Le demandeur a, à plusieurs reprises, arrêté des clients de la boîte, donné des amendes pour différentes infractions à la circulation et eu des rapports conflictuels avec ces personnes. Ses supérieurs l’ont prévenu d’« user de discrétion » et de « fermer les yeux » lorsqu’il traitait avec des clients de haut rang.

 

[5]        Le 22 mars 1998, le demandeur et son partenaire ont arrêté deux véhicules parce que leurs feux frontaux étaient défectueux. Les conducteurs n’avaient pas en main tous leurs documents et ont offert de les apporter plus tard si le demandeur voulait garder leurs permis. Le demandeur ne leur a pas imposé l’amende de 15 000 lei habituellement prévue pour des feux défectueux, mais leur a plutôt donné un avertissement. Quinze minutes plus tard, l’un des conducteurs, désireux de remercier le demandeur, est revenu et lui a offert un pot‑de‑vin. Le demandeur aurait refusé l’offre. Quelques minutes plus tard, le demandeur s’est fait arrêter par le Bureau des procureurs militaires et s’est fait accuser d’avoir accepté un pot-de-vin de 100 000 lei (5,00 $US).

 

[6]        Le 25 mai 1998, le demandeur s’est vu infliger une peine de trois ans d’emprisonnement assortie d’une suspension conditionnelle de la sanction de cinq ans imposée par le Tribunal militaire régional. Le Bureau des procureurs militaires a interjeté appel de cette peine et le 12 janvier 1999, la cour d’appel militaire a prononcé à l’endroit du demandeur une peine de trois ans d’emprisonnement dans un pénitencier. Le 10 juin 1999, le demandeur a interjeté appel auprès de la Cour suprême de justice, qui a toutefois maintenu la décision de la cour d’appel militaire. Le 23 juin 1999, le demandeur a écrit au président pour lui demander un pardon, en soutenant qu’il était innocent.

 

[7]        Le demandeur prétend qu’il a été victime d’un coup monté et que les procès et les appels n’ont pas été menés équitablement.

 

Conclusions clés de la Commission

[8]        La Commission  a fondé sa décision sur deux conclusions clés. D’abord, la Commission a conclu que le demandeur était exclu en application de l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention), parce qu’il existait des motifs sérieux de croire qu’il avait commis un crime grave de droit commun en Roumanie. La Commission a conclu que le demandeur est recherché en Roumanie parce qu’il a été condamné pour avoir accepté un pot-de-vin, ce qui est passible de trois à douze ans de prison dans ce pays. Au Canada, la disposition législative équivalente est l’article 120 du Code criminel, qui prévoit une peine d’emprisonnement maximale de quatorze ans. La Commission  a conclu qu’en vertu de l’article 1F de la Convention le statut de réfugié est refusé à la personne jugée coupable d’avoir commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du pays d’asile avant son admission dans ce pays d’asile, et qu’un crime grave de droit commun est un acte criminel pour lequel une peine maximale de dix ans ou plus aurait pu être infligée si l’acte criminel en question avait été perpétré au Canada. L’absence de crédibilité de la prétention du demandeur, selon laquelle il a fait l’objet d’un coup monté et d’un piège tendu par le propriétaire de la boîte de nuit et par d’autres autorités, était au cœur de la décision de la Commission.

 

[9]        Subsidiairement, la Commission a conclu que le demandeur n’éprouvait pas de crainte fondée d’être persécuté pour un motif lié à la Convention et qu’il n’existait pas de motifs substantiels de croire que son expulsion de la Roumanie l’exposerait personnellement à un risque de torture.

 

[10]      La Commission  a également conclu que, si le demandeur devait retourner en Roumanie, il purgerait sa peine , le cas échéant, à l’écart de la population et ne ferait donc pas l’objet de persécution ni ne serait exposé à un risque pour sa vie.

 

Questions en litige

[11]      Le demandeur a soulevé les questions suivantes :

 

1.                  La Commission a‑t‑elle bien évalué la question de l’exclusion en vertu de l’alinéa 1Fb) de la Convention?

 

2.                  La Commission a‑t‑elle fondé sa conclusion, soit que le récit du demandeur voulant qu’il ait été piégé n’était pas crédible, sur des conclusions erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte du matériel qui lui a été soumis?

 

Analyse

Question 1 : Exclusion

[12]      La question soumise à la Commission consistait à déterminer si le demandeur était exclu de la protection aux termes de l’alinéa 1Fb) de la Convention. Plus précisément, la Commission devait établir si le crime dont le demandeur a été reconnu coupable est un crime qui satisfait au critère du « crime grave de droit commun » énoncé à l’alinéa 1Fb) de la Convention.

 

[13]      Dans le cadre de l’évaluation de la question de l’exclusion, la Commission a déclaré :

 

Le ministre fait valoir que le demandeur d’asile est recherché en Roumanie pour avoir accepté un pot-de-vin, ce qui est passible de trois à douze ans de prison dans ce pays. En droit canadien, la même infraction relève de l’article 120 du Code criminel du Canada qui stipule, entre autres, ce qui suit : « Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, selon le cas : a) étant juge de paix, commissaire de police, agent de la paix, fonctionnaire public ou fonctionnaire d’un tribunal pour enfants, ou étant employé à l’administration du droit criminel, par corruption (i) soit accepte ou obtient [...] (iii) soit tente d’obtenir, pour lui-même ou pour une autre personne, de l’argent, une contrepartie valable, une charge, une place ou un emploi, avec l’intention (iv) soit d’entraver l’administration de la justice, (v) soit de provoquer ou faciliter la perpétration d’une infraction [...]

 

[…] La Cour d’appel fédérale stipule qu’un crime grave de nature non politique est un crime pour lequel une sentence maximale de dix ans ou plus aurait pu être infligée, s’il avait été commis au Canada [...] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre a établi une preuve prima facie par les documents présentés, qui sont les instances judiciaires roumaines.

 

[14]      Le demandeur ne conteste pas qu’il a été reconnu coupable de l’acte criminel en question ou que l’article 120 du Code criminel prévoit une peine maximale au Canada de plus de 10 ans. Le demandeur fait valoir que la Commission a commis une erreur en ne procédant pas à un examen de l’équivalence de la disposition du Code criminel du Canada et en omettant de tenir compte de facteurs atténuants. Il prétend en outre que sa condamnation est le résultat d’un coup monté de la part d’un corps policier et d’une magistrature corrompus; tel est l’objet de la question 2 ci-après.

 

[15]      L’alinéa 1Fb) de la Convention prévoit ce qui suit :

 

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

[…]

 

[…]

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

 

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

[…]

 

 

[…]

 

 

[16]      Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 584 (C.A.)(QL), au paragraphe 22, le but premier de l’article 1F de la Convention est d’assurer que les personnes ayant commis des crimes graves de droit commun n’ont pas droit à la protection internationale dans le pays où elles demandent l’asile. Ce principe est intégré à l’article 98 de la LIPR qui prévoit ce qui suit :

 

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

Par conséquent, une conclusion de la Commission selon laquelle cet article est applicable à un demandeur d’asile a pour effet que le demandeur d’asile en question ne peut être déclaré personne ayant qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger en vertu des articles 96 ou 97 de la LIPR.

 

[17]      Dans Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. n1142 (C.A.) (Q.L.), au paragraphe 23, la Cour d’appel fédérale a établi que la nature d’une audience d’exclusion en vertu de l’article 1F de la Convention n’est pas celle d’un procès criminel dans le cadre duquel la culpabilité ou l’innocence doit être prouvée par le ministre au-delà de tout doute raisonnable. Ce n’est pas le rôle de la Commission d’établir l’innocence ou la culpabilité du demandeur d’asile (voir Moreno c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 912 (C.A.) (QL), au paragraphe 21). Il incombe plutôt au ministre d’établir, d’après la preuve présentée à la Commission, qu’il existe des « raisons sérieuses de penser » qu’un demandeur d’asile a commis un crime grave de droit commun à l’étranger avant son arrivée au Canada. La norme de preuve applicable à ce critère préliminaire est plus exigeante que le simple soupçon, mais moins exigeante que la norme de droit civil de la prépondérance de la preuve (voir Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), [2003] 3 C.F. 761, au paragraphe 174, et Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 306, aux pages 312 à 314 (C.A.)).

 

[18]      La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Chan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1180 (C.A.) (QL) a traité de la façon dont l’article 1F de la Convention constituait une manière d’harmoniser la législation sur les droits des réfugiés aux principes de base du droit de l’extradition en veillant à ce que les fugitifs ne soient pas en mesure de se soustraire à la compétence d’un État dans lequel ils pourraient faire l’objet d’une sanction légitime. En gardant ce principe à l’esprit, la Cour, dans l’arrêt Chan, précité, a déclaré au paragraphe 9 qu’« un crime grave de droit commun est assimilable à un crime qui, s’il avait été commis au Canada, aurait pu entraîner l’imposition d’une peine d’emprisonnement maximale égale ou supérieure à dix ans ».

 

[19]      Malheureusement pour le demandeur, la jurisprudence n’appuie pas la notion selon laquelle le dossier antérieur du demandeur ou d’autres facteurs atténuants devraient être pris en compte pour exclure le demandeur en vertu de l’article 98 de la LIPR. Au contraire, comme dans l’arrêt  Xie, précité, aux paragraphes 33 à 35, la Cour d’appel fédérale a statué que d’autres facteurs atténuants, comme le danger de torture, ne jouent pas un rôle important dans la décision de la Commission d’exclure un demandeur en vertu de l’article 1F de la Convention. Le seul facteur jugé important par la Cour d’appel fédérale est le facteur qui consiste à établir si le demandeur avait déjà purgé sa peine, qui ne s’applique pas en l’espèce (voir Chan, précité).

 

[20]      Il incombe au ministre d’établir que l’exclusion demandée est fondée (voir, par exemple, Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 584 (C.A.)(QL), au paragraphe 34). Dans cette affaire, le ministre a fourni des preuves détaillées de l’accusation, des condamnations et des décisions à tous les niveaux des tribunaux concernés. Le demandeur n’a pas allégué que les documents étaient frauduleux. L’existence d’une condamnation, voire d’un mandat, prononcée par un pays étranger peut constituer des « raisons sérieuses de penser » suffisantes (voir Qazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1461 (CFPI) (Q.L.), au paragraphe 18). La disposition équivalente du Code criminel du Canada (alinéa 120a)) prévoit une peine d’emprisonnement maximale de 14 ans, ce qui satisfait à la norme du « crime grave de droit commun » énoncée dans l’arrêt Chan, précité. Il s’ensuit que la condamnation du demandeur constitue une solide preuve prima facie à l’appui de la conclusion fondée sur l’article 1Fb). Tel est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, la Commission était saisie d’éléments de preuve selon lesquels le demandeur a eu accès à trois niveaux de surveillance judiciaire.

 

[21]      Les dispositions pertinentes du Code criminel du Canada et du Code de justice criminelle de la Roumanie sont énoncées à l’annexe A des présents motifs. Bien que la Commission ait discuté des éléments de l’infraction canadienne, elle n’a pas procédé expressément à une analyse équivalente du droit de la Roumanie et de l’alinéa 120a) du Code criminel, comme la Commission doit le faire, de l’avis du demandeur.

 

[22]      Cet argument passe à côté de l’objectif de l’analyse effectuée par la Commission. Il n’est pas nécessaire que le droit étranger soit tout à fait équivalent à celui qui régit l’infraction canadienne pertinente. Les textes législatifs étrangers ne permettent pas d’établir, aux fins de l’immigration canadienne, si un crime grave de droit commun a été perpétré, quoiqu’ils puissent être utiles pour évaluer le crime. Il faut d’abord et avant tout s’employer à établir si les gestes du demandeur peuvent être considérés comme des crimes en vertu du droit canadien. Le libellé d’une loi étrangère pertinente peut être utile, mais ne doit pas nécessairement être identique. En l’espèce, je suis convaincue que la Commission a effectué l’analyse nécessaire.

 

[23]      La Commission n’a pas commis d’erreur dans l’approche utilisée pour évaluer l’exclusion.

 

[24]      Pour terminer, le demandeur fait valoir que la Commission a fait fi de la preuve d’absence d’indépendance et de la preuve de corruption de la magistrature en Roumanie dont elle a été saisie. Cet argument aurait pu s’appliquer si le demandeur avait présenté des éléments de preuve qui établissaient un lien entre sa condamnation et l’allégation de corruption. L’étude du dossier ne révèle pas que la corruption du système judiciaire (si tant elle qu’elle existe) a constitué un facteur dans la condamnation du demandeur. Dans ses motifs, la Commission a reconnu cette question et en a traité. Il n’y a pas d’erreur.

 

Question 2 : Crédibilité

[25]      Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’existence d’une condamnation, voire d’un mandat, prononcée par un pays étranger peut suffire à remplir la condition des « raisons sérieuses de penser » (voir l’arrêt Qazi, précité, au paragraphe 18). Toutefois, lorsque, comme en l’espèce, le demandeur allègue qu’il a fait l’objet d’accusations et d’une condamnation à tort, la Commission doit aller plus loin et établir s’il convient ou non d’accepter son récit. Pour l’essentiel, la Commission doit décider si le demandeur est crédible (arrêt Qazi, précité, au paragraphe 19). Par conséquent, la conclusion de la Commission en matière de crédibilité revêt une importance cruciale pour sa décision. Si la Commission avait cru le récit du demandeur selon lequel il a été victime d’un coup monté, elle ne serait vraisemblablement pas venue à la conclusion qu’il existait des motifs raisonnables de penser que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun.

 

[26]      Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en jugeant non crédible son récit selon lequel il a été victime d’un coup monté et reconnu coupable à tort. Plus précisément, le demandeur fait valoir que toutes les conclusions de la Commission reposaient sur des invraisemblances, sur lesquelles la Cour devrait se pencher suivant un critère moins exigeant (Giron c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1992] A.C.F. no 481 (C.A.) (QL)). Plus particulièrement, le demandeur souligne les conclusions suivantes :

 

  • La Commission a jugé non crédible que le demandeur « ait ignoré l’existence de corruption à tous les niveaux ».

 

  • La Commission a conclu qu’il aurait pu tout simplement être réaffecté par son supérieur pour être écarté.

 

  • La Commission a tiré une conclusion défavorable de l’omission, dans son Formulaire de renseignements personnels, d’une altercation avec le propriétaire de la boîte dans son secteur de maintien de l’ordre.

 

[27]      La norme de contrôle applicable aux conclusions de la Commission en matière de crédibilité, dont les conclusions relatives à la vraisemblance, est celle de la décision manifestement déraisonnable Miranda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 437 (C.A.) (QL); Rahman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 1235 (C.A.) (QL)). Quant aux conclusions relatives à la vraisemblance qui sous-tendent les conclusions portant sur la crédibilité de la demande d’asile, la Cour d’appel fédérale a statué dans Aguebor c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.) (QL), au paragraphe 4, qu’à titre de tribunal spécialisé la Commission a « pleine compétence pour apprécier la plausibilité d’un témoignage » :

 

[...] Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d’un récit et de tirer les inférences qui s’imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d’attirer notre intervention, ses conclusions sont à l’abri du contrôle judiciaire [...]

                                                 

[28]      Par conséquent, dans la mesure où il existe des éléments de preuve à l’appui des conclusions de vraisemblance tirées par la Commission au sujet de la crédibilité ou de la vraisemblance – et même si j’interprétais différemment ces éléments de preuve ou si je tirais une conclusion différente – la décision de la Commission ne devrait pas être modifiée.

 

[29]      Il importe de revoir l’ensemble de la décision de la Commission et non seulement de brefs passages de celle-ci. En l’espèce, la Commission n’a tout simplement pas cru l’ensemble du récit du demandeur selon lequel ce dernier a été victime d’un coup monté. À l’audience, le demandeur a expliqué que l’organisation du coup monté a été planifiée à l’avance, qu’il a arrêté un véhicule de couleur bourgogne dont le phare avant ne fonctionnait pas, qu’il a vu le conducteur revenir quinze minutes plus tard, après avoir rempli des déclarations avec les autorités militaires, avec de la poudre fluorescente sur les mains, et qu’il a été reconnu coupable à tort de trois chefs d’accusation en Roumanie. La Commission a conclu que « [t]rop de choses risquaient de mal tourner […] pour que cette opération ait été planifiée ». Il s’agit d’une conclusion rationnelle justifiée par la logique.

 

[30]      Toutefois, la Commission ne s’en est pas remis uniquement à ce point de vue global de la prétention du demandeur. La Commission a plutôt décrit de nombreux passages du témoignage du demandeur qui étaient invraisemblables ou incohérents. Compte tenu du nombre et de l’effet cumulatif des nombreux problèmes présentés par le témoignage du demandeur, la conclusion globale d’un manque de crédibilité n’est pas déraisonnable.

 

[31]      En ce qui concerne chacune des erreurs alléguées par le demandeur, j’ai examiné les conclusions de la Commission et le dossier qui lui a été soumis, à la lumière de la norme de contrôle appropriée. J’estime que la preuve peut étayer chacune des conclusions de la Commission. Aucune conclusion ne peut être décrite comme une simple conjecture. Par exemple, la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur pouvait être muté n’était pas une supposition. Lorsqu’il a été interrogé au sujet de la possibilité d’une mutation, le demandeur ne l’a pas niée (CTR 469). Il n’était donc pas déraisonnable de conclure que, si le superviseur de la police avait souhaité éviter des problèmes avec le demandeur et le propriétaire de la boîte, il aurait pu muter le demandeur plutôt que d’organiser un coup monté soigneusement planifié. La Commission pouvait également tirer une conclusion défavorable de l’omission, dans le FRP, de l’altercation avec le propriétaire de la boîte de nuit. De même, la lecture du témoignage du demandeur révèle que l’on pourrait interpréter ses propos comme s’il avait nié connaître l’existence de la corruption en Roumanie; la Commission agissait de façon raisonnable en s’en remettant au témoignage du demandeur.

 

[32]      Dans un domaine donné, la Commission a tiré une conclusion difficilement conciliable avec la preuve qui lui a été soumise. Le demandeur fait valoir que la Commission a conclu à tort que le « montant du pot-de-vin était trop petit » et n’a pas tenu compte de l’importance relative du prétendu pot-de-vin. Je conviens avec le demandeur que la Commission n’a pas tenu compte du fait que l’amende imposée pour un phare défectueux était inférieure au pot-de-vin pour lequel le demandeur a été condamné. De fait, le juge Mactavish, dans un contrôle judiciaire dans le même dossier (Vlad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CF 260), a mentionné qu’il était invraisemblable que quelqu’un verse un pot-de-vin de 5 $ pour se soustraire au versement d’une amende de 75 cents. Toutefois, compte tenu des autres conclusions tirées par la Commission, je ne conclus pas que la conclusion générale sur la crédibilité reposait uniquement sur ce facteur, et j’estime que la décision prise n’était pas manifestement déraisonnable.

 

[33]      Bref, il n’y a pas d’erreur susceptible de révision; la Commission pouvait conclure à l’absence de crédibilité.

 

Conclusion

[34]      La Commission était saisie de la question de savoir s’il existe des motifs sérieux de considérer que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun en Roumanie et était par conséquent exclu de la protection de la LIPR en vertu de l’alinéa 1(F)b) de la Convention. L’infraction équivalente au Canada – prévue à l’article 120 du Code criminel – comporte une peine maximale de plus de 10 ans d’emprisonnement, ce qui respecte le critère qui s’applique à un crime grave de droit commun. La preuve, soumise à la Commission, de la condamnation et des circonstances qui entourent celle-ci, doublée de la conclusion de la Commission selon laquelle la prétention du demandeur voulant qu’il ait été victime d’un coup monté manquait de crédibilité, suffit à étayer les conclusions de la Commission. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[35]      Ni l’une ni l’autre partie n’a proposé que soit certifiée une question. Aucune question de portée générale n’est soulevée en l’espèce et, en conséquence, aucune question ne sera certifiée.


ORDONNANCE

 

LA Cour ordONNe :

 

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

  1. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.


 

ANNEXE « A »

 

des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance en date du 15 février 2007

dans l’affaire

 

ANGHEL VLAD

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 IMM-1800-06

 

 

Code criminel ( L.R., 1985, ch. C-46 )

 

 

Criminal Code ( R.S., 1985, c. C-46 )

 

120. Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, selon le cas :

 

 

120. Every one who

 

a) étant juge de paix, commissaire de police, agent de la paix, fonctionnaire public ou fonctionnaire d’un tribunal pour enfants, ou étant employé à l’administration du droit criminel, par corruption :

 

 

(a) being a justice, police commissioner, peace officer, public officer or officer of a juvenile court, or being employed in the administration of criminal law, corruptly

 

(i) soit accepte ou obtient,

 

 

(i) accepts or obtains,

 

(ii) soit convient d’accepter,

 

 

(ii) agrees to accept, or

 

(iii) soit tente d’obtenir,

 

 

(iii) attempts to obtain,

 

pour lui-même ou pour une autre personne, de l’argent, une contrepartie valable, une charge, une place ou un emploi, avec l’intention :

 

 

for himself or any other person any money, valuable consideration, office, place or employment with intent

 

(iv) soit d’entraver l’administration de la justice,

 

 

(iv) to interfere with the administration of justice,

 

(v) soit de provoquer ou faciliter la perpétration d’une infraction,

 

 

(v) to procure or facilitate the commission of an offence, or

 

(vi) soit d’empêcher la découverte ou le châtiment d’une personne qui a commis ou se propose de commettre une infraction;

 

(vi) to protect from detection or punishment a person who has committed or who intends to commit an offence, or

[…]

 

 

[…]

 

Code de justice criminelle de la Roumanie

 

[traduction]

Acceptation d’un pot-de-vin

 

***   Art. 254  –  Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement de trois à douze ans et de se faire interdire certains droits quiconque, étant représentant, tente directement ou indirectement d’obtenir ou accepte de l’argent ou autre contrepartie valable qui ne lui est pas due, ou accepte ou ne refuse pas la promesse d’une telle contrepartie, aux fins de faire ou de s’abstenir de faire ou de retarder un geste lié à ses fonctions officielles ou aux fins de poser un geste qui va à l’encontre de ses fonctions officielles.

 

     Si l’infraction précisée au paragraphe 1 est commise par un représentant ayant des fonctions de supervision, l’infraction est passible d’une peine d’emprisonnement de trois à quinze ans et d’une interdiction de certains droits.

 

     L’argent, la contrepartie valable ou tout autre bien qui constitue le pot-de-vin doit être confisqué; s’il ne peut être retrouvé, le contrevenant verse un montant équivalent en espèces.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-1800-06

 

INTITULÉ :                                                  ANGHEL VLAD

                                                                       c.

                                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          LE 1ER FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                 LE 15 FÉVRIER 2007 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Melissa Melvin                                                PoUr Le DEMANDEUR

 

 

Lorne McClenaghan                                        PoUr Le DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Green and Spiegel, LLP                                   POUR LE DEMANDEUR

Avocats et procureurs

Toronto (Ontario)

 

 

John H. Sims, c.r.                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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