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Date : 20070212

Dossier : IMM-2930-06

Référence : 2007 CF 158

Ottawa (Ontario), le 12 février 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

 

ENTRE :

MOSTAFA EJTEHADIAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur, M. Ejtehadian, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision, rendue le 20 avril 2006, par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a rejeté sa demande d’asile à titre de réfugié au sens de la Convention et en qualité de personne à protéger.

 

 

[2]               Le demandeur est né le 14 août 1962 à Téhéran, en Iran, et est citoyen de ce pays. Il compte 13 années d’études et a travaillé comme éditeur et traducteur. Jusqu’en 2004, le demandeur était musulman chiite.

 

[3]               En 1978, le demandeur est venu aux États-Unis pour rendre visite à ses frères qui étudiaient en Utah. Il y est resté jusqu’en 1981, séjour au cours duquel il a rencontré des membres de l’Église mormone. Par la suite, le demandeur est retourné en Iran et a fait son service militaire.

 

[4]               En août 2004, lors d’un séjour à Vancouver grâce à un visa de visiteur, le demandeur a rencontré des membres de l’Église mormone qui ont ravivé son intérêt à l’égard de cette confession. Le demandeur avait perdu ses illusions concernant le chiisme musulman et la façon dont il est pratiqué en Iran. Il avait discuté de la possibilité de se convertir au christianisme avec son épouse, et elle lui avait donné son accord. Ainsi, le demandeur s’est fait baptiser et est plus tard devenu prêtre au sein de l’Église mormone.

 

[5]               Lorsqu'il a pris connaissance de la conversion du demandeur, le beau-père de ce dernier lui a demandé de quitter l’Église mormone ou de divorcer de sa fille.

 

[6]               Le demandeur allègue que s’il retournait en Iran, il serait dangereux pour lui de faire du prosélytisme ou même de pratiquer sa religion, car il risquerait de violer les lois contre l’apostasie, ce qui lui vaudrait d’être emprisonné ou de subir la peine de mort.

 

[7]               Le demandeur a déposé sa demande d’asile le 2 septembre 2004 et l’audience a eu lieu le 14 février 2006, à Halifax.

 

[8]               La CISR a reconnu que la demande d’asile du demandeur en était une présentée sur place. La CISR a conclu que le demandeur d’asile n’avait pas fourni « d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi »; il n’avait pas qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni de « personne à protéger » du fait qu’il serait exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumis à la torture.

 

[9]               La CISR a conclu que le demandeur était un musulman non pratiquant lorsqu’il a quitté l’Iran. La CISR a aussi conclu que ce n’est qu’en raison de ses contacts avec les mormons et du fait qu’il s’est converti et qu’il est devenu membre et prêtre de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, qu’il prétend maintenant qu’il risquerait la persécution ou des préjudices graves en raison des lois sur l’apostasie s’il retournait en Iran. La CISR admet que l’apostasie et le prosélytisme des chrétiens auprès des musulmans en Iran pourrait entraîner la mort du demandeur.

 

[10]           La CISR a exposé son interprétation quant à la façon dont elle doit examiner une demande d’asile présentée sur place. À la page 4 de ses motifs, la CISR a écrit :

 

Comme il s’agit d’une demande d’asile sur place, le tribunal doit examiner les motifs du demandeur relativement à sa décision de se convertir. Il ne fait aucun doute que le demandeur d’asile est devenu membre de l’Église mormone depuis son arrivée au Canada. Sa conversion était-elle authentique, comme le prétend le demandeur d’asile, ou s’agissait-il tout simplement d’un moyen pour demeurer au Canada et demander l’asile?

 

 

[11]           La formulation du critère par la CISR en ce qui a trait à une demande d’asile sur place est incorrecte. Dans le cadre d’une demande d’asile sur place, la preuve crédible des activités d’un demandeur au Canada susceptibles d’attester le risque d’un préjudice dès son retour doit être expressément prise en considération par la CISR, même si la motivation derrière ces activités n’est pas sincère : Mbokoso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1806 (QL). La décision défavorable de la CISR est fondée sur la conclusion que la conversion du demandeur n’est pas authentique et est « seulement une solution pour demeurer au Canada et demander l’asile ». La CISR a reconnu que le demandeur s’est converti et qu’il a même été ordonné prêtre de la confession mormone.  La CISR a aussi accepté la preuve documentaire voulant que les apostats sont persécutés en Iran. En évaluant les risques auxquels le demandeur pourrait faire face à son retour, dans le cadre d’une demande d’asile sur place, il est nécessaire de tenir compte de la preuve crédible de ses activités au Canada, indépendamment des motifs derrière sa conversion. Même si les motifs de conversion du demandeur ne sont pas authentiques, tel que l’a conclu la CISR en l’espèce, l’imputation possible d’apostasie à l’égard du demandeur par les autorités iraniennes peut néanmoins être suffisante pour qu’il réponde aux exigences de la définition de la Convention. Voir : Ghasemian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1266, aux paragraphes 21 à 23, et Ngongo c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C. F. no 1627 (C.F.) (QL).

 

[12]           L’application du mauvais critère juridique constitue une erreur de droit donnant matière à révision selon la norme de la décision correcte. En formulant le critère de façon incorrecte et en procédant à l’examen de la demande sur place du demandeur comme elle l’a fait, la CISR a commis une erreur susceptible de révision.  

 

[13]           Pour les motifs ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision de la CISR sera annulée et l'affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la CISR pour nouvel examen.

 

[14]           Les parties ont eu la possibilité de soulever une question grave de portée générale, comme le prévoit l'alinéa 74d) de la Loi, mais elles ne l'ont pas fait. Je suis convaincu que l'affaire ne soulève aucune question grave de portée générale. Je ne propose donc pas de certifier une question.

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

2.         L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une décision conforme aux présents motifs.

 

3.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-2930-06

 

INTITULÉ :                                                                           MOSTAFA EJTEHADIAN c.

                                                                                                MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     HALIFAX

                                                                                                (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 10 JANVIER 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                           LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 12 FÉVRIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lori Hill                                                                                    POUR LE DEMANDEUR

902-422-6736

 

Melissa Cameron                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

902-426-7916

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lori Hill                                                                                    POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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