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Date : 20070129

Dossier : T-200-06

Référence : 2007 CF 99

Montréal (Québec), le 29 janvier 2007

En présence de Monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

LISE VINET-PROULX

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le Procureur général du Canada demande à la Cour d’annuler la décision en date du 9 novembre 2005 du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (ci-après le « Tribunal de révision ») déclarant que Mme Vinet-Proulx a droit aux prestations de la sécurité de la vieillesse à partir de juillet 2002.

 

[2]               Selon la preuve au dossier de la Cour, Mme Vinet-Proulx a atteint l’âge de 65 ans le 10 juin 2002. Celle-ci fait d’abord une première demande de pension de la sécurité de la vieillesse en février ou mars 2001 au moyen d’une lettre ordinaire. Elle est avisée à l’époque par le ministère du Développement des Ressources humaines (ci-après « le ministère ») que sa demande de pension est prématurée puisqu’elle n’a pas encore 65 ans. En décembre 2001, elle reçoit la documentation nécessaire pour demander sa pension de la sécurité de la vieillesse, documentation qu’elle remet à l’époque à son comptable qui promet de s’en occuper, mais ne fait rien. Mme Vinet-Proulx change de comptable. En mars ou avril 2003, à l’occasion de la préparation des déclarations d’impôt de Mme Vinet-Proulx pour l’année 2002, son nouveau comptable s’aperçoit que sa cliente ne reçoit pas de prestations de la sécurité de la vieillesse. Il fait un appel téléphonique au ministère en présence de Mme Vinet-Proulx afin de s’informer des raisons pour lesquelles celle-ci n’a pas reçu de prestations. Un préposé l’informe alors que le ministère n’a pas reçu de demande. Il prépare donc une demande de prestations que Mme Vinet-Proulx s’est empressée de poster au ministère en mars ou avril 2003. Cependant, ni son comptable, ni Mme Vinet-Proulx n’ont gardé une copie de la demande, ni de preuve de son envoi. En avril 2004, Mme Vinet-Proulx revoit son comptable pour ses impôts de l’année 2003. Celui-ci se rend compte que sa cliente ne reçoit toujours pas de prestations de la sécurité de la vieillesse. Mme Vinet-Proulx remplit un autre formulaire de demande de prestations et, cette fois, sur le conseil de son comptable, l’envoie au ministère par courrier recommandé le 13 avril 2004. Le ministère reçoit sa nouvelle demande le lendemain. Le 8 juin 2004, Mme Vinet-Proulx est avisée que le ministre a approuvé sa demande pour une pension de la sécurité de la vieillesse et qu’elle recevra rétroactivement une pension à partir du mois de mai 2003 (la décision initiale du ministre).

 

[3]               Dans une lettre datée du 28 juillet 2004, Mme Vinet-Proulx demande une reconsidération de la décision initiale du ministre affirmant avoir envoyé au ministère une demande de prestations au mois de mars ou avril 2003. À l’appui de sa demande de réexamen, cette dernière présente une lettre de son comptable qui affirme qu’une première demande a été complétée et expédiée au ministère en mars 2003. Des recherches sont apparemment effectuées aux archives du ministère en juin et août 2004. Ces recherches démontrent qu’il n’y a qu’une seule demande de pension au dossier de Mme Vinet‑Proulx. Il s’agit de la demande signée le 13 avril 2004 et reçue le 14 avril 2004. Aucune autre entrée informatique n’est alors retracée dans les systèmes du ministère concernant une demande reçue antérieurement à avril 2004. Par lettre datée du 15 décembre 2004, Mme Vinet‑Proulx est informée que la décision originale du ministre est confirmée (la décision révisée du ministre). Le même jour, Mme Vinet-Proulx fait appel de la décision révisée du ministre devant le Tribunal de révision.

 

[4]               Le 9 novembre 2005, le Tribunal de révision entend son appel et décide de l’accueillir. Tout d’abord, le Tribunal de révision considère que les témoignages de Mme Vinet-Proulx et son comptable sont crédibles et conclut que ces derniers ont complété et posté par courrier ordinaire une demande de prestations de la sécurité de la vieillesse en mars ou avril 2003. En outre, le Tribunal de révision détermine que Mme Vinet-Proulx a fait ce qu’elle avait à faire pour produire sa demande de prestations. Ainsi, une lettre mise à la poste doit être considérée comme reçue par son destinataire. Le Tribunal de révision conclut donc que Mme Vinet-Proulx remplit toutes les conditions d’admissibilité pour recevoir une pension de la sécurité de la vieillesse et, de ce fait, a droit aux prestations depuis juillet 2002, et non à partir du mois de mai 2003, comme en a décidé antérieurement le ministre.

 

[5]               Il s’agit maintenant de déterminer si le Tribunal de révision a outrepassé sa compétence ou a autrement erré en droit en déclarant que Mme Vinet-Proulx a droit à une pension de la sécurité de la vieillesse depuis juillet 2002, soit un mois après son 65e anniversaire. D’une part, il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable à un excès de compétence ou à une erreur de droit commise par un tribunal de révision est la norme de la décision correcte (Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines) c. Dublin (Succession de), 2006 CF 152, [2006] A.C.F. no 258 (QL), au paragraphe 6 et jurisprudence citée dans cette dernière décision). D’autre part, si l’erreur reprochée par la partie demanderesse porte sur une question de fait qui est du ressort du Tribunal de révision, c’est la norme de la décision manifestement déraisonnable qui s’applique.

 

[6]               En l’espèce, le Procureur général du Canada soumet que le Tribunal de révision a outrepassé sa compétence en effectuant une analyse de la preuve que seul le ministre peut faire dans un cas d’avis erroné ou d’erreur administrative et en octroyant à Mme Vinet-Proulx une pension à partir du mois de juillet 2002. Le Procureur général du Canada soumet également que le Tribunal de révision a autrement erré en droit en décidant qu’une lettre mise à la poste doit être considérée comme reçue par son destinataire et en concluant que le ministère a reçu la demande de prestations de Mme Vinet-Proulx, en mars ou avril 2003, donc dans l’année suivant son 65ème anniversaire de naissance, ce qui lui donne donc le droit de recevoir une pension à partir du mois de juillet 2002.

 

[7]               Mme Vinet-Proulx se représente elle-même. À l’audience devant la Cour, elle était accompagnée de son comptable qui la conseillait. En somme, elle soumet que la décision contestée repose sur la preuve et qu’elle est bien fondée pour les motifs déjà fournis par le Tribunal de révision qui a décidé de retenir son témoignage et celui de son comptable.

 

[8]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. Ma conclusion repose uniquement sur l’absence de compétence du Tribunal de révision pour rendre l’ordonnance contestée en l’espèce. Ceci étant dit, je m’empresse de préciser que la question de savoir à quelle date une demande de prestations a été envoyée par un demandeur et celle de savoir à quelle date la demande en question a été reçue par le ministère sont des questions de fait du ressort du Tribunal de révision. Celui-ci peut trancher la question à partir des témoignages entendus et des documents déposés, voire à partir de présomptions, et ce, selon la prépondérance des probabilités. Toutefois, le nœud du litige repose sur la décision initiale et la décision révisée du ministre qui ont été rendues en fonction de la demande de prestations reçue par le ministère le 14 avril 2004 et non en vertu d’une autre demande de prestations de la demanderesse qui n’a pas été retrouvée, en supposant qu’elle existe, par le ministère.

 

[9]               Les articles 8 et 27.1, le paragraphe 28 (1) et l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9 (ci-après « Loi ») sont pertinents en l’espèce. Ces dernières dispositions se lisent comme suit :

8. (1) Le premier versement de la pension se fait au cours du mois qui suit l’agrément de la demande présentée à cette fin; si celle-ci est agréée après le dernier jour du mois de sa réception, l’effet de l’agrément peut être rétroactif au jour — non antérieur à celui de la réception de la demande — fixé par règlement.

 

 

(2) Toutefois, si le demandeur a déjà atteint l’âge de soixante-cinq ans au moment de la réception de la demande, l’effet de l’agrément peut être rétroactif à la date fixée par règlement, celle-ci ne pouvant être antérieure au soixante-cinquième anniversaire de naissance ni précéder de plus d’un an le jour de réception de la demande.

 

 

 

 

 

 

 

27.1 (1) La personne qui se croit lésée par une décision de refus ou de liquidation de la prestation prise en application de la présente loi peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de la décision, selon les modalités réglementaires, ou dans le délai plus long que le ministre peut accorder avant ou après l’expiration du délai de quatre-vingt-dix jours, demander au ministre, selon les modalités réglementaires, de réviser sa décision.

 

 

 

 

(2) Le ministre étudie les demandes dès leur réception; il peut confirmer ou modifier sa décision soit en agréant le versement de la prestation ou en la liquidant, soit en décidant qu’il n’y a pas lieu de verser la prestation. Sans délai, il notifie sa décision et ses motifs.

 

 

 

 

 

 

28.(1) L’auteur de la demande prévue au paragraphe 27.1(1) qui se croit lésé par la décision révisée du ministre — ou, sous réserve des règlements, quiconque pour son compte — peut appeler de la décision devant un tribunal de révision constitué en application du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada.

(…)

 

32. S’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser tout ou partie d’une prestation à laquelle elle avait droit par suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative survenus dans le cadre de la présente loi, le ministre prend les mesures qu’il juge de nature à replacer l’intéressé dans la situation où il serait s’il n’y avait pas eu faute de l’administration.

 

8. (1) Payment of pension to any person shall commence in the first month after the application therefore has been approved, but where an application is approved after the last day of the month in which it was received, the approval may be effective as of such earlier date, not prior to the day on which the application was received, as may be prescribed by regulation.

(2) Notwithstanding subsection (1), where a person who has applied to receive a pension attained the age of sixty-five years before the day on which the application was received, the approval of the application may be effective as of such earlier day, not before the later of

(a) a day one year before the day on which the application was received, and

(b) the day on which the applicant attained the age of sixty-five years,

as may be prescribed by regulation.

 

27.1 (1) A person who is dissatisfied with a decision or determination made under this Act that no benefit may be paid to that person, or respecting the amount of any benefit that may be paid to that person, may, within ninety days after the day on which the person is notified in the prescribed manner of the decision or determination, or within such longer period as the Minister may either before or after the expiration of those ninety days allow, make a request to the Minister in the prescribed form and manner for a reconsideration of that decision or determination.

(2) The Minister shall, without delay after receiving a request referred to in subsection (1), reconsider the decision or determination, as the case may be, and may confirm or vary it and may approve payment of a benefit, determine the amount of a benefit or determine that no benefit is payable and shall without delay notify the person who made the request in writing of the Minister’s decision and of the reasons for the decision.

 

28.(1) A person who makes a request under subsection 27.1(1) and who is dissatisfied with the decision of the Minister in respect of the request, or, subject to the regulations, any person on their behalf, may appeal the decision to a Review Tribunal under subsection 82(1) of the Canada Pension Plan.

(…)

 

32. Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied a benefit, or a portion of a benefit, to which that person would have been entitled under this Act, the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made

                                                                                                                       

[10]           D’autre part, les articles 3 et 5 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, C.R.C., ch. 1246  (ci-après « Règlement ») doivent également être considérés.  Ces dispositions se lisent comme suit :

3. (1) Si le ministre l’exige, la demande de prestation doit être présentée sur une formule de demande.

 

(2) Sous réserve des paragraphes 5 (2) et 11(3) de la Loi, une demande n’est réputée présentée que si une formule de demande remplie par le demandeur ou en son nom est reçue par le ministre.

 

 

5. (2) Lorsque le ministre est convaincu que le demandeur visé au paragraphe (1) a atteint l’âge de 65 ans avant la date de réception de sa demande, l’agrément de celle-ci prend effet à celle des dates suivantes qui est postérieure aux autres :

 

 

 

a) la date qui précède d’un an celle de la réception de la demande;

 

 

b) la date à laquelle le demandeur a atteint l’âge de 65 ans;

 

 

c) la date à laquelle le demandeur est devenu admissible à une pension selon les articles 3 à 5 de la Loi;

 

 

d) le mois précédant la date indiquée par écrit au demandeur.

 

3. (1) Where required by the Minister, an application for a benefit shall be made on an application form.

 (2) Subject to subsections 5(2) and 11(3) of the Act, an application is deemed to have been made only when an application form completed by or on behalf of an applicant is received by the Minister.

5. (2) Where the Minister is satisfied that an applicant mentioned in subsection (1) attained the age of 65 years before the day on which the application was received, the Minister’s approval of the application shall be effective as of the latest of

(a) the day that is one year before the day on which the application was received,

(b) the day on which the applicant attained the age of 65 years;

(c) the day on which the applicant became qualified for a pension in accordance with sections 3 to 5 of the Act; and

(d) the month immediately before the date specified in writing by the applicant.

 

[11]           Enfin, les paragraphes 82(1) et (11) ainsi que le paragraphe 84 (1) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (ci-après « RPC ») sont également pertinents :

82.(1) La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 81 ou du paragraphe 84(2) ou celle qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, peut interjeter appel par écrit auprès d’un tribunal de révision de la décision du ministre soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la première personne est, de la manière prescrite, avisée de cette décision, ou, selon le cas, suivant le jour où le ministre notifie à la deuxième personne sa décision et ses motifs, soit dans le délai plus long autorisé par le commissaire des tribunaux de révision avant ou après l’expiration des quatre-vingt-dix jours.

(…)

(11) Un tribunal de révision peut confirmer ou modifier une décision du ministre prise en vertu de l’article 81 ou du paragraphe 84(2) ou en vertu du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et il peut, à cet égard, prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre en application de ces dispositions; le commissaire des tribunaux de révision doit aussitôt donner un avis écrit de la décision du tribunal et des motifs la justifiant au ministre ainsi qu’aux parties à l’appel.

 

 

84. (1) Un tribunal de révision et la Commission d’appel des pensions ont autorité pour décider des questions de droit ou de fait concernant :

a) la question de savoir si une prestation est payable à une personne;

b) le montant de cette prestation;

 

c) la question de savoir si une personne est admissible à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension;

d) le montant de ce partage;

e) la question de savoir si une personne est admissible à bénéficier de la cession de la pension de retraite d’un cotisant;

f) le montant de cette cession.

 

82. (1) A party who is dissatisfied with a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2), or a person who is dissatisfied with a decision of the Minister made under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act, or, subject to the regulations, any person on their behalf, may appeal the decision to a Review Tribunal in writing within 90 days, or any longer period that the Commissioner of Review Tribunals may, either before or after the expiration of those 90 days, allow, after the day on which the party was notified in the prescribed manner of the decision or the person was notified in writing of the Minister’s decision and of the reasons for it.

 

(…)

(11) A Review Tribunal may confirm or vary a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2) or under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act and may take any action in relation to any of those decisions that might have been taken by the Minister under that section or either of those subsections, and the Commissioner of Review Tribunals shall thereupon notify the Minister and the other parties to the appeal of the Review Tribunal’s decision and of the reasons for its decision.

 

84.(1) A Review Tribunal and the Pension Appeals Board have authority to determine any question of law or fact as to

(a) whether any benefit is payable to a person,

(b) the amount of any such benefit,

(c) whether any person is eligible for a division of unadjusted pensionable earnings,

(d) the amount of that division,

(e) whether any person is eligible for an assignment of a contributor’s retirement pension, or

(f) the amount of that assignment,

La décision du tribunal de révision, sauf disposition contraire de la présente loi, ou celle de la Commission d’appel des pensions, sauf contrôle judiciaire dont elle peut faire l’objet aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, est définitive et obligatoire pour l’application de la présente loi.

(Je souligne.)

and the decision of a Review Tribunal, except as provided in this Act, or the decision of the Pension Appeals Board, except for judicial review under the Federal Courts Act, as the case may be, is final and binding for all purposes of this Act.

(Emphasis added.)

 

 

[12]           Comme on peut le constater, le Tribunal de révision est un tribunal statutaire dont la compétence et les pouvoirs sont délimités notamment par le paragraphe 27.1 (1) et l'article 28 de la Loi, ainsi que par les articles 82 et 84 du RPC. Ainsi, le Tribunal de révision n’a pas de compétence en equity et ne peut, par exemple, ordonner au ministre d’effectuer un versement à titre gracieux (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines c. Dublin (Succession de), supra). D’autre part, il a déjà été décidé que le tribunal de révision n'a pas compétence pour réformer une décision du ministre prise en vertu de l'article 32 de la Loi; c’est la Cour fédérale qui est l’instance compétente en pareil cas (Pincombe c. Canada (Procureur général), [1995] A.C.F. no 1320 (C.A.F.) (QL); Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Tucker, 2003 CAF 278; CAF 278, [2003] A.C.F. no 998 (QL); Kissoon c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), 2004 CAF 384, [2004] A.C.F. no 1949 (QL); Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Mitchell, 2004 CF 437, [2004] A.C.F. no 578 (C.F.) (QL)).

[13]           La décision révisée du ministre a été rendue en application du paragraphe 27.1 (2) de la Loi. Aussi, le Tribunal de révision avait d’emblée compétence en vertu du paragraphe 28(1) de la Loi pour entendre l’appel portée par Mme Vinet-Proulx à l’encontre de la décision révisée (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines c. Dublin (Succession de), supra). En pareil cas, en vertu du paragraphe 82(11) du RPC, le Tribunal de révision a compétence pour confirmer ou modifier la décision révisée du ministre, et il peut, à cet égard, prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre en application du paragraphe 27.1 (2) de la Loi. Or, en vertu du paragraphe 27.1 (2) de la Loi, le ministre peut prendre la mesure suivante : il peut confirmer ou modifier sa décision antérieure soit en agréant le versement de la prestation ou en la liquidant, soit en décidant qu’il n’y a pas lieu de verser la prestation. Rappelons à cet égard que dans la Loi, le terme « prestation » est défini par « pension, supplément ou allocation », qui sont des paiements autorisés en vertu des parties I, II et III respectivement.

[14]           Il s’agit donc de se demander si à l’occasion d’une demande de reconsidération de la décision initiale du ministre, le ministre était autorisé en application du paragraphe 27.1 (2) de la Loi, suite à l’approbation de la demande de prestations reçue le 14 avril 2004, à autoriser le versement rétroactif d’une pension pour une période qui soit antérieure à mai 2003. En l’espèce, le paragraphe 8(2) de la Loi et le paragraphe 5(2) du Règlement sont clairs et ne confèrent aucune discrétion au ministre : l’effet de l’agrément de la demande de prestations ne peut précéder de plus d’un an le jour de réception de la demande en question. Or, en vertu du paragraphe 3(2) du Règlement, la demande de prestations ayant donné lieu à la décision initiale du ministre, a été reçue par le ministère le 14 avril 2004 et a été « réputée présentée » par Mme Vinet-Proulx à cette dernière date. Par conséquent, je conclus que le Tribunal de révision n’avait pas compétence pour octroyer une pension rétroactive à partir du mois de juillet 2002, ce qui est contraire aux prescriptions des dispositions législatives et réglementaires en vertu desquelles la décision initiale et la décision révisée du ministre sont fondées.

[15]           La représentante du Procureur général du Canada a reconnu à l’audience devant cette Cour que l’appel de Mme Vinet-Proulx était voué à l’échec dès le départ, alors que la question d’absence de compétence du Tribunal de révision pour accorder une pension antérieure à mai 2003 n’a pas été formellement soulevée par la représentante du ministère qui a comparu devant le Tribunal de révision. Ceci étant dit, l’article 32 de la Loi permet au ministre de prendre les mesures qu’il juge de nature à replacer l’intéressé dans la situation où il serait, s’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser tout ou partie d’une prestation à laquelle elle avait droit par suite d’une erreur administrative survenue dans le cadre de la Loi, ce qui, bien entendu, inclut la possibilité de verser une pension rétroactive dans le cas où il est plus probable qu’une demande antérieure de prestations ait été envoyée par un demandeur et reçue par le ministre à une certaine date, mais qu’elle ait été par la suite égarée à la suite d’une erreur administrative du ministère.

[16]           Pour ces motifs, je n’ai d’autre choix que d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire qui m’apparaît bien fondée. La décision du Tribunal de révision doit être annulée et la décision révisée du ministre doit être rétablie. D’autre part, il s’agit d’un cas où il y a lieu de ne pas accorder de frais.

 

[17]           En terminant, je note que si la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie par la Cour, ce qui est le cas en l’espèce, la représentante du Procureur général du Canada s’est engagée à ce que toute demande de Mme Vinet-Proulx présentée en vertu de l’article 32 de la Loi, soit traitée promptement par le ministère. À l’occasion d’une nouvelle demande de contrôle judiciaire, cette Cour pourra éventuellement se prononcer sur le caractère raisonnable ou déraisonnable de la décision qui pourra être ultérieurement prise par le ministre en vertu de l’article 32 de la Loi, si jamais la décision rendue en l’espèce par le ministre est négative.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision du Tribunal de révision est annulée et la décision révisée du ministre est rétablie. Le tout sans frais.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-200-06

 

INTITULÉ :                                       Procureur général du Canada c. Lise Vinet-Proulx

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 janvier 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Sandra Gruescu

 

POUR LE DEMANDEUR

Mme Lise Vinet-Proulx

LaSalle (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(elle-même)

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

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