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Date : 20070202

Dossier : IMM-1421-06

Référence : 2007 CF 117

Ottawa (Ontario), le 2 février 2007

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

LUIZ GONCALVES ROSA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire fait suite à une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 3 février 2006. Le demandeur, Luiz Rosa, conteste cette décision qui maintenait le refus, prononcé auparavant par un agent des visas, d’accorder le statut de résidente permanente à son épouse, Delma Rodrigues de Oliveira. Le refus initial du statut à Mme de Oliveira s’appuyait sur la conclusion selon laquelle le mariage entre M. Rosa et Mme de Oliveira n’était pas un mariage authentique. 

 


Contexte

[2]               Le dossier soumis à la Commission révèle l’existence d’une trame factuelle très enchevêtrée qui comprend de longs récits d’immigration exposés en termes peu élogieux tant pour M. Rosa que pour Mme de Oliveira. Une grande partie de la preuve portant sur la question primordiale de la légitimité du mariage du demandeur avec Mme de Oliveira est contradictoire ou fait l’objet de désaccords importants. Ci-après se trouve un résumé de cette partie du contexte de la présente instance qui semble essentiellement non contestée par les parties. 

 

[3]               M. Rosa est arrivé du Brésil au Canada à titre de visiteur en 1996. À l’expiration de son visa de visiteur, il est resté au Canada et y a travaillé sans posséder de statut juridique. Il a ensuite été en mesure de régulariser son statut au Canada en contractant un mariage qui n’a pas duré longtemps. Ce mariage lui a permis d’obtenir le statut de personne ayant le droit d’établissement à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Il est devenu résident permanent en août 2000. 

 

[4]               M. Rosa soutenait que son premier mariage au Canada était un mariage authentique, mais il a reconnu qu’il a pris fin dans les huit mois environ après l’obtention de son statut de résident permanent. Le dossier indique que sa femme avait plusieurs années de plus que lui. Apparemment, sa femme parlait peu le portugais, si tant est qu’elle le parlait, et la capacité du demandeur de s’exprimer en anglais était très limitée, ce qui, il va sans dire, posait des problèmes de communication considérables. Lorsque la Commission lui a demandé la date d’anniversaire de sa femme, M. Rosa a été incapable de la donner.

 

[5]               Mme de Oliveira montre également un dossier d’immigration en dents de scie au Canada. Avant de rencontrer M. Rosa, elle avait échoué plusieurs fois dans ses tentatives d’obtenir son statut au Canada. Deux fois, elle a présenté des documents falsifiés ou frauduleux pour tenter d’être admise ici. 

 

[6]               Peu après la fin de son premier mariage au Canada, M. Rosa a été présenté à Mme de Oliveira par l’entremise du frère de cette dernière. À ce moment-là, Mme de Oliveira vivait au Brésil. M. Rosa et Mme de Oliveira ont commencé à communiquer par téléphone au cours de l’été 2001. Peu après, M. Rosa s’est rendu au Brésil pour visiter ses parents et pour rencontrer Mme de Oliveira. Il a passé environ deux semaines avec Mme de Oliveira au Brésil avant de rentrer au Canada. À peu près un an plus tard, vers la fin de septembre 2002, M. Rosa a soutenu avoir subi une certaine forme de transformation spirituelle et il a téléphoné à Mme de Oliveira pour la demander en mariage. Elle a accepté et ils se sont de nouveau rencontrés au Brésil au début de 2003. Ils s’y sont mariés au début de février 2003. M. Rosa a ensuite présenté une demande visant à parrainer Mme de Oliveira comme épouse et comme membre de la catégorie du regroupement familial. 

 

[7]               Quand Mme de Oliveira s’est présentée à une entrevue pour l’obtention d’un visa à Sao Paulo le 13 janvier 2004, M. Rosa l’a accompagnée. Il semble qu’à cette occasion seule Mme de Oliveira a été interviewée, mais que les deux l’ont été subséquemment en personne et par téléphone. 

 

[8]               Au cours d’une entrevue avec l’agent des visas, M. Rosa a reconnu avoir eu une aventure avec la sœur de Mme de Oliveira, Sonia Quintela, environ deux mois avant sa demande en mariage. Malgré cette aventure et malgré le fait que Mme de Oliveira a reconnu être au courant, Mme Quintela s’est rendue au Brésil pour assister au mariage et pour agir comme dame d’honneur. 

 

[9]               La question de savoir si ce mariage avait été organisé à des fins d’immigration semble d’abord avoir été soulevée par des responsables canadiens de l’immigration à Sao Paulo lorsqu’ils ont reçu la défense déposée en Cour supérieure de l’Ontario par Mme Quintela le 14 octobre 2003. Ce document a été déposé en réponse à une demande de dommages-intérêts déposée par M. Rosa contre Mme Quintela. En défense, Mme Quintela faisait valoir, entre autres allégations, que M. Rosa avait accepter d’épouser et de parrainer Mme de Oliveira pour qu’elle obtienne son droit d’établissement au Canada moyennant le versement de 10 000 $ U.S. 

 

[10]           Les différentes entrevues d’immigration menées à Sao Paulo avec M. Rosa et Mme de Oliveira sont consignées sommairement dans des notes sur ordinateur qui font partie du dossier en l’instance (notes versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI)). Les allégations formulées par Mme Quintela figurent en bonne place dans ces entrevues. Ces notes attribuent les aveux suivants à M. Rosa au cours de l’une des entrevues réalisées avec lui :

Voici la version des faits du répondant : Sonia craignait que son mari finisse par avoir vent de son aventure avec le répondant. Elle a suggéré au répondant d’épouser sa sœur (l’intéressée) pour qu’il soit clair aux yeux du mari de Sonia qu’il n’y avait pas de relation entre elle-même et le répondant, et en même temps Sonia pouvait aider sa sœur à revenir au Canada. Une fois celle-ci établie au Canada, le répondant pourrait divorcer et poursuivre sa relation avec Sonia. Le répondant a indiqué qu’il était d’accord avec cette stratégie, mais il ne s’attendait pas que, après avoir rencontré l’intéressée en personne, il en deviendrait vraiment amoureux. [traduction]Sonia se serait sentie trahie et aurait fait les allégations non fondées qui figurent dans le document présenté en défense[1].

 

 

[11]            Quand Mme de Oliveira a été interrogée par l’agent des visas au sujet des allégations de sa sœur, les notes versées dans le STIDI révèlent qu’elle a donné la réponse suivante :

[traduction] J’ai alors communiqué le contenu du document de la Cour supérieure de justice à l’intéressée qui a déclaré que Sonia a agi de mauvaise foi pour l’empêcher de retourner au Canada. L’intéressée a haussé le ton (elle semblait fâchée) et a ajouté que Sonia, ayant toujours été amoureuse du répondant, ne peut accepter maintenant son mariage avec le répondant. J’ai demandé pourquoi, dans ce cas, Sonia s’était rendue au Brésil avec le répondant et était présente au mariage de l’intéressée; cette dernière a alors répondu que Sonia (qui est mariée) avait accepté au départ d’aider l’intéressée, mais qu’elle avait changé d’idée. C’est Sonia qui a pris les photographies. Sonia aurait dit que c’était pour faciliter la demande d’immigration. Sonia aurait tout organisé, mais elle a changé d’avis parce qu’en fait le répondant est devenu amoureux de l’intéressée et a décidé de rester avec elle.

 

 

[12]           L’agent des visas a conclu qu’il s’agissait d’un mariage de convenance, et les notes versées dans le STIDI confirment que M. Rosa « a reconnu » que Mme Quintela avait orchestré les arrangements relatifs au mariage. L’agent des visas ne croyait pas que son intention originale a été remplacée ultérieurement par des motifs plus honorables. Par conséquent, la demande de visa de Mme de Oliveira a été refusée. 

 

La décision de la Commission

[13]           La Commission a entendu le témoignage de M. Rosa, qui a tenté d’établir que son mariage contracté avec Mme de Oliveira était authentique. La Commission était en désaccord et a conclu qu’il s’agissait d’un mariage de convenance qui n’était pas authentique. En outre, la Commission a conclu que le mariage « visait principalement des fins d’immigration » et, plus précisément, qu’il avait pour but de permettre à Mme de Oliveira d’obtenir son statut d’immigrante au Canada.

 

[14]           La Commission est parvenue à cette conclusion après avoir étudié la preuve concernant les antécédents de M. Rosa et de Mme de Oliveira en matière d’immigration et la preuve portant sur leur propre relation. 

 

[15]           Dans sa décision, la Commission a fait observer que l’authenticité de ce mariage reposait essentiellement sur l’évaluation de la crédibilité de M. Rosa et de Mme de Oliveira. Selon elle, l’évaluation de cette crédibilité était d’autant plus importante, dans une certaine mesure, du fait que M. Rosa et Mme de Oliveira ont présenté « peu de documents » pour établir la fréquence de leurs rapports et la solidité de leur relation au cours de leurs longues périodes de séparation.

 

[16]           La Commission était manifestement troublée par les antécédents de ces personnes en matière d’immigration et elle a pris note de leurs motivations et de leurs comportements douteux en vue d’obtenir le statut d’immigrant au Canada. Dans le cas de M. Rosa, la Commission a conclu que son premier mariage canadien constituait une tentative de « manipuler le système afin de s’établir au Canada ». Quant à Mme de Oliveira, la Commission a noté qu’elle a déjà fait des déclarations frauduleuses pour tenter de parvenir à entrer au Canada. De l’avis de la Commission, il valait la peine de mentionner que la relation de Mme de Oliveira avec M. Rosa a débuté entre trois et quatre mois après le refus de la dernière demande d’entrée au Canada de Mme de Oliveira à titre de visiteur.

 

[17]           Lorsque la Commission a examiné les témoignages de M. Rosa et de Mme de Oliveira au sujet de leur relation, elle a constaté plusieurs divergences. Ils ont tenté d’expliquer certaines des incohérences présentes dans leurs témoignages, mais d’autres sont demeurées inexpliquées. Par exemple, Mme de Oliveira a dit que M. Rosa lui a rendu visite au Brésil en septembre 2002, mais M. Rosa a affirmé qu’il l’a demandée en mariage par téléphone en septembre 2002 et qu’il est allé au Brésil en novembre de cette année-là. Mme de Oliveira s’est souvenue que M. Rosa lui a fait sa demande en personne en janvier 2003 et qu’ils se sont ensuite mariés en février 2003. M. Rosa a déclaré que les projets de mariage étaient en cours avant qu’il retourne au Brésil vers la fin de 2002. La Commission s’est dite très sceptique au sujet de ces incohérences et, en particulier, elle a fait observer que les circonstances d’une demande en mariage n’auraient pas dû faire l’objet de quelque désaccord que ce soit.

 

[18]           D’autres incohérences ont été relevées par la Commission. Les notes de l’agent des visas sur l’entrevue réalisée avec Mme de Oliveira révélaient que M. Rosa n’est resté avec elle au Brésil que pendant environ 15 jours au moment du mariage. Cependant, M. Rosa a témoigné qu’il y est demeuré de 45 à 50 jours. M. Rosa n’a pas été en mesure d’expliquer cette divergence. 

 

[19]           La Commission estimait que les incohérences mentionnées précédemment étaient importantes et décrivait les membres du couple comme deux personnes qui « ne racontent pas la même histoire ». 

 

[20]           La Commission avait aussi de sérieuses réserves au sujet des témoignages ayant un rapport avec l’aventure entre M. Rosa et Mme Quintela. Les deux parties ont reconnu l’existence de cette aventure, et Mme de Oliveira a déclaré qu’elle était au courant de celle-ci avant le mariage. M. Rosa a témoigné que l’aventure est survenue environ deux mois avant sa demande en mariage. Bien qu’il ait décrit son aventure comme sans importance, il a également affirmé que c’était l’une des raisons de sa demande en mariage à Mme de Oliveira ou, comme il l’a affirmé, [traduction] « […] je sentais qu’il était nécessaire d’avoir à mes côtés quelqu’un qui avait également la bénédiction de Dieu, et c’est pour cette raison que nous avons tous deux tellement soufferts de la séparation, parce que, Dieu nous est témoin, on ne peut pas folâtrer avec une autre personne sans raison ». Malgré la singularité de cette situation, Mme Quintela a été non seulement invitée au mariage, mais elle a également été désignée dame d’honneur. La Commission a décrit le caractère grotesque et non crédible de cette situation. 

 

[21]           La Commission a manifestement été troublée par le témoignage de M. Rosa et de Mme de Oliveira, dans la mesure où ils ont tenté de nier les propos qui leurs étaient prêtés dans les notes de l’agent des visas versées au STIDI, au cours des entrevues effectuées à Sao Paulo. Dans ces déclarations, ils avaient tous deux reconnu que leur relation avait initialement pris naissance pour orchestrer l’admission de Mme de Oliveira au Canada. Il est clair que la Commission n’a pas cru leurs témoignages ultérieurs qui revenaient sur leurs déclarations incriminantes antérieures. La conclusion de la Commission relativement à la crédibilité a été résumée dans les passages suivants :

[33]      Bien que l’appelant et la demandeure soient mariés, et bien qu’il affirme être amoureux d’elle, je suis incapable de croire qu’il s’agit d’un mariage authentique, au-delà du fait qu’il a eu lieu. L’appelant a admis de son plein gré qu’il avait participé à ce stratagème afin de faciliter l’admission de la demandeure au Canada – et qui pouvait être mieux placé que lui, qui avait lui‑même tout manigancé pour obtenir un statut au Canada en épousant Josefa Chelbek. L’appelant avait déjà tiré profit d’une union dont le principal motif était d’obtenir la résidence permanente au Canada.  Comment puis-je après cela le croire lorsqu’il affirme être amoureux de la demandeure?  Cela m’est impossible.

 

[34]      L’ensemble des éléments que je viens d’évoquer m’amène à souscrire aux observations convaincantes présentées par la conseil du ministre, qui a su ramener à l’essentiel les faits de l’espèce.  L’appelant et la demandeure ont, comme je l’ai déjà expliqué dans les présents motifs, fait preuve d’un manque de crédibilité flagrant.  Je conclus que leur manque de crédibilité à cet égard est très important.  L’appelant a trouvé le moyen de rester au Canada en contractant un mariage, puis il a abandonné sa répondante moins d’une année après avoir obtenu la résidence permanente au Canada.  Il a utilisé le même moyen pour aider la demandeure à entrer au Canada à titre de membre de la catégorie du regroupement familial.  Les deux parties à la demande ont en réalité perdu toute crédibilité, comme je l’ai expliqué dans le présent document.

 

 

Analyse

[22]           La décision prise dans cette affaire par la Commission reposait sur sa conclusion selon laquelle Mme de Oliveira n’était pas une « épouse » aux fins d’obtenir l’admission au Canada à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Pour en arriver à cette conclusion, la Commission devait examiner ce mariage afin de décider s’il était authentique et s’il « vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi » : voir l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), DORS/2002-227.

 

[23]           La décision quant à savoir si un mariage est authentique repose essentiellement sur les faits. En l’espèce, la Commission a signalé qu’une telle décision doit prendre en compte de nombreux facteurs, dont la durée de toute relation ou cohabitation antérieure entre les parties, leur connaissance de leurs histoires respectives, leur comportement ensemble, les détails de leur fiançailles et de la cérémonie de mariage, la fréquence et la substance de leurs communications pendant qu’ils sont séparés, et le degré de leur dépendance financière. Ce sont là toutes des questions qui nécessitent de trier et de soupeser la preuve et de procéder à une évaluation de la crédibilité, processus que la Commission est bien placée pour mener à bien. J’accepte que la norme d’examen applicable à ces questions est la norme de la décision manifestement déraisonnable : voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Navarrete, [2006] A.C.F. no 878, 2006 CF 691 et les décisions qui y sont citées au paragraphe 17. 

 

[24]           Le demandeur a fait valoir que la Commission n’a pas étudié la preuve établissant l’authenticité de cette relation et qu’elle s’est plutôt concentrée à tort sur les antécédents des parties en matière d’immigration. Dans le cas de M. Rosa, on a fait valoir que la Commission n’était pas fondée à conclure que son premier mariage au Canada n’était pas authentique et que cette conclusion influençait le point de vue de la Commission quant à la légitimité de son mariage avec Mme de Oliveira. Cet argument n’est pas fondé. La Commission avait le droit d’examiner les antécédents en matière d’immigration de M. Rosa et de Mme de Oliveira pour apprécier leur crédibilité. Le fait que M. Rosa ait contracté un mariage très douteux ayant mené à l’obtention de son statut au Canada constituait également un facteur pertinent, quoique non concluant, pour évaluer l’authenticité de son mariage avec Mme de Oliveira. Des preuves présentées devant nous appuient la conclusion de la Commission selon laquelle ce mariage précédent n’était pas authentique, et il n’incombe pas à la Cour de substituer son point de vue à celui d’une autre instance tout simplement parce qu’une conclusion différente aurait pu être tirée sur la base de la même preuve. 

 

[25]           De même, le comportement frauduleux antérieur de Mme de Oliveira dans le cadre de sa demande d’admission au Canada constituait une preuve pertinente pour établir sa crédibilité. Il appartenait à la Commission de décider de la pondération à accorder à cette preuve. 

 

[26]           En outre, il est incorrect de prétendre que la décision de la Commission se fondait uniquement sur cette preuve de conduite antérieure. La Commission était tout à fait justifiée de rejeter le témoignage de ces témoins au sujet de leur propre relation pour le motif qu’il n’était pas fiable. 

 

[27]           Le dossier de preuve étayait tout à fait l’évaluation défavorable faite par la Commission de la crédibilité des parties. Il y avait plusieurs incohérences importantes dans les témoignages présentés par les parties, incohérences sur lesquelles la Commission a fondé sa conclusion selon laquelle les parties n’ont pas prouvé l’existence d’une relation conjugale authentique. Par exemple, il est difficile d’accepter que Mme de Oliveira a oublié les détails de la demande en mariage par téléphone de M. Rosa et de sa soi-disant acceptation de celle-ci. En outre, les réserves de la Commission au sujet du prétendu caractère authentique de la demande en mariage de M. Rosa étaient aussi tout à fait raisonnables du fait que ladite demande a été formulée, en l’espèce, après une période de cohabitation relativement brève au Brésil un an plus tôt et peu après l’aventure de M. Rosa avec Mme Quintela. La description plutôt étrange faite par M. Rosa de son aventure avec Mme Quintela et l’attitude plutôt cavalière de Mme de Oliveira à l’égard de cette situation ont été considérées plutôt fallacieuses par la Commission, et sa conclusion sur ce point est inattaquable. Les témoignages de M. Rosa et de Mme de Oliveira selon lesquels l’agent des visas a fabriqué les notes de leurs aveux de mauvaise foi en entrevue étaient manifestement invraisemblables et c’est ce que la Commission a conclu, à juste titre. Par conséquent, la conclusion de la Commission selon laquelle cette relation avait été organisée au départ à des fins d’immigration est non seulement raisonnable, mais, compte tenu de la preuve produite, impérieuse. 

 

[28]           On a fait valoir, pour le compte de M. Rosa, que la Commission a commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas la nature conjonctive du critère établi par l’article 4 du Règlement qui exige à la fois que le mariage ne soit pas authentique et qu’il vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi. Sur ce point, M. Rosa invoque la décision Sanichara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1272, 2005 CF 1015.

 

[29]           Sans égard à la nature du critère de définition d’un « époux » aux fins de l’immigration en vertu de l’article 4 du Règlement, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en l’espèce. La Commission a nettement conclu que ce mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’acquisition par Mme de Oliveira d’un statut d’immigrante aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27. La Commission n’a pas affirmé qu’une intention frauduleuse initiale de se marier ne pouvait jamais être remplacée par le développement ultérieur d’un mariage d’amour authentique. La Commission a simplement conclu qu’une telle relation authentique n’a jamais existé entre M. Rosa et Mme de Oliveira. La difficulté de la Commission à conclure que les motifs derrière la relation avaient évolué pour le mieux n’est guère étonnante compte tenu du fait que M. Rosa et Mme de Oliveira ont nié devant la Commission qu’ils avaient d’abord entamé cette relation à des fins d’immigration illégale. Comme cette prise de position adoptée devant la Commission entre nettement en contradiction avec leurs aveux consignés à Sao Paulo, leur argument selon lequel le mariage était authentique ne saurait être reçu.

 

[30]           En conclusion, rien dans les conclusions de la Commission ne peut être décrit équitablement comme déraisonnable. De fait, le dossier laissait peu de possibilité à la Commission d’en venir à une autre conclusion que celle qu’elle a tirée parce qu’il serait un peu naïf de croire l’histoire de M. Rosa et de Mme de Oliveira. La Commission était tout à fait justifiée d’affirmer que leur crédibilité a été ruinée par leurs témoignages incohérents. Malgré leurs dénégations ultérieures formulées sous serment, il s’agissait manifestement d’une relation arrangée entre M. Rosa, Mme de Oliveira et Mme Quintela pour permettre l’admission de Mme de Oliveira au Canada.

 

[31]           Par conséquent, rien ne justifie d’infirmer la conclusion de la Commission selon laquelle l’article 4 du Règlement s’appliquait à ce mariage.

 

[32]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[33]           Bien que je ne puisse trouver dans cette décision une question d’importance générale qui justifierait la certification d’une question, je donnerai à chacune des parties sept jours pour informer la Cour d’un avis contraire. Si l’une ou l’autre des parties propose une question certifiée, j’accorderai à l’autre partie trois jours additionnels pour répondre. 


 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

                                              Avocats inscrits au dossier

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-1421-06

 

INTITULÉ :                                                               LUIZ GONCALVES ROSA

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       le 16 janvier 2007 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                              le 2 février 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Blanshay                                                           PoUr Le DEMAnDEUR

 

Margherita Braccio                                                       PoUr Le DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet d’avocats Robert I Blanshay

Toronto (Ontario)                                                         POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                               PoUr Le DÉFENDEUR

 



[1]              Dans leur témoignage devant la Commission, tant M. Rosa que Mme de Oliveira ont nié avoir fait quelque déclaration que ce soit au cours de leur entrevue d’immigration respective ayant indiqué que leur mariage était initialement motivé par de la fraude ou de la mauvaise foi.

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