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Date : 20070201

Dossier : IMM-7633-05

Référence : 2007 CF 115

Ottawa (Ontario), le 1er février 2007

en présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

AKM SHAMSUDDIN KHAN

(alias Abul Kalam Moha Khan)

REBA KHAN

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le présent contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a trait à l’examen d’une conclusion sur la crédibilité. Même si de telles conclusions méritent une grande retenue, dans la présente affaire, il s’agit d’une des rares occasions où le contrôle judiciaire doit être accueilli relativement à la conclusion sur la crédibilité. La présente affaire se décide entièrement sur les faits de la cause.

 

II.         LES FAITS

[2]               Les demandeurs sont des citoyens du Bangladesh qui ont demandé l’asile. Le demandeur principal (le demandeur) invoque une crainte de persécution du Parti nationaliste du Bangladesh (PNB) en raison de son appartenance à la Ligue Awami, un autre parti politique.

 

[3]               Le demandeur soutient qu’entre 1989 et 2004, il était le directeur général de la société dénommée Hydroland Survey Ltd. À compter de 2003, les autres directeurs de la société (membres du PNB) souhaitaient le licenciement du demandeur et ils auraient entrepris une série de manœuvres pour parvenir à ce résultat, y compris par le fait de lui attribuer de prétendues fautes et par le fait d’user de leur influence politique et de leurs « hommes de main » pour lui faire peur et pour le harceler. (Il s’agit là d’un bref résumé d’un dossier très confus.)

 

[4]               La commissaire a eu beaucoup de mal à suivre l’histoire du demandeur, y compris son explication sur la raison pour laquelle il n’a pas fait de demande d’asile aux États-Unis, l’absence de preuve documentaire tant sur son poste au sein de la société que pour les allégations de fautes portées contre lui et finalement son omission de demander une réparation judiciaire. Vu la façon dont elle tranche la présente affaire, la Cour ne fera pas d’autre commentaire sur la preuve.

 

[5]               La CISR n’a pas ajouté foi à la preuve du demandeur et, en tout état de cause, a décidé qu’il y avait une PRI à Chittagong, une ville située à plusieurs centaines de miles de Dhaka et qui compte plus de 21 millions d’habitants. Le demandeur a expliqué qu’il n’avait pas recherché de PRI parce qu’il gagnait beaucoup d’argent et qu’il avait un bon niveau de vie; cette explication n’est certainement pas cohérente avec une crainte de persécution.

 

[6]               L’aspect de la décision de la Commission qui est franchement troublant, c’est le sort qu’elle a réservé à une lettre d’un avocat local présentée pour montrer que le demandeur courait un risque en raison des actions à motivation politique de la police.

 

[7]               La lettre mentionnait que le demandeur était recherché par la police. La Commission a affirmé que l’avocat avait fait l’hypothèse que le demandeur était recherché pour des raisons politiques, parce que l’avocat n’avait pas pu établir les raisons pour lesquelles l’arrestation aurait pu avoir lieu. La Commission n’a pas cru que l’avocat n’avait pas pu établir ces raisons et a conclu que le demandeur n’avait pas le profil politique qui justifiait qu’il soit recherché par les autorités. À partir de cela, la Commission a conclu que la preuve avait été élaborée pour avantager la demande.

 

III.       ANALYSE

[8]               La décision manifestement déraisonnable est la norme de contrôle admise pour les conclusions sur la crédibilité; voir Horvath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 583). C’est la raison pour laquelle, la Cour est réticente à infirmer la décision de la Commission.

 

[9]               Toutefois, la Commission a mal qualifié le contenu de la lettre de l’avocat et de là, elle a tiré une conclusion pour laquelle il n’y a pas de fondement raisonnable.

 

[10]           La lettre de l’avocat énonce précisément quelles sont les raisons d’une arrestation, à savoir que le demandeur est recherché en vertu d’une « Loi spéciale », une procédure presque semblable aux certificats de sécurité au Canada. Il n’y a rien d’hypothétique à propos de ce renseignement.

 

[11]           La Commission ne conteste pas l’avis de l’avocat selon qui la « Loi spéciale » est souvent utilisée pour faire taire les opinions politiques. La Commission déclare simplement que le faire n’est pas logique parce que le demandeur n’était pas particulièrement politicien. La conclusion ne tient pas compte de l’allégation du demandeur selon laquelle les autres directeurs usaient de leurs influences politiques pour l’atteindre.

 

[12]           La question n’est pas de savoir s’il est logique que les autorités aient voulu arrêter le demandeur vu les circonstances, mais plutôt de savoir si elles ont tenté de l’arrêter. La Commission n’a pas donné de raison pour laquelle elle ne croyait pas la lettre de l’avocat autre que, découlant de sa mauvaise qualification, celle selon laquelle l’avocat n’avait pas trouvé de raison pour une éventuelle arrestation. Il n’y a pas de soutien rationnel à la conclusion de la Commission.

 

[13]           Le défendeur a raison d’affirmer que même si les éléments de base du récit du demandeur sont crédibles, l’existence d’une PRI viable met un terme à la question. Aussi troublante que soit l’explication du demandeur pour ne pas avoir recherché de PRI, la question que le demandeur ait pu faire l’objet d’une arrestation en vertu d’une « Loi spéciale » et qu’une telle procédure eût pu être menée n’importe où au pays, n’a jamais été prise en compte dans l’analyse de la PRI.

 

[14]           Le sort que la Commission a réservé à la lettre de l’avocat a également un effet négatif sur sa conclusion quant à la PRI.

 

IV.       CONCLUSION

[15]           Pour ces motifs, le contrôle judiciaire sera accueilli, la décision de la Commission sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

 

[16]           Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE : la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               IMM-7633-05

 

INTITULÉ :                                              AKM SHAMSUDDIN KHAN

                                                                   (ALIAS Abul Kahalm Moha Khan)

                                                                    REBA KHAN

                                                                   c.

                                                                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE

                                                                   ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                        Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                       LE 30 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                     LE JUGE Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                             LE 1ER FÉVRIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Preevanda Sapru

 

POUR LES DEMANDEURS

Claire Le Riche

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Preevanda Sapru

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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