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Date : 20070125

Dossier : T‑507‑05

Référence : 2007 CF 91

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

ENTRE :

PFIZER CANADA INC. et

WARNER‑LAMBERT COMPANY, LLC

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

RANBAXY LABORATORIES LIMITED

défendeurs

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]         Il s'agit d'une demande, formée sous le régime du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑113, modifié (le Règlement AC), visant à obtenir une ordonnance qui interdirait au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité (AC) sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, à la défenderesse Ranbaxy Laboratories Limited (Ranbaxy), à l'égard de ses comprimés d'atorvastatine calcique de 10, 20, 40 et 80 mg, jusqu'à l'expiration des brevets canadiens nos 1 268 768 (le brevet 768) et 2 021 546 (le brevet 546).

 

 

Le contexte procédural

[2]         Les demanderesses, Pfizer Canada et Warner‑Lambert Company, LLC (ci‑après collectivement désignées Pfizer), sont les « premières personnes » au sens du Règlement AC. Warner‑Lambert Company, LLC, détient les brevets 768 et 546 et est partie à la présente demande en vertu du paragraphe 6(4) du Règlement AC. Ces deux brevets sont inscrits à l'égard de comprimés d'atorvastatine calcique de 10, 20, 40 et 80 mg, commercialisés sous la dénomination de Lipitor.

 

[3]         Le brevet 768 a été déposé le 7 mai 1987 et délivré le 8 mai 1990. Il est fondé sur le brevet prioritaire no 868 867, déposé aux États-Unis le 30 mai 1986. Par conséquent, le brevet 768 relève des « anciennes » dispositions de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, qui régissent les brevets délivrés au titre de demandes déposées au Canada avant le 1er octobre 1989. Ce brevet porte sur un groupe considérable de composés et de compositions pharmaceutiques qui partagent la même structure générique et sont utilisés pour inhiber la biosynthèse du cholestérol. Il contient 9 revendications. C'est la revendication 1 qui est ici en litige. Les revendications 2 à 8 sont dérivées de la revendication 1, et la revendication 9 porte sur un procédé.

 

[4]         Le brevet 546 a été déposé au Bureau canadien des brevets le 19 juillet 1990, et publié le 22 janvier 1991. Il est fondé sur le brevet américain antérieur 384 187, qui a été déposé le 21 juillet 1989, mais abandonné depuis et renouvelé sous le numéro 5 273 995. En conséquence, le brevet 546 relève des nouvelles dispositions de la Loi sur les brevets, et la date pertinente pour son interprétation est la date de sa publication, soit le 22 janvier 1991 (Whirlpool Inc. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 56). Le brevet 546 a été délivré à Warner‑Lambert Company (prédécesseur de la demanderesse Warner‑Lambert Company, LLC) le 29 avril 1997, et il expire le 19 juillet 2010. Ce brevet, qui est similaire au brevet 768, vise aussi des composés utilisés pour inhiber la biosynthèse du cholestérol. Cependant, il mentionne l’inhibition « surprenante » de la biosynthèse du cholestérol. Il renferme 12 revendications, qui visent directement l’atorvastatine sous forme acide, l’atorvastatine sous forme lactonique ainsi que les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes. Il contient aussi une revendication d’usage pour les personnes souffrant d’hypercholestérolémie. La seule revendication en litige est la revendication 6, qui vise le sel hémicalcique de l’atorvastatine.

 

 

[5]         Ranbaxy, la « seconde personne » au sens du Règlement AC, a déposé auprès du ministre une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) relativement à des comprimés d'atorvastatine calcique de 10, 20, 40 et 80 mg, dénommés Ran‑Atorvastatin. Elle y compare ce produit au Lipitor et fait renvoi aux brevets 768 et 546.

 

[6]         Ranbaxy a signifié à Pfizer, par lettre en date du 31 janvier 2005, un avis d'allégation (AA) sous le régime des sous-alinéas 5(1)b)(iii) et 5(1)b)(iv). L'avis de Ranbaxy contenait des allégations d'invalidité et d'absence de contrefaçon relativement aux brevets 768 et 546. Elle y soutenait que le brevet 768 ne serait pas contrefait, étant donné qu'il porte seulement sur les mélanges racémiques (ou racémates) des composés revendiqués. Cette question relève essentiellement de l'interprétation du brevet 768. Ranbaxy affirmait aussi dans son AA que le brevet 546 est invalide pour quatre motifs : l'évidence, l'antériorité, l'insuffisance de l'exposé et le double brevet.

[7]               Pfizer a réagi à l'AA de Ranbaxy en déposant l'avis introductif de la présente demande le 17 mars 2005. Elle demande à la Cour d'interdire au ministre de la Santé de délivrer un AC à Ranbaxy avant l'expiration des brevets 768 et 546. Pfizer conteste les allégations de Ranbaxy et soutient qu'elles ne sont pas fondées.

 

Le contexte chimique – les concepts sous-jacents

[8]               Afin de mettre en contexte l’analyse qui suit, j’exposerai brièvement les concepts sous‑jacents au débat et la nature de l’invention.

 

[9]               D’abord, le cholestérol est synthétisé dans la plupart des tissus du corps humain et est nécessaire aux fonctions normales de l’organisme. Le cholestérol est transporté dans tout l’organisme par deux types de particules : les lipoprotéines de basse densité (LDL) et les lipoprotéines de haute densité (HDL).

 

[10]           La biosynthèse du cholestérol est le processus de production du cholestérol dans l’organisme. Le cholestérol est synthétisé par une voie biochimique comportant de nombreuses étapes (de 20 à 40).

 

[11]           De nombreuses enzymes différentes (protéines qui régulent les réactions biochimiques) interviennent dans la biosynthèse du cholestérol. L’une des premières étapes de la biosynthèse fait intervenir une enzyme appelée HMG-CoA réductase. Cette étape est souvent qualifiée d’étape « cinétiquement limitante » de la voie.

[12]           Les médicaments qui empêchent la HMG-CoA réductase de jouer son rôle dans la voie de biosynthèse du cholestérol sont appelés des inhibiteurs de la HMG-CoA réductase. En inhibant la biosynthèse du cholestérol, ces médicaments diminuent la production du cholestérol.

 

[13]           Les statines sont des médicaments qui agissent comme des inhibiteurs de la HMG‑CoA réductase. Il existe deux types de statines : celles qui sont dérivées de produits naturels (statines naturelles) et celles qui sont produites synthétiquement (statines de synthèse). Les statines naturelles sont des produits de la fermentation de champignons. Les composés synthétiques sont produits par des chimistes médicinaux. Lipitor fait partie d’une classe de statines de synthèse.

 

[14]           En l’espèce, c’est le domaine de la stéréochimie qui nous occupe. La stéréochimie comporte l’étude de l’arrangement spatial relatif des atomes au sein des molécules. Les « isomères » sont des composés qui possèdent la même formule moléculaire, mais qui ne sont pas identiques. L’une des principales classes d’isomères est celle des « stéréoisomères ». Dans les stéréoisomères, les atomes sont liés séquentiellement de la même manière, mais les isomères diffèrent par l’arrangement des atomes dans l’espace. Les différences structurales des isomères se traduisent souvent par des propriétés physiques ou chimiques différentes.

 

[15]           Un diagramme représentant une molécule, ses atomes constituants et des liaisons est couramment appelée une formule structurale. La formule structurale a souvent la forme d’une série de lettres (représentant les atomes), de chiffres et de lignes (représentant les liaisons chimiques). Cependant, ces formules structurales peuvent aussi être représentées sous forme de diagrammes structuraux qui montrent leur stéréochimie. En général, les traits simples représentent les liaisons qui se situent approximativement dans le plan du dessin; les liaisons dirigées vers le lecteur sont représentées par un triangle plein (qui pointe vers le plan); et les liaisons qui s’éloignent du lecteur sont représentées par de courtes lignes parallèles.

 

[16]           Lorsqu’un atome de carbone est lié à quatre différents atomes ou groupes d’atomes, on l’appelle un « atome de carbone asymétrique » ou un « centre chiral ». Cette configuration signifie que la stéréochimie autour d’un carbone asymétrique crée deux molécules qui sont chimiquement identiques, mais qui sont des images miroir l’une de l’autre. Autrement dit, l’arrangement tridimensionnel de leurs atomes constituants est différent. Les molécules ayant une telle relation l’une avec l’autre sont des énantiomères.

 

[17]           Les « énantiomères » sont deux isomères non superposables, c’est‑à‑dire qui constituent des images miroir l’un de l’autre. L’analogie la plus couramment utilisée pour décrire les énantiomères est celle d’une paire de mains. Les énantiomères ont des propriétés physiques, chimiques et spectrales identiques (contrairement aux autres stéréoisomères), mais leurs propriétés biologiques sont souvent différentes. Le « dédoublement » est un procédé de séparation des énantiomères.

 

[18]           Un « racémate », aussi connu sous le nom de « racémique » ou de « mélange racémique », est un mélange composé d’énantiomères en proportions égales. Un racémate est une forme de matière différente des énantiomères individuels. Les propriétés d’une molécule dépendent non seulement de la molécule elle-même, mais également des molécules qui l’entourent. Les molécules individuelles d’un racémate sont entourées de molécules de différentes chiralités. Par conséquent, les propriétés physiques d’un racémate sont différentes de celles des énantiomères individuels.

 

[19]           Un certain nombre de conventions sont utilisées pour désigner les énantiomères. L’une de ces conventions repose sur le fait que les énantiomères font tourner le plan de polarisation d’un faisceau de lumière polarisée dans des directions opposées mais avec le même angle. Selon la direction dans laquelle il fait tourner un faisceau lumineux, un énantiomère est qualifié de lévogyre, ou « – » (qui tourne à gauche), ou de « dextrogyre », ou « + » (qui tourne à droite). Plus simplement, l’énantiomère qui fait tourner la lumière dans le sens des aiguilles d’une montre est désigné par le signe « + » et celui qui fait tourner la lumière dans le sens contraire est désigné par le signe « – ». Pour être désigné par le signe + ou –, un énantiomère doit faire l’objet de tests.

 

[20]           Contrairement aux énantiomères individuels, un racémate n’a aucun effet sur le plan de polarisation d’un faisceau de lumière polarisée. Il comporte une quantité égale d’énantiomères + et d’énantiomères –. Autrement dit, la moitié des molécules fait tourner la lumière dans une direction et l’autre moitié, dans la direction opposée, parce que le mélange renferme des quantités égales de chaque énantiomère. Le symbole « ± » est souvent utilisé pour désigner un tel mélange.

 

[21]           Une autre convention consiste à nommer les énantiomères selon la configuration de leurs atomes de carbone asymétriques à l’aide des lettres « R » et « S ». Ces lettres indiquent la façon dont les quatre atomes qui entourent l’atome de carbone asymétrique sont orientés dans l’espace. Il n’existe aucun lien entre la convention relative aux lettres R et S et celle relative aux signes + et –. Un énantiomère R peut être + ou –.

 

[22]           Lorsque la stéréochimie précise autour d’un carbone asymétrique est inconnue et qu’il y a plus d’un carbone asymétrique dans une molécule, les chimistes utilisent une autre convention pour montrer la « configuration relative » (configuration à chaque carbone asymétrique par rapport à celle de tout autre carbone asymétrique dans la même molécule). Cette convention désigne les carbones asymétriques comme ayant une configuration identique ou différente. Si deux atomes de carbone asymétriques ont la même configuration (c’est‑à‑dire s’ils sont tous les deux R ou S), ils sont désignés de la façon suivante : R*,R* ou S*,S*. Si la configuration est différente (c’est‑à‑dire s’il l’un est R et l’autre est S), les carbones asymétriques sont désignés comme étant R*,S*.

 

La nomenclature

[23]           Il serait utile de dire quelques mots au sujet de la nomenclature employée en l’espèce pour éviter toute confusion possible. Lipitor renferme le sel calcique de l’atorvastatine. L’atorvastatine est un énantiomère; c’est le nom donné à l’énantiomère R-trans du racémate d’atorvastatine. Le composé à partir duquel les énantiomères sont dédoublés ne porte pas de nom. On l’appelle le racémate d’atorvastatine ou le mélange racémique d’atorvastatine. L’énantiomère S‑trans ne porte pas non plus de nom et est toujours désigné comme l’énantiomère S‑trans.

 

 

La jurisprudence applicable

[24]           Les AC font l'objet d'une jurisprudence considérable, dont le juge Stone a donné un excellent résumé dans Hoffman‑La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 205 N.R. 331, au paragraphe 8, 70 C.P.R. (3d) 206 (C.A.F.) :

À mon avis, les grands principes de ces décisions, dans la mesure où ils s'appliquent à la présente affaire, peuvent être résumés comme suit :

 

1. Les demandes présentées en application du paragraphe 6(1) du Règlement sont régies par les règles de procédure énoncées à la partie V.1 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C. 1978, ch. 663] - « Règles concernant les demandes de contrôle judiciaire ». Bayer AG, précité, le juge Mahoney, à la page 336 [C.P.R.];

2. C'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6 qui, assumant la conduite de l'instance, a « la charge initiale de la preuve ». C'est une charge difficile, « puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis d'allégation, allégations qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité ». Merck Frosst, précité, le juge Hugessen, à la page 319 [C.P.R.];

3. Cette charge, appelée dans les poursuites civiles le « fardeau de la persuasion », oblige le poursuivant à prouver sa cause selon la norme de preuve en matière civile. En revanche, le « fardeau de présentation de la preuve » désigne l'obligation de soulever une question et signifie que la partie doit s'assurer qu'il y a au dossier suffisamment d'éléments de preuve de l'existence ou de l'inexistence d'un fait ou d'une question pour satisfaire au critère préliminaire au sujet de ce fait ou de cette question. Nu‑Pharm, précité, le juge Stone, à la page 197 [N.R.];

4. Lorsque l'avis de conformité d'une deuxième personne allègue la non-contrefaçon, la Cour devrait présumer que « les allégations de fait contenues dans l'avis d'allégation sont avérées sauf dans la mesure [où] la partie requérante prouve le contraire ». Merck Frosst, précité, le juge Hugessen, à la page 319 [C.P.R.];

5. Pour décider si les allégations sont « fondées », « la Cour doit examiner si, à la lumière de ces faits tels qu'ils sont présumés ou prouvés, ces allégations engageraient en droit à conclure que le brevet en litige ne serait pas contrefait par la partie intimée ». Merck Frosst, précité, le juge Hugessen, à la page 319 [C.P.R.];

6. La décision du ministre quant à la délivrance d'un avis de conformité doit être axée sur la question de savoir si les allégations de la deuxième personne sont « suffisamment bien fondées pour appuyer la conclusion, tirée à des fins administratives, que la mise en marché du produit générique ne violerait pas le brevet du requérant ». Pharmacia, (no de greffe A‑332‑94) précité, le juge Strayer, à la page 216 [C.P.R.];

7. Lorsque la deuxième personne omet de déposer un avis d'allégation ou qu'elle dépose un avis incomplet, elle doit en supporter « les conséquences lorsque, dans le cadre d'une demande de prohibition déposée devant la Cour, quelqu'un invoque les lacunes de ces allégations ». Bayer AG, (no de greffe A‑669‑93), précité, le juge Strayer, à la page 134 [C.P.R.];

8. Par l'alinéa 5(3)a) du Règlement, qui oblige la deuxième personne à fournir un énoncé détaillé, « il semble que le législateur ait voulu que le breveté soit parfaitement au courant des motifs sur lesquels le requérant se fonde pour prétendre que la délivrance d'un avis de conformité ne donnera pas lieu à la contrefaçon du brevet avant que le breveté décide de présenter ou non une demande au tribunal pour obtenir une décision. Une telle divulgation permettrait de cerner le débat très tôt. » Bayer AG, (no de greffe A‑389‑93), précité, le juge Mahoney, aux pages 337 et 338 [C.P.R.];

9. Une vague déclaration de non-contrefaçon dans un énoncé détaillé sans assertion factuelle au soutien de cette déclaration ne respecte pas les exigences du sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement. Nu-Pharm, précité, le juge Stone, à la page 199 [N.R.];

10. La présomption de common law selon laquelle le procédé d'une deuxième personne constitue une contrefaçon du brevet s'applique lorsque cette personne n'a invoqué aucun fait à l'appui de son allégation de non-contrefaçon, que cette personne est pertinemment au courant des éléments de preuve concernant cette absence de contrefaçon, qu'elle n'a présenté aucun élément de preuve à ce sujet et que la première personne n'a à sa portée aucun autre moyen de prendre connaissance de ces éléments de preuve. Nu-Pharm, précité, le juge Stone, à la page 200 [N.R.].

 

 

La charge de la preuve

[25]           On a beaucoup écrit sur la charge de la preuve. Le paragraphe 6(2) du Règlement AC dispose que le tribunal peut rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet en cause s'il conclut qu'aucune des allégations de la seconde personne n'est fondée. La charge générale de la preuve dans les instances de cette nature pèse sur la première personne, soit la demanderesse (Pfizer en l'occurrence), à qui il incombe d'établir suivant la prépondérance de la preuve que les allégations formulées dans l'AA ne sont pas fondées. Cependant, c'est la seconde personne (Ranbaxy dans la présente espèce) qui supporte la charge de présentation, c'est‑à‑dire qui doit mettre chacune des questions « en jeu ». Si la seconde personne s'acquitte de cette charge, la première personne a le droit d'invoquer la présomption de validité du brevet établie par le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets. Une fois que les questions sont « en jeu », la charge de persuasion incombe à la première personne, qui doit réfuter les allégations de l'AA.

 

[26]           Lorsque l'AA comporte des allégations d'absence de contrefaçon, le tribunal doit partir du principe que les allégations de fait de l'AA sont vraies, sauf preuve du contraire. Par conséquent, pour établir le caractère infondé des allégations de l'AA, la première personne doit démontrer, soit que ces affirmations, supposées exactes, ne commandent pas une conclusion d'absence de contrefaçon, soit que la totalité ou la plupart des faits invoqués par la seconde personne à l'appui de ses allégations sont faux. La première personne doit démontrer la nature sérieuse, et non purement spéculative, de ses moyens de preuve tendant à établir la contrefaçon : AstraZeneca c. AB c. Apotex Inc., 2004 CF 44, 245 F.T.R. 196, 33 C.P.R. (4th) 125, aux paragraphes 79 à 86.

 

Les conclusions nécessaires

[27]           Pour prononcer l'ordonnance d'interdiction demandée, le tribunal doit conclure que les allégations ne sont pas fondées, c'est‑à‑dire à la fois que les brevets sont valides et qu'ils seraient contrefaits. Cependant, pour rejeter la demande en interdiction, il suffit au tribunal de conclure soit que le brevet est invalide, soit qu'il ne serait pas contrefait.

 

L'interprétation des brevets

[28]           L'instruction de toute affaire de brevet commence par l'interprétation du ou des brevets en cause. La Cour doit effectuer cette interprétation avant d'examiner les questions de la contrefaçon ou de l'invalidité. Le juge Harrington a brièvement récapitulé la jurisprudence concernant les règles de l'interprétation des brevets au paragraphe 15 de la décision Biovail Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) 2005 CF 9, (2005), 37 C.P.R. (4th) 487, 267 F.T.R. 243, qui guidera mon interprétation dans la présente espèce :

Pour décider de la validité d'un brevet et se prononcer sur la contrefaçon, il faut, comme condition préalable, prendre en compte le libellé des revendications figurant dans le brevet. Le mieux à faire, dans une instance relative à un avis de conformité, est d'adopter la même approche en gardant à l'esprit l'objet restreint du recours. Dans deux arrêts récents, rendus le même jour, la Cour suprême a grandement clarifié les principes d'interprétation applicables en matière de revendications et largement contribué à leur codification : Free World Trust c. Électro-Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, et Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067. Dans ces deux arrêts les motifs ont été rédigés par le juge Binnie. Les principes suivants sont particulièrement pertinents en l'espèce :

 

1. Un brevet est considéré comme un marché conclu entre l'inventeur et le public. En contrepartie de la divulgation de l'invention, l'inventeur se voit accorder un monopole temporaire lui permettant d'exploiter l'invention pour une période restreinte.

2. La Loi exige que la demande de brevet renferme un mémoire descriptif « définissant distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ». Le mémoire descriptif doit être rédigé en des termes complets, clairs, concis et exacts « qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention » (Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, et ses modifications, art. 27).

3. Le brevet s'adresse, en théorie, à une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention et doit recevoir l'interprétation que cette personne lui aurait donnée lorsqu'il a été rendu public. (Il sera davantage question de cette personne versée dans l'art plus loin dans ces motifs.)

4. Les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et en fonction de l'objet pour assurer le respect de l'équité et la prévisibilité, et pour cerner les limites du monopole. « [L']ingéniosité propre à un brevet ne tient pas à la détermination du résultat souhaitable, mais bien à l'enseignement d'un moyen particulier d'y parvenir. La portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté d'exercer un monopole sur tout moyen d'obtenir le résultat souhaité » (Free World Trust, par. 31 et 32).

5. La partie du mémoire descriptif dans laquelle figurent les revendications prévaut sur la partie dans laquelle la divulgation est effectuée, c'est‑à‑dire que l'on se servira de la divulgation pour comprendre le sens d'un mot utilisé dans les revendications « mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu'elle [est] écrite et, ainsi, interprétée » (Whirlpool, par. 52).

6. Ce sont seulement les nouvelles caractéristiques que l'inventeur prétend être essentielles qui constituent ce qu'on appelle l'« essence » de la revendication. « L'interprétation téléologique repose donc sur l'identification par la cour, avec l'aide du lecteur versé dans l'art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l'inventeur, constituait les éléments essentiels de son invention » (Whirlpool, par. 45).

7. Certains des éléments de l'invention visée par la demande sont essentiels alors que d'autres ne le sont pas compte tenu des connaissances usuelles que détenaient les personnes œuvrant dans le domaine concerné à l'époque où le brevet a été publié ou compte tenu de l'intention de l'inventeur, expresse ou inférée des revendications. Ce point est au cœur de la position de Biovail selon laquelle l'allégation de Novopharm portant qu'elle ne contrefera pas le brevet 320 est fausse. Autrement dit, était‑il manifeste à l'époque de la publication que l'emploi d'une variante ferait une différence?

8. Il est fatal de revendiquer plus que nécessaire. Par ailleurs, si les revendications de l'inventeur sont d'une portée trop limitée, le tribunal ne pourra pas accroître l'étendue du monopole en invoquant « l'esprit de l'invention ». Cela se produit souvent, comme c'est le cas en l'espèce, lorsque l'inventeur recourt à différents niveaux de revendications dont les restrictions sont destinées à servir d'éventuels filets protecteurs de sorte que, si une revendication plus large devait être rejetée, le monopole puisse en partie subsister sur la base d'une autre revendication de moins grande portée.

9. Un brevet n'est toutefois pas un écrit ordinaire. Il est visé par la définition de « règlement » qui figure dans la Loi d'interprétation et il faut l'interpréter de manière compatible avec la réalisation de son objet. « [L']interprétation des revendications est une question de droit qu'il appartient au juge de trancher, et celui‑ci avait parfaitement le droit de donner aux revendications une interprétation différente de celle préconisée par les parties » (Whirlpool, par. 61).

 

La version applicable de la Loi sur les brevets

[29]           Le brevet 768 est régi par l'« ancienne » Loi sur les brevets; par conséquent, la date pertinente pour l'interprétation de ce brevet est celle de sa délivrance, soit le 8 mai 1990. Quant au brevet 546, il relève de la « nouvelle » Loi sur les brevets, de sorte que la date pertinente pour l'interprétation de ses revendications est la date de sa publication, c'est‑à‑dire le 22 janvier 1991.

La personne versée dans l'art

[30]           La Cour interprète les brevets avec l'aide de personnes versées dans l'art dont relève l'invention; après tout, c'est à de telles personnes que les brevets s'adressent. Cependant, il n'est pas inutile de rappeler que, si la preuve des experts se révèle utile pour déterminer les connaissances que la personne versée dans l'art (ou personne du métier) était censée posséder à la date pertinente, c'est la Cour, au bout du compte, qui décide de l'interprétation des brevets.  

 

[31]           M. Roush, témoignant pour Pfizer, a fait les remarques suivantes au sujet de la personne versée dans l’art concernée par le brevet 768 et le brevet 546 :

[traduction

59. Une personne versée dans l’art serait titulaire d’au moins un baccalauréat ès sciences en chimie organique, en chimie médicinale ou dans une discipline connexe de la chimie, en plus d’avoir plusieurs années d’expérience pertinente en chimie médicinale.

 

60. Une personne versée dans l’art aurait des connaissances générales concernant la classe des médicaments appelés statines, mais ces connaissances pourraient avoir été acquises par suite d’une revue des documents publiés (y compris les brevets). Cette personne saurait que les documents publiés ne traitent pas que des statines d’origine naturelle, comme la mévinoline et la compactine, mais donnent aussi de l’information sur les statines synthétiques.

 

61. Une personne versée dans l’art aurait des connaissances sur la stéréochimie. Elle posséderait des connaissances générales en biochimie et peut‑être en enzymologie. Toutefois, ces connaissances seraient beaucoup moins poussées que celles qu’elle posséderait en chimie ou en chimie médicinale.

 

62. Dans le cas du brevet 546, la personne versée dans l’art saurait quelles statines étaient offertes sur le marché le 21 juillet 1989. Par ailleurs, cette personne aurait au moins des connaissances générales sur les méthodes utilisées pour séparer un mélange racémique en ses énantiomères à l’échelle d’un laboratoire, par exemple par des techniques de chromatographie ou de précipitation sélective. Toutefois, la personne versée dans l’art ne serait pas nécessairement capable de dédoubler des mélanges racémiques à une échelle commercialement viable ou de mettre au point une méthode pratique et commercialement viable de synthèse énantiosélective de molécules aussi complexes que les statines.

 

(Dossier des demanderesses, volume 3, pages 743-744)

 

[32]           M. Clive, témoignant pour Ranbaxy, déclare ce qui suit :

[traduction]

9. À la lecture du brevet 768, il m’apparaît clair que la personne versée dans l’art serait une personne qui s’intéresse à la synthèse de composés pharmaceutiques actifs, en particulier les statines, qui sont des agents hypocholestérolémiants et hypolipidémiants utiles.

 

10. La personne versée dans l’art devrait avoir des compétences en synthèse organique, une compréhension approfondie de la stéréochimie et des connaissances dans le domaine des statines. Compte tenu de mon expérience à cette époque, je considère qu’un doctorat en chimie organique avec une spécialisation en synthèse, couplé avec une certaine expérience postdoctorale, serait une formation adéquate pour une personne versée dans l’art qui concerne le brevet 768. Selon moi, la personne versée dans l’art pourrait être une équipe dont au moins un membre serait titulaire d’un doctorat et aurait une certaine expérience postdoctorale.

 

(Dossier des demanderesses, volume 16, page 4841)

 

[33]           En ce qui concerne le brevet 546, M. Cunningham affirme que :

[traduction]

68. À mon avis, le destinataire versé dans l’art s’appliquant au brevet 546 serait une équipe d’un projet de R et D qui s’intéresse aux agents qui inhibent la biosynthèse du cholestérol. Une telle équipe de recherche compterait comme membres principaux des chimistes médicinaux, des chimistes de procédés et des formulateurs. Dans le présent affidavit, le terme « destinataire versé dans l’art » renvoie à cette équipe.

 

(Dossier des demanderesses, volume 18, page 5600)

 

 

 

[34]           La Cour conclut que la personne versée dans l'art à qui s'adressent les brevets en cause est un chimiste organicien ou un chimiste médicinal, détenant au moins un baccalauréat en sciences et pourvu d'expérience dans la conception, la création, la synthèse et la mise à l'essai de composés destinés à l'utilisation comme médicaments. Cette personne doit également bien connaître les agents employés pour l'inhibition de la biosynthèse du cholestérol.

 

Les experts

[35]           Pfizer aussi bien que Ranbaxy ont produit la preuve de nombreux témoins experts touchant l'interprétation des brevets 768 et 546, la nature de l'atorvastatine et les attentes de la personne du métier. Les qualités professionnelles de ces experts sont exposées à l'annexe 1.

 

[36]           Pfizer a contesté que MM. Moss et Clive, témoins experts de Ranbaxy, soient qualifiés pour se prononcer sur la manière dont la personne versée dans l'art interpréterait les brevets en litige. Pfizer fonde sa contestation sur les arguments suivants [souligné dans l'original] :

[traduction]

 

122. Les témoins de Ranbaxy ne connaissent pas suffisamment l'art dont relève le brevet 768 pour témoigner d'une manière convaincante sur la manière dont la personne du métier lirait ou comprendrait ce brevet. M. Moss n'a pas été informé de la façon dont les tribunaux canadiens interprètent les revendications de brevet, de sorte qu'il a appliqué un critère erroné. Quant à M. Clive, il a accepté d'aider Ranbaxy dans la présente affaire avant de lire l'avis d'allégation. Il faut en tirer l'inférence que M. Clive n'a pas abordé sa tâche avec la volonté de comprendre sans parti pris. Il s'était déjà fait une opinion avant de prendre connaissance d'aucun des éléments de preuve.

 

123. M. Clive ne possède pas une connaissance suffisante du domaine dont relève le brevet 768 pour se prononcer sur ce que la personne du métier aurait su et la façon dont elle aurait compris ce brevet. L'« art » dont relève le brevet 768 est la chimie médicinale, branche importante de la chimie organique qui intéresse l'élaboration de nouvelles drogues. C'est le chimiste médicinal qui est le mieux placé pour examiner l'état de la technique et y trouver les indices dont la personne du métier s'inspirerait pour découvrir des composés plus actifs. Or M. Clive n'est pas chimiste médicinal. Il n'a jamais travaillé dans l'industrie pharmaceutique ni participé à un programme de découverte de drogue.

 

[37]           En outre, Pfizer fait valoir que M. Scallen [traduction] « a spontanément démontré son manque d'objectivité. Endossant explicitement un rôle de défenseur [poursuit-elle], M. Scallen a refusé de répondre aux questions, à moins qu'on ne leur donne la forme de celles qu'il aurait souhaité qu'on lui pose. » Quant à M. Cunningham, Pfizer soutient que, pour ce qui concerne le brevet 546, il a mis en œuvre une sagesse rétrospective et n'a opéré qu'un examen sélectif de l'état de la technique.

[38]           Je conclus au caractère injustifié de ces allégations dirigées contre MM. Moss et Clive et M. Scallen. Les différences d'opinion entre les experts étaient principalement une question de degré, et je constate que chacun d'eux est qualifié. De plus, je reprendrai ici à mon compte l'observation formulée par le juge Hugues au paragraphe 90 de Janssen-Ortho c. Novopharm Limited, 2006 CF 1234, concernant la personne du métier :

En outre, en ce qui concerne la preuve des connaissances d'une telle personne, la Cour d'appel fédérale a déclaré qu'il n'est pas nécessaire que le témoin soit cette personne, il suffit que ce témoin puisse donner une preuve adéquate que la personne en cause possédait les connaissances adéquates et la compréhension nécessaire au moment pertinent (Halford c. Seed Hawk Inc., 2006 CAF 275 au paragraphe 17).

 

[39]           En conséquence, je conclus que tous les experts étaient qualifiés relativement aux témoignages qu'ils ont présentés, et j'adopterai à l'égard de la preuve d'expert ici produite la même attitude que celle qu'exprime le juge Campbell dans AB Hassle c. Apotex Inc., 2003 CFPI 771, (2003), 27 C.P.R. (4th) 465, au paragraphe 16 (C.F.) :

16        Dans la présente affaire, tous les experts ont juré avoir rendu un témoignage véridique. Sur ce fondement, la personne qui apprécie la preuve doit présumer que les témoins sont crédibles, à moins qu'on ne démontre clairement le contraire (pour un exemple de ce principe général, voir Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.). Autrement dit, même s'ils défendent, sur un sujet donné, des opinions différentes, on doit présumer que leurs affirmations n'ont pas pour but d'accorder un bénéfice à la partie qui s'appuie sur leur témoignage. Je suis d'avis qu'il est injuste à l'égard des témoins, et donc des parties, de tirer, sous le couvert de conclusions portant sur le poids de la preuve, des conclusions défavorables au sujet de la crédibilité sans avoir vu et entendu chacun des témoins.

 

Les questions en litige

[40]           Premièrement, les allégations de Ranbaxy concernant le brevet 768 (comme quoi les revendications 1 à 8 de ce brevet se limitent aux racémates) sont-elles infondées?

 

[41]           Deuxièmement, les allégations de Ranbaxy touchant la revendication 6 du brevet 546 (invalidité aux motifs de l'antériorité, de l'évidence, de l'insuffisance de l'exposé et du double brevet) sont-elles infondées?

 

Analyse de la première question en litige

[42]           Ranbaxy allègue que les revendications 1 à 8 du brevet 768 ne seront pas contrefaites parce que ces revendications se limitent aux racémates. Comme les revendications 2 à 8 découlent de la revendication 1, la Cour limitera son analyse à la revendication 1.

 

 

Interprétation de la revendication 1 du brevet 768

           

[43]           Les revendications d’un brevet doivent être interprétées d’une façon qui soit conforme au but exprès de l’inventeur ou qui soit implicite dans le libellé des revendications. Pour ce faire, il faut prendre en considération les connaissances qu’une personne versée dans l’art est censée posséder. La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Free World Trust c. Électro-Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, au paragraphe 51, 194 D.L.R. (4th) 232, a indiqué que :

[traduction] L’interprétation des revendications avec le concours d’un destinataire versé dans l’art donne au breveté l’assurance que certains termes et concepts seront considérés par le tribunal à la lumière du témoignage d’un expert concernant leur sens technique. Les mots choisis par l’inventeur seront interprétés selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objet, exprès ou tacite, des revendications. Cependant, l’inventeur qui s’exprime mal ou qui crée par ailleurs une restriction inutile ou complexe ne peut s’en prendre qu’à lui‑même. Le public doit pouvoir s’en remettre aux termes employés à condition qu’ils soient interprétés de manière équitable et éclairée.

 

[44]           La seule revendication pertinence en l’espèce est la revendication 1, qui se lit comme suit :

[traduction ]

Revendication 1 : Un composé possédant la formule structurale I

 

           

 

dans laquelle X est -CH2-, -CH2CH2-, -CH2CH2CH2- ou
-CH2CH(CH3)-;

 

R1 est : 1-naphtyle; 2-naphtyle; cyclohexyle; norbornényle; 2-, 3‑ ou 4‑pyridinyle; phényle, phényle portant des substituants fluor, chlore, brome, hydroxyle; trifluorométhyle; alkyle comptant un à quatre atomes de carbone, alkoxy comptant un à quatre atomes de carbone ou alkanoyloxy comptant deux à huit atomes de carbone;

 

Soit R2 soit R3 est -CONR5R6

 

R5 et R6 sont indépendamment : hydrogène; alkyle comptant un à six atomes de carbone; 2-, 3- ou 4‑pyridinyle; phényle; phényle portant des substituants fluor, chlore, brome, cyano, trifluorométhyle ou carboalkoxy comptant trois à huit atomes de carbone;

 

et l’autre R2 ou R3 est : hydrogène; alkyle comptant un à six atomes de carbone; cyclopropyle; cyclobutyle; cyclopentyle; cyclohexyle; phényle; ou phényle portant des substituants fluor, chlore, brome, hydroxyle; trifluorométhyle; alkyle comptant un à quatre atomes de carbone, alkoxy comptant un à quatre atomes de carbone ou alkanoyloxy comptant deux à huit atomes de carbone;

 

R4 est : alkyle comptant un à six atomes de carbone; cyclopropyle; cyclobutyle; cyclopentyle; cyclohexyle; ou trifluorométhyle;

 

ou un acide hydroxy ou les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes, dérivés de l’ouverture de la lactone des composés ayant la formule structurale I mentionnée précédemment.

 

 

[45]           Le contexte du brevet 768 est décrit ainsi dans l’exposé de l’invention :

[traduction] La présente invention vise des composés et des compositions pharmaceutiques utiles comme agents hypocholestérolémiants et hypolipidémiants. Plus particulièrement, l’invention concerne certaines trans-6-[2-(3- ou 4‑carboxamidopyrrol-1-yl)alkyl]-4-hydroxypyran-2-ones et les acides à cycle ouvert correspondants dérivés de ces composés qui sont de puissants inhibiteurs de l’enzyme 3‑hydroxy-3‑méthylglutaryl-coenzyme A réductase (HMG‑CoA réductase), les compositions pharmaceutiques renfermant de tels composés et une méthode d’inhibition de la biosynthèse du cholestérol employant de telles compositions pharmaceutiques.

 

 

[46]           L’exposé de l’invention visée par le brevet 768 définit aussi deux séquences de réactions pour créer les composés, décrit les utilisations des composés, indique dans un tableau l’activité de plusieurs composés par rapport à un autre composé existant, la compactine, et fournit quatre exemples de méthodes particulières de préparation des composés de la présente invention.

 

[47]           Les experts des deux parties s’entendent pour dire que :

a.       La revendication 1 du brevet 768 vise une classe de composés possédant la formule structurale I, dans laquelle chacune des positions (X, R1, R2, R3 et R4) est sélectionnée dans une liste de possibilités définies.

b.      Les séquences de réactions I et II ne produisent que des racémates.

c.       Le brevet ne fait nulle mention du dédoublement en énantiomères.

d.      Les trois composés présentés au tableau I sont des racémates.

e.       L’exemple 1 décrit la production de la forme lactonique du racémate d’atorvastatine.

f.        La formule I de la revendication I doit être interprétée en contexte.

 

 

[48]           Les témoins experts pour Pfizer, MM. Doyle et Roush, allèguent que le contexte du brevet 768 démontre que :

[traduction]

a)      Rien ne laisse croire dans le brevet 768 que l’inventeur entendait limiter ce brevet au racémate.

b)      Il est mentionné dans le brevet 768 que celui‑ci vise la « forme trans », qui comprend les énantiomères R-trans et S-trans ainsi que les mélanges des deux.

c)      La revendication 5 comporte le signe « ± », qui signifie que l’inventeur savait qu’il limitait cette revendication au racémate.

d)      Bien que les séquences de réactions ne produisent que des racémates, une personne versée dans l’art saurait comment effectuer le dédoublement.

e)      Le libellé du brevet canadien 1 330 441 (brevet de procédé qui divulgue comment produire certains composés chimiques, dont l’atorvastatine) appuie l’interprétation selon laquelle le brevet 768 n’est pas limité aux racémates parce qu’il indique qu’il existe quatre isomères possibles.

 

 

 

[49]           En revanche, les témoins experts pour Ranbaxy, MM. Clive et Moss, soutiennent que le contexte montre que le brevet 768 ne concerne que le racémate pour les motifs suivants :

[traduction]

a)      Le passage du brevet 768 qui concerne la « forme trans » en association avec l’exemple 1 signifie que le terme trans est limité uniquement au mélange racémique d’énantiomères trans.

b)      Les séquences de réactions ne produisent que des racémates.

c)      Il n’y a dans le brevet 768 aucune mention du dédoublement des racémates.

d)      En mai 1990, la personne versée dans l’art aurait su qu’un racémate pouvait être dédoublé en ses énantiomères individuels. L’inventeur a intentionnellement omis la question du dédoublement dans le brevet 768. Par conséquent, celui‑ci ne vise que les racémates.

e)      Comme la synthèse d’un seul énantiomère est difficile et prend beaucoup de temps, cette omission signifie qu’elle n’a pas été effectuée.

f)        Les revendications 6 et 7 concernent des composés racémiques et ne comportent pas le signe « ± », contrairement à la revendication 5.

g)      Le tableau 1 n’indique pas expressément que les énantiomères individuels avaient été isolés et que leur activité avait été testée. C’est nécessaire parce que les énantiomères ont des propriétés très différentes.

 

 

[50]           De toute évidence, les experts ne s’entendent pas ici. Après avoir considéré tous les faits et les opinions des experts, j’estime que le brevet 768 n’est pas limité aux racémates pour les motifs suivants.

 

[51]           Premièrement, le brevet 768 ne limite pas explicitement la portée de l’invention au racémate. Il indique clairement qu’il vise la forme trans, qui comprend les deux énantiomères. Plus particulièrement, comme il a déjà été mentionné, il précise que :

[traduction] Les composés ayant la formule structurale I possèdent deux carbones asymétriques, un en position 4-hydroxy du cycle pyran-2-one, et l’autre en position 6 du cycle pyran-2-one auquel le groupement alkylpyrrole est attaché. Cette asymétrie donne lieu à quatre isomères possibles : deux sont les isomères R‑cis et S‑cis et les deux autres, les isomères R-trans et S-trans. La présente invention ne vise que la forme trans des composés ayant la formule I ci‑dessus.

 

[52]           Deuxièmement, bien que les méthodes particulières de préparation des composés visés par l’invention qui sont données en exemple dans le brevet 768 ne produisent que des mélanges racémiques, le brevet indique expressément que les exemples ne sont fournis qu’à titre indicatif et ne limitent pas la portée de l’invention. On peut lire à la page 17 du brevet 768 que :

[traduction] Ces exemples ne sont fournis qu’à titre indicatif et ne doivent pas être interprétés de façon à limiter la portée de l’invention telle qu’elle est définie dans les revendications en annexe.

 

[53]           Troisièmement, il est clair que la revendication 5 porte uniquement sur les racémates à cause de l’utilisation du signe « ± ». L’utilisation du stéréodescripteur par l’inventeur démontre que celui‑ci savait quand il limitait les revendications aux racémates. Par conséquent, lorsque l’inventeur n’utilise pas le signe ± , il vise à la fois les racémates et les énantiomères.

 

[54]           Quatrièmement, l’article de Stokker intitulé 3-Hydroxy-3-methylglutaryl coenzyme A Reductase Inhibitors. 1. Structural Modification of 5-Substituted 3,5-Dihydroxypentanoic Acids and Their Lactone Derivatives (1985), 28 J. Med. Chem, p. 347 à 358, est un document dont une personne versée dans l’art aurait probablement connu l’existence étant donné qu’il est antérieur de un an au brevet. Cet article, qui concerne une étude sur des statines, signalait que l’activité résidait principalement dans l’isomère R‑trans et non pas dans l’isomère S‑trans.

 

[55]           Cinquièmement, comme en ont convenu les experts des deux parties, il était bien connu qu’une personne versée dans l’art saurait comment dédoubler le mélange racémique en ses énantiomères individuels au moyen de techniques chimiques connues.

 

[56]           Sixièmement, une personne versée dans l’art savait que la compactine et la mévinoline, deux statines d’origine naturelle, étaient de puissants inhibiteurs de la HMG‑CoA réductase et étaient des énantiomères simples 4(R)-trans.

 

[57]           Finalement, dans la décision Ranbaxy UK Ltd v. Warner-Lambert Co., [2006] F.S.R. 14 (Patents Ct.), aff’d [2007] R.P.C. 4 (C.A.) rendue au Royaume-Uni, le juge Pumfrey de la Chancery Division (Patents Court) a statué sur le brevet européen (R.‑U.) 0247633 (l’équivalent du brevet 768 au R.‑U.) sur cette même question. Au paragraphe 41, le juge Pumfrey a affirmé que :

[traduction] Dans le brevet 633, il est absolument clair d’après l’ensemble du contexte que la formule I est utilisée pour décrire un racémate. Selon moi, chaque fois qu’une personne versée dans l’art voit la formule I ou la formule X, elle la voit d’une façon qui lui dit que dans ce racémate, il n’y a qu’un seul énantiomère qui soit le composé efficace et qu’elle peut dédoubler le racémate au moyen de techniques classiques pour extraire l’énantiomère. À mon avis, si une personne lit la revendication 1, qui fait écho au but de l’invention avec son renvoi conventionnel aux sels pharmaceutiquement acceptables, elle continuera de voir la formule sous cet aspect. À mon sens, la revendication vise le racémate et les énantiomères individuels.

 

[58]           Je trouve le raisonnement du juge Pumfrey très convaincant, et je n’ai aucun mal à l’adopter. J’estime donc que la revendication 1 du brevet 746 n’est pas limitée aux racémates. Par conséquent, le composé de Ranbaxy, qui est l’un des énantiomères visés par la revendication 1, contrefait le brevet 768. Si je peux m’exprimer autrement, les allégations d’absence de contrefaçon de Ranbaxy ne sont pas justifiées.

 

Analyse de la deuxième question en litige

[59]           Ranbaxy allègue que le brevet 546 est invalide pour cause :

a.       d’évidence;

b.      d’antériorité;

c.       de double brevet;

d.      d’insuffisance des données conformément à l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets.

 

[60]           La seule revendication en litige est la revendication 6. Dans une affaire antérieure portant sur Lipitor (Pfizer Canada Inc. c. le Ministre de la Santé, [2006] CF 1471 [Novopharm]), la Cour a eu l’occasion d’interpréter la revendication 6 du brevet 546. Dans cette affaire, la question concernait le caractère suffisant de l’avis d’allégation, mais bien que la question ait été examinée dans un dossier différent, l’interprétation de la revendication 6 demeure la même. Dans cette affaire, la Cour mentionnait aux paragraphes 35 et 36 et 41 à 44 :

35. Le texte des revendications pertinentes du brevet 546, soit les revendications 1, 2 et 6, est le suivant :

 

[traduction

Revendication 1 :

 

Acide [R-(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque, ou (2R‑trans)‑5‑(4‑fluorophényl)‑2‑(1‑méthyléthyl‑N,4‑diphényl‑1‑[2‑(tétrahydro-4-hydroxy-6-oxo-2H-pyran-2-yl)éthyl]-1H-pyrrole-3-carboxamide; et leurs sels pharmaceutiquement acceptables.

 

Revendication 2 :

 

Un composé énuméré à la revendication 1, l’acide [R-(R*,R*)]-2-(4‑fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque.

 

Revendication 6 :

 

Le sel hémicalcique du composé visé par la revendication 2.

Heureusement, ces formules complexes ont reçu des noms plus simples, de façon que les revendications 1, 2 et 6 se lisent plus facilement :

[traduction]

Revendication 1 : atorvastatine sous forme acide ou sous forme lactonique; et les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes.

 

Revendication 2 : atorvastatine sous forme acide.

 

Revendication 6 : sel hémicalcique du composé visé par la revendication 2.

 

36.  La seule revendication en litige en l’espèce est la revendication 6. Elle concerne le sel hémicalcique de l’atorvastatine.

 

            […]

 

41. M. Roush, témoin de Pfizer, a déclaré ce qui suit :

 

[traduction

63. Le brevet 546 divulgue et revendique expressément l’atorvastatine calcique. Le brevet 546 mentionne expressément que l’atorvastatine a une activité inhibitrice de la biosynthèse du cholestérol inattendue et surprenante. En particulier, le brevet 546 indique expressément que l’atorvastatine a une activité inhibitrice (de la biosynthèse du cholestérol) dix fois supérieure à celle d’un mélange racémique d’atorvastatine et de son énantiomère S-trans correspondant.

 

64. Cette activité supérieure de l’atorvastatine par rapport à celle du mélange racémique est inattendue et surprenante. Une personne versée dans l’art se serait attendue, au plus, à une activité deux fois supérieure après la séparation des énantiomères du mélange racémique. Cette activité deux fois supérieure présuppose toutefois que toute l’activité du mélange racémique réside dans l’un des énantiomères, l’autre étant totalement inactif. Dans le cas de l’atorvastatine, l’énantiomère S-trans n’est pas inactif. Les données figurant à la page 8 du brevet 546 démontrent que l’énantiomère S‑trans est actif. Aussi, une personne versée dans l’art se serait‑elle attendue à ce que l’énantiomère le plus actif ait une activité moins de deux fois supérieure à celle du mélange racémique qui le renferme. Dans un tel contexte, l’activité dix fois supérieure est surprenante et pour le moins inattendue.

 

65. À la page 4, aux lignes 21 à 24, le brevet 546 identifie l’atorvastatine calcique comme la réalisation privilégiée de l’invention. On peut y lire que : « La réalisation privilégiée de la présente invention est l’acide [R‑(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque, sel hémicalcique ».

(Dossier des demanderesses, volume 3, page 442)

 

42. M. Heathcock, témoignant pour Novopharm, est essentiellement du même avis :

 

[traduction]

94. Selon le brevet 546, l’isomère 3R,5R (aussi désigné comme l’isomère 3-(R)-trans quand il est sous forme lactonique) a une activité inhibitrice de l’HMG‑CoA réductase dix fois supérieure à celle du racémate d’atorvastatine. On peut aussi y lire que cette « surprenante activité inhibitrice » est « inattendue » et qu’ « une personne versée dans l’art pourrait ne pas prévoir l’activité inhibitrice inattendue et surprenante de la biosynthèse du cholestérol que possède la présente invention ». À l’appui de ces assertions, on a inclus à la page 8 du brevet 546 le tableau suivant sur les données biologiques :

 

Composé

CI50, μM/litre

Isomère (3R,5R) [R-(R*R*)]

0,0044

Isomère (3R,5R) [S-(R*R*)]

0,44

Racémate

0,045

 

95. Comme prévu, l’essai montre que l’énantiomère R-trans est celui qui est actif. D’après ces données, la bioactivité de l’énantiomère R‑trans serait dix fois plus grande que celle du racémate. Une personne versée dans l’art ne se serait normalement attendue qu’à une activité au plus deux fois supérieure de l’énantiomère actif par rapport au racémate correspondant (en présupposant que toute l’activité biologique réside dans l’énantiomère R-trans et que l’énantiomère S-trans soit totalement inactif).

 

(Dossier des demanderesses, volume 14, page 4284)

 

43. Par ailleurs, M. Spargo, au nom de Pfizer, affirme que :

 

[traduction

30. Le brevet 546 indique (page 3) que l’invention décrit les composés suivants : l’atorvastatine, sa forme lactonique et ses sels pharmaceutiquement acceptables. Il est mentionné à la page 4 du brevet 546 que « la réalisation privilégiée de la présente invention est le sel hémicalcique [de l’atorvastatine] ».

 

31. En lisant le brevet 546, une personne versée dans l’art apprendrait que le sel hémicalcique de l’atorvastatine est privilégié par rapport à tous les autres sels. Le brevet 546 enseigne donc aux personnes versées dans l’art qu’il vaut mieux utiliser l’atorvastatine calcique.

 

32. Le brevet 546 mentionne que l’énantiomère d’atorvastatine possède une activité inhibitrice environ dix fois supérieure à celle du mélange racémique. On s’attendrait à ce que n’importe quel sel de l’atorvastatine ait une activité inhibitrice supérieure à celle des sels du mélange racémique. Par conséquent, lorsque le brevet indique que le sel de calcium est la réalisation privilégiée, une personne versée dans l’art comprend que cela indique nécessairement que ce sel à des propriétés physiques supérieures à celles des autres sels de l’atorvastatine.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, page 2393)

 

44. Après avoir lu le brevet et pris en considération l’avis des experts de façon à le lire comme le ferait une personne versée dans l’art, la Cour conclut que la divulgation indique ce qui suit :

- L’atorvastatine sous sa forme lactonique et sous sa forme acide à cycle ouvert correspondante, de même que les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes, sont utiles pour abaisser le taux de cholestérol chez les mammifères, y compris chez l’humain.

 

- L’atorvastatine sous sa forme lactonique et sous sa forme acide à cycle ouvert correspondante, de même que les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes, inhibent de façon inattendue et surprenante la biosynthèse du cholestérol; le résultat inattendu réside dans le fait que l’atorvastatine a une activité inhibitrice dix fois supérieure à celle du mélange racémique. Les données relatives à cette activité dix fois supérieure sont issues d’un essai d’inhibition de la synthèse du cholestérol (essai CSI), qui est divulgué dans le brevet 893. Tous les composés utilisés pour l’essai CSI ont été préparés de la façon indiquée dans le brevet 893.

 

- La réalisation privilégiée de l’invention décrite dans le brevet 546 est le sel hémicalcique de la forme acide de l’atorvastatine.

 

- Les composés de la forme lactonique et de la forme acide à cycle ouvert correspondante, de même que leurs sels pharmaceutiquement acceptables, ont tous une utilité équivalente en général.

 

 

[61]           La preuve présentée par M. Roush et M. Spargo est mot pour mot identique en l’espèce à celle présentée dans l’affaire Novopharm. Toutefois, M. Heathcock n’a pas témoigné en l’espèce. C’est M. Cunningham qui a témoigné pour Ranbaxy en ces termes [souligné dans l’original] :

[traduction]

11. Le brevet 546 décrit le composé suivant : acide [R-(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque, connu sous le nom d’atorvastatine (un acide dihydroxy). Le brevet 546 mentionne que l’atorvastatine inhibe de façon surprenante la biosynthèse du cholestérol.

 

12. L’atorvastatine est un énantiomère de l’acide dihydroxy obtenu par ouverture de la lactone, trans-5-(4-fluorophényl)-2-(1-méthyléthyl)-N,4-diphényl-1-[(2‑tétrahydro-4-hydroxy-6-oxo-2H-pyran-2-yl)éthyl]-1H-pyrrole-3-carboxamide. Les formes lactone et acide dihydroxy peuvent être interconverties par traitement avec un acide.

 

[…]

 

64. Le composé visé par la revendication 6 du brevet 546 est le sel hémicalcique de l’acide [R-(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque, composé maintenant connu sous le nom d’« atorvastatine calcique ». […]

 

65. Le brevet 546 revendique également l’atorvastatine (revendications 1 et 2), l’atorvastatine sous forme lactonique (revendications 1 et 3) et les sels de sodium (revendication 4), de potassium (revendication 5), de N-méthyl glucamine (revendication 7), de magnésium (revendication 8) et de zinc (revendication 9) de l’atorvastatine, les compositions pharmaceutiques renfermant de l’atorvastatine et un vecteur pharmaceutiquement acceptable (revendication 11), et l’utilisation de l’atorvastatine pour inhiber la synthèse du cholestérol chez les humains présentant une hypercholestérolémie (revendication 12).

 

66. Les indications dans le brevet 546 sont représentatives des versions d’un nouveau candidat-médicament qui serait retenu en vue du développement en médecine. Toutefois, le brevet 546 ne mentionne aucune propriété de l’atorvastatine calcique qui ferait en sorte qu’elle serait choisie pour un développement.

 

(Dossier des demanderesses, volume 18, p. 5599-5600)

 

 

[62]           La présente espèce et l'affaire Novopharm ne me paraissent pas comporter de différences importantes sous le rapport des témoignages des experts. Par conséquent, j'adopterai ici l'interprétation formulée au paragraphe 44 de la décision Novopharm (reproduit plus haut).

 

[63]           Je traiterai en premier lieu la question du caractère suffisant de l'exposé du brevet 546.

 

Le caractère suffisant de l'exposé

Les dispositions applicables

[64]           Pour ce qui concerne le caractère suffisant du mémoire descriptif, le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets dispose que ce mémoire doit décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur :

27.(1) Le commissaire accorde un brevet d'invention à l'inventeur ou à son représentant légal si la demande de brevet est déposée conformément à la présente loi et si les autres conditions de celle‑ci sont remplies.

 

(2) L'inventeur ou son représentant légal doit déposer, en la forme réglementaire, une demande accompagnée d'une pétition et du mémoire descriptif de l'invention et payer les taxes réglementaires.

 

(3) Le mémoire descriptif doit :

 

a) décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur […]

 

 

Description du brevet

[65]            La revendication 6 du brevet 546 concerne le sel hémicalcique de l’atorvastatine sous forme acide. D’après l’interprétation susmentionnée, il ressort que le sel hémicalcique de l’atorvastatine est la réalisation privilégiée de l’invention revendiquée dans le brevet 546. Il ressort également que ce composé inhibe de façon inattendue et surprenante la biosynthèse du cholestérol, inattendue en ce sens que son activité inhibitrice est dix fois supérieure à celle du mélange racémique.

 


[66]            L’exposé de l’invention dans le brevet 546 débute ainsi :

[traduction] Les trans-(±)-5-(4-fluorophényl)-2-(1-méthyléthyl)-N,4-diphényl-1-[2-tétrahydro-4-hydroxy-6-oxo-2H-pyran-2-yl)éthyl]-1H-pyrrole-3-carboxamides sont parmi les composés du brevet américain 4 681 893 qui sont utiles en tant qu’inhibiteurs de la biosynthèse du cholestérol. Ces composés comprennent en gros des 4‑hydroxypyran-2-ones et les acides à cycle ouvert correspondants qui en sont dérivés.

 

Il a été inattendu de découvrir que l’énantiomère ayant la forme R de l’acide à cycle ouvert du trans-5-(4-fluorophényl)-2-(1-méthyléthyl)-N,4-diphényl-1-[2-tétrahydro-4-hydroxy-6-oxo-2H-pyran-2-yl)éthyl]-1H-pyrrole-3-carboxamide, c’est‑à‑dire l’acide [R-(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1‑méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque, possédait une activité inhibitrice surprenante de la biosynthèse du cholestérol.

 

 

[67]            Le brevet décrit l’état antérieur de la technique applicable et renvoie à des articles de Stokker et Lynch. Il mentionne ensuite ce qui suit :

[traduction] Toutefois, à la lumière de ces divulgations, une personne versée dans l’art pourrait ne pas prévoir l’activité inhibitrice inattendue et surprenante de la biosynthèse du cholestérol que possède la présente invention.

 

 

[68]            L’activité surprenante est décrite plus en détail à la page 8 du brevet 546 :

[traduction] Les composés décrits dans la présente invention et particulièrement ceux ayant la formule I inhibent la biosynthèse du cholestérol comme le confirme l’essai CSI divulgué dans le brevet américain 4 681 893. Les données obtenues par l’essai CSI sur le composé I, son énantiomère, le composé II, et le racémate de ces deux composés sont les suivantes :

 

Composé

CI50 (micromoles/litre)

Isomère [R-(R*R*)]

0,0044

Isomère [S-(R*R*)]

0,44

Racémate

0,045

 

Par conséquent, la présente invention est la composition pharmaceutique préparée à partir du composé de la formule I ou II ou ses sels pharmaceutiquement acceptables.

 

Ces compositions sont préparées de la façon décrite dans le brevet américain 4 681 893.

 

 

[69]           En ce qui concerne le choix du sel, il est indiqué à la page 4 du brevet :

[traduction] Les sels pharmaceutiquement acceptables appropriés visés par l’invention sont ceux dérivés de bases telles que l’hydroxyde de sodium, l’hydroxyde de potassium, l’hydroxyde de lithium, l’hydroxyde de calcium, le 1‑désoxy-2-(méthylamino)-D-glucitol, l’hydroxyde de magnésium, l’hydroxyde de zinc, l’hydroxyde d’aluminium, l’hydroxyde ferreux ou ferrique ou l’hydroxyde d’ammonium ou encore d’amines organiques telles que la N‑méthylglucamine, la choline, l’arginine et d’autres amines similaires. De préférence, les sels de lithium, de calcium, de magnésium, d’aluminium et les sels ferreux ou ferriques sont préparés à partir du sel de sodium ou de potassium en ajoutant le réactif approprié à une solution du sel de sodium ou de potassium; ainsi, en ajoutant du chlorure de calcium à une solution du sel de sodium ou de potassium du composé de la formule I, on obtiendra son sel de calcium.

 

[…]

 

La réalisation privilégiée de la présente invention est l’acide [R-(R*R*)]-2‑(4‑fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque, un sel hémicalcique.

 

 

Renseignements sur les essais

[70]           Une brève explication concernant les essais s’impose à cette étape. Dans n’importe quelle entreprise pharmaceutique, pendant le processus de mise au point d’un médicament, on évalue les composés intéressants pour déterminer s’ils ont une action sur l’organisme. Habituellement, ces composés sont évalués au moyen d’essais.

 

[71]           Les essais sont des expériences menées sur des composés à l’essai pour déterminer s’ils possèdent une caractéristique particulièrement souhaitable. Un essai permet de déterminer à quel point un composé donné peut inhiber une activité enzymatique ou un processus enzymatique (biosynthèse du cholestérol) par la mesure de son activité in vitro ou in vivo. Les essais in vitro s’effectuent dans des tubes à essais, des boîtes de culture ou ailleurs à l’extérieur d’un organisme vivant. Les essais in vivo s’effectuent chez des organismes vivants.

 

[72]           L’invention faisant l’objet du litige vise des enzymes, qui jouent un rôle dans la conversion de composés en d’autres composés. Elles agissent comme des catalyseurs biologiques qui accélèrent la vitesse d’une réaction chimique.

 

[73]           La HMG-CoA réductase est une enzyme qui catalyse la conversion de la HMG-CoA et du NADPH en acide mévalonique (mévalonate). L’un des essais qui peut être utilisé pour évaluer l’activité d’un inhibiteur de la HMG-CoA réductase potentiel consiste à placer ce dernier dans un milieu contenant entre autres de la HMG-CoA, du NADPH et de la HMG-CoA réductase, puis à évaluer la capacité de l’inhibiteur à stopper ou à ralentir la conversion de la HMG-CoA en acide mévalonique (comparativement à la même réaction sans l’inhibiteur). Ce type d’essai est aussi connu sous le nom d’essai COR. L’objet de l’essai COR est de mesurer l’effet d’une statine sur une seule enzyme, la HMG‑CoA réductase.

 

[74]           Un autre type d’essai pouvant être utilisé est celui de l’inhibition de la synthèse du cholestérol (CSI). Cet essai sert à mesurer l’effet d’un composé à l’essai sur l’incorporation d’acétate radiomarqué dans des lipides non saponifiables. On mesure ainsi l’activité inhibitrice du composé à l’essai sur toute la voie de biosynthèse du cholestérol. Autrement dit, l’essai permet de mesurer l’effet d’un composé à l’essai, une « statine », sur toute la voie de biosynthèse du cholestérol.

 

[75]           Pour les essais in vitro faisant appel à des enzymes, le pouvoir d’inhiber la réaction visée s’exprime habituellement comme la concentration inhibitrice 50 % (CI50). La CI50 représente la concentration d’un inhibiteur requise pour une inhibition de 50 % de l’enzyme pendant l’essai in vitro. La réaction témoin mesure la quantité de cholestérol (essai CSI) ou d’acide mévalonique (essai COR) produite en l’absence d’un composé à l’essai. Plus la CI50 est faible, plus le composé est puissant, étant donné qu’il en faut moins pour causer une inhibition de 50 %.

 

[76]           Même si un composé à l’essai peut avoir présenté une activité intrinsèque en inhibant la synthèse du cholestérol in vitro, il peut être inactivé dans l’estomac ou être métabolisé ou dégradé in vivo dans l’intestin ou le foie par des enzymes qui le métabolisent. Il est donc essentiel de vérifier si un composé qui présente une activité in vitro a aussi une activité chez un animal vivant, c’est‑à‑dire si le composé est biodisponible après l’administration par voie orale.

 

[77]           L’essai in vivo utilisé par Warner-Lambert est l’essai d’inhibition rapide de la synthèse du cholestérol (Acute Inhibition of Cholesterol Synthesis, ou AICS). Dans l’essai AICS, on a utilisé de l’acétate radioactif pour mesurer la quantité de cholestérol radioactif produit chez des rats à qui on avait administré une dose unique du composé à l’essai par un tube gastrique. Le but de l’essai AICS est de déterminer si le composé à l’essai et/ou ses métabolites sont biodisponibles au niveau des tissus, en particulier le foie, le composé devant être présent pour que la synthèse du cholestérol soit inhibée. Plus simplement, les résultats de l’essai AICS montrent si le composé à l’essai ou certains métabolites ou produits de dégradation du composé sont absorbés et transportés et s’avèrent actifs dans le foie en inhibant la biosynthèse du cholestérol. Seuls les composés qui inhibaient la biosynthèse du cholestérol in vitro ont été soumis à l’essai AICS.

 

[78]           Les résultats de l’essai AICS étaient parfois déclarés sous forme de dose efficace 50 % (DE50). La DE50 est la quantité d’un médicament qui abaisse le taux de cholestérol radiomarqué dans le sang de 50 % par rapport au témoin. Le terme employé est la « DE50 » parce qu’on évalue la « dose efficace »; on évalue ainsi l’effet chez l’animal tout entier, et non pas l’activité inhibitrice intrinsèque (CI50) du composé sur l’enzyme.

 

[79]           Pfizer a employé les trois essais : COR, CSI et AICS. Cependant, dans le cadre du présent litige, elle s’est dissociée des résultats de l’essai COR à cause d’erreurs de laboratoire découvertes par la suite et s’est appuyée uniquement sur les résultats des essais CSI et AICS.

 

Le caractère dix fois supérieur de l'activité

[80]           Ranbaxy formule les allégations suivantes dans son AA :

a.       les données sur l'activité biologique dont fait état le brevet 546 [traduction] « ne sont pas représentatives de l'ensemble des données recueillies par Pfizer »;

 

b.      [TRADUCTION] « les données présentaient globalement une énorme variabilité », et vu [TRADUCTION] « leur variance considérable, attribuable au moins à des problèmes de solubilité, on ne peut tirer de conclusions scientifiquement valables des données considérées dans leur ensemble »;

 

c.       [TRADUCTION] « Pfizer avait effectué des essais AICS in vivo plus fiables, dont elle n'a pas intégré les résultats » dans le brevet 546.

 

 

[81]           Pfizer soutient que les données des essais CSI comprises dans le brevet 546 montrent que l'activité de l'atorvastatine calcique serait dix fois plus élevée que celle du racémate d'atorvastatine calcique. Elle déclare à ce propos ce qui suit aux paragraphes 162 et 163 de son mémoire [souligné dans l'original] :

[TRADUCTION]

 

Caractère suffisant : Le mémoire descriptif du brevet 546 est suffisant pour l'application de la Loi sur les brevets. Une allégation d'insuffisance de l'exposé est une contestation de nature technique qui ne devrait pas avoir pour effet de faire échec à une invention méritoire. La contestation au motif de l'insuffisance de l'exposé ne peut être accueillie que dans le cas où le mémoire descriptif n'expose pas l'invention de manière que la personne du métier puisse la réaliser.

 

Le breveté n'est pas tenu d'expliquer en quoi l'invention est nouvelle ni de prouver son utilité. Son obligation est d'expliquer, de bonne foi, a) ce qu'est l'invention et b) comment la mettre en œuvre. Il s'agit de savoir si le brevet répond à deux questions : Quelle est votre invention et comment la réalise‑t‑on? Il n'y a pas d'obligation de divulguer des données pour prouver l'invention. Le brevet n'est pas un article de publication savante et n'exige pas ce niveau de divulgation.

 

 

[82]           Pfizer soutient essentiellement que toute activité supérieure de plus du double est surprenante. Elle fait valoir en particulier que, si les données peuvent varier, chaque élément de celles‑ci montre que la supériorité de l'activité dépasse le double et n'est donc pas [TRADUCTION] « du même ordre de grandeur » que ce à quoi s'attendrait la personne du métier. Pfizer affirme qu'un supplément de précision n'est pas nécessaire et que, par conséquent, le brevet 546 remplit les conditions fixées par le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[83]           La question devient donc la suivante : « Le brevet décrivait‑il d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les avait conçues son inventeur? » Pour répondre à cette question, il faut examiner les données que Pfizer propose à l'appui de son invention.

 

[84]           La description donnée par le brevet me paraît insuffisante, aux motifs exposés ci‑dessous.

 

Données basées sur le sodium plutôt que sur le calcium

[85]           Premièrement, l’information contenue dans le brevet 546 concerne les sels de sodium, non pas les sels de calcium. Comme l’admettent les propres témoins de Pfizer, les données sur un seul sel ne peuvent pas être utilisées pour prévoir les valeurs absolues de CI50 d’autres sels. M. Dietschy a expliqué ce qui suit dans son affidavit [non souligné dans l’original] :

[traduction]

50. Même quand les essais sont réalisés en même temps, avec les mêmes réactifs, solvants et homogénats de foie ou préparations microsomiques, une certaine variabilité des résultats d’essais est attendue. Par exemple, l’on s’attendrait à observer une variabilité dans les données des essais CSI pour différents sels du même composé, même lorsqu’ils sont réalisés en même temps. L’atorvastatine sodique et l’atorvastatine calcique, par exemple, sont deux différents sels qui ont une solubilité très différente. Il est très difficile de comparer les valeurs absolues pour de tels composés, qui ont des propriétés physiques et/ou chimiques différentes, même lorsqu’ils sont soumis au même essai la même journée.

 

 

[86]           Les données de l’essai CSI présentées à la page 8 du brevet 546 et sur lesquelles Pfizer s’appuie pour faire état d’une activité dix fois supérieure n’incluent aucune donnée concernant le sel calcique. Le brevet indique que : [traduction] « les composés des formules I et II et leurs sels pharmaceutiquement acceptables sont en général équivalents en ce qui concerne l’utilité de l’activité décrites aux présentes ». Selon Pfizer, cela signifie que l’activité relative des deux sels est la même en autant que l’on compare le racémate de sodium à l’énantiomère de sodium et le racémate de calcium à l’énantiomère de calcium.

 

Variabilité des données entre les sels

[87]           M. Roush (témoin de Pfizer) a déclaré au contre‑interrogatoire que toutes choses étant par ailleurs égales, les divers sels de statines auraient la même activité parce que [traduction] « l’ion métallique qui fait partie du sel n’interagit pas avec l’enzyme, c’est la forme acide qui interagit avec l’enzyme » (dossier des demanderesses, volume 3, p. 944). Il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Q. Savez‑vous, M. Roush, si les divers sels de statines ont généralement une activité biologique équivalente?

 

R. Et si par « généralement équivalente » on entend qu’ils ont la même activité inhibitrice de la HMG-CoA réductase?

 

Q. Je me sers de la phrase qui figure à la page 9 du brevet. Vous en avez déjà parlé, et vous avez mentionné ce passage précédemment M. Roush.

 

R. Et j’ai dit que toutes choses étant par ailleurs égales, si tous les facteurs étaient les mêmes, ils auraient la même activité. Je le crois en effet.

 

(Dossier des demanderesses, volume 3, p. 948)

 

[88]           De même, au contre‑interrogatoire, M. Dietschy (autre témoin de Pfizer) a donné la réponse suivante sur le même sujet :

[traduction]

Q. En ce qui concerne l’essai CSI, les différents sels d’un même composé devraient avoir une activité inhibitrice similaire si la solubilité n’est pas un problème majeur? Est-ce que c’est juste?

 

R. Dans une situation idéale où les sels sont parfaitement solubles, votre énoncé est exact. Toutefois, toutes les personnes comme moi qui travaillent dans ce domaine savent que c’est rarement le cas, particulièrement avec les statines, avec lesquelles il y a généralement de gros problèmes de solubilité. Et, en général, les sels de calcium causent plus de problèmes que les sels de sodium.

            Donc, en pratique, dans une situation idéale, comme dans les essais COR, où la solubilité semble très bonne, on obtient des résultats identiques, ce que j’aurais prédit. Les résultats ne sont pas aussi bons avec les sels de calcium.

 

Q. Et dans une situation idéale, comme vous avez dit, lorsque les sels sont parfaitement solubles, vous devriez obtenir des résultats semblables parce que l’ion contenu dans le sel ne joue aucun rôle dans l’activité inhibitrice. Est-ce exact?

 

R. Une fois qu’il se dissocie.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, p. 2912-2913)

 

[89]           Cependant, en l’espèce, nous observons une grande variabilité entre les sels qui est inexplicable. À l’annexe 2 des présentes se trouve un tableau de tous les résultats pertinents des essais CSI figurant dans la pièce H de l’affidavit de M. Newton. Les données relatives aux sels calciques du racémate dans le tableau sont les suivantes :

NUMÉRO DE L’ESSAI                      CI50 (nM)

            CSI 111                                               2,4

            CSI 112                                               77,6

            CSI 118                                               257/234

            CSI 119                                               3,24

 

 

[90]           Les données concernant les sels sodiques du racémate dans le tableau sont les suivantes :

NUMÉRO DE L’ESSAI                      CI50 (nM)

            CSI 118                                               9,77/9,13

            CSI 124                                               1

 

 

[91]           Lorsqu’on compare les données relatives au sel calcique du racémate à celles relatives au sel sodique du racémate, on observe une variation importante. Même si l’on exclut l’essai CSI 111, qui comportait une erreur de dilution (voir la note de pied de page « a » au tableau), la variation demeure substantielle. Comme l’a noté M. Scallen, lorsqu’on compare les résultats obtenus avec le sel sodique du racémate d’atorvastatine et avec le sel calcique du racémate d’atorvastatine, qui ont été soumis au même essai, le no 118, on observe encore une différence par un facteur de 25 (dossier des demanderesses, volume 15, p. 4667), ce qui n’est pas compatible avec le témoignage des témoins de Pfizer, M. Roush et M. Dietschy, déjà cités.

 

[92]            L’analyse qui précède m’amène à conclure qu’un chercheur dans le domaine du cholestérol ne s’attendrait pas à observer une variation substantielle (comme celle constatée dans ce cas) entre les sels soumis à l’essai, car l’activité inhibitrice ne repose pas dans le sel.

 

Conclusions tirées pour un sel d’après un autre sel

[93]           Par ailleurs, le témoignage des experts donne à croire qu’un chercheur ne tire pas de conclusions pour un sel en s’appuyant sur des expériences menées avec un autre sel. M. Newton, témoin de Pfizer, a fait la remarque suivante, qui était révélatrice [non souligné dans l’original] :

[traduction]

Q. Est-ce que vous vous serviriez de données obtenues au moyen de l’essai CSI sur le sel sodique de l’atorvastatine pour tirer des conclusions concernant l’activité in vitro du sel calcique de l’atorvastatine?

 

M. Wilcox : La seule donnée dont vous disposez est donc la CI50 de l’atorvastatine sodique…

 

Mme Furlanetto : Oui.

 

M. Wilcox: …dans l’essai CSI.

 

Mme Furlanetto : Oui.

 

M. Wilcox : Et vous demandez si l’on peut tirer des conclusions sur la CI50 de l’atorvastatine calcique.

 

Par Mme Furlanetto :

Q. Oui.

 

R. Non, ce sont deux sels différents.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, p. 2639-2940)

 

 

[94]           Quoi qu’il en soit, le brevet renferme des suppositions sur le sel de calcium basées sur le sel de sodium. Toutefois, aucune donnée n’est présentée pour appuyer une revendication à l’égard du sel de calcium.

 

[95]           À la lumière de ce qui précède, il m’apparaît inapproprié de tirer des conclusions sur un sel d’après un autre sel, compte tenu particulièrement des variations substantielles dans l’activité mesurée des sels.

 

Calcul d’une moyenne des résultats de différentes expériences

[96]           Deuxièmement, l’activité dix fois supérieure présumée est basée sur une moyenne des résultats pour le sel sodique du racémate obtenus dans cinq expériences différentes. Cette moyenne a ensuite été comparée aux résultats des énantiomères, qui avaient été obtenus dans une autre expérience. Les valeurs utilisées pour calculer la CI50 du racémate étaient :

NUMÉRO DE L’ESSAI          CI50 (micromoles/litre)

            CSI 92                                                             0,0346

            CSI 93                                                             0,0275

            CSI 95                                                             0,0631

            CSI 102                                                           0,0912

            CSI 118                                                           0,0097

            Moyenne                                                          0,045

 

 

[97]           Par ailleurs, quatre de ces essais portaient sur la lactone, alors que le cinquième portait sur un sel. Comme M. Roth l’a expliqué dans son affidavit, les [traduction] « quatre premiers essais (CSI 92, 93, 95 et 102) sur les composés racémiques ont d’abord été menés avec une lactone, et le dernier (CSI 118), avec le sel de sodium » (dossier des demanderesses, volume 2, p. 315).

 

[98]           À l’annexe 2 des présentes se trouve le tableau de tous les résultats pertinents des essais CSI tels qu’ils figurent à la pièce H de l’affidavit de M. Newton. L’annexe 3 renferme le même tableau sur lequel, à des fins d’illustration, les nombres moyens sont accompagnés d’un renvoi à une note de bas de page (1) et le nombre par rapport auquel le nombre moyen est comparé est accompagné d’un renvoi à une autre note de bas de page (2). Cette annexe illustre graphiquement la sélection arbitraire des composés sodiques pour le calcul de la moyenne ainsi que la sélection d’un énantiomère d’un essai totalement différent à des fins de comparaison.

 

[99]           Pendant le contre‑interrogatoire, M. Dietschy a admis qu’il n’était pas courant de calculer une moyenne à partir de résultats obtenus des jours différents et dans des expériences différentes.

[traduction]

Q. D’après ce que vous me dites, M. Dietschy, il serait inadéquat d’établir une moyenne à partir de données obtenues dans diverses expériences afin de calculer une CI50. Est-ce que c’est juste?

 

R. En général, je ne procéderais pas ainsi. C’est exact.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, p. 2936)

 

 

[100]       De même, M. Newton a convenu, au contre‑interrogatoire, qu’il ne calculerait pas de moyenne dans ces circonstances (dossier des demanderesses, volume 7, p. 2640). Comme en a convenu le propre témoin de Pfizer, il était inapproprié de calculer la moyenne des résultats comme on l’a fait avec les résultats de l’essai CSI pour les racémates. C’est particulièrement inapproprié étant donné que pour les énantiomères, aucune moyenne n’a été calculée. En outre, les expériences ont été menées sur une période d’environ trois ans, soit de juillet 1985 à octobre 1988. M. Scallen a expliqué dans son affidavit :

[traduction]

100. Les résultats de ces cinq expériences, lorsqu’ils sont pris globalement, sont par ailleurs tellement variables qu’ils ne peuvent pas être utilisés pour calculer une moyenne fiable. Le calcul d’une moyenne à partir de ces nombres ne donne pas de résultats scientifiquement significatifs.

 

(Dossier des demanderesses, volume 15, p. 4675)

 

 

[101]       Je suis d’accord avec cette affirmation et j’estime que le calcul de la moyenne des résultats de l’essai CSI pour la racémate d’atorvastatine ne donne pas de résultats scientifiquement significatifs. Je note aussi que le Bureau américain des brevets n’a pas accepté cette moyenne et n’a accepté l’équivalent du brevet 546 que lorsque Pfizer a trouvé un différent type de données, la comparaison directe du sel calcique du racémate avec son énantiomère R dans l’essai CSI 118. J’examinerai maintenant la question de l’essai CSI 118.

 

Validité de l’essai CSI 118

[102]       Troisièmement, Pfizer cherche à s’appuyer sur les données de l’essai CSI 118 pour confirmer l’activité dix fois supérieure présumée de l’atorvastatine calcique par rapport au racémate de calcium. Il s’agissait d’une comparaison directe du sel calcique du racémate d’atorvastatine avec le sel calcique de l’atorvastatine. La différence d’activité observée était de 257 à 25,1 et de 234 à 21,6 entre le sel calcique du racémate d’atorvastatine et sel calcique de l’atorvastatine. Il s’agit clairement d’une différence par un facteur de 10.

 

[103]       Toutefois, les notes de laboratoire des techniciens qui ont effectué l’expérience montrent que les composés n’étaient pas complètement dissous dans la solution mère. Comme le montrent les notes de bas de page t, l, i et ch à l’annexe 4 des présentes, des problèmes de solubilité sont survenus dans presque tous les essais CSI. Toutefois, le seul essai qui nous concerne est l’essai CSI 118, car Pfizer s’appuie sur celui‑ci pour comparer l’atorvastatine et le racémate d’atorvastatine. Les composés sur lesquels les demanderesses tentent de s’appuyer pour confirmer la validité de l’essai CSI 118 ont été qualifiés par la technicienne d’insolubles (insol) dans la solution mère. M. Scallen a fait état de ces problèmes dans son affidavit [souligné dans l’original] :

[traduction]

75. En 1989, il était bien connu des chercheurs dans le domaine du cholestérol que pour effectuer correctement des essais avec des dilutions en série, les composés à l’essai doivent être complètement dissous dans le solvant utilisé pour préparer la solution mère originale. Dans les essais CSI effectués par Warner‑Lambert, il arrivait souvent que les composés n’étaient pas complètement dissous lorsque la solution mère était préparée.

 

(Dossier des demanderesses, volume 15, p. 4668)

 

 

[104]       M. Dietschy a lui aussi souligné l’importance de la solubilité dans son affidavit :

[traduction]

58. En plus d’ouvrir la lactone (si nécessaire) avant l’essai, il fallait solubiliser les composés à l’essai en une solution ou en une suspension (parce qu’ils auraient été fournis par les chimistes sous forme de poudre). Les statines sont difficiles à dissoudre dans de nombreux solvants courants, et même si les techniques de solubilisation étaient bien connues à l’époque, je me serais attendu à observer des variations dans la qualité des composés effectivement solubilisés selon les techniques et les solvants utilisés.

 

[…]

 

60. Pour soumettre une statine à un de ces essais, il faut que le composé soit dans un état uniforme de sorte que la quantité de composé déposée dans chaque tube à essai soit connue. C’est essentiel pour examiner des données comparatives et cela peut se faire de différentes façons.

 

61. Idéalement, le composé peut être complètement dissous, et l’on obtient une solution mère claire. […] Le pire cas est celui où toutes les techniques de solubilisation courantes ont été essayées et que de gros amas de matière demeurent. Une telle solution mère serait inacceptable.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, p. 2686 [non souligné dans l’original].)

 

 

[105]       Les témoins experts ne s’entendent pas sur la question de savoir si le terme « insoluble » peut aussi vouloir dire une « suspension uniforme ». Selon M. Dietschy, c’est le cas. Lorsque celui‑ci a été interrogé sur la façon dont il en était venu à cette conclusion, l’échange suivant a eu lieu :

[traduction]

Q. Et vous considérez que le terme « insoluble » veut dire qu’une suspension est uniforme?

 

R. D’après ces données, j’estime que c’est le cas, en effet.

 

Q. D’après quelles données?

 

R. Eh bien, d’après ce qui est écrit dans ces livres et les instructions données aux techniciens.

 

Q. Dans les instructions aux techniciens, on parle d’une suspension uniforme, pas d’insoluble.

 

R. Mais une suspension uniforme est insoluble par définition.

 

Q. Un amas est insoluble.

 

R. Oui, mais…

 

Q. Laiteux équivaut à insoluble.

 

[…]

 

R. D’après ce que je comprends, la technicienne devait décrire les caractéristiques de cette solution. Et elle devait indiquer lorsqu’il y avait de gros amas de matière. Tout ce qui est différent de cela a été décrit comme insoluble. Personne ne peut utiliser d’autres termes pour cela, mais c’est mon interprétation de ces données.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, p. 2918)

 

 

[106]       M. Dietschy a plus tard déclaré que les termes « laiteux » et « trouble » s’appliquaient aussi à une suspension uniforme; en fait, il s’agit de la même suspension uniforme que la solution « insoluble ». Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il en était ainsi, il a répondu :

[traduction]

Q. Pourquoi la technicienne aurait‑elle utilisé deux mots différents pour décrire la même chose?

 

R. Je ne sais pas pourquoi elle l’a décrit ainsi. Elle essayait d’indiquer au chercheur que ça semblait différent et que le composé était partiellement en solution alors que le reste était insoluble et était en suspension uniforme.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, p. 2920)

 

 

[107]       En revanche, au contre‑interrogatoire, M. Scallen avait une opinion opposée lorsqu’on lui a demandé : « S’il y a des amas, ce n’est pas un bon essai, n’est‑ce pas? » Il a répondu :

[traduction]

R. Je crois qu’on ne peut se fier à aucune de ces expériences. Le fait d’indiquer dans la description que ce n’est pas en solution, que c’est insoluble ou laiteux ou qu’il y a des amas n’est pas pertinent. Tout ce que cela signifie est que le composé ne s’est pas dissous. Par conséquent, on ignore la concentration du composé à l’essai dans la solution mère, dans les dilutions de la solution mère et dans les tubes d’incubation.

 

(Dossier des demanderesses, volume 15, p. 4731-4732)

 

 

[108]       Interrogé sur ce qu’est une « suspension uniforme », M. Scallen a répondu :

[traduction]

Le témoin : Une suspension uniforme n’a aucune signification dans le contexte d’un essai CSI ou COR, dans lequel les composés sont censés être en solution et non pas en suspension.

 

Q. Donc, si aucune partie du composé n’est dissoute, l’essai ne révélera aucune activité?

 

R. Non. Il faut que tout le composé soit dissous pour qu’on sache combien de composé était présent dans la solution mère, dans chaque dilution et dans les dilutions en série, et combien de composé est effectivement en incubation avec l’enzyme ou l’homogénat, selon le cas.

 

Q. D’accord. Qu’est-ce qu’une suspension?

 

R. Je ne crois pas qu’il existe de définition scientifique d’une suspension.

 

Q. D’accord.

 

R. Selon moi, cela dénote simplement une insolubilité.

 

Q. D’accord. Donc, si un composé est en suspension, il n’est pas soluble?

 

R. On ne peut pas dire qu’il est soluble dans le sens que nous savons combien il y en a en solution, et c’est la question ici. Nous devons savoir combien il y a de composé à l’essai en solution.

 

Q. D’accord. Vous ne comprenez donc pas ce qu’une suspension – vous n’avez aucune définition d’une suspension?

 

R. Eh bien, ce n’est pas pertinent parce qu’il est impossible d’effectuer un essai quantitatif. Comme je l’ai déjà dit, pour effectuer une analyse quantitative, il faut que tout le composé soit dissous pour qu’on sache combien il y en a dans la solution mère et dans les dilutions de la solution mère, et combien est ajouté à chaque incubation. Si vous avez une suspension, ce qui pour moi signifie simplement que le composé n’est pas dissous complètement, vous ne le savez pas. Vous n’avez pas de mesure quantitative.

 

Q. D’accord.

 

R. Par conséquent, vous allez observer une variabilité.

 

[…]

 

R. Il n’y a aucune – il n’y a aucune preuve présentée par Parke‑Davis, maintenant Pfizer, que ces suspensions sont, je cite, uniformes. Il n’y a aucune preuve de cela. Je le répète, dans ces essais, les composés sont censés être complètement dissous. Par définition, et sur le plan scientifique, les essais ne peuvent pas être effectués sur des suspensions, qu’elles soient uniformes ou non.

 

(Dossier des demanderesses, volume 15, p. 4736-4738)

 

 

[109]       M. Dietschy avait aussi de la difficulté à interpréter les mots de la technicienne, ce qui était évident tout au long du contre‑interrogatoire. Par exemple [non souligné dans l’original] :

[traduction]

Q. Et vous dites qu’une suspension fine veut dire la même chose pour vous qu’insoluble. N’est‑ce pas exact?

 

A. Une solution insoluble, comme je l’ai indiqué, est probablement une suspension de particules, en effet. Mais je n’essaierai pas de deviner ce qu’elle voulait dire par là. Je ne peux accepter que ce qui est écrit.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, p. 2940)

 

 

[110]       Les citations qui précèdent démontrent que les experts de Pfizer ne savaient pas ce que signifiaient les notes de laboratoire, mais essayaient d’interpréter les mots de la technicienne. Pendant son contre‑interrogatoire, M. Dietschy ne voulait même pas essayer de [traduction] « deviner ce qu’elle voulait dire par là ». Comme en ont convenu tous les experts, le fait de mettre en solution les composés à l’essai était une étape importante du processus de mise à l’essai du médicament. M. Dietschy a admis qu’idéalement, le composé devrait être complètement dissous et la solution mère obtenue devrait être claire. Rien n’étaye l’interprétation de M. Dietschy selon laquelle les termes « insoluble », « laiteux » et « trouble » renvoient tous à une « suspension uniforme ». Aucune donnée des techniciens de laboratoire n’a été fournie pour indiquer la signification de ces mots ni s’il y avait bel et bien une « suspension uniforme ». Il n’y avait aucune preuve non plus que la « suspension uniforme » était la même avec tous les différents composés  à l’essai. Comme l’admet le propre témoin de Pfizer, M. Dietschy, c’est important car, [traduction] « il faut que le composé soit dans un état uniforme de sorte que la quantité de composé déposée dans chaque tube à essai soit connue» (affidavit de M. Dietschy, paragraphe 60).

 

[111]       D’après le témoignage des experts et à la lumière de ce qui précède, j’accepte le raisonnement de M. Scallen et je suis d’accord pour dire qu’il est tout simplement impossible de se fier aux données de l’essai CSI 118.

 

Données de l’essai AICS

[112]       Quatrièmement, Pfizer a procédé à l’essai AICS à deux reprises. Il s’agit du seul essai comparant directement le sel calcique du racémate d’atorvastatine au sel calcique de l’atorvastatine qui a été répété. Les résultats concordaient, et ce, même si la séquence de dosage variait dans le premier essai. Les résultats des essais AICS n’ont révélé qu’une hausse par un facteur de 2,5 et de 2,8, et non pas par un facteur de 10.

 

[113]       Aucun des témoins experts n’a remis en cause la façon dons les essais AICS avaient été menés ni n’a soulevé des erreurs qu’auraient pu commettre les techniciens. Le seul sujet de contestation est de savoir si l’on peut se fier aux résultats des essais AICS pour déterminer l’activité inhibitrice intrinsèque de la synthèse du cholestérol que possèdent l’atorvastatine calcique ou le racémate d’atorvastatine calcique. M. Newton a décrit les essais AICS comme suit dans son affidavit :

[traduction]

97. Les deux essais AICS (nos 4488 et 4588) ont été menés avec le sel calcique de l’énantiomère R-(R*,R*) et le sel calcique du racémate (PD 124,488-38A). Les essais AICS 4488 et AICS 4588 sont les seules comparaisons directes du sel calcique du racémate et du sel calcique de l’énantiomère R-(R*,R*) [l’atorvastatine]. Les résultats sont résumés dans le rapport de recherche nRR‑740‑02620, dont une copie est jointe en tant que pièce « P ». Les DE50 signalées indiquent que l’atorvastatine calcique était 2,5 fois (AICS 4488) et 2,7 fois (AICS) plus active que le racémate dans cet essai in vivo.

 

[…]

 

100. Il faut être prudent lorsqu’on compare les DE50 obtenues avec différents composés dans la même série d’essai, car les résultats n’indiquent pas toujours une relation dose-réponse distincte. L’essai AICS ne donne aucune information quant à l’activité inhibitrice intrinsèque de la synthèse du cholestérol que possède un composé à l’essai parce que ce composé peut être converti en des métabolites actifs ou inactifs par des enzymes qui métabolisent les médicaments in vivo. En examinant les données de l’essai AICS, il est impossible de savoir si une activité apparente est causée par le composé lui‑même ou par un métabolite actif. Il faut mettre à l’essai les composés dans un système fermé, comme c’est le cas dans l’essai COR ou l’essai CSI, pour obtenir de l’information au sujet de l’activité inhibitrice intrinsèque de la synthèse du cholestérol en général, ou de la HMG-CoA réductase en particulier, que possède un composé à l’essai.

 

(Dossier des demanderesses, volume 4, p. 1163)

 

 

[114]       Selon M. Scallen, les essais AICS sont fiables et valides. Il a déclaré dans son affidavit :

[traduction]

46. Selon mon expérience, l’essai AICS est un indicateur fiable de l’activité d’un composé à l’essai in vivo. En particulier, pratiquement toute la statine est absorbée et passe rapidement et directement dans le foie, où la plus grande partie du cholestérol se forme dans l’organisme. Par conséquent, il n’y a aucun problème d’absorption avec la statine. Il est bien connu que les statines ne sont pas modifiées ni dégradées dans le milieu acide de l’estomac et que l’absorption intestinale, l’absorption dans le foie, l’absorption dans les hépatocytes et la disponibilité de l’enzyme (HMG‑CoA réductase) n’ont pas d’effets négatifs sur elles.

 

47. Par ailleurs, le plan de l’étude lui-même ainsi que l’administration du médicament et les essais sur ce médicament effectués peu après, soit juste une heure après l’administration, permettent d’évaluer la puissance intrinsèque du médicament à l’essai chez un animal intact sans interférences dues à des modifications secondaires qui pourraient survenir plus tard chez l’animal. Ce moment où les essais sont réalisés se situe bien avant que des modifications secondaires dues au métabolisme du composé puissent survenir.

 

(Dossier des demanderesses, volume 15, p. 4659-4660)

 

 

[115]       M. Scallen s’est attardé sur ce point durant le contre‑interrogatoire :

[traduction]

Q. Et certains processus biologiques peuvent agir sur ce composé. Est‑ce exact?

 

R. Non, pas après le court laps de temps dont nous parlons.

 

Q. Donc, dans un programme de découverte de statines, vous savez que le médicament ne sera modifié d’aucune façon et que vous obtiendrez une DE50 raisonnable si vous avez une CI50 raisonnable?

 

R. Oui, parce que les modifications secondaires auxquelles vous faites allusion sont le métabolisme du composé à l’essai. Ces modifications prennent beaucoup plus de temps à se produire. Le médicament n’est dans l’animal que pendant -- il est administré. Il n’est dans l’animal que pendant 60 minutes et, par la suite, pendant 50 minutes pour le marquage à l’acétate.

 

Il s’agit donc d’une très courte période, et nous savons d’après les travaux très bien connus dans le domaine que pendant cette période, le médicament est transporté rapidement et en grande partie vers le foie, qu’il pénètre dans les hépatocytes et qu’il entre en contact avec la HMG-CoA réductase dans les hépatocytes. Les mesures effectuées après le très court intervalle mentionné permettent de connaître l’activité chez l’animal intact sans les interférences causées par l’acide stomacal ou par l’absorption ou l’inactivation du composé par les enzymes qui métabolisent les médicaments.

 

On peut se fier à ces essais effectués après un court laps de temps. Ils étaient utilisés par toutes les entreprises que je connais dans ce domaine. Merck les utilisait certainement. Sandoz les utilisait aussi, tout comme Parke-Davis ou Pfizer, évidemment.

 

Q. D’accord. Mais vous m’avez dit qu’il n’y a aucune étude qui montre que l’atorvastatine n’est pas métabolisée durant la première heure.

 

R. Eh bien, les travailleurs dans le domaine savent que les effets du métabolisme des médicaments – et ces effets ont bien entendu été étudiés chez l’humain – survenaient beaucoup plus tard, mais pas dans une étude à dose unique. Il était certainement connu que le métabolisme du médicament ne constituait pas un problème.

 

(Dossier des demanderesses, volume 15, p. 4782-4784)

 

 

[116]       Fait significatif, dans un rapport de recherche portant sur l’essai AICS (No RR-740-02620) qui était daté du 31 mai 1989 et qui a été transmis à la haute direction de Warner-Lambert, il est dit en ce qui concerne le résultat :

[traduction] Le sel de calcium chiral [R,R] du CI-971 (PD 134298‑38A) présentait une activité inhibitrice rapide de la synthèse du cholestérol in vivo environ deux fois plus élevée que le racémate (PD 124488-38A). C’est prévisible si 50 % du sel racémique est l’isomère [S,S] inactif. […] La DE50 moyenne dans les deux expériences avec le sel chiral (1,0 mg/kg) était équivalente à celle de la lovastatine (0,89 mg/kg, expérience 289).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[117]       Je ne vois aucune raison de rejeter la preuve de M. Scallen selon laquelle l’essai AICS est un indicateur puissant de l’activité intrinsèque de l’atorvastatine calcique. De toute évidence, l’entreprise à laquelle Pfizer a succédé était du même avis, comme en fait foi le rapport de recherche cité. Il y a absorption rapide et accès rapide à la HMG‑CoA réductase du foie, ce qui était bien connu de toute personne versée dans l’art à l’époque. Même si M. Scallen ne pouvait renvoyer à aucune autorité à ce sujet, Pfizer n’a pas prouvé le contraire. L’observation de M. Scallen relative à l’accès rapide n’a pas été contredite; les données de l’essai AICS sont les seules qui soient fiables. Cet essai est le seul :

a.       qui a permis une comparaison directe;

 

b.      qui a évalué le sel calcique du racémate et le sel calcique de l’atorvastatine;

 

c.       qui a été mené deux fois;

 

d.      dont ni la méthodologie ni la procédure de laboratoire n’ont été remises en cause.

 

[118]       Par conséquent, j’en conclus que l’essai AICS montre que l’activité intrinsèque du sel calcique de l’atorvastatine n’était qu’un peu plus de deux fois supérieure à celle du sel calcique du racémate d’atorvastatine.

 

Conclusion

[119]       Les dispositions du paragraphe 27(3) ont été qualifiées de techniques. C'est ainsi que la juge Layden‑Stevenson faisait observer ce qui suit au paragraphe 76 de la décision AB Hassle c. Genpharm Inc., 2003 CF 1443 :

L'allégation portant sur l'insuffisance de la divulgation est une contestation de nature technique qui ne devrait pas servir à faire échec au brevet pour une invention méritoire. Cette contestation sera accueillie dans les cas où le mémoire descriptif ne divulgue pas l'invention de manière telle qu'une personne du métier ne puisse pas mettre l'invention en pratique […]

 

 

[120]        Le juge Dickson avait auparavant clarifié ce principe dans Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. [1981] 1 R.C.S. 504, à la page 526; 122 D.L.R. (3d) 203 :

Même si le par. 36(1) [le paragraphe 27(3) de la version actuelle de la Loi] exige que l'inventeur indique et revendique distinctement la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention et si (ii) pour être brevetable une invention doit consister en quelque chose de nouveau et d'utile (art. 2) qui n'était pas connue ou utilisée par une autre personne avant que l'inventeur l'ait faite (al. 28(1)a)), je ne donne pas aux derniers mots du par. 36(1) une interprétation qui oblige l'inventeur à décrire, dans sa divulgation ou ses revendications, en quoi l'invention est nouvelle et de quelle manière elle est utile. Il doit dire ce qu'il revendique avoir inventé. Il n'est pas obligé de vanter l'effet ou l'avantage de sa découverte s'il décrit son invention de manière à la produire.

 

 

[121]       De même, le juge Hugues proposait les observations suivantes aux paragraphes 122 à 127 de Janssen‑Ortho, précitée :

122     Le paragraphe 34(1) ne prévoit aucune sanction pour le cas où un brevet omet de décrire l'invention de façon exacte, complète et claire. Néanmoins, les tribunaux, notamment la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Pioneer Hi-Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623 aux pages 1637‑1638, [1989] A.C.S. no 72 au paragraphe 27 (QL) (Pioneer Hi-Bred), ont statué que le brevet doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l'invention. Pour être complet, le brevet doit respecter deux conditions. En premier lieu, l'invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie, sous peine d'ambiguïté. Deuxièmement, le brevet doit définir la nature de l'invention et décrire la façon de la mettre en opération, sinon il est invalide parce que l'invention n'est pas suffisamment décrite.

 

123      En ce qui concerne la suffisance, je n'ai aucun doute après avoir entendu les experts que les données sur la toxicité et la solubilité présentées dans le brevet sont limitées. Le tableau des données sur la toxicité a été identifié par les experts comme étant préliminaire et servant à évaluer si un développement ultérieur d'un médicament candidat était justifié. Ce ne sont pas des analyses complètes de la toxicité. Les experts s'accordent pour affirmer que les données sur la DL50 présentées dans le brevet ne sont clairement pas tirées du tableau 3. Le brevet ne donne aucune base pour ces chiffres et il ne présente aucun intervalle de confiance (une plage est souvent donnée pour indiquer que la DL50 est un nombre statistiquement dérivé et présente un certain niveau de variabilité). Dans le brevet, la valeur donnée pour la DL50 de l'ofloxacine de 203 mg/kg (toutes les parties conviennent qu'il s'agirait d'une erreur typographique et devrait être 208 mg/kg) est clairement en désaccord avec le nombre de la DL50 pour l'ofloxacine de 380 mg/kg présenté à la page 11 du brevet 840. Les experts de toutes les parties sont d'accord pour affirmer que plusieurs facteurs tels l'âge, le poids et le sexe des animaux, ainsi que la vitesse d'injection et beaucoup d'autres, peuvent avoir un effet sur les valeurs de la DL50. Il n'y avait pas de consensus quant au chiffre exact, si c'était 208 ou 380, ou à la raison de l'existence de cette anomalie.

 

124     En ce qui concerne les données sur la solubilité, à nouveau, elles sont limitées. On ne possède pas de renseignements suffisants sur les conditions dans lesquelles on a effectué les essais de solubilité de chacun des énantiomères (-) et (+) et du racémate ([plus or minus]). Les experts, MM. Myerson et Matzger, ont discuté de la précision de ces chiffres et de la variation des résultats selon que les substances étaient hydratées, semi-hydratées ou qu'elles auraient subi des changements pendant les essais en solution.

 

125     Il y avait un débat entourant la toxicité de la lévofloxacine, pour savoir si sa toxicité était, en fait, plus ou moins importante que celle de l'ofloxacine ou sensiblement la même. La société Janssen-Ortho ou ses filiales ont apparemment affirmé aux autorités gouvernementales que les toxicités étaient à peu près les mêmes. Il y a eu aussi un débat au sujet de la solubilité réelle de la lévofloxacine comparée à celle de l'ofloxacine. Elle pourrait être calculée environ neuf fois supérieure à celle de l'ofloxacine ou même moins jusqu'à environ cinq fois.

 

126     Je trouve que le manque de données sur la toxicité et la solubilité, ainsi que les incongruités soulevées, n'affectent pas la validité du brevet. En fin de compte, ce que le brevet affirme est présenté à la page 2. La forme S(-) de l'ofloxacine possède une plus grande activité microbienne, une toxicité réduite et une solubilité dans l'eau remarquablement plus élevée, lui donnant la chance de devenir un agent pharmaceutique très utile. Cette déclaration est exacte. Découvrir cette distribution d'attributs, nommément, plus de propriétés bénéfiques et à tout le moins pas plus de propriétés nuisibles, était en soi remarquable.

 

127     Il eût certes été souhaitable que le brevet présente des données plus exhaustives et de meilleure qualité, mais il n'existe à l'heure actuelle au Bureau des brevets aucun mécanisme permettant de contraindre un demandeur à produire des données additionnelles ou à justifier les données formulées dans le brevet. Si l'on peut penser qu'il est vraisemblablement possible d'user à l'occasion d'une certaine dose de persuasion, il reste qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne permet d'imposer la production de données additionnelles. Le brevet peut être invalidé, comme l'a exposé la Cour suprême dans l'arrêt Pioneer Hi‑Bred; toutefois, j'estime que les données fournies dans le brevet ne sont pas, en l'espèce, insuffisantes au point de justifier son invalidation.

 

 

[122]       Bien que ces affaires placent sans aucun doute la barre très basse en ce qui concerne le paragraphe 27(3), en l’espèce, Pfizer n’a pas dépassé cette barre. Essentiellement, le brevet 546 renferme deux assertions, l’une concernant l’activité et l’autre, le sel privilégié. Selon la première assertion, il y a une inhibition inattendue et surprenante de la biosynthèse du cholestérol en raison de l’activité dix fois supérieure de l’atorvastatine calcique par rapport au sel calcique du racémate. Cependant, d’après la preuve présentée, cette assertion est fausse. Les seules données fiables, celles de l’essai AICS, laissent croire à une activité qui dépasse à peine de deux fois l’activité supérieure attendue lorsque le racémate est dédoublé en ses énantiomères individuels. C’est très loin d’une activité dix fois supérieure.

 

[123]       Je ne vois pas en quoi ce serait là une description « exacte et complète » de l'invention. Le breveté est tenu à la véridicité, concernant la nature de l'invention, dans l'exposé du brevet. Ce principe a été examiné par Harold G. Fox à la page 188 de The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd., Toronto, Carswell, 1969 :

[traduction] Si un terme est employé de manière inexacte, mais que le contexte révèle suffisamment la nature de son emploi, le brevet reste valide. De même, le mémoire descriptif n'est pas invalidé par la seule présence d'erreurs d'écriture ou assimilées, ou d'autres fautes et inexactitudes mineures que la personne du métier relèvera et corrigera spontanément. Cette règle, cependant, n'est applicable que si les erreurs et inexactitudes sont manifestes au vu du mémoire descriptif. Si elles n'apparaissent qu'après un supplément d'expérimentation ou si elles équivalent à une présentation inexacte des faits, même immédiatement perceptible pour la personne du métier, le mémoire descriptif est insuffisant. Le breveté ne peut compter sur la compétence et les connaissances du destinataire pour corriger les erreurs ou les fausses promesses dont serait entaché le mémoire descriptif.

 

[124]       Dans la présente espèce, l'affirmation du caractère dix fois supérieur de l'activité est manifeste au vu du mémoire descriptif. Or cette présentation des faits se révèle inexacte, n'étant pas étayée par les données proposées. En conséquence, je conclus à l'invalidité du brevet 546 au motif de sa non-conformité aux dispositions du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[125]       La deuxième assertion est que le sel hémicalcique de l’atorvastatine est la réalisation privilégiée de l’invention revendiquée dans le brevet 546. Comme la première assertion est fausse, je n’ai pas besoin d’examiner cette deuxième assertion.

 

[126]       Comme Pfizer n’a pas réfuté l’allégation de Ranbaxy relative à l’insuffisance, je n’ai pas besoin d’examiner les autres allégations de Ranbaxy et je ne le ferai pas. Cette unique allégation non réfutée permet de disposer de la demande en ce qui a trait au brevet 546.

 

Post-scriptum

[127]       La Cour est bien entendu consciente que la conclusion relative au caractère suffisant des données est différente de celle figurant dans les remarques incidentes de la décision Novopharm. Toutefois, il est bien établi que chaque demande d’avis de conformité est examinée d’après son propre dossier. De plus, il faut noter qu’il existe des différences marquées entre les dossiers de ces deux affaires, particulièrement :

a.       L’avis de conformité dans l’affaire Novopharm était différent et s’est révélé insuffisant.

b.      Dans l’affaire Novopharm, l’insuffisance des données n’avait pas été alléguée dans l’avis d’allégation.

c.       Aucune référence à l’essai ACIS n’était faite dans le mémoire de Novopharm, et cet essai n’a été mentionné qu’accessoirement dans son argumentation.

d.      Les témoins experts présentés pas Ranbaxy sont différents des témoins dans l’affaire Novopharm.

 

[128]       Étant donné les différences dans les dossiers, aucune autre explication n’est nécessaire concernant les conclusions différentes.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

  1. Pfizer ayant réfuté les allégations d'absence de contrefaçon formulées à l'égard du brevet canadien no 1 268 768, il est interdit au ministre de délivrer un avis de conformité à Ranbaxy relativement à ses comprimés d'atorvastatine calcique pour administration orale de 10, 20, 40 et 80 mg, dénommés Ran‑Atorvastatin, jusqu'à l'expiration dudit brevet.

 

  1.  La demande de Pfizer en interdiction au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet canadien no 2 021 546 est rejetée.

 

  1. Étant donné le succès partagé touchant les allégations relatives aux deux brevets en litige, aucuns dépens ne seront adjugés.

 

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


Annexe 1

 

Pour Pfizer

 

Robert H. Barrigar : Maître Barrigar est un avocat qui pratique en Colombie‑Britannique. Il est le propriétaire de la société d’avocats Barrigar Intellectual Property Law, agent de brevets et de marques de commerce. Il a obtenu en 1959 un baccalauréat en sciences appliquées de l’Université de Toronto en génie physique. Il est ingénieur professionnel agréé et agent enregistré de brevets au Canada et aux États‑Unis. Il a obtenu un baccalauréat en droit de l’Université Dalhousie en 1963 et une maîtrise en droit de la Faculté de droit de l’Université Harvard en 1964. Depuis qu’il est devenu membre du Barreau de l’Ontario, en 1966, il a limité sa pratique aux questions de propriété intellectuelle, et particulièrement aux questions de brevets.

 

Bruce D. Roth : M. Roth est l’inventeur désigné dans le brevet relatif à LipitorMD. Il occupe actuellement le poste de vice-président, chimie, pour Pfizer Global Research and Development. Il travaille pour Pfizer depuis 1999, année où l’entreprise a fait l’acquisition de Warner-Lambert Company. Auparavant, il travaillait depuis 1982 pour Warner-Lambert Company. Il est titulaire d’un doctorat en chimie organique de l’Université d’État de l’Iowa. Il est coauteur de huit articles de synthèse et d’environ 50 articles scientifiques. Il a également présenté de nombreux exposés et de nombreuses conférences dans des universités et des congrès aux États‑Unis et au Canada. Il a également reçu nombre de prix, notamment le Warner-Lambert Chairman’s Distinguished Scientific Achievement Award, qu’il partage avec M. Roger Newton. En 1999, il a été nommé Inventeur de l’année par la New York Intellectual Property Law Association.

 

Roger S. Newton : Le domaine d’expertise de M. Newton est la biochimie des lipides. Il est titulaire d’un doctorat en métabolisme des lipides de l’Université de la Californie. Durant sa formation postdoctorale, il a travaillé avec la compactine. De 1981 à 1998, il a occupé un poste chez Parke‑Davis, division de la recherche pharmaceutique de Warner-Lambert Company, au service de pharmacologie de l’athérosclérose. Son mandat consistait à établir et à diriger le programme de découverte de médicaments, qui visait la découverte d’un composé chimique pouvant être commercialisé comme médicament hypocholestérolémiant. Tout comme M. Bruce Roth, il a reçu le Warner-Lambert Chairman’s Distinguished Scientific Achievement Award.

 

William R. Roush : M. Roush est un chimiste possédant 30 ans d’expérience en chimie organique et en chimie médicinale. Il est actuellement directeur exécutif, chimie médicinale au Scripps Research Institute. Il est également vice-doyen de la Kellogg Graduate School du Scripps Research Institute. Il est titulaire d’un doctorat en chimie de l’Université Harvard. De 1978 à 1987, il a été professeur adjoint de chimie et chercheur au Massachusetts Institute of Technology. Par la suite, il a été nommé professeur émérite de chimie à l’Université de l’Indiana, où il a lancé un programme de recherche sur la conception et la synthèse d’inhibiteurs des protéases à cystéine. Il a donné de nombreuses conférences dans des universités et des entreprises pharmaceutiques. Il a en outre publié plus de 225 articles scientifiques et publications connexes dans les domaines de la synthèse organique et de la chimie médicinale. Il est rédacteur en chef adjoint du Journal of the American Chemical Society.

Michael P. Doyle : M. Doyle est professeur et directeur du Département de chimie et de biochimie de l’Université du Maryland, College Park. Il est professeur de chimie depuis 1968. Il est titulaire d’un doctorat en chimie organique de l’Université d’État de l’Iowa. Il a aussi été pendant treize ans professeur émérite de chimie à l’Université Trinity. Il est par la suite devenu membre du corps professoral de l’Université de l’Arizona à titre de professeur de chimie. Il est aussi auteur ou coauteur de dix livres, dont Basic Organic Stereochemistry (publié par Jon Wiley and Sons, New York, NY, 2001). Il a publié plus de 250 articles scientifiques et a fait partie du comité de rédaction d’un certain nombre de publications. Pendant sa carrière, il a reçu de nombreux prix.

 

M. John M. Dietschy : M. Dietschy est docteur en médecine et professeur de médecine interne au Southwestern Medical Center de l’Université du Texas. Il est titulaire de la chaire H. Ben and Isabel T. Decherd en médecine interne à l’Université du Texas. Il mène depuis plus de 40 ans des recherches sur les substances médicinales qui inhibent la biosynthèse du cholestérol, y compris les statines. Pendant cette période, il a travaillé avec l’atorvastatine, la simvastatine, la mévinoline et la fluvastatine. Il a publié 230 articles scientifiques, la plupart portant sur la biosynthèse ou le métabolisme du cholestérol. Il s’est vu décerner un certain nombre de distinctions professionnelles et de prix prestigieux pour ses travaux sur la maîtrise du métabolisme et de la régulation du cholestérol chez l’animal.

 

Peter Lionel Spargo : M. Spargo a obtenu un baccalauréat en sciences naturelles avec spécialisation (chimie) de l’Université Cambridge en 1983, puis un doctorat en chimie organique synthétique en 1986, également de l’Université Cambridge. Il a commencé à travailler pour Pfizer Ltd. en 1988, à titre de chimiste médicinal. Deux ans plus tard, il a occupé un poste au service des procédés (maintenant chimie) et de la recherche et développement, où il a d’abord été chef d’équipe du laboratoire, puis chef de section, gestionnaire, directeur et, enfin, chef du service. Au cours des années pendant lesquelles il a travaillé pour Pfizer, il a conçu, mis au point et mis à l’échelle des procédés de fabrication de nouveaux candidats‑médicaments. Il a dirigé des équipes de sciences pharmaceutiques qui travaillaient à la mise au point de formulations optimales de composés. La sélection de sels et de formes solides a été un élément clé de presque chaque projet auquel il a participé. En 2003, il est devenu directeur scientifique pour Scientific Update LLP, dont il a étendu les services de consultation.

 

M. Peter Howard Jones : M. Jones est médecin et professeur agrégé de médecine au Baylor College of Medicine, section de l’athérosclérose et de la recherche sur les lipides. Il est directeur médical du Methodist Wellness Services Weight Management Center et codirecteur de la Lipid Metabolism and Atherosclerosis Clinic. Il a obtenu en 1974 un baccalauréat ès sciences en chimie de l’Université Washington and Lee. En 1974, il a obtenu son doctorat en médecine du Baylor College of Medicine, où il était le meilleur étudiant de sa promotion. Sa pratique médicale est axée sur la cardiologie préventive et le traitement de l’obésité. Il possède une vaste expérience du diagnostic et de la prise en charge des troubles lipidiques, y compris du traitement pharmacologique par des agents hypolipidémiants, dont les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase. Il possède une expérience particulière dans le traitement de l’hyperlipidémie et dans l’utilisation en clinique des statines, dont LipitorMD. Il a été chercheur principal ou cochercheur dans au moins 30 essais cliniques portant sur des statines. Il a aussi fait partie de nombreux comités scientifiques et a publié 80 articles scientifiques et plus de 20 résumés, dont la plupart portaient sur des essais cliniques avec des statines.

 

Christopher Bokhart : M. Bokhart est vice-président de CRA International, société internationale d’experts-conseils qui offre à ses clients et à des avocats des conseils dans les domaines de l’évaluation d’entreprises, des licences et des services de soutien juridique. Dans le cadre de ses fonctions à CRA, il a agi à titre d’expert-conseil auprès de clients et d’avocats en ce qui concerne l’évaluation d’entreprises, les licences, la technologie, la commercialisation et le transfert ainsi que l’évaluation de marché. Avant d’occuper le poste de vice‑président de CRA, il était consultant de direction chez Peterson & Co. Consulting, après quoi il est devenu administrateur délégué pour InteCap. Il a été l’un des principaux fondateurs d’IPC Groups, LLC, société remplacée par InteCap.

 

Tom Brogan : M. Brogan est le président fondateur de Brogan Inc., entreprise fondée en 1989 dans le but de fournir des conseils stratégiques, des analyses, des données et des renseignements sur le marché à l’industrie pharmaceutique et à d’autres intervenants du secteur de la prestation de services de santé. Brogan Inc. mène des recherches pour ses clients du secteur privé et du secteur public et leur offre des conseils; tant ces recherches que ces conseils sont reconnus pour leur profondeur, leur qualité et leur objectivité. Les recherches menées par Brogan Inc. portent sur l’économique de la santé, l’analyse et la formulation de politiques, les profils d’utilisation de médicaments et la fixation du prix des médicaments. Brogan Inc. offre également des analyses en économique de la santé aux étapes de développement et d’après-lancement des produits pharmaceutiques, y compris le développement du produit et la fixation de son prix. Tous les grands fabricants de produits pharmaceutiques au Canada, qu’ils fabriquent des médicaments d’origine ou des génériques, utilisent les données compilées et organisées par Brogan Inc.

 

Sam Gourdji : M. Gourdji est titulaire d’un baccalauréat ès sciences de l’Université McGill. En 1982, il a obtenu une maîtrise en administration des affaires avec spécialisation en marketing de l’Université McGill. Il occupe à la compagnie Pfizer Canada Inc. le poste de vice‑président, planification stratégique et développement de nouveaux produits. De 1994 à 2000, il a travaillé pour Parke‑Davis, division de Warner-Lambert Company, LLC, comme directeur du marketing. Dans le cadre de ses fonctions, il a supervisé la mise en marché de LipitorMD/atorvastatine calcique et a apporté une contribution canadienne au développement mondial de LipitorMD. En sa qualité de directeur du marketing, il était responsable de l’examen et de l’approbation de l’information concernant la commercialisation et le succès commercial de LipitorMD au Canada. Pendant la période où il a occupé ce poste, il était aussi membre du comité opérationnel mixte canadien sur LipitorMD. En 1994, il a accepté un poste de développement croisé aux affaires gouvernementales‑affaires extérieures. Son rôle consistait à favoriser l’inscription des médicaments de Parke-Davis sur les formulaires des médicaments des gouvernements.

 

           


Pour Ranbaxy

 

M. Terry Scallen : M. Scallen a obtenu son diplôme de médecine de la Faculté de médecine de l’Université du Minnesota en 1961 et son doctorat en biochimie, avec mineure en chimie organique, de l’Université du Minnesota en 1965. Il a été professeur adjoint à la Faculté de médecine, Département de biochimie, de l’Université du Nouveau‑Mexique de 1965 à 1970, professeur agrégé de 1970 à 1974 et professeur titulaire de 1974 à 1996. Il est devenu professeur de médecine en 1982, poste qu’il a occupé jusqu’au moment de sa retraite, en 1996. Il est actuellement professeur émérite de la Faculté de médecine de l’Université du Nouveau‑Mexique. Il a étudié la biosynthèse du cholestérol pendant plus de quarante ans et a commencé ses recherches sur l’inhibition de la HMG-CoA réductase en 1971. Ses recherches ont mené à la synthèse d’un inhibiteur de la HMG‑CoA réductase fluoré, sur lequel reposait un brevet américain délivré en 1979. La délivrance du brevet l’a amené à collaborer avec Sandoz Pharmaceuticals (maintenant Novartis). Cette collaboration était axée sur la synthèse, la découverte et le développement commercial de composés synthétisés par voie chimique (statines) pour le traitement de la maladie coronarienne. Cette collaboration s’est traduite par la découverte de la fluvastatine. M. Scallen a également rédigé de nombreux articles sur différents aspects de la biosynthèse du cholestérol et des inhibiteurs de la HMG‑CoA réductase. Il a également reçu nombre de prix et de distinctions pour ses recherches sur la biosynthèse du cholestérol.

 

Derrick Lawrence Joel Clive : M. Clive est professeur au Département de chimie du Gunning‑Lemieux Chemistry Centre de l’Université de l’Alberta depuis 1988. Il est chimiste organicien de synthèse et se spécialise dans la synthèse de molécules complexes dotées de propriétés médicinales importantes. Il a beaucoup travaillé avec les statines entre 1983 et 1995 et a publié neuf articles à ce sujet, y compris des articles qui décrivent la synthèse de la mévinoline et de la compactine. Il a également donné de nombreuses conférences.

 

Gerard P. Moss : M. Moss a été maître de conférences en chimie organique au Queen Mary and Westfield College de l’Université de Londres de 1966 à 1999. Il a obtenu un doctorat en chimie du Pembroke College de l’Université Cambridge en 1962. De 1962 à 1963, durant son postdoctorat, il a été adjoint à la recherche à l’Université Columbia de New York et, de 1963 à 1966, il a été adjoint à la recherche (durant son postdoctorat), puis maître de conférences adjoint à l’Imperial College de l’Université de Londres. Il œuvre au sein de l’International Union of Pure and Applied Chemistry (IUPAC) depuis 1977 et est maintenant président de la division de l’IUPAC pour la période de 2006 à 2009. Il a également rédigé de nombreux articles sur la nomenclature de divers composés organiques.

 

Ian M. Cunningham : M. Cunningham est consultant indépendant pour l’industrie pharmaceutique et l’industrie de la chimie fine et possède plus de 25 ans d’expérience dans ces industries, ayant occupé des postes en recherche et développement ainsi que des postes dans la haute direction scientifique. Il a obtenu un baccalauréat en sciences pures en 1970 avec spécialisation en chimie de l’Université de Glasgow. Il a reçu son doctorat en 1973. Après son postdoctorat en Suisse, il a travaillé pour ICI Pharmaceuticals (qui est par la suite devenu AstraZeneca) de 1975 à 1990. Durant cette période, il s’est consacré à la découverte de médicaments contre la thrombose, les maladies gastrointestinales et les maladies parasitaires. En 1989, il avait acquis une solide expérience tant pratique qu’en direction dans le secteur de la recherche et développement d’ICI et dans les procédés employés pour choisir et développer de nouveaux candidats‑médicaments.

 

Douglas Bowman : M. Bowman est titulaire d’une maîtrise en sciences de la gestion et en économique appliquée (1992) et d’un doctorat en marketing (1993) de la Wharton School de l’Université de la Pennsylvanie. Il est professeur agrégé de marketing à la Goizueta Business School de l’Université Emory. Il est également directeur des programmes de formation générale pour le Zyman Institute of Brand Science, institut de recherche affilié à l’Université Emory. Avant d’enseigner à l’Université Emory, en 1999, il était professeur adjoint de marketing à la Krannert Graduate School of Management de l’Université Purdue. Ses recherches sont axées sur l’étude empirique des effets à long terme des stratégies de marketing ainsi que des effets de la concurrence sur la stratégie de marketing, sur la compréhension de l’évolution temporelle des relations acheteur‑vendeur et sur la compréhension des conditions qui favorisent la standardisation des programmes de marketing par rapport à leur personnalisation. Ses domaines de spécialisation sont les stratégies de développement de marché, les modèles de marketing et les comportements des consommateurs. Il fait partie du comité de rédaction et de lecture d’un certain nombre de revues de marketing réputées qui sont axées sur la recherche et a été conférencier invité à l’occasion du forum annuel (Advanced Research Techniques Forum) de l’American Marketing Association.

 

M. Philip H. Frost : M. Frost est médecin et professeur clinicien de médecine à la Faculté de médecine de l’Université de la Californie. Il exerce sa profession à la UCSF Lipid Clinic et en cabinet privé. Il possède une expertise clinique dans les troubles des lipoprotéines (troubles du cholestérol) et se spécialise dans ce domaine depuis plus de 30 ans. Il a obtenu son diplôme de médecine de la Faculté de médecine de l’Université de la Californie. De 1965 à 1969, il a été résident, puis résident‑chef en médecine au Stanford University Hospital. Il a été chercheur ou chercheur principal dans un certain nombre d’essais cliniques portant sur les lipides, les traitements médicamenteux contre les dyslipidémies et, de façon plus générale, sur la santé cardiovasculaire. Il est l’auteur ou le coauteur de nombreux articles scientifiques concernant le traitement de la maladie coronarienne. Il a été chercheur ou cochercheur principal aux Merck Sharpe & Dohme Research Laboratories de 1984 à 1998 pour les études de phase II, de phase II et post-commercialisation de deux inhibiteurs de la HMG-CoA réductase (statines) : la lovastatine et la simvastatine. Il a également travaillé comme chercheur pour Pfizer, Inc. dans l’étude « Treating to New Targets », qui visait à évaluer les effets de l’abaissement du taux de cholestérol à lipoprotéines de basse densité (LDL) par l’atorvastatine chez les patients atteints d’une maladie coronarienne. Il a acquis une vaste expérience du traitement des patients par les statines tant dans le cadre d’essais cliniques que dans l’exercice de sa profession.

 

 


Annexe 2

 

DONNÉES (CI50(nM)) DES ESSAIS D’INHIBITION DE LA SYNTHÈSE DU CHOLESTÉROL (CSI)2

 

Essai CSI no

Date

Compactine

PDI 23,832

Forme lactonique du racémate (comprend PDI 30,694 et PDI 30,695)

PDI 30,694

Lactone R-trans

PDI 30,695

Lactone S-trans

PDI 24,488-15

Sel sodique du racémate

(comprend PDI 34,298-15

et PDI 34,299-15)

PDI 34,298-15

Sel sodique de l’énantiomère R‑(R*-R*)

PDI 34,299-15

Sel sodique de l’énantiomère S‑(R*-R*)

PDI 24,488-38A

Sel calcique du racémate

(comprend PDI 34,298-38A

et PDI 34,299-38A)

PDI 34,298-38A

Sel calcique de l’énantiomère R‑(R*,R*)

PDI 34,299-38A

Sel calcique de l’énantiomère S‑(R*,R*)

92

24-07-85

25,1

34,6

 

 

 

 

 

 

 

 

93

27-08-85

10

27,5

 

 

 

 

 

 

 

 

95

15-10-85

30,2

63,1

 

 

 

 

 

 

 

 

102

15-01-87

35,5

91,2

 

 

 

 

 

 

 

 

107

20-07-87

24

 

35,5

631

 

 

 

 

 

 

111[a]

25-02-88

5,01

 

 

 

 

 

 

2,4

 

 

112

28-03-88

38,9

 

 

 

 

 

 

77,6

 

 

118[b]

24-10-88

15,5/13,7

 

 

 

9,77/9,13

 

 

257/234

25,1/21,6

> 1 000

119

15-11-88

6,3

 

 

 

 

 

 

3,24

 

 

120

02-02-89

15,4

 

 

 

 

4,98

444

 

 

 

122

21-04-89

14,3

 

 

 

 

3,13

 

 

3,59

 

123

31-05-89

10

 

 

 

 

 

 

 

9,48

 

124

12-06-89

7,16

 

 

 

1,0

 

 

 

 

 

136

31-07-91

36,8

 

 

 

 

32,2

 

 

 

 

138

30-01-95

26,4

 

 

 

 

16,9

 

 

 

 

 

 

 

 


Annexe 3

(Illustration du calcul de la moyenne)

 

DONNÉES (CI50(nM)) DES ESSAIS D’INHIBITION DE LA SYNTHÈSE DU CHOLESTÉROL (CSI)2

 

Essai CSI no

Date

Compactine

PDI 23,832

Forme lactonique du racémate (comprend PDI 30,694 et PDI 30,695)

PDI 30,694

Lactone R-trans

PDI 30,695

Lactone S-trans

PDI 24,488-15

Sel sodique du racémate

(comprend PDI 34,298-15

et PDI 34,299-15)

PDI 34,298-15

Sel sodique de l’énantiomère R‑(R*-R*)

PDI 34,299-15

Sel sodique de l’énantiomère S‑(R*-R*)

PDI 24,488-38A

Sel calcique du racémate

(comprend PDI 34,298-38A

et PDI 34,299-38A)

PDI 34,298-38A

Sel calcique de l’énantiomère R‑(R*,R*)

PDI 34,299-38A

Sel calcique de l’énantiomère S‑(R*,R*)

92

24-07-85

25,1

34,61

 

 

 

 

 

 

 

 

93

27-08-85

10

27,51

 

 

 

 

 

 

 

 

95

15-10-85

30,2

63,11

 

 

 

 

 

 

 

 

102

15-01-87

35,5

91,21

 

 

 

 

 

 

 

 

107

20-07-87

24

 

35,5

631

 

 

 

 

 

 

111[c]

25-02-88

5,01

 

 

 

 

 

 

2,4

 

 

112

28-03-88

38,9

 

 

 

 

 

 

77,6

 

 

118[d]

24-10-88

15,5/13,7

 

 

 

9,77/9,131

 

 

257/234

25,1/21,6

> 1 000

119

15-11-88

6,3

 

 

 

 

 

 

3,24

 

 

120

02-02-89

15,4

 

 

 

 

4,98

4442

 

 

 

122

21-04-89

14,3

 

 

 

 

3,13

 

 

3,59

 

123

31-05-89

10

 

 

 

 

 

 

 

9,48

 

124

12-06-89

7,16

 

 

 

1,0

 

 

 

 

 

136

31-07-91

36,8

 

 

 

 

32,2

 

 

 

 

138

30-01-95

26,4

 

 

 

 

16,9

 

 

 

 

 

 


Annexe 4

(Problèmes de solubilité)

 

DONNÉES (CI50(nM)) DES ESSAIS D’INHIBITION DE LA SYNTHÈSE DU CHOLESTÉROL (CSI)2

 

Essai CSI no

Date

Compactine

PDI 23,832

Forme lactonique du racémate (comprend PDI 30,694 et PDI 30,695)

PDI 30,694

Lactone R-trans

PDI 30,695

Lactone S-trans

PDI 24,488-15

Sel sodique du racémate

(comprend PDI 34,298-15

et PDI 34,299-15)

PDI 34,298-15

Sel sodique de l’énantiomère R‑(R*-R*)

PDI 34,299-15

Sel sodique de l’énantiomère S‑(R*-R*)

PDI 24,488-38A

Sel calcique du racémate

(comprend PDI 34,298-38A

et PDI 34,299-38A)

PDI 34,298-38A

Sel calcique de l’énantiomère R‑(R*,R*)

PDI 34,299-38A

Sel calcique de l’énantiomère S‑(R*,R*)

92

24-07-85

25,1

34,6

 

 

 

 

 

 

 

 

93

27-08-85

10

27,5

 

 

 

 

 

 

 

 

95

15-10-85

30,2

63,1

 

 

 

 

 

 

 

 

102

15-01-87

35,5

91,2t

 

 

 

 

 

 

 

 

107

20-07-87

24

 

35,5t

631t

 

 

 

 

 

 

111[e]

25-02-88

5,01

 

 

 

 

 

 

2,4i

 

 

112

28-03-88

38,9

 

 

 

 

 

 

77,6i,ch

 

 

118[f]

24-10-88

15,5/13,7

 

 

 

9,77/9,13i,l

 

 

257/234i

25,1/21,6i

> 1 000i

119

15-11-88

6,3

 

 

 

 

 

 

3,24i,ch

 

 

120

02-02-89

15,4

 

 

 

 

4,98t

444t

 

 

 

122

21-04-89

14,3

 

 

 

 

3,13t

 

 

3,59i,t

 

123

31-05-89

10

 

 

 

 

 

 

 

9,48i

 

124

12-06-89

7,16

 

 

 

1,0t

 

 

 

 

 

136

31-07-91

36,8

 

 

 

 

32,2t

 

 

 

 

138

30-01-95

26,4

 

 

 

 

16,9t

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    T‑507‑05

 

INTITULÉ :                                                   PFIZER CANADA INC. ET AL.

                                                                        c.

                                                                       RANBAXY LABORATORIES LIMITED ET AL.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           DU 8 AU 11 JANVIER 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 25 JANVIER 2007

 

COMPARUTIONS :

Andrew Shaughnessy

Peter Wilcox

Grant Worden

Damien McCotter

POUR LES DEMANDERESSES

 

Ronald E. Dimock

David M. Reive

Angela M. Furlanetto

 

POUR LA DÉFENDERESSE

RANBAXY LABORATORIES LIMITED

Eric Peterson

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

 

Dimock Stratton LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

RANBAXY LABORATORIES LIMITED

 

John H. Sims, c.r.                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                              LE MINISTRE DE LA SANTÉ



[a] Il y a une note dans le registre de laboratoire (à P0200367) : [traduction] « Cet essai a été répété sous le no CSI 112, erreur de dilution? Résultats non signalés à CBI. »

[b] Les multiples valeurs représentent les CI50 pour le même essai calculées au moyen de différentes méthodes.

a Il y a une note dans le registre de laboratoire (à P0200367) : [traduction] « Cet essai a été répété sous le no CSI 112, erreur de dilution? Résultats non signalés à CBI. »

b Les multiples valeurs représentent les CI50 pour le même essai calculées au moyen de différentes méthodes.

1 Nombres moyens.

2 Nombre par rapport auquel la moyenne est comparée.

 

[e] Il y a une note dans le registre de laboratoire (à P0200367) : [traduction] « Cet essai a été répété sous le no CSI 112, erreur de dilution? Résultats non signalés à CBI. »

[f] Les multiples valeurs représentent les CI50 pour le même essai calculées au moyen de différentes méthodes.

t trouble

l laiteux

i insoluble

ch amas

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