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Date : 20070125

Dossier : IMM-3221-06

Référence : 2007 CF 84

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

AMINA NAKIBUYE

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) dans laquelle la demande d’asile et de protection de la demanderesse a été rejetée en raison de conclusions défavorables au sujet de sa crédibilité.

 


II.         LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une citoyenne de l’Ouganda; elle s’est enfuie en Italie en l’an 2000 parce qu’elle craignait son mari. Elle a soutenu qu’elle craignait que son mari la force à avoir des relations sexuelles et qu’il lui transmette le SIDA. Elle n’a jamais demandé le divorce.

 

[3]               Elle est devenue membre d’une association ougandaise en Italie et a déclaré qu’un autre membre de l’association l’avait menacée en raison de critiques qu’elle avait faites au sujet du gouvernement. Elle soutient qu’on lui a dit que le membre en question était un agent secret du gouvernement.

 

[4]               En 2003, elle est retournée en Ouganda pour le mariage de sa fille. La Commission a exprimé des réserves importantes au sujet du fait qu’elle avait habité avec son mari alors qu’elle était là‑bas.

 

[5]               La Commission a conclu que la crainte de la demanderesse envers son mari n’était pas fondée parce qu’il n’avait montré aucun intérêt envers elle, même lorsqu’elle avait habité avec lui. Les raisons qu’elle a données pour ne pas avoir demandé le divorce – soit que son mari était le père de ses enfants – n’ont pas non plus convaincu la Commission.

 

[6]               La Commission a tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et a tout de même conclu que la demanderesse n’était pas crédible.

 

[7]               En ce qui a trait à la crainte de l’agent secret, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de preuve corroborante dans la lettre de recommandation que l’association ougandaise de l’Italie avait envoyée. La Commission a aussi conclu que le présumé agent secret n’avait pris aucune mesure contre la demanderesse et qu’elle n’avait déposé aucune plainte à la police, ce qui minait le caractère raisonnable de sa crainte.

 

[8]               En général, la Commission a conclu que la demanderesse avait embelli son récit. La Commission a cité en particulier le fait qu’elle aurait appris de sa sœur que des hommes à sa recherche s’étaient présentés chez sa sœur en Ouganda.

 

III.       ANALYSE

[9]               Il ne fait aucun doute que la décision manifestement déraisonnable est la norme de contrôle applicable aux conclusions de crédibilité. (Voir Horvath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 583.) La question en l’espèce est de décider si la Commission a commis des erreurs de fait importantes et, le cas échéant, si ces erreurs rendent la conclusion de crédibilité manifestement déraisonnable malgré les autres preuves.

 

[10]           La demanderesse a présenté un affidavit qui répondait en détail aux conclusions que la Commission a tirées au sujet de la crédibilité. La Cour ne peut pas accepter ces explications ou justifications après coup. La Cour doit examiner la preuve qui a été présentée à la Commission.

 

[11]           La Cour doit être réticente à infirmer des conclusions au sujet de la crédibilité. La Commission est beaucoup plus en mesure de tirer de telles conclusions que la Cour. Je reconnais les limites du rôle de la Cour, mais il y a toutefois deux aspects de l’affaire qui me troublent.

 

[12]           De prime abord, la Commission pouvait rejeter les motifs que la demanderesse avait donnés pour ne pas avoir demandé le divorce, et elle pouvait conclure que cela minait l’allégation de crainte de la demanderesse.

 

[13]           La Commission pouvait aussi conclure que la preuve au sujet de l’existence d’un agent secret du gouvernement était de nature conjecturale et qu’elle était, à tout le moins, discutable. Même si la conclusion de la Commission, selon laquelle il y aurait dû avoir des commentaires dans la lettre de recommandation de l’association au sujet des problèmes de la demanderesse, est difficile à suivre, il s’agit d’une conclusion qu’elle pouvait tirer.

 

[14]           Cependant, la Commission a tiré une conclusion cruciale, selon laquelle la demanderesse avait habité avec son mari lorsqu’elle était retournée en Ouganda pour assister à un mariage. La décision de la Commission au sujet de la crédibilité semble découler de cette conclusion et affecter la crédibilité accordée à d’autres incidents et finalement, la conclusion générale selon laquelle la demanderesse aurait embelli son récit.

 

[15]           Après examen de la transcription, je ne relève rien qui justifie la conclusion de la Commission. La demanderesse n’a pas admis qu’elle avait habité avec son mari. Il importe de noter que la transcription est consternante et qu’il serait bien malaisé d’affirmer qu’elle reflète correctement ce que la demanderesse a dit. Le mot le plus courant dans la transcription, si l’on ne tient pas compte des habituels « et », « il », etc., est « inaudible ».

 

[16]           Il se peut que la Commission ait entendu autre chose que ce que la transcription reflète, mais cette hypothèse est trop incertaine pour que la Cour y voie un fondement à sa conclusion, qui est cruciale en ce qui a trait à l’ensemble de la preuve.

 

[17]           La Commission a aussi conclu que la demanderesse avait embelli son récit. En fait, l’exemple que la Commission a donné, soit que la demanderesse avait déclaré que des hommes la recherchaient, est inexact. La demanderesse n’a jamais fait une telle déclaration et la Commission ne pouvait donc pas se fonder sur cet incident pour conclure que la demanderesse avait généralement embelli son récit.

 

[18]           La Cour reconnaît qu’il existe d’autres conclusions de fait qui pourraient appuyer la conclusion d’ensemble de la Commission, mais ces deux incidents sont suffisants, en l’espèce, pour que je conclue que la décision de la Commission ne peut pas être maintenue.

 

[19]           Pour ces motifs, le contrôle judiciaire sera accueilli, la décision de la Commission sera annulée et l’affaire sera renvoyée pour nouvel examen devant un tribunal de la Commission différemment constitué.

 

[20]           Il n’y a pas de question pour la certification.

 

JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la Commission soit annulée et que l’affaire soit renvoyée pour nouvel examen devant un tribunal de la Commission différemment constitué.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3221-06

 

INTITULÉ :                                       AMINA NAKIBUYE

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

 

POUR LA DEMANDERESSE

Aliyah Rahaman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAVID MATAS

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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