Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20070116

Dossier : T-872-05

Référence : 2007 CF 45

ENTRE :

NATIVE COUNCIL OF NOVA SCOTIA

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

[1]        La présente demande de contrôle judiciaire porte sur une décision du ministre des Pêches et des Océans du Canada de limiter le nombre de prises de homard autorisé en vertu d’un permis de pêche communautaire des Autochtones à des fins alimentaires, sociales et rituelles dans deux zones de pêche du homard en Nouvelle-Écosse. Le demandeur allègue que cette décision va à l’encontre de l’obligation du gouvernement de consulter les peuples autochtones, qu’elle constitue un manquement aux principes d’équité procédurale et qu’elle viole les dispositions d’une entente sur la pêche conclue par les parties.

 

[2]        Le défendeur fait valoir que l’obligation du gouvernement de consulter les peuples autochtones et de trouver des accommodements à leurs préoccupations n’est pas en cause dans le contexte du présent litige. Même si cette obligation existe (ce qui est contesté), Pêches et Océans Canada s’est acquitté de l’obligation de consulter que lui impose la common law et il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale. Tant la lettre que l’esprit de l’arrangement sur les pêches autochtones ont été respectés. Qui plus est, la demande est sans objet car le permis contesté est expiré.

 

[3]        En raison des lacunes du dossier, dont la plus importante est le manque d’éléments de preuve corroborant l’existence du droit ancestral de pêcher revendiqué par le demandeur, je conclus qu’une analyse constitutionnelle n’est pas appropriée. Par conséquent, la présente demande ne peut pas être tranchée en fonction de l’argument constitutionnel avancé par le demandeur.

 

[4]        En ce qui concerne la violation alléguée des principes du droit administratif, je ne considère pas que le degré d’équité procédurale exigé était plus élevé que celui qui a été accordé. Le demandeur a eu la possibilité de participer et d’exprimer ses points de vue. Il a profité de cette possibilité. La preuve montre qu’il a été tenu compte de son avis. Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale dans les circonstances de l’espèce.

 

[5]        L’argument concernant la violation alléguée de l’arrangement sur les pêches autochtones est également dénué de fondement. Bien que l’arrangement fasse état de l’intention des parties de collaborer, il ne prescrit pas que la consultation doit donner lieu à une résolution mutuellement acceptable. Il y a effectivement eu consultation en l’espèce. Il n’y a aucune preuve ni allégation de mauvaise foi. Par conséquent, l’argument du demandeur est rejeté.

 

[6]        Enfin, même si la demande de contrôle judiciaire est en principe sans objet, il convient pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher la question.

 

Les parties

[7]        Le demandeur, le Native Counsel of Nova Scotia (NCNS), est une organisation créée en 1974 qui représente les peuples autochtones afin d’aider les Mi’kmaq et autres peuples autochtones qui vivent hors des réserves en Nouvelle‑Écosse et de leur donner la possibilité de s’exprimer collectivement. Il s’agit d’une société enregistrée en vertu de la Societies Act, R.S.N.S. 1989, ch. 435, et d’une société régionale affiliée au Congrès des Peuples Autochtones (le Congrès), un organisme national. Le Congrès et le NCNS exercent des pressions sur les divers ordres de gouvernement pour obtenir des services, des avantages et des programmes pour leurs membres.

 

[8]        L’adhésion au NCNS est facultative et ouverte à tout Mi’kmaq ou Autochtone qui vit hors des réserves en Nouvelle-Écosse. Il existe diverses catégories de membres. Environ 3 300 à 3 500 personnes sont des « membres à part entière ». Il s’agit notamment de Mi’kmaq, d’Inuits, de Métis ou d’autres personnes qui prétendent être d’ascendance autochtone.

 

[9]        En 1987, le NCNS a créé la Commission Netukulimkewe’l (la Commission) en tant qu’ « autorité de gestion de la nature » des communautés de Mi’kmaq et d’Autochtones habitant hors des réserves partout en Nouvelle-Écosse. Son objet déclaré est la gestion des activités de chasse et de pêche de la communauté. Le NCNS et la Commission exigent des membres à part entière qui souhaitent participer aux activités communautaires de chasse ou de pêche qu’ils fassent la demande d’un permis de pêche communautaire. Ce permis, qui est délivré à chaque pêcheur, est connu sous le nom de « Aboriginal and Treaty Rights Access Passport (ATRA Passport) » (permis fondé sur les droits ancestraux et issus de traités ou permis ATRA).

 

[10]      Le défendeur, le procureur général, représente le ministre des Pêches et des Océans (le ministre) ainsi que le ministère des Pêches et des Océans (le MPO). Le ministère est également connu sous le nom de Pêches et Océans Canada (POC). Les acronymes MPO et POC sont utilisés indifféremment dans les observations des parties et tout au long des présents motifs.

 

Le contexte

[11]      En 1990, le NCNS a communiqué avec le MPO en vue d’engager des discussions. En 1992, une entente sur la pêche autochtone a été conclue par le NCNS et Sa Majesté, représentée par le ministre et le MPO. L’objet de cette entente énoncé à l’article 2.1 était de [traduction] « fournir un cadre général pour les discussions entre les parties au sujet des questions énoncées à l’article 3.0 de l’entente sur la pêche autochtone », qui, de façon générale, porte sur des questions liées à la gestion des pêches. Depuis 1992, le MPO et le NCNS ont conclu par écrit une série d’ententes et d’arrangements ainsi qu’un protocole destinés à régler les questions liées à la gestion des pêches, notamment la conservation, la protection et l’application de la loi.

 

[12]      Le 12 août 1993, le protocole d’entente (le protocole) entre le NSNS et le MPO a été mis en application. Il avait pour objet d’établir un processus grâce auquel les parties pourraient collaborer en vue a) de partager l’information et b) de discuter des questions les préoccupant, notamment la mesure la plus appropriée à prendre dans les cas où les pratiques de pêche du NCNS avaient des répercussions néfastes sur la gestion et la conservation des ressources halieutiques. Le protocole prévoyait un processus par lequel un comité du NCNS et de représentants de POC discutaient de pratiques de pêche néfastes et réglaient, conformément aux principes de justice réparatrice des Autochtones, les cas de transgression commise par des pêcheurs membres du NCNS. Le protocole prévoyait que l’une ou l’autre des parties pouvait mettre fin à l’entente en remettant à l’autre partie un préavis écrit de 90 jours. Le protocole a été utilisé entre 1993 et 1999. Il semble que le MPO a mis fin au protocole en 2000. Le dossier ne comporte aucun détail à cet égard.

 

[13]      Le 3 octobre 1995, la Commission et le MPO ont signé l’arrangement sur les pêches autochtones (APA de 1995). Par cet arrangement, les parties se sont engagées à [traduction] « collaborer en vue de prendre des mesures permettant d’augmenter la participation de la Commission à la gestion de la pêche par les titulaires [du permis] ATRA en Nouvelle-Écosse ». L’APA de 1995 prévoyait que le NCNS et le MPO suivraient le processus prévu par le protocole, le cas échéant, pour trouver des solutions mutuellement acceptables aux questions découlant de l’APA. Une annexe de l’APA fournissait un « plan de pêche » annuel détaillé pour la pêche de 40 espèces de poisson partout en Nouvelle-Écosse (y compris le homard) à des fins alimentaires, sociales et rituelles. C’est ce qui a donné lieu au permis de pêche communautaire à des fins alimentaires, sociales et rituelles (permis de pêche ASR) délivré par le NCNS.

 

[14]      En vertu du permis, le NCNS peut désigner les Autochtones autorisés à pêcher en leur remettant certains documents et certificats. Il y a également certaines exigences en matière de surveillance et de déclaration des prises. Le permis et ses conditions comportent 23 pages et contiennent diverses dispositions portant sur la conservation, la protection et d’autres questions liées à la gestion de la pêche. Les conditions visées par la présente demande de contrôle judiciaire concernent une espèce de poisson, le homard, dans deux zones précises de la Nouvelle-Écosse. Je donnerai, plus loin dans les présents motifs, d’autres précisions sur les conditions contestées.

 

[15]      Pour les titulaires du permis ATRA (contrairement aux titulaires d’un permis de pêche commerciale), la saison de pêche du homard dure toute l’année d’un bout à l’autre de la province. Les conditions du permis de pêche ASR prescrivent l’équipement réglementaire, la quantité de casiers marqués, les limites concernant la taille, l’obligation de remettre immédiatement à l’eau les homards femelles portant des œufs (œuvées) et l’interdiction d’avoir en sa possession des homards femelles marqués d’une encoche en V sur l’aileron droit de la queue. Ces conditions s’appliquent dans toute la province et constituaient dans le passé des mesures de conservation avant la délivrance du permis de pêche ASR.

 

[16]      En ce qui concerne le homard, le permis de pêche ASR recommande un Netukulimk– un concept Mi’kmawey ayant trait à l’utilisation des richesses naturelles octroyées par le Créateur pour la subsistance et le bien-être de l’individu et de l’ensemble de la communauté – de six casiers à homard marqués par titulaire du permis ATRA, à l’intérieur des zones de pêche du homard (ZPH) 25 à 35. Même si le dossier ne l’indique pas très clairement, à un certain moment après la signature de l’APA de 1995, le nombre de casiers pouvant être utilisés dans certaines ZPH (les ZPH 33, 34 et 35 en particulier) a été révisé afin que les titulaires du permis ATRA ne puissent plus utiliser les six casiers dans une seule ZPH.

 

[17]      Dans la ZPH 33, l’APA de 2004-2005 permettait aux titulaires du permis ATRA de prendre un maximum de 40 homards par jour à l’aide d’un total de deux casiers ou de deux verveux. Dans la ZPH 34, les titulaires du permis ATRA pouvaient prendre un maximum de 20 homards par jour à l’aide d’un casier ou de deux verveux. Seuls l’APA de 1995 et l’APA de 2004-2005 ont été versés au dossier. Ces APA seraient représentatifs des divers APA intervenus entre les parties. Le présent litige concerne la restriction imposée par l’APA de 2004‑2005, qui limite le nombre de prises à 20 homards par casier dans les ZPH 33 et 34. Ces deux zones de pêche du homard s’étendent des côtes d’Halifax jusqu’à Digby. Les circonstances à l’origine de cette restriction sont abordées dans les paragraphes qui suivent.

 

[18]      La saison de la pêche commerciale du homard dans les ZPH 33 et 34 s’étend de la fin novembre à la fin mai. Pendant l’été 2002, le MPO a constaté un problème croissant dans la ZPH 34, nommément, des activités illégales de pêche du homard en dehors de la période permise. Des agents des pêches du MPO ont observé des activités de pêche illégales sous le couvert d’un permis de pêche autochtone ASR. Seuls ou en collaboration avec des non‑Autochtones, certains pêcheurs autochtones vendaient des homards pris en vertu de permis de pêche ASR.

 

[19]      En juin 2004, des agents des pêches des détachements de Digby et de Meteghan ont préparé des plans d’application de la loi en vue de mettre fin au braconnage du homard dans la baie St. Mary’s et dans le port de Yarmouth. Ces plans ont permis d’identifier 28 personnes soupçonnées d’avoir pris part à des activités de braconnage du homard, dont six membres du NCNS, six membres d’autres Premières nations et une personne qui s’identifiait comme étant Métis.

[20]      Après avoir tenté, en vain, de régler le problème grâce à des opérations de surveillance et à des poursuites intentées en vertu de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14 (la Loi), le MPO a jugé qu’il n’y aurait aucune possibilité raisonnable d’obtenir des déclarations de culpabilité si des limites au nombre de prises de homard autorisé n’étaient pas fixées par la Loi, ses règlements d’application, ou à titre de condition d’obtention d’un permis de pêche ASR. Dans l’intervalle, la tension a augmenté chez les pêcheurs de homard, les gens pratiquant la pêche commerciale du homard étant de plus en plus irrités par la pêche illégale.

 

[21]      Le directeur régional de Gestion des pêches et de l’aquaculture, région des Maritimes (le directeur régional), a consulté un biologiste de la vie marine du MPO et lui a demandé [traduction] « son avis concernant une limite raisonnable » pour le nombre de homards pêchés dans la ZPH 34 en vertu d’un permis de pêche ASR. Le biologiste a examiné les données de septembre 1998 sur les prises de homard dans la ZPH 34 et a conclu que les casiers permettaient d’attraper environ 14 à 16 homards de taille légale. Il a également analysé les données sur la pêche commerciale en 2001 dans la ZPH 34 et a conclu que le nombre moyen de prises côtières la première journée était de 11,5 homards de taille légale par casier. À partir de ces renseignements, il a conclu qu’une limite de 20 homards par casier était un nombre raisonnable et recommandable. Le MPO a considéré que ce nombre limite était [traduction] « la solution de rechange la plus viable » aux « opérations d’infiltration longues et coûteuses » auxquelles il avait eu recours en 2004 pour lutter contre la recrudescence de la pêche illégale du homard.

 

[22]      Lors d’une rencontre le 2 novembre 2004 à Truro, les représentants officiels du NCNS et du MPO ont discuté de questions liées à la pêche. Le problème du braconnage du homard a été soulevé, même si le caractère officiel de cette discussion fait l’objet d’une divergence de points de vue. D’une part, le NCNS prétend que le principal objet de la rencontre était le nouveau « Programme autochtone de gestion des ressources aquatiques et océaniques » du MPO. Le représentant du MPO a apparemment [traduction]« soulevé la question du braconnage du homard dans le sud‑ouest de la Nouvelle-Écosse » juste avant la fin de la rencontre. D’autre part, le MPO soutient que le braconnage était l’un des deux points à l’ordre du jour. Quoi qu’il en soit, il n’est pas contesté que le MPO a présenté un projet de nouvelles conditions pour l’obtention du permis de pêche ASR (dans les ZPH 33 et 34). Le projet prévoyait une limite de 20 homards par casier par jour et par titulaire du permis ATRA qui était membre du NCNS.

 

[23]      Le 26 janvier 2005, le NCNS et le MPO ont signé l’APA de 2004-2005. Il semble qu’il n’était pas inhabituel que ces ententes soient signées bien après leur mise en œuvre.

 

[24]      Le 28 février 2005, le directeur régional a envoyé au NCNS une lettre à laquelle était jointe une ébauche des conditions proposées pour la pêche du homard en vertu de l’éventuel permis de pêche ASR. Il a proposé que le MPO et le NCNS se rencontrent à nouveau pour discuter des modifications projetées et il a demandé des suggestions quant à la date de cette rencontre.

 

[25]      Le 11 avril 2005, le NCNS et le MPO se sont rencontrés pour discuter des conditions proposées pour le permis de pêche ASR (20 homards par casier, par jour, dans les ZPH 33 et 34). Le NCNS a fait connaître ses objections aux conditions proposées. Les représentants du NCNS ont fait valoir que le nombre limite ne règlerait pas le problème de la pêche illégale et ils ont soutenu qu’il était injuste de limiter les droits de tous les membres du NCNS à cause des agissements de quelques‑uns d’entre eux. Selon la déposition du témoin du NCNS, bien qu’elle soit équivoque, les représentants du NCNS ont proposé les solutions de rechange qu’ils privilégiaient : rétablir le protocole, marquer les casiers et inciter les membres du NCNS à participer à un débat à grande échelle sur le sujet.

 

Le jugement

[26]      Dans une lettre datée du 22 avril 2005, le directeur régional a indiqué qu’il prenait bonne note des objections du NCNS aux conditions proposées, mais il a informé le NCNS que ces conditions seraient introduites et mises en vigueur le 1er juin 2005.

 

Le contexte procédural

[27]      Le 15 mai 2005, le NCNS a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du MPO du 22 avril 2005. Le demandeur sollicite une ordonnance « annulant la décision de POC ». Rappelons que POC fait référence à Pêches et Océans Canada. Les motifs invoqués dans la demande de contrôle judiciaire qui a été déposée sont les suivants :

            [traduction]

1.                    La décision de POC est contraire aux principes de justice fondamentale et à l’équité procédurale.

 

2.                    La décision de POC est contraire à l’obligation de consulter les peuples Autochtones et de répondre à leurs besoins.

 

3.                    La décision de POC est contraire au droit du Native Council of Nova Scotia de chasser et de pêcher à des fins « alimentaires, sociales et rituelles ».

 

 

[28]      Le MPO a demandé la radiation des deuxième et troisième motifs de la demande. Au moment de présenter sa requête, le NCNS a retiré le troisième motif et l’a remplacé par ce qui suit :


 

            [traduction]

3.                    La décision de POC contrevient à l’arrangement sur les pêches autochtones conclu entre le MPO et le NCNS le 26 janvier 2005.

 

[29]      En rejetant la requête, le protonotaire Morneau a souligné que le droit relatif à l’obligation de consultation est encore en développpement et que l’on continue de définir et d’interpréter cette obligation. De plus, la question de savoir si « des droits ancestraux procéduraux peuvent exister indépendamment des droits ancestraux substantiels demeure ouverte et [...] cette question requiert plus ample analyse avant d’être tranchée ». Par conséquent, le protonotaire a conclu que, même s’il était possible que le deuxième motif de la demande soit rejeté dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il n’était pas « manifeste et évident » qu’il était dépourvu de tout fondement. Le troisième motif invoqué était « réputé remplacer le texte initial du troisième moyen de la demande, sans qu’il soit nécessaire pour le [NCNS] de signifier et déposer un avis de demande modifié ».

 

La législation

[30]      L’article 7 de la Loi sur les pêches habilite le ministre à délivrer des permis de pêche. Le Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones (le Règlement sur les permis de pêche), DORS/93-332, est édicté conformément à l’alinéa 43f) de la Loi. Par souci de commodité, les dispositions pertinentes du Règlement sur les permis de pêche sont reproduites ci‑dessous. Nous reproduisons également l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11.

Loi sur les pêches,

S.R., ch. F-14

 

7. (1) En l’absence d’exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d’exploitation de pêcheries — ou en permettre l’octroi —, indépendamment du lieu de l’exploitation ou de l’activité de pêche.

 

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l’octroi de baux, permis et licences pour un terme supérieur à neuf ans est subordonné à l’autorisation du gouverneur général en conseil.

 

Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones, DORS/93-332

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

« organisation autochtone » S’entend notamment d’une bande indienne, d’un conseil de bande indienne, d’un conseil de tribu et d’une association qui représente une collectivité territoriale autochtone. (aboriginal organization)

 

« permis » Permis communautaire délivré en vertu du paragraphe 4(1). (licence)

 

4. (1) Le ministre peut délivrer un permis communautaire à une organisation autochtone en vue de l’autoriser à pratiquer la pêche et toute activité connexe.

 

(2) Le ministre peut désigner dans le permis :

a) les personnes autorisées à pêcher au titre du permis;

b) les bateaux qui peuvent être utilisés au titre du permis.

 

(3) Dans le cas où le ministre ne désigne pas les personnes autorisées à pêcher au titre du permis, l’organisation autochtone peut les désigner par écrit.

 

(4) Dans le cas où le ministre ne désigne pas les bateaux qui peuvent être utilisés au titre du permis, l’organisation autochtone peut les désigner par écrit.

 

5. (1) Afin d’assurer une gestion et une surveillance judicieuses des pêches et de voir à la conservation et à la protection du poisson, le ministre peut, sur un permis, indiquer notamment toute condition relative aux points visés aux alinéas 22(1)b) à z.1) du Règlement de pêche (dispositions générales) et toute condition concernant ce qui suit :

 

a) les espèces et quantités de poissons qui peuvent être prises ou transportées;

 

b) par quel moyen et à quel moment le titulaire du permis avise le ministre des désignations, les documents attestant la désignation, à quel moment, dans quelles circonstances et à qui les attestations de désignation doivent être produites, les documents ou les renseignements que les personnes ou les bateaux désignés doivent respectivement avoir sur elles ou à bord lorsqu’ils pratiquent la pêche et toute activité connexe et à quel moment, dans quelles circonstances et à qui les documents ou les renseignements doivent être produits;

c) la méthode de marquage et d’identification des bateaux et des engins de pêche;

d) les endroits et les moments où le poisson peut être débarqué ou amené à terre;

e) la méthode à utiliser pour débarquer le poisson et les méthodes pour en déterminer la quantité;

 

f) les renseignements que la personne désignée ou le capitaine du bateau désigné doit, avant le début de la pêche, transmettre au ministre ou à la personne indiquée par le titulaire du permis quant aux endroits et aux moments où la pêche sera pratiquée, ainsi que le mode et les moments de transmission et leur destinataire;

 

g) les endroits et les moments des inspections du contenu de la cale et la procédure à suivre lors de celles-ci;

 

h) le nombre maximal de personnes ou de bateaux qui peuvent être désignés pour pratiquer la pêche et toute activité connexe;

i) le nombre maximal de personnes désignées qui peuvent pêcher en même temps;

j) le type, la grosseur et la quantité des engins de pêche que toute personne désignée peut utiliser;

k) les circonstances dans lesquelles le poisson peut être marqué à des fins scientifiques ou administratives;

l) l’aliénation du poisson pris en vertu du permis.

 

7. Il est interdit à quiconque pratique la pêche ou toute activité connexe autorisée en vertu d’un permis de contrevenir ou de déroger aux conditions de ce permis.

 

8. Il est interdit à quiconque n’est pas désigné de pêcher en vertu d’un permis.

 

9. (1) Il est interdit à quiconque est autorisé à pêcher en vertu d’un permis de pêcher, de prendre ou de garder toute espèce de poisson dans toute zone des eaux visées au paragraphe 3(1) pendant la période de fermeture commençant le 29 décembre et se terminant le 31 décembre.

 

(2) La période de fermeture établie au paragraphe (1) est réputée fixée séparément pour toute espèce de poisson qui se trouve dans toute zone des eaux visées au paragraphe 3(1).

 

 

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Partie II, Droits des peuples autochtones du Canada

 

35. (1) Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

 

(2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

 

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

 

(4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits — ancestraux ou issus de traités — visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Fisheries Act,

R.S., c. F-14

 

7. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.

 

(2) Except as otherwise provided in this Act, leases or licences for any term exceeding nine years shall be issued only under the authority of the Governor in Council.

 

 

Aboriginal Communal Fishing Licences Regulations,

SOR/93-332

 

2. In these Regulations,

 

“aboriginal organization” includes an Indian band, an Indian band council, a tribal council and an organization that represents a territorially based aboriginal community; (organisation autochtone)

 

 

“licence” means a communal licence issued under subsection 4(1); (permis)

 

4. (1) The Minister may issue a communal licence to an aboriginal organization to carry on fishing and related activities.

 

 

 

(2) The Minister may designate, in the licence,

(a) the persons who may fish under the authority of the licence, and

(b) the vessels that may be used to fish under the authority of the licence.

 

(3) If the Minister does not designate the persons who may fish under the authority of the licence, the aboriginal organization may designate, in writing, those persons.

 

(4) If the Minister does not designate the vessels that may be used to fish under the authority of the licence, the aboriginal organization may designate, in writing, those vessels.)

 

5. (1) For the proper management and control of fisheries and the conservation and protection of fish, the Minister may specify in a licence any condition respecting any of the matters set out in paragraphs 22(1)(b) to (z.1) of the Fishery (General) Regulations and any condition respecting any of the following matters, without restricting the generality of the foregoing:

(a) the species and quantities of fish that are permitted to be taken or transported;

(b) the method by which and when the licence holder is to notify the Minister of designations, the documents that constitute proof of designation, when, under what circumstances and to whom proof of designation must be produced, the documents or information that designated persons and vessels must carry when carrying on fishing and related activities, and when, under what circumstances and to whom the documents or information must be produced;

 

 

 

(c) the method to be used to mark and identify vessels and fishing gear;

 

(d) the locations and times at which landing of fish is permitted;

 

(e) the method to be used for the landing of fish and the methods by which the quantity of the fish is to be determined;

(f) the information that a designated person or the master of a designated vessel is to report to the Minister or a person specified by the licence holder, prior to commencement of fishing, with respect to where and when fishing will be carried on, including the method by which, the times at which and the person to whom the report is to be made;

(g) the locations and times of inspections of the contents of the hold and the procedure to be used in conducting those inspections;

(h) the maximum number of persons or vessels that may be designated to carry on fishing and related activities;

 

(i) the maximum number of designated persons who may fish at any one time;

(j) the type, size and quantity of fishing gear that may be used by a designated person;

(k) the circumstances under which fish are to be marked for scientific or administrative purposes; and

(l) the disposition of fish caught under the authority of the licence

 

7. No person carrying on fishing or any related activity under the authority of a licence shall contravene or fail to comply with any condition of the licence.

 

8. No person other than a designated person may fish under the authority of a licence.

 

9. (1) No person who is authorized to fish under the authority of a licence shall fish for or catch and retain any species of fish in any area of the waters referred to in subsection 3(1) during the close time beginning on December 29 and ending on December 31.

 

(2) The close time established by subsection (1) is considered to be fixed separately and individually with respect to any species of fish found in any of the waters referred to in subsection 3(1).

 

Constitution Act, 1982

Schedule B, Part II, Rights of the aboriginal peoples of Canada

 

35. (1) The existing aboriginal and treaty rights of the aboriginal peoples of Canada are hereby recognized and affirmed.

 

(2) In this Act, "aboriginal peoples of Canada" includes the Indian, Inuit and Métis peoples of Canada.

 

 

(3) For greater certainty, in subsection (1) "treaty rights" includes rights that now exist by way of land claims agreements or may be so acquired.

 

 

 

(4) Notwithstanding any other provision of this Act, the aboriginal and treaty rights referred to in subsection (1) are guaranteed equally to male and female persons.

 

Les questions en litige

[31]      Le NCNS fait valoir que, parmi les motifs invoqués dans sa demande de contrôle judiciaire, trois questions se chevauchent : une question de droit administratif (l’équité procédurale), une question constitutionnelle (l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982) et une question contractuelle (l’APA de 2004-2005). Ses allégations portent principalement sur la « question constitutionnelle ».

 

Obligation de consulter et de trouver des accommodements

Aperçu de la position du NCNS

[32]      Le NCNS invoque la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada ayant fait ressortir l’importance de l’obligation de la Couronne de consulter les communautés autochtones avant de prendre des mesures ou des décisions qui pourraient avoir des répercussions négatives sur les terres ou ressources sur lesquelles les Autochtones revendiquent des droits. Le NCNS s’appuie essentiellement sur les commentaires de la Cour suprême dans les arrêts Nation Haïda c. Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511 (Haïda), Première nation Tlingit de la rivière Taku c. Colombie-Britannique (Directeur de l’évaluation de projet), [2004] 3 R.C.S. 550 (Taku), et Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), [2005] 3 R.C.S. 388 (Mikisew).

 

[33]      Les observations écrites du NCNS se fondent sur l’arrêt Haïda en ce qui concerne notamment le « délai » de l’obligation de consulter. Selon le NCNS, la « grande importance jurisprudentielle » de l’arrêt Haïda provient du fait qu’il confirme que le gouvernement doit consulter les Autochtones avant qu’un droit ancestral ou issu d’un traité soit établi ou reconnu. Il y a une obligation de mener des consultations « avant l’établissement du bien-fondé de la revendication » et de le faire de bonne foi. L’honneur de la Couronne n’exige rien de moins. Qui plus est, le NCNS fait valoir que l’arrêt Mikisew indique que l’obligation de consulter est un droit de nature procédurale plutôt qu’un droit substantiel (p. ex. la chasse, la pêche, le piégeage).

 

[34]      Bien que ses observations écrites soient en grande partie consacrées aux concepts de « l’obligation de consulter » et de « l’honneur de la Couronne », le NCNS a soutenu, à l’audience, qu’il ne prétendait pas que le MPO n’avait pas mené de consultations. Ses préoccupations concernent plutôt le contenu ou la portée des consultations et des mesures (ou de l’absence de mesures) prises pour répondre à ses besoins.

 

[35]      En ce qui concerne le problème du braconnage dans le port de Yarmouth et dans la baie St. Mary’s, le NCNS reconnaît qu’il faut y mettre fin. Il ne défend pas la pêche illégale du homard. Toutefois, il affirme qu’il est essentiel que la méthode choisie pour régler ce problème permette d’établir un équilibre satisfaisant. Les droits constitutionnels des membres du NCNS doivent être traités avec honneur et respect.

 

[36]      Le NCNS allègue que le MPO a tout d’abord reconnu son obligation de consulter en juin 2004, lorsque les plans d’application de la loi contre le braconnage du homard ont été préparés. Cependant, à l’automne 2004, il décidé de prendre une orientation particulière. La rencontre de novembre (de la même année) a donné l’occasion au MPO de faire connaître le plan d’action envisagé et, en fin de compte, le MPO a simplement mis en oeuvre la partie de son plan portant sur l’application de la loi malgré les objections du NCNS. Le MPO n’a pas analysé les solutions de rechange proposées par le NCNS au nombre limite de prises. De plus, le NCNS n’a pas été informé des solutions de rechange examinées par le MPO, le cas échéant; le NCNS a été informé des motifs du MPO, sans plus. Le NCNS allègue que le MPO avait l’obligation (fondée sur l’honneur de la Couronne et sur l’obligation de réconciliation correspondante) de trouver des accommodements et l’obligation d’examiner de bonne foi les préoccupations des Autochtones. L’arrêt Mikisew est sans équivoque : l’objectif est la réconciliation des peuples autochtones et non autochtones et la conciliation de leurs revendications, intérêts et ambitions respectifs.

 

[37]      Le NCNS prétend qu’en plus d’imposer un nombre limite par casier pour les homards dans les ZPH 33 et 34, le MPO a criminalisé l’affaire en prescrivant que le nombre limite s’applique à [traduction] « la prise, la prévention et la possession ». Du point de vue du NCNS, le MPO ne s’est pas du tout conformé à son obligation de trouver des accommodements, car il n’a pas adapté sa décision pour tenir compte des préoccupations exprimées par le NCNS.

 

[38]      En ce qui concerne la portée du principe de l’honneur de la Couronne, le NCNS place cette question en tête de liste car elle concerne les droits de pêche des Autochtones à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Même en ce qui concerne les questions moins importantes, il soutient que le MPO ne s’est pas acquitté de l’obligation de demander des renseignements, d’écouter attentivement les doléances et de tenter de réduire les répercussions néfastes. Le NCNS fait valoir que le MPO a donné un préavis de la discussion ainsi que de l’information, mais qu’il n’a pas réellement mené de consultations parce qu’il n’a pas fourni les renseignements à temps. La décision du MPO était un « fait accompli » dès novembre 2004.

 

[39]      En résumé, le NCNS prétend que le MPO a bien cerné son obligation et qu’il n’a pas l’intention de restreindre les droits de pêche des membres du NCNS à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Toutefois, le processus de consultation n’était pas satisfaisant en ce qui a trait à l’obligation de faire des concessions mutuelles. Le MPO avait l’obligation de prendre au sérieux les commentaires du NCNS et de tenir compte de ses préoccupations. Le NCNS est d’avis que le MPO ne l’a pas fait.

 

Analyse

[40]      À mon avis, la présente affaire ne se prête pas à une analyse de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (article 35), principalement parce que l’article 35 ne s’applique pas compte tenu du dossier dont je dispose. J’y reviendrai plus tard dans les présents motifs. Toutefois, il est important de ne pas perdre de vue le principe qui dicte la retenue dans les analyses constitutionnelles, puisque « toute déclaration inutile sur un point de droit constitutionnel risque de causer à des affaires à venir un préjudice » : Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d’enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, au paragraphe 9. Pour ce qui est de l’allégation fondée sur l’article 35, la présente demande pose des difficultés. Je n’ai pas l’intention de toutes les détailler, mais je soulignerai celles qui sont particulièrement problèmatiques.

 

[41]      Le dossier est inhabituel en ce sens qu’il ne s’agit pas d’un « dossier » dont avait été saisi le décideur. Le NCNS s’appuie sur les affidavits de Timothy Kenneth Martin, un membre du conseil d’administration du NCNS, souscrits le 4 juillet 2005 et le 14 septembre 2005. Plusieurs documents fournissant des renseignements généraux utiles sont joints comme pièces à ces affidavits, mais c’est à peu près tout. À part les copies de lettres datées du 28 février 2005 et du 22 avril 2005 provenant de D. Leslie Burke de POC et de la lettre datée du 27 mai 2005 provenant de Neil A. Bellefontaine de POC, les affidavits contiennent peu de renseignements sur la question dont est saisie la Cour. Le dossier du défendeur est plus complet et contient les affidavits de quatre personnes, et notamment des pièces qui fournissent des renseignements sur l’historique du litige entre les parties, des détails sur le problème du braconnage, des articles et des lettres décrivant le climat qui régnait en 2004, des copies des plans d’application de la loi proposés, des documents faisant état de la situation des stocks de homard dans la ZPH 34, ainsi que des dossiers du NCNS sur les débarquements de homard de 1995 à 2005. Les contre‑interrogatoires de D. Leslie Burke (MPO) et de M. Martin sont joints aux dossiers respectifs des parties.

 

[42]      Le défendeur soulève la question de la qualité pour agir et affirme que le NCNS, une organisation politique constituée en personne morale, ne possède pas de droits ancestraux. Compte tenu de ma conclusion concernant l’inapplicabilité de l’article 35 en l’espèce, il n’est pas nécessaire que je détermine si le NCNS a la qualité requise pour présenter une contestation fondée sur ledit article 35. Pour les besoins de la présente demande, je présume, sans toutefois en décider, qu’il a cette qualité. Toutefois, cela ne met pas fin à l’affaire.

 

[43]      La première difficulté d’une analyse fondée sur l’article 35 est que le présumé « droit ancestral » ne correspond pas directement au présumé « droit de consultation » invoqué par le NCNS. Le NCNS fait valoir que pour qu’il y ait une consultation appropriée, le gouvernement doit consulter la communauté autochtone en utilisant les mécanismes choisis par celle‑ci. Puisque la population autochtone vivant hors des réserves de la Nouvelle-Écosse a choisi le NCNS pour la représenter dans ses négociations avec le MPO, le NCNS (à titre d’organisme) a le droit procédural d’être consultaté tandis que chacun de ses membres a le droit fondamental de pêcher. Cependant, même si on reconnaît qu’il existe envers une organisation autochtone une obligation de consulter, le droit de pêche des Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse à des fins alimentaires, sociales et rituelles n’appartient pas (et on ne prétend pas qu’il appartient) à tous les membres du NCNS. Les membres de cette organisation sont des Mi’kmaq ainsi que d’autres Autochtones qui habitent hors des réserves de la Nouvelle-Écosse. M. Martin a reconnu lors du contre‑interrogatoire qu’une demande de permis ATRA, même si elle est plus circonscrite que la demande d’adhésion générale au NCNS, peut être présentée par n’importe quel membre. Des Autochtones qui ne sont pas Mi’kmaq ont des permis ATRA qui leur permettent de pêcher le homard en dehors de la période permise.

 

[44]      Le NCNS allègue donc l’existence d’une obligation de consulter et de trouver des accommodements en ce qui concerne les personnes qui, selon le dossier, ne possèdent pas le droit de pêche des Mi’kmaq. Il n’y a pas suffisamment de preuves pour appuyer une revendication d’un droit ancestral de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles pour les titulaires du permis ATRA ne faisant pas partie du peuple Mi’kmaq. Le défendeur a invoqué cette lacune à plusieurs reprises dans ses observations écrites et à l’audience. Le NCNS a décidé de ne pas répondre.

 

[45]      De plus, le NCNS a retiré son allégation de « violation d’un droit ancestral » de son avis de demande. Par conséquent, aucun droit ancestral n’est revendiqué dans les actes de procédure. Un demandeur doit mentionner dans son acte introductif d’instance les irrégularités qui, selon lui, ont pour effet de vicier la décision contestée. La décision du tribunal ne portera que sur les motifs de contrôle invoqués par le demandeur : Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455, 180 N.R. 152 (C.A.); demande d’autorisation de pourvoi refusée (1995), 198 N.R. 237n (CSC). Pour compliquer l’affaire davantage, il n’y a absolument aucun élément de preuve établissant l’origine d’un droit de pêche autochtone ayant un lien avec l’adhésion au NCNS. Le NCNS invoque l’arrêt Haïda pour soutenir qu’il n’est pas nécessaire de prouver qu’il y a eu violation pour déclencher l’obligation de consulter. Avec égards, cette position élude la question. La difficulté mentionnée est l’absence de revendication d’un droit ancestral.

 

[46]      À cette absence de revendication, le NCNS répond que le droit ancestral en cause est revendiqué « implicitement ». Il convient de souligner que, dans ses observations écrites, le NCNS prétend que le droit de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles est « bien établi ». À l’audience, il est revenu sur sa position initiale et a présenté une vision plus nuancée : le droit de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles a clairement été revendiqué par le NCNS et la Couronne était bien au courant du droit revendiqué. Par conséquent, le fait que la Couronne connaissait ce droit a donné lieu à l’obligation de consulter. Pour appuyer son argument selon lequel la Couronne était au courant du droit ancestral revendiqué, le NCNS invoque ce qui suit :

•           les arrêts R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075 (Sparrow), et R. c. Denny (1990), 94 N.S.R. (2d) 253 (C.A.) (Denny), montrent que les Mi’kmaq ont le droit de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles;

•           les diverses ententes sur la pêche conclues entre le NCNS et le MPO au cours des 10 à 15 dernières années montrent que le NCNS a revendiqué un droit de pêche pour ses membres;

•           la ATRA Affirmation Registration Card de 2005 utilise spécifiquement le terme jakej (homard) au paragraphe 12 et la Couronne savait que ce document existait;

•           le NCNS a clairement revendiqué un droit de pêche dans un litige antérieur. Le paragraphe 21 des motifs de la Cour dans la décision NCNS c. Canada, 2002 CFPI 6, [2002] A.C.F. no 4, expose les droits spécifiquement revendiqués.

 

[47]      Au paragraphe 79 de l’arrêt Sparrow, la Cour mentionne l’arrêt Denny et déclare qu’elle « se penche sur la constitutionnalité du droit des Indiens Micmacs de Nouvelle-Écosse de pêcher dans les eaux du ruisseau Indian et de la rivière Afton et elle le fait d’une manière conforme à notre compréhension de la nature constitutionnelle des droits ancestraux et du lien entre la répartition et la justification qui est requis pour que le gouvernement puisse réglementer l’exercice de ces droits ». Dans l’arrêt Denny, la Cour a statué que les Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse avaient le droit ancestral de pêcher dans les eaux connexes et adjacentes aux terres des réserves. Même si je sais que les membres du NCNS ne sont pas tous des Mi’kmaq, je n’ai pas la moindre idée si les ZPH 33

et 34 sont des eaux « adjacentes à une réserve » car aucune preuve n’a été présentée à cet égard. Qui plus est, il n’y a aucune preuve de l’existence d’un traité ou de pratiques, de coutumes ou de traditions (faisant partie intégrante de la culture préeuropéenne des peuples autochtones) ayant un lien avec les membres du NCNS.

 

[48]      En ce qui concerne les ententes sur les pêches, le NCNS reconnaît que chacune des ententes prévoit expressément qu’elle [traduction] « n’a pas pour effet de reconnaître, définir ou limiter des droits ancestraux ou issus de traités ni d’y porter atteinte et qu’elle ne constitue pas un accord ou un traité au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et qu’elle ne saurait être interprétée comme tel [...] ». Le NCNS reconnaît également qu’en tant que représentant de ses membres, il est signataire de l’entente.

 

[49]      L’utilisation du terme jakej (homard) dans la ATRA Affirmation Registration Card n’est pas très utile pour la position du NCNS. Selon la preuve, une fois que le permis de pêche ASR est délivré au NCNS, c’est le NCNS qui doit désigner qui, parmi ses membres, recevra le permis. Le MPO ne participe pas à cette décision. Il est exagéré de conclure que, puisque le MPO sait que ce document existe, il sait que les membres du NCNS ont revendiqué un droit en vertu de l’article 35.

 

[50]      Je suis du même avis en ce qui concerne le paragraphe 21 de la décision NCNS c. Canada, invoquée par le NCNS. Il convient de reproduire le paragraphe en entier. C’est moi qui souligne.

Les paragraphes 27 et 28 de la déclaration paraissent alléguer que les accords de pêche portent atteinte au droit de pêcher le homard à des fins alimentaires, sociales et rituelles, droit dont bénéficient certains Mi’kmaq en vertu de droits ancestraux ou de droits issus de traités. La déclaration paraît alléguer que le manque de consultation rend cette atteinte injustifiable. Je suis d’avis que pour que les défendeurs soient en mesure de se défendre contre l’action, les demandeurs doivent exposer dans une déclaration modifiée les faits substantiels qui établissent le fondement du(des) droit(s) invoqué(s) ainsi que la manière dont ce(s) droit(s) aurait(auraient) été violé(s).

 

Il m’apparaît que les termes « paraissent alléguer » ont été choisis avec soin. Il va de soi que le paragraphe n’établit pas un droit revendiqué, implicitement ou autrement.

 

[51]      Même si je ne tenais pas compte des problèmes relevés, rien ne prouve que les conditions contestées (20 homards par casier dans les ZPH 33 et 34) ont des répercussions négatives pour les membres du NCNS. En l’absence d’une telle preuve, comment la Cour peut-il établir la portée de l’obligation de consulter? Il n’y a pas le moindre témoignage d’un seul pêcheur de homard membre du NCNS pour montrer de quelle façon les nouvelles conditions ont eu des répercussions négatives. Ni l’un ni l’autre des affidavits de M. Martin ne nous éclairent car ils ne font état d’aucune répercussion négative ou autre pour les membres du NCNS.

 

[52]      À ce sujet, le seul élément de preuve pertinent que j’ai pu trouver dans l’ensemble du dossier est le contre-interrogatoire de M. Martin. Lorsqu’on lui demandé s’il trouvait que les conditions étaient restrictives, M. Martin a répondu [traduction] qu’« elles seraient restrictives dans certaines circonstances ». Lorsqu’on lui a demandé des précisions, il a déclaré [traduction] « la taille de la famille, les besoins, les besoins de la famille, les besoins de la communauté, les besoins des personnes. C’est un changement complet de la façon dont nous appliquions notre système de gestion depuis 1990 et un changement complet de la façon dont la pêche du homard était gérée conjointement par le Native Council et le MPO depuis 1995 ». Voilà toute l’étendue de la preuve.

 

[53]      En l’absence d’éléments de preuve additionnels ou plus complets du NCNS, le problème est que l’imposition de la limite de 20 homards par casier, par jour, résultait des rapports sur les débarquements que le NCNS a remis au MPO sur une période de dix ans. M. Martin l’a admis, car c’est lui qui avait préparé les rapports sur les débarquements. S’appuyant sur ces rapports, le MPO a fixé une limite supérieure au nombre de prises antérieures déclaré par le NCNS. Pour ce qui est des cérémonies qui, a soutenu (sans preuve à l’appui) l’avocat, seraient compromises, le permis de pêche ASR autorise à la Commission à délivrer un [traduction] « certificat de pêche communautaire » (community harvest certificate) qui pourrait être utilisé dans les ZPH 33 et 34 au besoin. Dans ses observations, l’avocat du NCNS a décidé de ne pas tenir compte de l’existence de ce certificat.

 

[54]      À l’audience, le NCNS a soutenu pour la première fois que les nouvelles conditions du permis [traduction] « criminalisaient la possession de prises ». L’avocat a présenté trois scénarios hypothétiques dans lesquels une activité qui était légale dans le passé serait maintenant « criminalisée ». Tout d’abord, il n’y a aucun élément de preuve étayant les allégations de l’avocat. Ce qui est plus important, je considère qu’il est établi en droit que le tribunal ne tiendra pas compte des allégations qui ne font pas partie du mémoire des faits et du droit, car la partie adverse n’en a pas été informée et on ne peut pas s’attendre à ce quelle puisse y répondre convenablement. C’est tout ce que j’ai à dire concernant l’allégation de « criminalisation ».

 

[55]      Le dernier argument invoqué par le NCNS pour appuyer ses observations fondées sur l’article 35 est que la décision du MPO était un « fait accompli » dès novembre 2004. Le contre‑interrogatoire de M. Martin contredit cet argument. M. Martin a dit :

 

[traduction] [...] à la rencontre d’avril, le MPO n’avait pas décidé ce qu’il allait faire. Ils devaient examiner la situation de nouveau. Ils devaient discuter avec les bandes assujetties à la Loi sur les Indiens, ce qui devait supposément les amener au cœur du problème. Ils devaient avoir ces discussions avec eux. Nous étions les premiers sur la liste pour la rencontre. Et ils ont dit qu’ils allaient communiquer avec nous de nouveau. Et d’après la réponse que nous avons eue, la réponse de mai, ils ont décidé que c’était ce qu’ils allaient faire, « C’est ce que nous allons faire ».

 

 

[56]      D’après M. Burke, directeur régional, Gestion des pêches et de l’aquaculture, région des Maritimes, les propositions faites par le NCNS ont été examinées avant que la décision finale soit prise.

 

[57]      Il y a d’autres arguments qui n’ont pas besoin d’être examinés pour l’instant. Certains d’entre eux seront abordés en même temps que les allégations concernant la question « contractuelle » et la question de « l’équité procédurale ». Il suffit de dire que je conviens avec le NCNS que l’arrêt Haïda permet d’affirmer que l’obligation de consulter va de pair avec l’obligation de trouver des accommodements. Cependant, pour les motifs que j’ai donnés, il est évident qu’une obligation de consulter et de trouver des accommodements, en vertu de l’article 35, n’est pas confirmée par les faits de l’espèce.

 

[58]      L’arrêt Haïda consacre aussi le principe selon lequel « on ne peut analyser utilement la question de la prise en compte d’un droit ou de la justification de ses limites sans avoir une idée de l’essence de ce droit et de sa portée actuelle ». Les droits n’ont pas à être prouvés et il est possible de se faire, à l’égard des droits revendiqués et de leur solidité, une idée suffisamment précise pour que l’obligation de consulter et d’accommoder s’applique. « Pour faciliter cette détermination, les demandeurs devraient exposer clairement leurs revendications, en insistant sur la portée et la nature des droits ancestraux qu’ils revendiquent ainsi que sur les violations qu’ils allèguent » (paragraphe 36). Ce n’est pas le cas en l’espèce. D’après le dossier dont je dispose, le NCNS n’a pas démontré que l’article 35 s’applique.

 

[59]      Avant de passer à une autre question, quelques commentaires additionnels s’imposent. Il est évident que le NCNS est mécontent de la décision du MPO d’imposer de nouvelles conditions à ses permis de pêche ASR. Il soutient que le régime de délivrance de permis porte sur l’accès et non sur l’attribution. On aurait dû consulter davantage et trouver des accommodements. Le dossier établit que le MPO a fourni au NCNS une copie de l’ébauche de conditions proposées en novembre 2004 et qu’il a invité le NCNS à y répondre par écrit. Le NCNS n’a pas donné de réponse. En février, le MPO a écrit au NCNS et a joint une copie des conditions proposées. Il a demandé au NCNS la tenue d’une rencontre pour discuter plus à fond des conditions proposées. Lors de cette rencontre, en avril 2005, le NCNS a recommandé, à titre de solution de rechange, un mécanisme qui était déjà en place. Il a également proposé de rétablir le protocole. Bien que le dossier ne soit pas complètement clair à cet égard, il semble que le rétablissement du protocole nécessite un accord tripartite entre le ministère de la Justice, le MPO et le NCNS. Apparemment, il y a des discussions en cours à ce sujet.

 

[60]      Pour conclure, l’arrêt Haïda pose comme principe qu’il faut procéder au cas par cas. L’obligation de consulter et de trouver des accommodements ne garantit pas que les groupes autochtones obtiendront le résultat souhaité.

 

Manquement à l’équité procédurale

Aperçu de la position du NCNS

[61]      Le NCNS fait valoir que les autorités gouvernementales ont, en vertu de la common law, l’obligation d’agir équitablement lorsqu’une décision peut toucher des droits, des privilèges ou des biens. Le degré d’équité à accorder dépendra des circonstances. Les facteurs dont il faut tenir compte sont énoncés dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker).

 

[62]      Selon le NCNS, son argument concernant l’équité procédurale et celui fondé sur l’article 35 se recoupent dans une large mesure car ils concernent tous les deux la procédure. Même si l’obligation de consulter est présentée comme un concept du droit administratif, dans le contexte autochtone, elle comporte un « élément constitutionnel ». Dans le contexte de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de décision, la loi peut limiter les résultats et exiger certaines procédures.

 

[63]      Le NCNS ne veut pas dire que sa position doit prévaloir. De plus, il n’a pas contesté la décision du MPO sur le fond. Le NCNS s’oppose plutôt à la procédure utilisée par le gouvernement pour prendre sa décision. L’arrêt Baker nous rappelle l’objet de l’analyse des facteurs de l’équité procédurale, qui est de garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision recherchée et à son contexte légal, institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leur point de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur.

 

[64]      Le NCNS fait valoir qu’au moment d’examiner les attentes légitimes en jeu en l’espèce, il faut tenir compte de l’historique des relations entre les parties. Le dossier indique qu’il y a eu [traduction] « des consultations vastes et complètes jusqu’à maintenant ». Par conséquent, le comportement du MPO (relativement aux nouvelles conditions du permis) est différent de celui qu’il a eu dans le passé. Le type d’audience accordée au NCNS ne répondait pas au degré de justice naturelle exigé dans les circonstances. Le degré « d’équité » requis devrait être établi en fonction de l’importance de la décision pour les personnes touchées. En l’espèce, les droits sont très importants pour les personnes et pour la communauté sur les plans personnel et spirituel. La délivrance d’un permis pourrait exiger des procédures plus exigeantes tenant du procès

 

[65]      L’essentiel des observations du NCNS concernant cette question est que l’obligation d’équité procédurale exige une consultation appropriée. Cela signifie que les solutions de rechange aux nouvelles conditions auraient dû être analysées adéquatement et explicitement.

 

Analyse

[66]      Les questions d’équité procédurale ne nécessitent pas l’analyse pragmatique et fonctionnelle requise pour déterminer la norme de contrôle judiciaire applicable. En l’absence de circonstances exceptionnelles (il n’y en en pas en l’espèce), un manquement à l’équité procédurale a pour effet de vicier la décision.

 

[67]      Dans l’arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, la Cour suprême du Canada a précisé les trois facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer s’il y a obligation d’agir équitablement. La Cour doit examiner :

•           la nature de la décision;

•           la relation entre les parties;

•           l’effet de la décision sur la personne.

 

[68]      Une fois que la question préliminaire de savoir « s’il y a une obligation d’agir équitablement » a reçu une réponse affirmative, il faut évaluer le contenu de cette obligation.

 

[69]      Personne ne semble contester que la réponse à la question préliminaire est affirmative et qu’il y a une obligation d’agir équitablement dans les circonstances de l’espèce. Le débat est axé sur le contenu de l’obligation et sur la question de savoir s’il y a eu manquement à cette obligation, mais personne ne conteste que le contenu de l’obligation d’agir équitablement est souple et variable.

 

[70]      Il est important de rappeler que l’objectif de l’obligation d’agir équitablement est de garantir qu’une partie, dans un contexte donné, a une véritable possibilité de présenter sa preuve de façon complète et équitable. Cet objectif (plutôt que le moyen par lequel cet objectif est atteint) décrit mieux l’obligation : Baker, au paragraphe 22.

 

[71]      Les observations du NCNS au sujet de l’équité procédurale comportent les mêmes lacunes que ses observations fondées sur l’article 35, c’est-à-dire qu’il y a absence d’éléments de preuve. Pour ce qui est de la jurisprudence, le NCNS invoque les facteurs suivants de l’arrêt Baker dont il faut tenir compte pour déterminer le contenu de l’obligation :

•           la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir;

•           la nature du régime législatif et les « termes de la loi régissant l’organisme »;

•           l’importance de la décision pour les personnes visées;

•           les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision.

 

[72]      Le NCNS insiste en particulier sur l’importance de la décision pour les personnes visées et les attentes légitimes des personnes qui contestent la décision. Même si des arguments ont été avancés, les éléments de preuve sont rares concernant l’un ou l’autre de ces facteurs. Par exemple, le NCNS fait référence à la jurisprudence apparemment pour illustrer l’importance de la décision pour ses membres. Toutefois, il ne présente aucun élément de preuve sur cette question. Les observations de l’avocat selon lesquelles les « droits » sont très importants pour les personnes et pour la communauté « sur les plans personnel et spirituel » ne sont pas appuyées par des éléments de preuve.

 

[73]      Le NCNS invoque l’arrêt Everett c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1994), 169 N.R. 100 (C.A.F.), dans lequel le ministre a refusé de renouveler un permis de pêche commerciale, pour appuyer sa thèse selon laquelle l’affaire est grave. Toutefois, dans l’arrêt Everett, l’affaire a été jugée grave car il y était question d’un moyen de subsistance. Le permis de pêche ASR ne concerne pas le moyen de subsistance des membres du NCNS. Comme l’évoque son titre, le permis de pêche ASR permet aux Autochtones de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Quoi qu’il en soit, l’appel dans l’arrêt Everett a été rejeté parce que le demandeur avait eu pleinement la possibilité de se faire entendre par le ministre. Le MPO avait informé le demandeur de son intention de refuser le renouvellement du permis et lui avait donné la possibilité de répondre. Le demandeur avait présenté des observations écrites et le ministre les avait examinées avant de refuser le renouvellement du permis. La Cour d’appel fédérale a statué que le ministre avait le droit de trancher la question comme il l’a fait en fonction des renseignements dont il disposait.

 

[74]      La décision Durant c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2002), 218 F.T.R. 143 (1re inst.), est invoquée pour établir qu’une décision ayant trait à la délivrance d’un permis en vertu de la Loi sur les pêches peut nécessiter un processus de consultation. Dans la décision Durant, le demandeur a été débouté sur cette question car la Cour a jugé qu’il avait reçu un avis approprié et qu’il avait eu la possibilité d’être entendu.

 

[75]      La décision Duguay c. Canada (Ministre des Pêches et Océans) (1996), 120 F.T.R. 227 (1re inst.), est tout aussi inutile pour la position du NCNS. Dans cette affaire, la Cour a annulé la décision de délivrer un permis de pêche diminuant le nombre de prises autorisé. Cependant, il y a eu manquement à l’équité procédurale car la diminution du nombre de prises constituait l’imposition d’une sanction pénale au demandeur sans qu’il ait eu la possibilité de « confronter ses accusateurs, un droit qu’il aurait été en mesure d’exiger devant une cour pénale ».

 

[76]      Le recours à la jurisprudence ne remplace pas la production d’éléments de preuve. Certes, la pêche du homard à des fins alimentaires, sociales et rituelles est une activité importante pour les titulaires du permis ATRA. Pourtant, je ne dispose d’aucun élément de preuve montrant l’importance de la décision contestée ou la façon dont elle a touché les membres du NCNS. Selon la preuve produite par le défendeur, tous les efforts ont été faits pour garantir que les besoins alimentaires, sociaux et rituels des membres du NCNS ne subiront pas de répercussions négatives. On a sollicité l’avis et les conseils d’un biologiste de la vie marine du MPO, dont l’affidavit a été versé au dossier. Le NCNS n’a pas contre‑interrogé l’auteur de cet affidavit. Il a plutôt décidé de remettre en question son contenu en formulant des arguments, en l’absence de preuve contradictoire.

 

[77]      En ce qui concerne le principe des attentes légitimes, le NCNS allègue que ce principe s’applique en l’espèce en tant que prolongement des règles de justice naturelle et d’équité procédurale. Ce principe accorde à la partie visée par une décision du gouvernement un degré plus élevé d’équité lorsque le comportement des fonctionnaires a amené celle-ci à croire que ses droits ne seront pas modifiés sans une consultation préalable. Le NCNS soutient qu’à cause des rapports antérieurs entre les parties, il y avait une attente légitime qu’un processus de consultation plus vaste serait mené par les représentants du MPO.

 

[78]      La preuve montre en effet qu’il y a eu dans le passé des consultations et des discussions entre les parties au sujet du bien-fondé de différents modes et méthodes de gestion. Lors de son contre-interrogatoire, M. Burke a souligné l’importance des consultations avec les intervenants. M. Martin a déclaré que le NCNS et le MPO avaient des rapports formels depuis 1992 et que ces rapports existaient toujours. Le NCNS peut rencontrer le ministre et les représentants régionaux du MPO et discuter avec eux des divers arrangements, ententes, et protocoles conclus entre le NCNS et le ministre. Le NCNS rencontre le directeur général régional et d’autres représentants du MPO au moins une fois par année. M. Martin a des rapports de longue date avec le directeur général régional qui, pour reprendre ses termes, [traduction] « prenait note des préoccupations exprimées même s’il n’était pas d’accord avec celles‑ci ».

 

[79]      Néanmoins, le dossier indique également que ces rapports n’ont pas toujours été faciles. La déclaration du 23 avril 2001, dans laquelle le NCNS est l’un des demandeurs et le ministre des Pêches et des Océans l’un des défendeurs, montre (aux paragraphes 27, 28 et 36 à 39 précisément) que les parties ont déjà eu des différends.

 

[80]      L’argument du NCNS à cet égard n’est pas plus étoffé que ce que j’ai dit. Le NCNS invoque l’arrêt Baker pour appuyer son argument selon lequel ce principe s’applique. Cependant, dans l’arrêt Baker, le principe des attentes légitimes n’a pas joué un rôle de premier plan et la Cour suprême a jugé qu’il s’agissait de l’un de plusieurs facteurs indéterminés et non exhaustifs dont il faut tenir compte. Sa présence peut avoir une incidence sur le niveau de protection procédurale accordé, en ce sens que si l’on juge qu’elles existent, les attentes légitimes peuvent augmenter le niveau de protection procédurale accordé. Je souligne l’insuffisance de la preuve en ce qui a trait à la violation des attentes légitimes du NCNS.

 

[81]      Le NCNS ne dit rien au sujet du régime législatif et du contexte dans lequel la décision contestée a été prise. Le défendeur soutient que le ministre possède un pouvoir discrétionnaire absolu en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pêches, sous réserve seulement des exigences de la justice naturelle, c’est-à-dire que la décision doit être fondée sur des considérations pertinentes et qu’elle ne doit pas être arbitraire ni prise de mauvaise foi. J’estime qu’il est plus exact de dire que la compétence du ministre, dans les circonstances de l’espèce, découle à la fois de l’article 7 de la Loi et du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones. Il est inconstestable que le paragraphe 5(1) de ce Règlement confère de larges pouvoirs au ministre.

 

[82]      Le contexte dans lequel la décision a finalement été prise est décrit en détail dans l’affidavit de M. Burke. Le climat entourant le problème du braconnage était tel que le MPO a dû réagir. Le MPO a mis en œuvre diverses initiatives et a finalement jugé qu’elles demandaient beaucoup de temps et d’argent. Il a étudié la possibilité d’imposer un nombre limite (pour le nombre de homards par casier, par jour, dans les ZPH 33 et 34) qui n’aurait aucune incidence sur les besoins familiaux, sociaux et rituels des membres du NCNS.

 

[83]      Le MPO a présenté son avant-projet de conditions au NCNS lors d’une rencontre en novembre 2004. À mon avis, les positions divergentes concernant la façon dont cette présentation a été faite n’ont aucune incidence. Il est évident que les conditions proposées ont été présentées et qu’elles ont fait l’objet de discussions à la rencontre de novembre. J’accepte le témoignage de M. Burke selon lequel le NCNS a été invité à formuler ses commentaires au sujet des conditions proposées. Il est clair que le NCNS n’a pas donné suite à cette invitation.

 

[84]      Dans l’intervalle, en plus du NCNS, le MPO a rencontré et consulté 16 communautés des Premières nations en Nouvelle-Écosse, qui ont aussi reçu des permis de pêche ASR.

 

[85]      En février, le MPO a écrit au NCNS au sujet des conditions proposées et a joint à sa lettre une copie de ces conditions. Il a demandé la tenue d’une rencontre pour en discuter plus à fond. Lors de la rencontre subséquente d’avril 2005, la principale suggestion du NCNS a été de rétablir le protocole. Ainsi qu’il a été mentionné plus haut, il semble qu’un accord tripartite soit nécessaire à cette fin et on étudie cette possibilité à l’heure actuelle. Du point du vue du MPO, il ne s’agissait pas d’une solution viable pour régler le problème immédiat du braconnage. D’après ce que je peux comprendre du dossier, à part suggérer le rétablissement du protocole, le NCNS n’a fait qu’exprimer sa forte opposition à l’imposition des conditions.

 

[86]      D’après le dossier, on a demandé la collaboration du biologiste de la vie marine au cours du mois d’avril 2005 et le MPO a alors engagé d’autres discussions internes. En fin de compte, le MPO a décidé de mettre en œuvre les conditions proposées et a informé le NCNS de sa décision.

 

[87]      Le NCNS a reçu un préavis de cinq mois concernant les conditions proposées. Après l’imposition des conditions en septembre 2005, le NCNS a adopté une résolution ordonnant à la Commission d’infliger des sanctions sévères, notamment des suspensions à long terme ou des expulsions à vie avec révocation immédiate du permis ATRA, aux membres du NCNS qui contrevenaient aux règles de la gestion de la nature de la Commission Netukulimkewe’l. On peut se demander pourquoi le NCNS n’a pas fait une proposition semblable au MPO en avril.

 

[88]      En denière analyse, je ne suis pas d’accord avec le NCNS sur le fait que le degré d’équité procédurale requis était plus élevé que celui qu’on lui a accordé. Le NCNS admet qu’il y a eu consultation, mais il soutient que celle‑ci n’était pas adéquate. Il fait valoir qu’une consultation adéquate nécessite une évaluation appropriée des solutions de rechange. Il ne ressort pas clairement du dossier quelles solutions (autres que le rétablissement du protocole) le NCNS voulait que le MPO examine.

 

[89]      Le NCNS a pris part au processus. Il a eu la possibilité d’exprimer son point de vue. La preuve montre que son point de vue a été pris en considération. Une décision a été prise, bien qu’il ne s’agisse pas de la décision souhaitée par le NCNS. La question à trancher est de savoir si l’audience accordée au NCNS était juste, raisonnable et appropriée dans les circonstances. C’est l’équité qui s’impose et non la perfection : Chemin de fer Canadien Pacifique c. Vancouver (Ville), [2006] 1 R.C.S. 227, au paragraphe 46. À mon avis, le NCNS a bénéficié d’une audience juste et raisonnable, qui était appropriée dans les circonstances.

 

Rupture de contrat

Aperçu de la position du NCNS

[90]      L’argument du NCNS à ce sujet est très peu élaboré. Je le reproduis entièrement :

[traduction] En fin de compte, le demandeur soutient que le processus par lequel les conditions du permis ont été adoptées allait à l’encontre des dispositions de l’APA de 2004 ayant trait à la consultation et que, pour cette raison, la décision d’imposer les conditions du permis est par conséquent susceptible de contrôle.

 

 

[91]      Le NCNS n’a pas développé cet argument à l’audience, sauf lorsqu’il a fait référence à la partie de son mémoire des faits et du droit portant sur les faits, que j’examine plus loin. Pour résumer sa position, le NCNS a allégué que le défaut de consulter constituait une [traduction] « limitation de l’exercice du pouvoir discrétionnaire » et qu’indépendamment de l’identité des parties, le contrat a été rompu.

 

[92]      La partie du mémoire des faits et du droit du NCNS portant sur les faits mentionne, à la page 5 à laquelle on me renvoie, des clauses particulières de l’APA de 2004‑2005. Ces clauses sont reproduites dans les présents motifs dans l’analyse de cet argument.

 

Analyse

[93]      Les clauses pertinentes de l’APA de 2004-2005 invoquées par le NCNS sont les suivantes :

[traduction]

Clause 2.(5) : « Gestion des pêches autochtones »

 

La Commission, les préfets de Netukulimk, le MPO et les agents des pêches du MPO collaboreront à la recherche d’une solution mutuellement acceptable à tout problème pouvant découler de la surveillance, de la déclaration des prises en vertu de l’arrangement sur les pêches autochtones et du permis de pêche communautaire des Autochtones.

 

 

Clause 10.(8) : « Durée et résiliation »

 

Les parties peuvent, après des consultations de bonne foi, s’entendre pour modifier les dispositions des annexes, et peuvent résilier une annexe ou le présent arrangement lorsqu’elles ne peuvent parvenir à un accord, au moyen d’un avis écrit remis à l’autre partie, tel que prévu aux paragraphes 10.(2) et 10.(4) du présent arrangement.

 

 

Clause 13.(13) : « Généralités »

 

Le MPO et la Commission doivent se consulter, à la demande de l’un ou de l’autre, concernant tous les problèmes découlant du présent arrangement, et ils collaboreront à la recherche d’une solution mutuellement acceptable à tout problème découlant du présent arrangement.

 

 

[94]      Le défendeur présente des arguments convaincants et solides en réponse à l’allégation du NCNS. Je n’ai pas l’intention de résumer la position du défendeur. L’argument du NCNS n’a pas été developpé ni présenté avec sérieux. De plus, il ne peut pas être retenu. Par conséquent, je n’ai pas à commenter les arguments du défendeur.

 

[95]      La meilleure chance du NCNS d’avoir gain de cause est la référence à la clause 13.(13) de l’APA qui prévoit que les deux parties doivent se consulter à la demande de l’une ou de l’autre. Cette exigence de consultation n’oblige pas les parties à arriver à une solution négociée. Elle prévoit plutôt que les deux parties [traduction] « collaboreront à la recherche d’une solution mutuellement acceptable à tout problème découlant du présent arrangement ». La clause 2.(5) contient les mêmes termes : collaboreront à la recherche d’une solution mutuellement acceptable. L’arrangement n’exige pas que les parties parviennent à une solution mutuellement acceptable. Il exprime plutôt l’intention des parties de collaborer. Bref, il ne prévoit pas que le résultat de la consultation sera nécessairement un règlement négocié.

 

[96]      Il est question à la clause 10.(8) de la « consultation de bonne foi » dans le contexte de la modification des dispositions des annexes. Le NCNS admet qu’il y a eu consultation en l’espèce. Il n’y a aucune allégation de mauvaise foi. Au contraire, le NCNS a expressément reconnu que le MPO [traduction] « n’avait pas l’intention de limiter » les droits des membres du NCNS de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles.

 

[97]      Cela tranche les allégations du NCNS sur cette question. L’argument concernant la rupture de contrat est rejeté.

 

Caractère théorique

[98]      Par souci d’exhaustivité, je dois dire que le défendeur a soutenu que les questions soulevées dans l’avis de demande étaient théoriques car le permis de pêche ASR contesté n’existe plus. Par conséquent, l’octroi de la réparation demandée n’aurait aucune incidence pratique. Le NCNS admet que le permis en cause a expiré le 31 mars 2006. Il soutient que les mêmes conditions litigieuses ont été jointes au nouveau permis de pêche communautaire ASR de 2006‑2007 et que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour instruire les questions soulevées en l’espèce.

 

[99]      Le défendeur a raison de dire que le permis de 2004-2005 ayant pris fin, la demande devient sans objet. Règle générale, les tribunaux refusent de juger les affaires qui ne soulèvent que des questions théoriques. Toutefois, il est généralement admis que la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour s’écarter de la pratique générale lorsque c’est nécessaire. Les critères que doit examiner la Cour pour décider si elle exercera son pouvoir discrétionnaire sont énoncés dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342. Dans la décision Dorsey c. Établissement de Millhaven (2002), 224 F.T.R. 309 (1re inst.), j’ai résumé les critères de l’arrêt Borowski, aux paragraphes 6, 7, 9, 10 et 11 :

 

6     Dans l’analyse en deux temps, énoncée dans l’arrêt Borowski, il faut se demander (i) si le différend concret et tangible a disparu et, (ii) si le différend a disparu, si le tribunal devrait décider alors s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire. Si la réponse à la première question est oui, la question est alors théorique et il faut passer à la deuxième partie de l’analyse.

 

7    Dans la deuxième étape de l’analyse établie dans l’arrêt Borowski, le tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s’il estime que les circonstances le justifient. Il s’agit néanmoins d’un pouvoir discrétionnaire à exercer de façon judiciaire selon les principes établis. Les trois raisons d’être de la politique en matière de causes théoriques tiennent à l’exigence du débat contradictoire, à l’économie des ressources judiciaires et à la nécessité pour les tribunaux d’être bien conscients de leur fonction prétorienne.

 

9     Le premier principe de la deuxième partie de l’analyse tient à l’exigence du débat contradictoire qui, selon l’arrêt Borowski, constitue l’un des principes fondamentaux de notre système juridique. Il pourrait néanmoins y avoir des situations où malgré la disparition du litige actuel le débat contradictoire demeure entre les parties, notamment dans les cas où la décision aurait des conséquences accessoires [...]

 

10     Le second principe tient à l’économie des ressources judiciaires. Dans l’arrêt Borowski, le juge Sopinka a décrit ce principe comme étant la nécessité de rationner et de répartir entre les justiciables des ressources judiciaires limitées. Il a déterminé que cette préoccupation pourrait trouver réponse lorsque les circonstances particulières de l’affaire justifient l’utilisation de ces ressources, si limitées soient‑elles, à la solution du litige. Le simple fait, cependant, que la même question puisse se présenter de nouveau, et même fréquemment, ne justifie pas à lui seul l’audition si la question est devenue théorique. Il est préférable d’attendre et de trancher la question dans un véritable contexte contradictoire, à moins qu’il ressorte des circonstances que le différend aura toujours disparu avant d’être résolu [...]

 

11    Enfin, le troisième principe de la raison d’être tient à l’utilisation de ressources judiciaires dans des cas où se pose une question d’importance publique qu’il est dans l’intérêt public de trancher. Il faut mettre en balance la dépense de ressources judiciaires et le coût social de l’incertitude du droit [...]

 

 

[100]    Puisque l’affaire est sans objet, seule la deuxième étape de l’analyse de l’arrêt Borowski est pertinente. Le défendeur reconnaît qu’il y a un rapport d’opposition entre les parties. En ce qui concerne l’économie des ressources judiciaires, on peut dire à juste titre, étant donné les délais associés au contrôle judiciaire, qu’il est fort probable que le différend entre les deux parties aura toujours disparu avant d’être résolu. L’effet pratique serait de mettre le MPO à l’abri de toute décision ayant trait aux permis de pêche communautaires ASR. De plus, le permis de 2005-2006 comporte des conditions identiques à celles qui sont à l’origine du litige sur le permis précédent. Par conséquent, dans ces circonstances, les conditions futures ne sont pas purement « hypothétiques ». Finalement, il me semble qu’il y a un facteur d’intérêt public en l’espèce. Le différend actuel n’est pas favorable à des négociations et une collaboration futures entre les parties. Il y a beaucoup à gagner d’une collaboration et de négociations continues dans ce domaine. On me dit que l’APA de 2005‑2006 est identique à l’arrangement précédent. Par conséquent, le processus de consultation prévu dans l’APA antérieur se trouve probablement dans l’APA actuel. D’autres consultations et négociations au sujet des conditions sont possibles. Toutes les personnes visées ont avantage à ce que cette question soit tranchée.

 

[101]    Par conséquent, je conclus que je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire pour entendre l’affaire. En toute équité envers le défendeur, l’argument concernant le caractère théorique n’a pas, à juste titre selon moi, été débattu avec conviction à l’audience.


 

[102]    La demande de contrôle judiciaire sera rejetée et un jugement sera donc rendu en ce sens. Le défendeur a réclamé les dépens. Les dépens suivent habituellement l’issue de la cause et rien n’indique qu’il devrait en être autrement. Le défendeur aura droit aux dépens qui lui seront payés par le demandeur et seront taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tarif B.

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 16 janvier 2007

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Boldfuc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              T-872-05

 

INTITULÉ :                                             NATIVE COUNCIL OF NOVA SCOTIA

                                                                  c.

                                                                  PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 9 NOVEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 16 JANVIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Bruce Clarke

Brian K. Awad

 

POUR LE DEMANDEUR

Jonathan D.N. Tarlton

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Burchell Hayman Parrish

Avocats

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.