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Date : 20070112

Dossier : IMM-2436-06

Référence : 2007 CF 24

Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2007

En présence de Monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

IQBAL SINGH

demandeur 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur conteste la légalité d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 13 avril 2006, concluant que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi).

 

[2]               Le demandeur est citoyen de l’Inde. Il dit craindre d’être persécuté du fait de sa religion et de sa nationalité. Il entre au Canada le 25 décembre 2004 avec un faux passeport indien sous le nom de Tajinder Dhaliwal. Il demande aussitôt asile et déclare aux agents d’immigration que son vrai nom est Iqbal Singh.

 

[3]               Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur allègue les faits suivants. La police croit que son ami Manjit Singh est un militant. Suite à la disparition de cet ami en mai 1999, la police menace de le tuer s’il ne révèle pas où il se trouve. Il s’enfuit au Bahreïn et y demeure de 1999 à 2003. Croyant que la police ne le poursuivra plus, il retourne en Inde en 2003 à cause de la maladie de sa mère. Or, à son retour, le demandeur est erronément confondu à un militant, lui aussi appelé Iqbal Singh et dont le nom du père est le même. On le détient deux fois, la première fois en mars 2004, la deuxième, en août 2004. Chaque fois, la police le torture et essaye de lui faire admettre qu’il est bien le militant Iqbal Singh. La police ne le relâche que suite à des versements de pots-de-vin.  Lors de la deuxième détention, la police lui dit que des militants planifient un attentat à la bombe et qu’elle croit que le demandeur en est au courant. En novembre 2004, la police fait une autre descente dans sa maison. Elle ordonne au demandeur qu’il se présente à chaque mois à partir de janvier 2005. S’il ne se présente pas, il sera tué. C’est alors qu’il décide de s’enfuir de l’Inde.

 

[4]               La Commission rejette la demande d’asile, estimant que l’identité du demandeur n’est pas établie et que le demandeur n’est pas crédible.

 

[5]               À l’appui de sa demande d’asile, le demandeur a remis à la Commission certains documents d’identité. La Commission ne croit pas que la documentation soumise par le demandeur soit authentique. Le demandeur soumet aujourd’hui que la Commission avait des photocopies des deux passeports et « probablement » les originaux du permis de conduire et des photos de Manjit Singh. Quoiqu’il en soit, la Commission note que le faux passeport du demandeur, sur lequel apparaît le nom Tajinder Dhaliwal, contient les vrais noms de famille de ses parents. De plus, la personne dans la photo du permis de conduire ne ressemble pas du tout la personne dans les deux passeports. Elle fait remarquer également que les photocopies des pages du vrai passeport de 1997 ne corroborent pas l’histoire du demandeur selon laquelle il a voyagé au Bahreïn en 1997.

 

[6]               La Commission souligne également dans sa décision que durant tout le processus, la preuve soumise par le demandeur a été plutôt imprécise. Premièrement, le demandeur a été interviewé deux fois par des représentants de Citoyenneté et Immigration Canada, mais les notes d’entrevue contiennent peu de détails quant aux circonstances de son départ. De plus, le demandeur n’a pas pu fournir de détails concernant Iqbal Singh et n’a pu préciser la nature des accusations portées contre lui. Il ne savait pas si l’attentat à la bombe dont la police l’avait accusé avait eu lieu et il ne connaissait pas la définition du mot « militant ». Bien qu’il ait témoigné à l’effet qu’il avait étudié avec son ami Manjit Singh, il n’a pas pu fournir beaucoup de détails à son égard. La Commission note que le demandeur allègue être persécuté parce qu’on le considère à tort être un terroriste potentiel. Cependant, il ne correspond pas au profil d’un terroriste. De plus, il a pu facilement quitter l’Inde en 1999 et y retourner en 2003. Ce comportement n’est pas compatible avec celui d’une personne qui craint la persécution ou qui est exposée à un risque à sa vie.

 

[7]               Le demandeur a soulevé plusieurs motifs de révision. Pour les fins des présents motifs d’ordonnance, même s’ils n’ont pas été présentés dans cet ordre à l’audition, j’ai choisi de traiter des arguments suivants soulevés par le demandeur. Premièrement, étant donné que le demandeur n’a pas pu interroger les agents d’immigration qui l’ont interviewé à son arrivée au Canada, la Commission n’aurait pas dû tirer des inférences négatives à partir de leurs notes. Deuxièmement, la Commission aurait dû avertir le demandeur que l’identité serait une des questions débattues. Troisièmement, la Commission a erré quand elle a conclu que l’identité du demandeur n’avait pas été établie. Enfin, la Commission a agi de façon arbitraire et capricieuse en interprétant mal la preuve dont elle disposait et en tirant des conclusions de fait manifestement déraisonnables au niveau de la crédibilité du demandeur. Ce dernier aspect a été particulièrement développé à l’audition par le procureur du demandeur, mais j’estime qu’il n’est pas nécessaire pour la compréhension des présents motifs de reprendre en détail chacune des propositions formulées à cet égard par le procureur du demandeur.

 

1. Est-ce que la Commission a commis une erreur révisable en ayant recours aux notes d’entrevue prises au point d’entrée?

 

[8]               Le 23 septembre 2005, le demandeur a déposé une requête en vertu de l’article 38 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles), afin de faire comparaître l’agent d’immigration et l’interprète qui étaient présents lors de l’entrevue au point d’entrée, à moins que le Ministre ou la Commission ne renoncent à s’appuyer sur les notes au point d’entrée.

 

[9]               L’article 38 des Règles prévoit ce qui suit :

 

38. (1) Pour faire comparaître un témoin, la partie transmet par écrit à l'autre partie, le cas échéant, et à la Section les renseignements suivants :

 

a) les coordonnées du témoin;

 

 

b) l'objet du témoignage ou, dans le cas du témoin expert, un résumé, signé par lui, de son témoignage;

 

 

 

c) la durée du témoignage;

 

 

d) le lien entre le témoin et la partie;

 

e) dans le cas du témoin expert, ses compétences;

 

 

 

f) le fait qu'elle veut faire comparaître le témoin par vidéoconférence ou par téléphone, le cas échéant.

 

 (2) En même temps que la partie transmet à la Section les renseignements visés au paragraphe (1), elle lui transmet une déclaration écrite indiquant à quel moment et de quelle façon elle a transmis ces renseignements à l'autre partie, le cas échéant.

 

(3) Les documents transmis selon la présente règle doivent être reçus par leurs destinataires au plus tard vingt jours avant l'audience.

 

 (4) La partie qui ne transmet pas les renseignements concernant les témoins selon la présente règle ne peut faire comparaître son témoin à l'audience, sauf autorisation de la Section.

 

38. (1) If a party wants to call a witness, the party must provide in writing to any other party and the Division the following witness information:

 

(a) the witness's contact information;

 

(b) the purpose and substance of the witness's testimony or, in the case of an expert witness, the expert witness's signed summary of the testimony to be given;

 

(c) the time needed for the witness's testimony;

 

(d) the party's relationship to the witness;

 

(e) in the case of an expert witness, a description of the expert witness's qualifications; and

 

(f) whether the party wants the witness to testify by videoconference or telephone.

 

 

(2) The witness information must be provided to the Division together with a written statement of how and when it was provided to any other party.

 

 

 

 

 

(3) A document provided under this rule must be received by its recipient no later than 20 days before the hearing.

 

 

(4) If a party does not provide the witness information as required under this rule, the witness may not testify at the hearing unless the Division allows the witness to testify.

 

 

[10]           La requête du demandeur a été refusée le 28 septembre 2005. La coordinatrice a estimé que le demandeur soulevait des questions de politique sur lesquelles la Commission n’avait pas de compétence. De plus, les questions proposées étaient trop vagues et ne semblaient pas être spécifiquement reliées au demandeur. Enfin, la requête était prématurée, compte tenu qu’après avoir considéré toute la preuve, il ne serait peut-être pas nécessaire d’entendre le témoignage de l’agent d’immigration et de l’interprète.

 

[11]           Le demandeur soutient essentiellement qu’étant donné qu’il n’a pas pu interroger ces personnes, la Commission n’aurait pas dû se fonder sur les notes d’entrevue au point d’entrée pour miner la crédibilité du demandeur. De ce fait, elle a fait abstraction de certaines parties de l’entrevue et a tiré des conclusions de fait qui étaient manifestement déraisonnables. Quoiqu’il en soit, même si la Commission n’a pas erré en ce qui concerne ses conclusions de fait, la requête n’aurait pas dû être refusée, étant donné que le Ministre ne s’est pas objecté.

 

[12]           Pour sa part, le défendeur soutient que le demandeur est forclos de se plaindre du rejet de sa requête et de contester la validité des notes au point d’entrée. Il souligne que le demandeur ne s’est pas objecté au dépôt en preuve des notes au point d’entrée. De plus, son procureur n’a pas réitéré sa demande à l’audience. Enfin, le défendeur invite la Cour à suivre les principes déjà établis dans Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 669.

 

[13]           À mon avis, les commentaires que j’ai déjà émis dans l’affaire Singh, ci-dessus, au paragraphe 14, s’appliquent intégralement :

J'estime que le non-respect des règles de justice naturelle ou d'équité procédurale ne se présume pas. Or, les parties ont été avisées avant la tenue de l'audition que les documents d'immigration faisaient partie de la documentation susceptible d'être examinée par la Commission. Ceci inclut bien entendu les notes au point d'entrée. À l'audience, le procureur du demandeur ne s'est pas objecté à ce que le contenu des notes au point d'entrée soit utilisé par la Commission. Faut-il le rappeler, le refus du coordonateur d'émettre une citation à comparaître n'était pas une décision finale. Rien n'empêchait le procureur du demandeur de réitérer à l'audience la même demande. Quoi qu'il en soit, il n'a pas été démontré ici que la présence à l'audition de l'agent d'immigration et de l'interprète étaient nécessaires dans les circonstances.

 

[14]           En l’espèce, le procureur du demandeur ne s’est pas objecté à ce que les notes au point d’entrée soient utilisées par la Commission et n’a pas réitéré sa demande à l’audience. La Commission a tiré une inférence négative du fait que les notes d’entrevue indiquaient que le demandeur avait fourni peu de détails en ce qui concerne plus particulièrement les circonstances de son départ et ce qu’il connaissait à l’égard de son ami Manjit Singh et du présumé militant Iqbal Singh. Elle lui a cependant donné l’opportunité de fournir plus de détails sur ces aspects de la preuve lors de l’audience.

 

[15]           Je suis donc d’avis que le premier motif de révision est sans fondement.

 

2. Est-ce que la Commission a commis une erreur révisable en omettant d’identifier l’identité comme étant une des questions fondamentales au règlement de la demande d’asile?

 

[16]           Le demandeur prétend que le Formulaire d'examen initial du dossier en date du 17 mars 2005 n’indique pas que l’identité serait une des questions débattues à l’audience. Bien qu’elle élabore à peine à ce sujet, le demandeur soumet qu’en vertu de l’alinéa 170(e) de la Loi, la Commission aurait dû avertir le demandeur que l’identité serait une des questions fondamentales au règlement de la demande d’asile.

 

[17]           Il est vrai que le président n’a pas clairement précisé les questions à l’ordre du jour au début de l’audience. Le procureur du demandeur a également erronément déclaré vers la fin de l’audience que « The identity was never an issue in this case. The claimant was never detained and he has provided us with certain number of identity documents » (Dossier certifié du tribunal à la p. 347). Cependant, contrairement à ce que prétend le demandeur, la question de l’identité a été signalée dans le Formulaire d'examen initial (Dossier certifié du tribunal à la p. 81). Sous la désignation, « Identity », les boîtes « Affiliation : Political/Religious/Social/Family » et « Other » sont cochées.

 

[18]           De plus, il ressort du dossier que le demandeur a eu la possibilité de faire valoir son point de vue sur la question de l’identité. Lors de l’audience, la Commission a d’ailleurs confronté le demandeur à ses préoccupations, à savoir, le fait que les vrais noms de famille de ses parents apparaissaient sur son faux passeport (Dossier certifié du tribunal à la p. 346) et qu’il semblait que la personne apparaissant sur la photo de son permis de conduire n’était pas la même personne que dans les photos de passeport. De plus, je souligne que la demande d’asile repose essentiellement sur le fait que le demandeur est mépris pour une personne qui porte le même nom. Ainsi, je ne peux accepter toute suggestion que le demandeur n’a pas eu la possibilité de se préparer sur cet élément de la preuve.

 

[19]           Je suis donc d’avis que le deuxième motif de révision est également non fondé.

 

3. Est-ce que la Commission a commis une erreur révisable quant à sa conclusion portant sur l’identité du demandeur?

 

[20]           Le demandeur soumet que la Commission a commis une erreur révisable quand elle a conclu que l’identité du demandeur n’avait pas été établie. Selon lui, l’évaluation de photos ne fait pas partie de l’expertise de la Commission et en vertu de l’alinéa 170(a) de la Loi, elle aurait dû attendre l’expertise commandée. De plus, les originaux des passeports n’étaient pas disponibles. La Commission a aussi fait abstraction des autres documents soumis qui confirmaient l’identité du demandeur, à savoir, le certificat de naissance, l’affidavit du père et l’affidavit du sarpanch.

 

[21]           Pour sa part, le défendeur souligne que le demandeur ne s’est pas objecté à la tenue de l’audience en l’absence de l’expertise commandée (Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1161). De plus, le faux passeport n’était pas le seul document problématique. Il souligne que les autres documents soumis par le demandeur à l’appui de l’établissement de son identité ne contiennent aucune photo. De plus, c’est le demandeur lui-même qui a choisi de ne pas soumettre l’original de son passeport authentique. Il soutient que le demandeur demande essentiellement à la Cour de soupeser et réévaluer la preuve qui était devant la Commission.

 

[22]           L’article 106 de la Loi prévoit :

106. La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

106. The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

 

 

[23]           L’article 36 des Règles prévoit :

36. (1) La partie transmet à la Section l'original de tout document dont elle lui a transmis copie :

 

 

a) sans délai, si la Section le lui demande par écrit;

 

b) sinon, au plus tard au début de la procédure au cours de laquelle le document sera utilisé.

 

 

 

(2) Sur demande écrite de la Section, le ministre transmet à celle-ci, sans délai, l'original de tout document mentionné à l'alinéa 3(2)c) qui est en la possession de l'agent.

 

36. (1) A party who has provided a copy of a document to the Division must provide the original document to the Division

 

(a) without delay, on the request in writing of the Division; or

 

(b) if the Division does not make a request, no later than the beginning of the proceeding at which the document will be used.

 

 

(2) On the request in writing of the Division, the Minister must without delay provide to the Division the original of any document mentioned in paragraph 3(2)(c) that is in the possession of an officer.

 

 

[24]           À mon avis, la décision Ali, ci-dessus, s’applique à la présente demande. Aux paragraphes 12-13, M. le juge Shore déclare :

Outre ce qui précède, il convient de souligner que c'est au revendicateur du statut de réfugié de prouver son identité. Il ne relevait donc pas de la Commission d'obtenir le rapport d'expertise sur les documents d'identité. La Cour entérine à ce sujet les propos du juge Beaudry dans l'affaire Najam, 2004 CF 425, au paragraphe 20 :

 

Il est énoncé au paragraphe 36(2) des Règles que la Commission peut demander au ministre de lui transmettre les originaux de documents, mais la Commission n'a aucune obligation expresse de le faire. Il incombe au demandeur d'établir le bien-fondé de sa cause, notamment de produire les documents nécessaires pour établir son identité.

 

Par ailleurs, il n'y a aucune preuve au dossier indiquant que Mme Ali se soit objectée à l'utilisation de photocopies plutôt que des documents originaux. Par conséquent, Mme Ali est maintenant forclose de s'en plaindre devant la Cour.

 

 

[25]           À l’audience, la Commission a confronté le demandeur à toutes ses préoccupations concernant son identité et lui a donné l’opportunité de fournir des explications. Compte tenu de tous ces motifs, je suis d’avis, d'après le dossier présenté, que la Commission pouvait raisonnablement conclure que l’identité du demandeur n’avait pas été établie à sa satisfaction. En l’espèce, la Commission n’avait pas l’obligation d’attendre le rapport d’expertise en ce qui concerne le faux passeport. De plus, le procureur du demandeur ne s’est pas objecté à l’utilisation des photocopies des passeports lors de l’audience. Je souligne également que les photos n’étaient pas les seuls éléments problématiques. La Commission a aussi noté que le faux passeport contenait les vrais noms de famille des parents du demandeur. Les photocopies soumises des pages de son passeport de 1997 qui ont été produites devant la Commission ne corroborent pas son allégation à l’effet qu’il s’est enfuit au Bahreïn sous son vrai nom.

 

[26]           À l’audition devant cette Cour, le procureur du demandeur a tenté de produire des éléments de preuve qui n’étaient pas devant la Commission venant corroborer l’identité du demandeur et son récit, en l’occurrence des copies du passeport original du demandeur avec toutes les pages manquantes, où l’on peut voir toutes les dates où celui-ci a quitté et est revenu en Inde. Le procureur du défendeur s’est objecté, avec raison, à l’admission d’éléments de preuve qui n’étaient pas devant la Commission. En l’espèce, rien ne me permet de croire que cette preuve n’était pas disponible à l’époque et que le demandeur a été empêché de produire son passeport complet. Faut-il le rappeler ici, c’est le demandeur lui-même qui a privé la Commission de la meilleure preuve en ne soumettant qu’une photocopie partielle de son passeport.

 

[27]           Le troisième motif de révision m’apparaît donc également non fondé.

 

4. La Commission a-t-elle commis une erreur révisable dans l’appréciation de la crédibilité du demandeur?

 

[28]           Le demandeur a fait valoir avec force de détails lors de l’audition que la Commission a mal interprété la preuve dont elle disposait et a tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables dans l’appréciation de la crédibilité du demandeur. Il fait notamment valoir que la Commission aurait dû distinguer les événements qui ont eu lieu avant 2003 de ceux qui sont survenus par après. Il soutient qu’il n’a jamais allégué qu’il était accusé d’être associé à des terroristes en 1999 ni qu’il était une personne à protéger lors de son retour en Inde en 2003. Il prétend que l’aspect central de sa demande concernait les événements survenus en 2004.  Ainsi, la Commission n’aurait pas dû se fonder principalement sur les événements qui sont survenus avant son retour en Inde pour apprécier sa crédibilité.

 

[29]           Pour sa part, le défendeur soutient qu’il n’y a eu aucune erreur révisable quant à l’évaluation de la preuve. Il appert du récit du demandeur que son séjour au Bahreïn était un élément important pour la police. La Commission a raisonnablement tiré des inférences négatives du fait que le demandeur ne pouvait pas répondre des questions sur le militantisme au Pendjab. La Commission pouvait raisonnablement conclure que son comportement était incompatible avait celui d’une personne qui craint d’être persécuté.

 

[30]           La crédibilité et l’évaluation de la preuve sont du ressort exclusif de la Commission et ne sauraient être renversées à moins d'avoir été tirées de façon abusive ou arbitraire ou d'être fondées sur des conclusions de fait ne reposant pas sur la preuve au dossier (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.); R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, 228 F.T.R. 43 aux paras. 7-8).

 

[31]           À mon avis, ce qu’écrivait le juge Dubé dans Herrera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 13 (QL), au paragraphe 6, s’applique ici :

Bien que l'avocat du requérant ait donné des explications pleines d'imagination, recueillies dans la transcription, pour chacune des invraisemblances, cette tentative ingénieuse ne saurait aboutir. Même si chaque invraisemblance relevée par la Commission pouvait d'une certaine façon être réparée, il était toujours loisible à la Commission d'adopter une vue globale des éléments de preuve pour conclure que le requérant n'était pas crédible. La Commission a effectivement donné des raisons pour expliquer pourquoi elle n'a pas accepté la version des événements donnée par le requérant après qu'elle eut entendu le témoin et apprécié son comportement. Une analyse détaillée de plusieurs questions et réponses figurant dans la transcription peut conduire à différentes interprétations de la part de différents lecteurs, mais en matière d'appréciation des faits et de crédibilité, c'est l'interprétation du juge des faits qui doit être acceptée, à moins que ses conclusions ne soient déraisonnables.

 

 

[32]           Étant donné que le demandeur a mentionné les événements menant à son départ vers le Bahreïn dans son FRP, la Commission pouvait se fonder sur la preuve ayant trait à cette période pour apprécier sa crédibilité. Il ne s’agit pas non plus d’un élément périphérique, puisque le demandeur déclare dans son FRP que la police l’a interrogé au sujet de son séjour au Bahreïn suite à son retour :

I thought police would forget me because I was returning India (sic) after long time but this could not be materialized. I became again target (sic) by the police.

 

On 25th March 2004, I was at my farm land. Police raided there. I was interrogated about the period which I spent in Behrain (sic) and my activities.

 

 

[33]           Je souligne également que le demandeur a soumis des photos de lui-même avec Manjit Singh. Ainsi, je ne peux accepter la prétention de son procureur à l’effet que la Commission aurait dû faire abstraction des allégations des événements survenus avant 2003 pour apprécier sa crédibilité et je conclus que la Commission a raisonnablement pris en considération ces événements.

[34]           La Commission a aussi fait remarquer qu’il y avait un manque de précision dans les notes d’entrevue au point d’entrée, le FRP et particulièrement lors de son témoignage oral. En l’espèce, je suis satisfait que la décision de la Commission n’est pas fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans qu'il soit tenu compte des éléments dont elle disposait.

 

[35]           Le quatrième moyen de révision soulevé par le demandeur doit donc être également rejeté.

 

CONCLUSION

 

[36]           Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire doit échouer. Aucune question d’importance générale n’a été soulevée et ne se soulève en l’espèce.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

                                                                                                               « Luc Martineau »

Juge

 

 

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2436-06

 

INTITULÉ :                                       IQBAL SINGH

                                                            c. LE MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ  ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 7 décembre 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Martineau

 

DATE DES MOTIFS :                      le 12 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michel LeBrun                                                              POUR LE DEMANDEUR

 

Mario Blanchard                                                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michel LeBrun                                                              POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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