Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Date : 20070112

Dossier : T‑2137‑04

Référence : 2007 CF 26

Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

 

 

ENTRE :

PFIZER CANADA INC. et PFIZER INC.

demanderesses

et

 

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Apotex voudrait commercialiser des comprimés contenant du sildénafil, un composé pour lequel Pfizer détient un brevet. Le sildénafil est le principe actif du médicament de Pfizer appelé Viagra (utilisé dans la thérapie de la dysfonction érectile), ainsi que d’un autre médicament appelé Revatio (pour l’hypertension pulmonaire), deux médicaments qui sont l’objet d’autres brevets.

 

[2]               Pfizer voudrait que soit rendue une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un avis de conformité selon le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, et modifications. L’avis de conformité permettrait à Apotex de mettre sur le marché ses comprimés de sildénafil. La société Apotex dit que le brevet de la société Pfizer est invalide et que la société Pfizer n’a donc pas droit à l’ordonnance d’interdiction qu’elle demande. Pour obtenir une ordonnance d’interdiction, Pfizer doit prouver que les allégations d’Apotex sont injustifiées. Je suis d’avis que Pfizer n’a pas apporté cette preuve et je dois donc rejeter la demande de Pfizer.

 

I.  Le Point litigieux

 

[3]               La société Pfizer a‑t‑elle prouvé que les allégations d’Apotex contestant la validité du brevet canadien no 2,044,748 sont injustifiées?

 

II.  Analyse

 

a)   Procédure prévue par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)

 

[4]               La procédure prévue par le Règlement répond à un objet restreint. Elle constitue un moyen expéditif de régler les aspects se rapportant à la validité et à la portée des brevets de médicaments dans le cadre du régime réglementaire régissant le droit des fabricants de promouvoir leurs produits au Canada. Cette procédure n’équivaut pas à une action civile en contrefaçon de brevet : arrêt Hoffmann‑La Roche Ltd. C. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1996] A.C.F. no 1333 (C.A.) (QL), paragraphe 12. La décision rendue par la Cour en vertu du Règlement n’est pas contraignante dans un litige ultérieur séparant les parties : Fournier Pharma Inc. C. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1718, [2004] A.C.F. no 2149 (1re inst.) (QL).

 

b)   La charge de la preuve incombe juridiquement à Pfizer

 

[5]               Dans une procédure introduite en vertu du Règlement, le défendeur affirme en général qu’il ne portera pas atteinte au brevet du demandeur, ou que le brevet du demandeur est invalide, ou bien il affirme les deux choses à la fois. Ici, Apotex prétend que le brevet 748 de Pfizer est invalide. En tant que demanderesse, la société Pfizer a l’obligation juridique de me convaincre, selon la prépondérance de la preuve, que l’allégation d’invalidité faite par Apotex est injustifiée : arrêt Pfizer Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2005 CAF 270, [2005] A.C.F. no 1318 (C.A.) (QL). Si elle ne réussit pas à m’en convaincre, je ne pourrai pas rendre une ordonnance d’interdiction.

 

[6]               La jurisprudence fait clairement reposer sur le demandeur la charge de la preuve, mais elle est moins catégorique quant à la charge qui repose sur le défendeur, surtout si la présomption de validité s’applique (Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, paragraphe 43(2)) (les dispositions pertinentes figurent à l’annexe du présent jugement). Certains précédents donnent à entendre que le défendeur doit établir l’invalidité du brevet suivant la prépondérance de la preuve : Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 1283, [2005] A.C.F. no 1559 (1re inst.) (QL), jugement confirmé : 2006 CAF 64, [2006] A.C.F. no 208 (C.A.) (QL); Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 1504, [2005] A.C.F. no 1843 (1re inst.) (QL). Selon d’autres précédents, le défendeur doit simplement faire jouer ses prétentions et produire une preuve qui suffise à réfuter la présomption de validité : Bristol‑Myers Squibb Canada Co. c. Novopharm Ltd., 2005 CF 1458, [2005] A.C.F. no 1791 (1re inst.) (QL); SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2001 CFPI 770, [2001] A.C.F. no 1118), jugement confirmé : 2002 CAF 216, [2002] A.C.F. no 801 (C.A.) (QL); Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1205, [2005] A.C.F. no 1607 (1re inst.) (QL).

 

[7]               La notion selon laquelle un défendeur doit établir l’invalidité d’un brevet suivant la prépondérance de la preuve a pour origine l’arrêt Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [2000] A.C.F. no 464 (C.A.) (QL), dans lequel la Cour d’appel fédérale fait l’examen de la présomption de validité d’un brevet. Dans cet arrêt, la juge Karen Sharlow écrivait que la présomption de validité est réfutée et ne vaut plus lorsque le défendeur a établi l’invalidité du brevet suivant la prépondérance de la preuve (paragraphe 9). Cependant, je ne vois pas dans les propos de la juge Sharlow un énoncé péremptoire sur la preuve qu’il incombe à un défendeur de produire. Comme elle le disait, il est clair qu’un brevet ne peut être présumé valide devant une preuve contraire. Cependant, cela ne veut pas nécessairement dire qu’un défendeur a l’obligation juridique de prouver l’invalidité du brevet suivant la prépondérance de la preuve.

 

[8]               L’article 43 de la Loi dispose qu’un brevet est présumé valide, sauf preuve contraire. Comme le faisait observer le juge Binnie, la formulation de cette présomption légale est « plutôt faible » (arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153, paragraphe 43). Si un défendeur produit une preuve relativement convaincante de l’invalidité d’un brevet, la présomption ne vaut plus. Le demandeur doit alors faire davantage que simplement s’en rapporter à la présomption légale pour obtenir le redressement qu’il sollicite. Il doit établir, suivant la prépondérance de la preuve, que les allégations du défendeur sont dépourvues de fondement. Par ailleurs, si les allégations d’invalidité qui sont faites par le défendeur ne sont pas étayées par une preuve convaincante, alors le demandeur peut simplement invoquer la présomption de validité et obtenir l’ordonnance d’interdiction qu’il sollicite, sans avoir à réfuter les allégations du défendeur.

 

[9]               À mon avis, la charge qui repose sur un défendeur d’après le Règlement est une « obligation de présentation de preuve » – une obligation de produire simplement une preuve d’invalidité. Après que le défendeur s’est acquitté de cette obligation, la présomption de validité du brevet devient caduque et la Cour doit alors dire si le demandeur a apporté la preuve qu’il devait apporter. Je crois que c’est de cela qu’il s’agit dans les précédents où la Cour a dit que le défendeur doit faire jouer ses prétentions. Le défendeur doit produire une preuve propre à donner un semblant de réalité à ses allégations d’invalidité.

 

[10]           Naturellement, le défendeur tentera le plus souvent d’établir l’invalidité suivant la prépondérance de la preuve, pour faire en sorte que le demandeur n’obtienne pas le redressement qu’il sollicite. Mais il serait fautif de dire qu’il s’agit là d’une obligation légale. Seul le demandeur assume une obligation légale. Le défendeur assume simplement une obligation de présentation de preuve, comme je l’ai dit plus haut. Il est juste également de dire qu’il assume une « obligation tactique » – l’obligation de produire une preuve qui suffise à persuader la Cour que le redressement sollicité par le demandeur devrait lui être refusé. Si le défendeur n’apporte pas cette preuve, il court le risque de perdre la partie.

 

[11]           J’ai examiné les obligations qui incombent aux demandeurs et aux défendeurs dans les cas de prétendue invalidité selon le Règlement. Je crois que les mêmes principes sont applicables quand un défendeur affirme qu’il ne portera pas atteinte au brevet du demandeur. Cependant, il est inutile pour moi d’en dire davantage sur le sujet, étant donné que l’affaire dont je suis saisi se rapporte uniquement à l’affirmation d’invalidité d’un brevet.

 

[12]           Pour résumer, Pfizer a l’obligation légale d’établir, suivant la prépondérance de la preuve, que les allégations d’invalidité faites par Apotex sont injustifiées. Apotex assume simplement l’obligation de faire jouer ses prétentions et de produire une preuve qui suffise à donner un semblant de réalité à ses allégations d’invalidité. Si Apotex s’acquitte de cette obligation, alors la présomption de validité du brevet de Pfizer sera réfutée. Je devrai alors dire si Pfizer a prouvé que les allégations d’invalidité faites par Apotex sont injustifiées. Si Apotex ne s’acquitte pas de son obligation de présentation de preuve, alors Pfizer pourra simplement invoquer la présomption de validité pour obtenir l’ordonnance d’interdiction qu’elle sollicite.

 

[13]           Apotex a manifestement fait jouer ses prétentions, au moyen des rapports et contre‑interrogatoires de ses experts. Ses allégations d’invalidité présentent un semblant de réalité. Il m’est donc impossible de présumer que le brevet 748 de Pfizer est valide. Je dois dire si Pfizer a prouvé que les moyens avancés par Apotex pour contester le brevet sont injustifiés compte tenu de l’ensemble de la preuve.

 

c)   Le brevet 748

 

(i)    Les composés

 

[14]           Le brevet 748 englobe un très large éventail de composés – Apotex dit qu’ils sont au nombre de 260 quintillions. Cependant, Pfizer ne sollicite la protection que d’un seul composé : le sildénafil. Par conséquent, Pfizer fait valoir que les allégations d’Apotex sont injustifiées pour deux des revendications afférentes au brevet 748 – les revendications 6 et 17. La revendication 6 ne concerne que le sildénafil. La revendication 17 se réfère à tous les composés visés par le brevet (y compris par conséquent le sildénafil) pour emploi dans le traitement de quatre pathologies particulières : l’angine, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et l’athérosclérose.

 

[15]           Pfizer dit que les composés énumérés dans le brevet 748 présentent certaines propriétés biochimiques qui donnent à penser qu’ils pourraient être utiles dans la thérapie d’un large éventail de pathologies. Pour bien saisir ce que sont lesdites propriétés, il faut comprendre certaines caractéristiques fondamentales du système nerveux végétatif chez l’homme et de la dynamique intracellulaire.

 

[16]           Notre système nerveux végétatif fonctionne par l’envoi de signaux aux régions de l’organisme qui doivent réagir à certains stimuli. Ces signaux sont envoyés par des messagers chimiques – que l’on appelle « premiers messagers ». Ces messagers communiquent avec certains agents chimiques présents sur les cellules humaines ou à l’intérieur – agents appelés « seconds messagers ». Ces seconds messagers stimulent la production d’autres agents chimiques à l’intérieur de la cellule, et ce sont ces substances qui dictent la réaction au stimulus initial.

 

[17]           Les cellules humaines disposent aussi d’un mécanisme intégré de contrôle. À un certain moment, la réaction au stimulus initial doit décroître. Cette réaction est ralentie par un autre processus. Les substances se trouvant à l’intérieur de la cellule neutralisent graduellement les seconds messagers, de telle sorte que leurs signaux, ainsi que la réaction physiologique correspondante, diminuent graduellement, puis disparaissent.

 

[18]           Un important premier messager de notre organisme est le protoxyde d’azote (NO). Il y a deux principaux seconds messagers. Il s’agit dans les deux cas de nucléotides cycliques (l’adénosine‑3’, 5’-monophosphate cyclique, et la guanosine‑3’, 5’-monophosphate cyclique), dont les abréviations sont respectivement AMP cyclique et GMP cyclique. Les seconds messagers sont neutralisés par des enzymes appelées phosphodiestérases, dont l’appellation abrégée est PDE. Certaines PDE réagissent surtout à l’AMP cyclique, d’autres à la GMP cyclique, et d’autres à la fois à l’AMP cyclique et à la GMP cyclique. Par conséquent, certaines PDE peuvent être décrites comme des PDE réagissant surtout à l’AMP cyclique, ou comme des PDE réagissant surtout à la GMP cyclique. Chaque région du corps a dans ses cellules son propre type de PDE.

 

[19]           Il est souhaitable parfois de prolonger la durée de la réaction physiologique stimulée par un premier messager. Cela peut se faire par l’un de deux moyens différents, ou par les deux à la fois. L’un des moyens consisterait à augmenter la présence d’un premier messager, par exemple en administrant du protoxyde d’azote. Cela aura pour effet de stimuler la production des agents chimiques à l’origine d’une réaction physiologique donnée, grâce au processus évoqué plus haut. Il s’agit là de ce que l’on appelle une approche « frontale ». Subsidiairement, on pourrait freiner l’effet de la PDE à l’origine de la neutralisation du second messager en activité. Certains composés, appelés inhibiteurs de PDE, limitent l’action des PDE. Ils le font en empêchant les PDE d’interagir avec les seconds messagers que sont l’AMP cyclique ou la GMP cyclique. Lorsqu’une PDE est empêchée de faire son travail, le second messager continue d’envoyer son signal, et la réaction physiologique correspondante se poursuit. Le recours aux inhibiteurs de PDE est appelé l’approche « dorsale ».

 

[20]           Le brevet 748 décrit les composés qu’il contient comme des « inhibiteurs actifs et sélectifs des PDE réagissant à la GMP cyclique ». Cela signifie que les composés seraient des inhibiteurs efficaces de PDE, et des inhibiteurs plus efficaces de PDE réagissant à la GMP cyclique que de PDE réagissant à l’AMP cyclique. Cette caractéristique les rend probablement prometteurs pour certaines thérapies de type « dorsal », ou pour utilisation simultanée avec des thérapies de type « frontal ». Leur fonction consiste à entraver le rôle que les PDE réagissant à la GMP cyclique joueraient normalement – qui est de neutraliser le second messager, la GMP cyclique – et à laisser se poursuivre la réaction physiologique que le second messager commande.

 

[21]           Comme je l’ai dit, le brevet 748 englobe un large éventail de composés. Cependant, le brevet qualifie certains composés de « privilégiés », de « particulièrement privilégiés » ou de « spécialement privilégiés ». Le sildénafil est l’un de sept composés de la catégorie « spécialement privilégiée ».

 

(ii)    L’invention

 

[22]           Le brevet 748 précise que les composés [traduction] « présentent une sélectivité pour l’inhibition des PDE réagissant à la GMP cyclique plutôt que » des PDE réagissant à l’AMP cyclique. On peut y lire ensuite que cette propriété [traduction] « peut donner lieu à une action anti‑agrégante, anti‑angiospastique et vasodilatatrice plaquettaire salutaire ». De par ces caractéristiques, le brevet précise que les composés présentent une « utilité » dans le « traitement de plusieurs troubles, dont :

[TRADUCTION] L’angine, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque congestive, l’athérosclérose, l’état de perméabilité réduite des vaisseaux sanguins, que telles affections soient stables, instables ou variantes […], l’acrosyndrome vasculaire, l’accident cérébrovasculaire, la bronchite, l’asthme à dyspnée continue, la rhinite allergique, le glaucome et les maladies caractérisées par des troubles de motilité intestinale, par exemple le syndrome du côlon irritable (IBS) ».

 

 

[23]           Plus loin, le brevet 748 mentionne que [traduction] « également inclus dans l’invention sont les dérivés marqués » des composés, dérivés qui sont [traduction] « propices à des études biologiques ».

 

(iii)   Création des composés

 

[24]           Le brevet 748 décrit la manière dont les composés peuvent être préparés. On peut y lire ensuite que les réactions chimiques nécessaires sont [traduction] « entièrement conventionnelles » et peuvent être exécutées selon les manuels classiques et les exemples exposés dans le brevet. Le brevet donne 58 exemples de la manière dont peuvent être préparés divers composés compris dans la portée du brevet (dont le sildénafil).

 

(iv)   Établissement des propriétés des composés

 

[25]           Le brevet dit que l’on évalue l’aptitude d’un composé à inhiber les PDE réagissant à la GMP cyclique en déterminant ce que l’on appelle sa « valeur CI50 ». Il s’agit là d’une mesure commune de l’activité des inhibiteurs de PDE. La valeur CI50 s’entend de la concentration du composé qui est requise pour inhiber 50 p. 100 de l’activité d’une PDE.

 

[26]           Le brevet parle d’un test servant à déterminer les propriétés des composés. On peut y lire que des enzymes PDE ont été prélevées sur des plaquettes sanguines de lapins et des reins de rats. Il en a résulté trois PDE différentes. On a vérifié si les composés étaient aptes à inhiber ces PDE, et les résultats ont montré que [traduction] « les composés de la présente invention sont des inhibiteurs actifs et sélectifs pour les deux PDE réagissant à la GMP cyclique ». Ce test est examiné plus en détail ci‑après.

 

d)   Les allégations d’invalidité faites par Apotex

 

[27]           Apotex écrit, dans son avis d’allégation, que bon nombre des revendications du brevet 748 sont invalides. Comme je l’ai dit, la société Pfizer n’est préoccupée que par ce qui a trait aux revendications 6 et 17, qui concernent le sildénafil.

 

[28]           Apotex écrit que le brevet 748 donne un portrait très lacunaire des attributs chimiques des composés, en particulier de leur aptitude à inhiber les PDE réagissant à la GMP cyclique. Le brevet ne contient aucune valeur CI50 particulière pour quelque composé que ce soit. Il affirme simplement que, d’après les essais effectués, les composés (c’est‑à‑dire la totalité d’entre eux) sont des inhibiteurs actifs et sélectifs pour « les deux PDE réagissant à la GMP cyclique ». Apotex dit que l’on ne sait pas quelles PDE de ce type ont été inhibées, ni jusqu’à quel point elles l’ont été. Le brevet fait aussi état de certains essais que l’on effectua sur les composés pour vérifier leur aptitude à inhiber l’agrégation plaquettaire (utile dans le traitement de certaines pathologies cardiaques) et à réduire l’hypertension artérielle chez les rats, mais, encore une fois, il n’est fait état d’aucun composé en particulier, et aucun résultat n’est donné.

 

[29]           Apotex dit aussi que Pfizer n’a présenté aucun fondement factuel suffisant, ni aucun raisonnement solide, donnant à entendre ou permettant de conclure que les composés énumérés dans le brevet 748 seraient utiles aux fins qui leur sont attribuées. Par ailleurs, Apotex dit que le brevet 748 n’expose pas le fondement à partir duquel un lecteur spécialisé pourrait déterminer le mode d’opération de la présumée invention. Apotex s’en rapporte à la description des éléments requis de la règle de la prédiction valable, établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., précité.

 

[30]           Apotex dit aussi que l’action d’inhibiteurs de PDE à des fins données ne peut être prédite que si l’on connaît le genre de PDE qui est présent dans le tissu considéré. Ainsi, un inhibiteur de la PDE5 pourrait être efficace dans le traitement de la dysfonction érectile (parce qu’il y a une PDE5 dans le corps caverneux, une zone du pénis), mais se révéler inutile, voire nocif, dans le traitement de certaines pathologies cardiaques. Vu l’état restreint des connaissances sur la répartition des PDE à la date de priorité du brevet (le 20 juin 1990), Apotex dit que Pfizer ne disposait pas d’un fondement solide lui permettant de prédire la valeur des composés dans le traitement de pathologies particulières. Il en va ainsi en particulier, d’affirmer Apotex, quand le brevet ne révèle pas la mesure dans laquelle les composés ciblent telle ou telle PDE.

 

[31]           Par conséquent, Apotex dit que Pfizer ne disposait, à la date pertinente, d’aucun fondement factuel lui permettant d’affirmer que les composés pouvaient faire ce que, d’après le brevet, ils pouvaient faire. Pfizer ne pouvait donc pas non plus exposer un raisonnement cohérent à partir de faits pour arriver à la conclusion que les composés avaient l’utilité thérapeutique évoquée dans le brevet. Finalement, Apotex prétend que, même si Pfizer avait effectivement à la fois un fondement factuel et un raisonnement solide à faire valoir au soutien des affirmations du brevet, Pfizer ne les a pas fait connaître.

 

e)   Réponse de Pfizer

 

[32]           Selon Pfizer, Apotex a mal interprété le brevet 748. Pfizer fait valoir que la revendication 6 du brevet ne fait état d’aucune application précise pour le sildénafil et qu’elle remplit donc les conditions d’une invention, dans la mesure où le brevet fait état pour cette revendication une certaine utilité. Selon la manière dont Pfizer considère les éléments essentiels d’un brevet, le brevet 748 devrait être jugé valide si le sildénafil peut être utilisé ne serait‑ce que comme outil de recherche. Pfizer affirme aussi qu’elle n’a pas à prouver que le sildénafil est utile dans la thérapie des nombreuses pathologies dont fait état le brevet. Ces pathologies, de dire Pfizer, ne sont que des exemples des domaines dans lesquels des inhibiteurs de PDE réagissant à la GMP cyclique étaient reconnus ou perçus comme efficaces. Par ailleurs, le sildénafil est manifestement un inhibiteur actif et sélectif de PDE, comme l’affirme précisément le brevet. En tout état de cause, Pfizer fait aussi valoir que l’on pouvait valablement prédire aussi que le sildénafil serait utile dans le traitement des diverses pathologies mentionnées dans le brevet.

 

[33]           S’agissant de la revendication 17 du brevet, Pfizer fait valoir que l’on pouvait valablement prédire que le sildénafil serait utile dans le traitement des quatre pathologies dont la revendication fait état : l’angine, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et l’athérosclérose.

 

[34]           Pfizer fait aussi valoir qu’elle a rempli son obligation de divulguer les caractéristiques des composés énumérés dans le brevet, ainsi que les moyens par lesquels les composés ont été analysés sous l’angle de leur capacité à inhiber les PDE réagissant à la GMP cyclique.

 

[35]           Pfizer affirme donc que les allégations d’Apotex sont injustifiées, du moins en ce qui a trait aux revendications 6 et 17, qui concernent le sildénafil.

 

f)    La notion d’utilité et la règle de la prédiction valable

 

[36]           Dans l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., précité, la Cour suprême du Canada énumérait les conditions de validité d’un brevet se rapportant à des composés. Dans cette affaire, le brevet concernait l’application nouvelle (le traitement du VIH/sida) d’un ancien composé chimique (l’AZT), mais ce précédent ne renferme rien qui m’autoriserait à dire que les principes qu’il énonce ne s’appliquent pas aussi à des composés nouveaux.

 

[37]           La Cour suprême, sous la plume du juge Binnie, faisait observer que « l’utilité est une composante essentielle de la définition du mot “invention” » (citant l’article 2 de la Loi sur les brevets). Par conséquent, « à moins que l’inventeur ne soit en mesure d’établir, au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable, l’utilité de l’invention au moment de la demande de brevet, le commissaire est tenu “en droit” de refuser le brevet » (paragraphe 46). Le même raisonnement a été suivi par la Cour fédérale : voir par exemple le jugement Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 1283, [2005] A.C.F. no 1559 (1re inst.) (QL), confirmé : 2006 CAF 64, [2006] A.C.F. no 208 (C.A.) (QL).

 

[38]           Le juge Binnie a exposé les trois volets de la règle de la prédiction valable :

Premièrement, […] la prédiction doit avoir un fondement factuel. […] Deuxièmement, à la date de la demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et « valable » qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité. […] Troisièmement, il doit y avoir divulgation suffisante. Normalement, la divulgation est suffisante si le mémoire descriptif explique d’une manière complète, claire et exacte la nature de l’invention et la façon de la mettre en pratique. En général, il n’est pas nécessaire que l’inventeur fournisse une explication théorique de la raison pour laquelle l’invention fonctionne. Le lecteur pragmatique est uniquement intéressé de savoir que l’invention fonctionne et comment la mettre en pratique. (paragraphe 70)

 

 

[39]           La règle de la prédiction valable permet aux inventeurs de breveter des produits nouveaux et utiles avant même que leur utilité ait été établie au moyen d’essais, pour autant qu’ils puissent exposer un fondement factuel permettant de prédire l’utilité, offrir un raisonnement valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité, et enfin donner une description suffisante de l’invention et de la manière dont elle fonctionne. Ce n’est que si ces conditions sont remplies que le public obtient une juste contrepartie pour les avantages monopolistiques dont bénéficient les brevetés.

 

[40]           Par conséquent, pour que Pfizer obtienne gain de cause, elle doit prouver que les allégations d’Apotex – pour qui Pfizer n’a pas établi l’utilité des composés ni rempli les conditions de la règle de la prédiction valable – sont injustifiées.

 

g)   Interprétation des revendications du brevet 748

 

[41]           J’ai lu le brevet et examiné la preuve d’expert produite par les deux parties, et le brevet fait état en réalité de deux niveaux d’utilité. Le premier niveau concerne les propriétés des composés mêmes en tant qu’inhibiteurs « actifs et sélectifs » de PDE réagissant à la GMP cyclique. Les composés qui présentent ces qualités pourraient être utiles, par exemple, en raison de leur aptitude à faire se relâcher des muscles lisses, de leur action anti‑agrégante ou anti‑hypertensive, ou de leur emploi en laboratoire. Au second niveau, à cause de telles propriétés intrinsèques, les composés pourraient être utiles dans le traitement d’un large éventail de pathologies.

 

[42]           Une bonne part de l’argumentation d’Apotex porte sur l’absence d’une utilité attestée ou d’une prédiction valable quant à l’utilisation des composés dans le traitement des pathologies désignées dans le brevet. Cependant, je suis d’accord avec Pfizer que, du moins pour sa revendication 6 (une revendication applicable au seul composé qu’est le sildénafil), il suffit à Pfizer de prouver que le sildénafil avait une propriété utile (c’est‑à‑dire qu’il était un inhibiteur actif et sélectif de PDE réagissant à la GMP cyclique) pouvant le rendre apte à une utilisation dans le traitement de certaines maladies ou pathologies, ou à une utilisation en laboratoire. Pfizer montrerait par là que son produit répondait à la définition d’une « invention », énoncée dans la Loi. Je suis persuadé, au vu de la preuve, que, à la date de priorité du brevet, on croyait que des inhibiteurs de PDE pourraient être utiles dans le traitement de certaines pathologies. Les savants étaient en quête de composés qui fussent des inhibiteurs plus actifs et plus sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique que ceux qui existaient alors. Par conséquent, pour la revendication 6, il suffit à Pfizer d’établir qu’il avait été démontré ou que l’on avait valablement prédit que le sildénafil était utile du seul fait de sa capacité à agir comme inhibiteur actif et sélectif de PDE réagissant à la GMP cyclique.

 

[43]           Cependant, lorsque le brevet est plus précis et prétend qu’un composé est véritablement utile dans le traitement de maladies et pathologies particulières, le breveté doit établir l’utilité du composé dans ces domaines. Par conséquent, pour la revendication 17 du brevet de Pfizer (revendication portant sur l’emploi des composés dans des traitements particuliers), Pfizer doit prouver l’utilité effective dans ces domaines, ou établir que telle utilité pouvait être valablement prédite dans ces domaines. Mais Pfizer ne pourra réussir à justifier la revendication 17 de son brevet que si elle réussit à justifier la revendication 6. La preuve de l’utilité du sildénafil dans le traitement des pathologies dont fait état la revendication 17 (c’est‑à‑dire l’angine, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et l’athérosclérose), ou la prédiction valable que le sildénafil serait utile à ces fins, est évidemment tributaire de la preuve selon laquelle on savait (ou l’on avait prédit valablement) que le sildénafil était en 1990 un inhibiteur actif et sélectif de PDE réagissant à la GMP cyclique.

 

[44]           Par conséquent, si Pfizer ne parvient pas à montrer qu’il avait été établi, ou qu’il avait été prédit valablement, que le sildénafil était, à la date de priorité du brevet, un inhibiteur actif et sélectif de PDE réagissant à la GMP cyclique, Pfizer ne s’acquittera pas de son obligation de prouver les revendications 6 et 17 de son brevet. Pfizer n’aura pas prouvé que l’allégation la plus fondamentale d’Apotex – celle selon laquelle il n’est pas établi que l’on savait ou croyait effectivement que le sildénafil, voire n’importe lequel des composés du brevet, constituaient des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE – est injustifiée.

 

h)   La preuve

 

[45]           Les experts des deux parties s’accordent sur le principe scientifique fondamental de l’inhibition des PDE tel qu’il est décrit plus haut. Comme je l’ai dit, le différend entre les parties concerne pour l’essentiel l’utilité d’inhibiteurs de PDE dans le traitement des pathologies mentionnées dans le brevet. Par conséquent, le gros de la preuve d’expert produite par les parties a porté sur le point de savoir si les composés du brevet seraient utiles à cette fin – les experts d’Apotex ont dit que les composés ne seraient pas utiles, tandis que ceux de Pfizer ont dit qu’ils pouvaient l’être.

 

[46]           De plus, les experts des parties ont été en désaccord sur la plus fondamentale des allégations d’Apotex – celle selon laquelle il n’avait pas été effectivement prouvé, ni valablement prédit, que le sildénafil ou l’un quelconque des autres composés du brevet était, à la date de priorité du brevet, c’est‑à‑dire le 20 juin 1990, un inhibiteur actif et sélectif de PDE. Les paragraphes qui suivent résument la preuve principale en la matière.

 

(i)    La preuve d’expert d’Apotex

 

[47]           M. Joseph Beavo, professeur de pharmacologie à l’Université de l’État de Washington, est reconnu comme l’un des grands spécialistes mondiaux des PDE. Il a dit que, pour déterminer la capacité d’un composé à inhiber sélectivement des PDE réagissant à la GMP cyclique, il serait d’abord nécessaire d’isoler un échantillon pur d’une PDE de ce genre, parce que le risque de contamination et de résultats équivoques est élevé. Aucune méthode précise d’obtention d’un échantillon pur n’est mentionnée dans le brevet. Le brevet parle d’une méthode commune utilisée par W.J. Thompson, dans laquelle les PDE sont obtenues à partir de plaquettes sanguines de lapins et de reins de rats, mais ce test ne donnerait qu’une séparation partielle de PDE. D’autres méthodes plus efficaces étaient connues et employées en 1990, notamment par Thompson lui‑même. Le Dr Beavo ne croit pas que le brevet indique à une personne du métier la manière dont les PDE ont été isolées, ni la manière dont les composés ont été soumis à des analyses permettant de déterminer leur activité et leur sélectivité. Le brevet ne donne d’ailleurs aucune indication sur quelque composés que ce soit. Il groupe les composés en catégories, mais aucun critère n’est donné pour faire ces groupements. Le brevet ne décrit pas la manière de reproduire les résultats des tests mentionnés.

 

[48]           M. Jonathan Dordick est professeur de biologie et de génie chimique et biologique au Rensseler Polytechnic Institute. Son opinion reprenait celle de M. Beavo sur ce point. Selon lui, les analyses permettant de mesurer l’activité et la sélectivité des composés doivent être effectuées dans des conditions rigoureuses, et à l’intérieur du même échantillon, si l’on veut obtenir des résultats probants. Le brevet ne donne pas suffisamment d’indications sur les conditions des analyses ou sur la méthode d’échantillonnage. Il mentionne un processus par lequel les échantillons de PDE ont été analysés, une analyse développée par W.J. Thompson et M.M. Appleman, mais on peut y lire ensuite que l’analyse a été modifiée. Le brevet ne dit pas en quoi l’analyse a été modifiée. Une personne du métier ne serait pas en mesure de reproduire les résultats de l’analyse. Même si le brevet avait donné les valeurs CI50 pour certains des composés (ce qu’il ne fait pas), il ne s’agirait pas là en soi de renseignements suffisants – il faudrait encore connaître les circonstances dans lesquelles ces valeurs avaient été obtenues. En réalité, le brevet ne dit pas quels composés ont été analysés, quelles valeurs CI50 ont été obtenues pour les trois PDE qui avaient prétendument été isolées et quelles furent les conditions des analyses.

 

[49]           Le Dr Dordick a fait des observations similaires sur la manière dont le brevet décrit l’analyse de la capacité des composés à inhiber l’agrégation plaquettaire ou à réduire l’hypertension artérielle. Aucune méthode précise n’est mentionnée pour les analyses et aucun résultat n’est donné non plus pour tel ou tel des composés.

 

[50]           M. Akio Yamazaki est professeur d’ophtalmologie à la Wayne State University. Il s’est rangé à l’opinion du Dr Dordick sur le fait que le brevet ne donnait pas le détail des méthodes d’analyse et des résultats obtenus. Selon lui, la méthode Thompson ne produisait pas un échantillon pur de PDE. En fait, on avait cessé, avant 1990, de se servir de cette méthode d’extraction. Essentiellement, il est arrivé à la conclusion qu’il semble n’y avoir eu aucun fondement factuel permettant de prédire valablement que les composés du brevet étaient effectivement des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique.

 

[51]           M. Jackie Corbin est professeur de physiologie moléculaire et de biophysique à la Vanderbilt School of Medicine. Il a confirmé l’opinion selon laquelle le brevet ne donne pas d’indications suffisantes permettant à une personne du métier de mettre en pratique la présumée invention. D’après lui, dire que les composés sont « actifs » serait dénué de sens en l’absence d’un cadre de référence. Pareillement, la « sélectivité » ne saurait être comprise sans une référence à des activités relatives. Par ailleurs, le brevet ne dit rien des effets des composés sur tel ou tel tissu. Il serait impossible, sans cette information, de savoir ce que seraient les propriétés de composés donnés ou à quelle fin ils pourraient être affectés.

 

[52]           Outre ces aspects, M. Alexander Klibanov, professeur de chimie et de bio‑ingénierie au MIT, a relevé que le brevet se réfère à une demande antérieure de brevet européen portant sur une famille semblable de composés, mais qu’il décrit lesdits composés comme des inhibiteurs ni actifs ni sélectifs de PDE. Or, le brevet 748 ne présente aucun fondement permettant de croire que les composés dont il parle leur sont supérieurs.

 

[53]           Bon nombre des experts d’Apotex ont dit que le brevet est ambigu quand il affirme que les composés sont des inhibiteurs actifs et sélectifs pour « les deux PDE réagissant à la GMP cyclique ». Ils font remarquer que la capacité inhibitrice des composés a été officiellement analysée par rapport à trois PDE, ce que l’on appelle aujourd’hui la PDE1, la PDE3 et la PDE5. La PDE3 est surtout une PDE réagissant à l’AMP cyclique, de telle sorte que les composés n’étaient probablement pas actifs ou sélectifs en ce qui la concerne. La PDE5 est une PDE réagissant à la GMP cyclique, de telle sorte que le brevet se référait probablement à cette PDE en tant que l’une des PDE à l’égard desquelles les composés étaient perçus comme des inhibiteurs actifs et sélectifs. L’ambiguïté réside dans la référence à la PDE1, qui est apte à neutraliser à la fois l’AMP cyclique et la GMP cyclique. Un composé qui est un inhibiteur actif et sélectif de la PDE1 pourrait donc élever l’AMP cyclique et non pas la GMP cyclique. Les experts d’Apotex croient donc que c’est une anomalie de dire que les composés sont des inhibiteurs actifs et sélectifs pour « les deux PDE réagissant à la GMP cyclique », et cela parce que la PDE1 ne saurait être exactement considérée comme une PDE réagissant à la GMP cyclique.

 

[54]           À mon avis cependant, vu le contexte dans lequel les mots apparaissent, il est clair que, quand le brevet évoquait « les deux PDE réagissant à la GMP cyclique », il fallait entendre la PDE1 (dans la mesure où elle peut réagir à la GMP cyclique) et la PDE5 (manifestement une PDE réagissant à la GMP cyclique), par opposition à la PDE3 (mentionnée dans le brevet comme une PDE réagissant à l’AMP cyclique).

 

(ii)    La preuve d’expert de Pfizer

 

[55]           M. Christopher Triggle est professeur de pharmacologie et thérapeutique à l’Université de Calgary. Selon lui, le brevet révèle de nouveaux composés chimiques, dont le sildénafil, [traduction] « dont on a constaté qu’ils sont des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique » (non souligné dans l’original). Ces mots donnent à penser qu’on a par la suite établi que ces composés présentent la propriété que leur attribue le brevet. M. Triggle ne dit nulle part que l’on savait effectivement que ces composés avaient cette propriété en 1990. Il dit qu’une personne du métier pourrait déterminer les valeurs CI50 des composés après avoir mené les analyses décrites dans le brevet, si cette personne souhaitait connaître le niveau d’activité et de sélectivité d’un composé donné. Pareillement, une personne du métier pourrait déterminer le degré auquel un composé donné présente une action anti‑agrégante ou anti‑hypertensive.

 

[56]           M. Rodolphe Fischmeister est directeur de recherche à l’Institut de la Santé et de la Recherche Médicale et chef du Laboratoire de cardiologie cellulaire et moléculaire à l’Université de Paris. Il a présumé que le breveté n’avait pas effectivement analysé la totalité des millions de composés du brevet. Il a donné à entendre qu’un lecteur qualifié du brevet penserait qu’un échantillon représentatif des composés avait été analysé, y compris ceux de la catégorie « spécialement privilégiés » et ceux dont la préparation est décrite en détail dans le brevet. Dans son affidavit, M. Fischmeister écrit ce qui suit : [traduction] « il m’apparaît inconcevable que quiconque puisse vouloir faire l’analyse de millions de composés pour savoir dans quelle mesure ils sont actifs ». Or, il ne propose aucun autre moyen par lequel les composés auraient pu être classés comme « privilégiés », « particulièrement privilégiés » et « spécialement privilégiés », ni ne dit sur quel fondement les composés pourraient tous être fidèlement décrits comme des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique.

 

[57]           Le Dr Fischmeister a aussi présumé que les valeurs CI50 des composés du brevet (encore une fois, probablement pas la totalité d’entre eux) avaient été déterminées, bien qu’en réalité le brevet ne dise pas que ces valeurs ont été vérifiées. Le brevet dit simplement que [traduction] « les affinités des composés pour les PDE réagissant à la GMP cyclique ou à l’AMP cyclique sont mesurées par détermination de leurs valeurs CI50 ». Par ailleurs, le Dr Fischmeister a présumé que les composés, une fois analysés, avaient probablement donné des valeurs CI50 de l’ordre du nanomolaire (indiquant l’activité) et avaient présenté, pour la PDE1 et la PDE5, des valeurs inférieures à celles qu’ils avaient présentées pour la PDE3 (indiquant la sélectivité).

 

[58]           S’agissant des méthodes servant à isoler et à analyser les PDE (c’est‑à‑dire les méthodes Thompson), le Dr Fischmeister a déclaré en contre‑interrogatoire que les analyses avaient dû être menées correctement, sans quoi le breveté n’aurait pu arriver à la conclusion selon laquelle le sildénafil, et les autres composés du brevet, étaient des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique. Je crois pouvoir en déduire que le Dr Fischmeister lisait le brevet en sachant que le sildénafil avait par la suite été déclaré un inhibiteur actif et sélectif de PDE réagissant à la GMP cyclique, au lieu d’évaluer ce que les brevetés savaient en 1990 ou auraient pu prédire valablement cette année‑là. S’agissant de la méthode Thompson elle‑même, il a reconnu avec les experts d’Apotex qu’elle constituait un moyen insuffisant de mesurer l’activité et la sélectivité.

 

[59]           S’agissant des effets anti‑agrégants plaquettaires des composés, le Dr Fischmeister a déclaré qu’un lecteur qualifié conclurait, à la lecture du brevet, que les composés avaient de tels effets et donc qu’ils pourraient présenter une utilité dans la thérapie de certaines pathologies cardiovasculaires. Ce serait vrai également pour les effets anti‑hypertensifs des composés.

 

[60]           Les experts de Pfizer ont admis qu’ils ne savaient pas si des analyses avaient effectivement été menées, ou selon quelle méthode, avant la date de priorité du brevet. Aucun d’eux n’avait vu ni reçu de résultats d’analyse.

 

IV.  Conclusion

 

a)   Le compromis que suppose le droit des brevets

 

[61]           Il importe de se rappeler que l’obligation de prouver l’utilité procède du compromis fondamental que suppose le droit des brevets – le titulaire du brevet obtient le monopole de son invention à condition de révéler au public la nature de ladite invention et une information suffisante permettant aux gens du métier de comprendre l’invention et de la reproduire :

L’octroi a deux considérations : [TRADUCTION] « la première, c’est qu’il doit y avoir une invention nouvelle et utile, la seconde, l’inventeur doit, en contrepartie de l’octroi du brevet, fournir au public une description adéquate de l’invention comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art auquel l’invention appartient, puisse construire ou exploiter l’invention après la fin du monopole » (Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, page 517, citant Fox, Canadian Patent Law and Practice (4e édition), à la page 163).

 

[62]           Le juge Binnie a aussi fait remarquer ce qui suit :

Le régime de concession de brevets vise à favoriser la recherche et le développement et à encourager l’activité économique en général. La réalisation de ces objectifs est cependant compromise lorsqu’un concurrent craint de marcher dans les plates‑bandes du titulaire d’un brevet dont la portée n’est pas raisonnablement précise et certaine. […] Le breveté, les concurrents, les contrefacteurs éventuels et le public en général ont donc droit à des règles claires et précises définissant l’étendue du monopole accordé (Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, paragraphes 42 et 43).

 

[63]           Dans l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., précité, le juge Binnie donnait un exemple de ce que devrait contenir un brevet se rapportant à un produit nouveau et utile. Il a décrit les éléments essentiels du brevet hypothétique pour l’aéroplane des frères Wright :

Le brevet […] devrait préciser comment on a réussi à faire voler la machine. L’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les brevets oblige le demandeur à exposer, dans le mémoire descriptif, « le mode de construction, de confection [...] ou d’utilisation d’une machine [...] dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art [...] de confectionner, construire [...] ou utiliser l’objet de l’invention ». Cela signifie que le brevet hypothétique des frères Wright devrait décrire, notamment, comment concevoir un plan de sustentation qui crée une « portance » en réduisant la pression de l’air sur la surface supérieure de l’aile au moment où l’air frappe l’aile, ainsi qu’un mode adéquat de locomotion aérienne. Si les éléments essentiels de la machine volante plus lourde que l’air étaient exposés avec assez de précision pour que le lecteur puisse fabriquer une machine capable de voler, il serait difficile de retenir l’« hypothèse » selon laquelle, une fois que la machine aurait volé, les experts continueraient de prétendre que la prédiction n’était pas valable…

 

Par ailleurs, si le brevet ne divulguait pas les éléments essentiels d’une machine volante plus lourde que l’air, de sorte que personne ne serait en mesure de « prédire valablement » que cet objet mal défini pourra ou ne pourra pas quitter le sol, le brevet serait alors invalidé à juste titre, même si, entre‑temps, les inventeurs avaient réussi à faire voler une machine quelconque. On revient au même point. La population a droit à un enseignement exact et utile en contrepartie du monopole que lui impose le brevet. Les revendications du brevet doivent être étayées par la divulgation. Les spéculations, même si elles s’avèrent justifiées après coup, ne constituent pas une contrepartie valable. (paragraphes 82 et 83)

 

 

 

[64]           Après avoir évoqué l’analogie de l’aéroplane des frères Wright, les avocats de Pfizer ont fréquemment appelé le sildénafil un « F‑16 » – autrement dit, il s’agit actuellement de l’un des inhibiteurs de PDE les plus actifs et les plus sélectifs que connaisse la science. La question cependant est de savoir si Pfizer a prouvé que, en 1990, quelqu’un avait démontré, ou prédit valablement, que tel composé pouvait prendre son envol.

 

b)   Les allégations d’invalidité faites par Apotex sont‑elles injustifiées?

 

[65]           Selon moi, Pfizer n’a pas prouvé que les allégations d’Apotex sont injustifiées. Plus précisément, Pfizer n’a pas prouvé qu’il avait été démontré, ou prédit valablement, que les composés du brevet 748 en général, et le sildénafil en particulier, étaient en 1990 des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique. Étant donné que Pfizer n’a pas apporté la preuve qu’elle devait apporter quant à cette allégation fondamentale, il lui est impossible de dire que les composés avaient une utilité dans le traitement des pathologies en question.

 

[66]           Si l’on considère d’abord le texte même du brevet, on constate de nombreux cas où son imprécision fait obstacle à la compréhension de ce que le brevet prétend enseigner aux lecteurs qualifiés :

 

·          Le brevet porte sur des millions de composés (au moins), dont tous seraient des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE, et dont quelques‑uns sont privilégiés, d’autres particulièrement privilégiés et d’autres encore spécialement privilégiés, mais le brevet ne contient aucun critère permettant de distinguer un groupe d’un autre, ni aucun fondement permettant de conclure que les composés possèdent effectivement ces propriétés.

 

·          Les mots « actif » et « sélectif » sont relatifs, mais le brevet ne dit pas en quoi les composés sont actifs ou sélectifs, ni ne précise quelle PDE réagissant à la GMP cyclique ils inhibent.

 

·          Le brevet dit que l’activité et la sélectivité des composés sont mesurées par détermination de la valeur CI50 d’un composé, mais il ne dit pas vraiment que des valeurs de ce genre ont été obtenues ou, si elles l’ont été, ce qu’étaient ces valeurs.

 

·          Le brevet dit que les composés ont été isolés et analysés par des méthodes reconnues modifiées, mais il ne précise pas clairement quelles méthodes ont été effectivement employées, ni ce en quoi a consisté leur modification.

 

·          Le brevet dit que l’action anti‑agrégante plaquettaire se mesure par détermination de la capacité d’un composé à inhiber l’agrégation plaquettaire in vitro, mais il ne dit pas que des analyses du genre ont effectivement été menées ou, si elles l’ont été, les résultats qu’elles ont donnés. Cette analyse est décrite comme une analyse fondée « essentiellement » sur la méthode conçue par J.F. Mustard et autres, mais aucune indication n’est donnée sur la manière dont l’analyse a été modifiée.

 

·          Le brevet dit que l’on détermine l’action anti‑hypertensive en administrant un composé à des rats hypertensifs, puis à mesurer leur pression sanguine, mais il ne dit pas que telles analyses ont effectivement été menées ou, si elles l’ont été, les résultats qu’elles ont donnés. Le brevet dit que le composé peut être administré aux rats soit par intraveineuse, soit oralement, mais il ne précise pas quels moyens ont été employés si des analyses du genre ont effectivement été menées.

 

·          Le brevet suppose que les composés sont des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique, en les comparant à une famille similaire de composés dont fait état une demande de brevet européen, mais il ne dit pas sur quoi repose cette comparaison favorable.

 

[67]           Aucune des preuves produites par Pfizer n’a permis de résoudre les ambiguïtés du brevet. Les experts de Pfizer ont jugé le brevet sur les apparences. Parce que le brevet disait que les composés étaient des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique, les experts ont présumé que les composés avaient été analysés et que l’on avait conclu qu’ils étaient de tels inhibiteurs. Ils ont présumé que des valeurs CI50 avaient été prises pour un certain nombre de composés, ce qui avait permis de les classer de la manière employée dans le brevet. Ils ont présumé que des analyses de l’action anti‑agrégante plaquettaire et de l’action anti‑hypertensive avaient été menées et avaient donné des résultats positifs. Comme l’a dit avec franchise l’un des experts de Pfizer au cours de son contre‑interrogatoire, si ce que les brevetés [traduction] « revendiquaient n’était pas véridique, nous ne serions pas ici aujourd’hui » (Dr Tony Durst, professeur émérite de chimie, Université d’Ottawa).

 

[68]           Il est clair cependant que la confirmation après coup de l’utilité d’une présumée invention ne suffit pas à valider un brevet. Le juge Binnie a souligné ce point dans son analogie de l’aéroplane des frères Wright, évoquée plus haut. Il souligne aussi l’importance de ce principe dans le domaine des brevets pharmaceutiques :

Si l’état du droit était différent, les grandes sociétés pharmaceutiques pourraient (sous réserve de considérations relatives aux coûts) adopter une approche tous azimuts en faisant breveter une multitude de composés chimiques à toutes sortes de fins souhaitables mais non réalisées, dans l’espoir que, comme à la loterie, un certain pourcentage des composés s’avéreront, par un heureux hasard, utiles aux fins revendiquées. Un tel système de brevets récompenserait la capacité de payer ainsi que l’ingéniosité des agents de brevets plutôt que celle des véritables inventeurs. (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., précité, paragraphe 80.)

 

[69]           Les hypothèses énoncées par les experts de Pfizer n’équivalent pas à une preuve pouvant permettre à Pfizer de s’acquitter de la charge qui lui incombe en matière de preuve. L’allégation la plus fondamentale d’Apotex est que le mémoire descriptif du brevet ne permet pas à un lecteur qualifié de comprendre les propriétés que présentent les composés dont il y est question. Il ne décrit pas la manière dont les propriétés censément utiles que sont l’activité et la sélectivité ont été établies ni ne précise à quel point les composés sont actifs ou sélectifs, que ce soit quant à des PDE données ou à des tissus particuliers. Partant, le brevet ne décrit pas une invention qui réponde à la condition d’utilité. À l’évidence, le dossier que j’ai devant moi ne renferme rien qui donne à penser que l’on savait, ou que l’on aurait pu prédire valablement, que le sildénafil était un inhibiteur extrêmement actif et sélectif de PDE réagissant à la GMP cyclique, tout particulièrement de la PDE5.

 

[70]           Il est intéressant de comparer la preuve que j’ai devant moi avec la preuve produite dans l’affaire Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., susmentionnée. Dans ce précédent, la Cour suprême avait devant elle une preuve se rapportant à ce que les scientifiques du breveté savaient à certains moments critiques avant que le brevet de l’AZT fût enregistré, et se rapportant à ce qu’avaient révélé les résultats de nombreuses analyses. Ici, je n’ai devant moi sur ce point aucune preuve du genre. L’utilité et la prédiction valable sont des questions de fait et doivent évidemment être étayées par la preuve. Je relève que, dans les autres précédents auxquels j’ai été renvoyé et qui concernent la règle de la prédiction valable, la Cour avait devant elle la preuve de ce qui était connu ou non connu à la date pertinente : Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1205, [2005] A.C.F. no 1607 (C.F.) (QL); Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., précité.

 

[71]           Par conséquent, je dois conclure que Pfizer n’a pas rempli son obligation de prouver que les allégations d’Apotex étaient injustifiées. Plus précisément, Pfizer n’a pas prouvé qu’il avait été démontré que les composés du brevet, et le sildénafil en particulier, étaient des inhibiteurs actifs et sélectifs de PDE réagissant à la GMP cyclique. Pfizer n’a pas prouvé non plus qu’il existait un fondement factuel autorisant une prédiction valable selon laquelle les composés présentaient de telles propriétés. Par ailleurs, le brevet ne donne pas au lecteur qualifié des renseignements suffisants qui lui permettraient de comprendre ce qu’étaient les propriétés des composés, ou la manière de les utiliser.

 

[72]           Par conséquent, la demande de Pfizer pour que soit rendue une ordonnance d’interdiction est rejetée, avec dépens.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande d’ordonnance d’interdiction est rejetée, avec dépens.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


Annexe

 

Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, Ch. P‑4

 

Définitions

 

2. Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« invention »

  Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

Mémoire descriptif

27. (3) Le mémoire descriptif doit :

 

[…]

 

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

 

Forme et durée des brevets

43. (1) Sous réserve de l’article 46, le brevet accordé sous le régime de la présente loi est délivré sous le sceau du Bureau des brevets. Il mentionne la date de dépôt de la demande, celle à laquelle elle est devenue accessible au public sous le régime de l’article 10, celle à laquelle il a été accordé et délivré ainsi que tout renseignement réglementaire.

 

Validité

 

(2) Une fois délivré, le brevet est, sauf preuve contraire, valide et acquis au breveté ou à ses représentants légaux pour la période mentionnée aux articles 44 ou 45.

 

Patent Act, R.S.C. 1985, c. P‑4

 

Definitions

 

2. In this Act, except as otherwise provided,

 

 

invention

  means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;

Specification

27. (3) The specification of an invention must

 

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

 

 

 

Form and duration of patent

43. (1) Subject to section 46, every patent granted under this Act shall be issued under the seal of the Patent Office, and shall bear on its face the filing date of the application for the patent, the date on which the application became open to public inspection under section 10, the date on which the patent is granted and issued and any prescribed information.

 

Validity of patent

 

(2) After the patent is issued, it shall, in the absence of any evidence to the contrary, be valid and avail the patentee and the legal representatives of the patentee for the term mentioned in section 44 or 45, whichever is applicable.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          T‑2137‑04

 

 

INTITULÉ :                                                         PFIZER ET AUTRE c. APOTEX ET AUTRE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                               du 16 au 20 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                        LE 12 JANVIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert MacFarlane

Michael Charles

Christine Pallota

 

POUR LES DEMANDERESSES

Andrew Brodkin

Richard Naiberg

Sorelle Simmons

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BERESKIN & PAR

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

GOODMANS LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.