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Date : 20070112

Dossier : T-1003-05

Référence : 2007 CF 25

Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2007

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

 

ENTRE :

 

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

demanderesse

et

 

ACCESSOIRES D’AUTO NORDIQUES INC.

défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le 27 novembre 2006, l’appel interjeté par la demanderesse en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce a été accueilli et l’affaire renvoyée au registraire des marques de commerce pour qu’il fasse droit à la demande no 860710 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce NORDIC & Snowflake Design. Conformément à l’ordonnance de la présente Cour, la défenderesse et la demanderesse ont toutes deux déposé des observations au sujet des dépens.

 

LE CONTEXTE

[2]               Le 6 novembre 1997, la demanderesse a déposé la demande no 860710 en vue de faire enregistrer la marque de commerce NORDIC & Snowflake Design sur le fondement d’un emploi projeté en liaison avec des pneus.

 

[3]               La défenderesse, titulaire de la marque de commerce NORDIQUES (LMC367415) depuis le 30 mars 1990, a fait opposition avec succès à cette demande d’enregistrement devant la Commission des oppositions des marques de commerce, agissant au nom du registraire des marques de commerce (le « registraire »).

 

[4]               Ensuite, par appel interjeté en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), la demanderesse a sollicité une ordonnance annulant la décision du registraire. Elle a aussi déposé de nouveaux éléments de preuve en plus de ceux dont disposait le registraire.

 

LES TEXTES LÉGAUX APPLICABLES

[5]               Les articles 400 à 422 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles ») traitent de la question des dépens. Le paragraphe 400(1) prescrit que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. Aux termes du paragraphe 400(4), la Cour peut fixer les dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

 

[6]               Le paragraphe 400(3) dresse une liste détaillée, mais non limitative, des facteurs dont la Cour peut tenir compte en exerçant son pouvoir discrétionnaire. Le texte de ce paragraphe est le suivant :

400. (3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants  :

 

a) le résultat de l’instance;

 

b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;

c) l’importance et la complexité des questions en litige;

d) le partage de la responsabilité;

e) toute offre écrite de règlement;

f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421;

g) la charge de travail;

h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens;

i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;

j) le défaut de la part d’une partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait dû être admis;

k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas  :

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

l) la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense;

m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes;

n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l’application des règles 292 à 299;

o) toute autre question qu’elle juge pertinente.

 

400. (3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

 

 

 

(a) the result of the proceeding;

(b) the amounts claimed and the amounts recovered;

(c) the importance and complexity of the issues;

 

(d) the apportionment of liability;

(e) any written offer to settle;

(f) any offer to contribute made under rule 421;

 

(g) the amount of work;

(h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs;

 

(i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;

(j) the failure by a party to admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit;

 

(k) whether any step in the proceeding was

 

(i) improper, vexatious or unnecessary, or

(ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;

 

(l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily;

 

 

(m) whether two or more parties, represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily;

 

(n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299; and

 

 

 

(o) any other matter that it considers relevant.

 

 

ANALYSE RELATIVE AUX DÉPENS

[7]               La demanderesse soutient qu’en raison de la complexité des questions en litige et du travail de préparation approfondi qu’il lui a fallu effectuer en vue de l’audience, il est justifié d’accorder les dépens en prenant pour base le maximum de la fourchette prévue à la colonne IV du tarif B des Règles. Elle demande aussi que la Cour adjuge une somme globale au lieu des dépens taxés.

 

[8]               La défenderesse prétend quant à elle que chaque partie doit assumer ses propres dépens et que, subsidiairement, il n’y a rien dans l’affaire qui justifie que la Cour déroge à la pratique habituelle, qui consiste à taxer les dépens en fonction de la colonne III du tarif B des Règles.

 

[9]               En rendant la présente décision, la Cour a tenu compte des facteurs suivants, énumérés au paragraphe 400(3) des Règles.

 

Le résultat de l’instance

[10]           La demanderesse a eu entièrement gain de cause dans l’appel interjeté devant la Cour.

 

L’importance et la complexité de la question en litige

[11]           De par leur nature, les appels relatifs aux marques de commerce soulèvent des questions plutôt techniques, et il n’y a aucun doute que la demanderesse a dû se fonder sur des témoignages d’experts afin de démontrer l’enregistrabilité de sa marque de commerce.

 

Toute offre écrite de règlement

[12]           Le 31 janvier 2006, la demanderesse a fait une proposition de transaction valable; celle-ci a été refusée par la défenderesse, qui a présenté une contre-proposition. En outre, vu l’issue de l’appel interjeté en vertu de la Loi, le jugement a été plus favorable à la demanderesse que les conditions de la proposition de transaction faite à la défenderesse, ce qui doit lui donner droit au double des dépens entre parties pour la totalité des services postérieurs au 31 janvier 2006, conformément à l’article 400(7) des Règles.

 

[13]           Par ailleurs, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, le paiement que demande la défenderesse dans sa contre-proposition tend bel et bien à corroborer la prétention de la demanderesse selon laquelle les démarches de la défenderesse ne constituaient qu’une tentative de réaliser un gain financier; il ne s’agissait pas simplement de protéger sa propre marque de commerce valide.

 

La conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance

 

La question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas : (i) était inappropriée, vexatoire ou inutile, (ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection

 

[14]           La demanderesse soutient que, pendant toute la durée de l’instance, la défenderesse a invoqué des arguments formalistes quant à l’admissibilité d’éléments de preuve déposés, ce qui a eu pour effet d’accroître ses dépenses; cependant, je ne relève aucune preuve que cette dernière s’est comportée d’une manière visée par les alinéas i) ou k) du paragraphe 400(3) des Règles. Les deux parties ont demandé des prorogations de délai pour produire des documents supplémentaires et, à une occasion, il y a eu un peu de confusion à la suite d’une ordonnance du protonotaire Lafrenière, qu’il a fallu clarifier par une ordonnance de la juge Eleanor Dawson. Cela a peut-être occasionné des coûts supplémentaires à la demanderesse, mais on ne peut en imputer la faute à la défenderesse.

 

[15]           En outre, il convient de signaler, à titre d’observation générale, que la défenderesse était en droit aux termes de la Loi de s’opposer à l’enregistrement de la demanderesse afin de protéger sa propre marque de commerce et que d’ailleurs elle a eu gain de cause dans sa première tentative devant le registraire. Il était parfaitement compréhensible aussi qu’après que la demanderesse eut décidé de porter en appel la décision du registraire, la défenderesse souhaite conserver le fruit de sa victoire antérieure en s’opposant à la demande. Ce faisant, la défenderesse a peut-être bien fait valoir quelques arguments formalistes quant à l’admissibilité de certaines preuves mais, dans l’ensemble, elle s’est fondée dans une large mesure sur les observations qu’elle avait déjà faites devant le registraire, ainsi que sur la décision de celui-ci. C’est la demanderesse, et non la défenderesse, qui a déposé une masse importante de preuves supplémentaires à l’appui de son appel interjeté en vertu de la Loi, des preuves auxquelles la défenderesse a dû répondre dans ses propres observations.

 

[16]           La Loi permet effectivement de déposer des preuves supplémentaires dans le cadre d’un appel interjeté en vertu de la Loi, mais la défenderesse fait toutefois remarquer que si la demanderesse avait déposé ces preuves en temps utile (c’est-à-dire, devant le registraire), l’issue de la procédure d’opposition aurait peut-être été différente et le présent appel inutile. La défenderesse soutient qu’étant donné que l’on n’adjuge pas de dépens dans le cadre d’une procédure d’opposition devant le registraire, elle n’aurait pas été redevable des dépens élevés de la demanderesse si cette dernière avait fait preuve de diligence en produisant à ce moment-là les témoignages d’experts nécessaires.

 

[17]           L’argument de la défenderesse n’est peut-être pas sans fondement, mais il n’en reste pas moins néanmoins qu’il n’était pas déraisonnable de la part de la demanderesse de chercher à réduire ses propres dépens relatifs à la procédure d’opposition et de compter que, avec les éléments de preuve déposés, l’issue de celle-ci serait favorable. On ne peut donc pas dire que la demanderesse a agi de manière inappropriée ou négligente dans les efforts qu’elle a faits pour s’acquitter de la charge de la preuve quant à l’enregistrabilité de sa marque de commerce devant le registraire.

 

[18]           Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus qu’il convient d’adjuger à la demanderesse ses dépens conformément à la colonne ordinaire du tarif B (colonne III), et que les détails seront fixés par un officier taxateur, conformément aux directives suivantes :

 

L’offre de règlement : comme il a été indiqué plus tôt, le jugement de la Cour a été plus favorable à la demanderesse que les conditions de l’offre de règlement faite à la défenderesse, ce qui donne droit à la demanderesse au double des dépens entre parties pour l’ensemble des services postérieurs au 31 janvier 2006, conformément à l’article 407 des Règles.

 

Preuve par affidavits émanant de personnes autres que des experts : la Cour ordonne qu’aucuns débours ne devraient être accordés pour les affidavits émanant de personnes autres que des experts.

 

Dépenses de déplacement : la Cour ordonne que les dépenses de déplacement de l’avocat de la demanderesse soient inclus dans l’adjudication des dépens.

 

Stagiaire en droit bilingue : la défenderesse était en droit de plaider en français à l’audience, et des services d’interprétation ont été fournis en vue de faciliter la communication. La Cour ordonne donc que les sommes demandées pour le stagiaire en droit, au titre des honoraires et des dépenses de déplacement, ne soient pas incluses dans le calcul des dépens.

 

Préparation d’observations écrites : la Cour ordonne que ces dépens soient inclus à juste titre dans le calcul, conformément à l’article 15 du tarif B.

 

Débours : comme il a déjà été signalé, l’officier taxateur ne prendra pas en compte les débours relatifs aux affidavits émanant de personnes autres que des experts. En outre, les débours relatifs au témoignage de M. Yves Simard à titre d’expert, ainsi que ceux qui se rapportent aux services de Mme Ruth Corbin, paraissent quelque peu excessifs aux yeux de la Cour. La demanderesse n’aura donc droit qu’à la moitié des dépens liés à ces deux experts particuliers.

 


ORDONNANCE

Pour ces motifs,

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.      Les dépens sont adjugés à la demanderesse conformément à la colonne III du tarif B.

2.      L’affaire est renvoyée à un officier taxateur afin qu’il procède à une adjudication précise des dépens, conformément aux directives spécifiques qui sont énoncées au paragraphe 18 ci-dessus; plus particulièrement :

a)      la demanderesse a droit au double des dépens entre parties pour les services postérieurs au 31 janvier 2006, conformément à l’article 407 des Règles;

b)      aucuns dépens ne doivent être accordés pour les affidavits émanant de personnes autres que des experts;

c)      les dépenses de déplacement de l’avocat de la demanderesse doivent être inclus dans les dépens;

d)      aucuns dépens ne doivent être accordés pour le stagiaire en droit bilingue;

e)      les dépens relatifs à la préparation d’observations écrites peuvent être inclus dans le calcul, conformément à l’article 15 du tarif B;


f)        la demanderesse n’aura droit qu’à la moitié des débours relatifs au témoignage de M. Yves Simard et de Mme Ruth Corbin à titre d’experts.

« Pierre Blais »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-1003-05

 

INTITULÉ :                                       LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE c. ACCESSOIRES D’AUTOS NORDIQUES INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 Octobre 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Blais

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 janvier 2007

 

COMPARUTIONS :

 

John S. McKeown

 

POUR LA DEMANDERESSE

Pierre Leclerc

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cassels Brock & Blackwell

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Reinhardt Bérubé

Sainte-Foy (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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