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Date : 20 070 105

Dossier : T-92-06

Référence : 2007 CF 11

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2007

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

RICHARDS PACKAGING INC.

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

DISTRIMEDIC INC.

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le point litigieux dans la présente instance de contrôle judiciaire est la compétence du commissaire aux brevets (le commissaire) et des agents ou employés du Bureau des brevets pour accepter ou refuser le dépôt ou l’enregistrement d’un acte de renonciation fait ou déposé par un breveté. Un acte de renonciation est un mécanisme statutaire qui permet à un breveté (ou son cessionnaire) de changer un brevet dans le but de revendiquer moins que ce qui était revendiqué dans le brevet initial. La présente instance concerne le refus par un agent ou un employé du Bureau des brevets d’accepter le dépôt d’un acte de renonciation prétendument fait et déposé par la demanderesse en vertu de l’article 48 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, telle que modifiée (la Loi), parce que la revendication modifiée serait prétendument plus vaste que ce qui était revendiqué dans le brevet original.

 

[2]               Cette affaire demande une interprétation et une application exactes de l’article 48 de la Loi, qui se lit comme suit :

48. (1) Le breveté peut, en acquittant la taxe réglementaire, renoncer à tel des éléments qu’il ne prétend pas retenir au titre du brevet, ou d’une cession de celui-ci, si, par erreur, accident ou inadvertance, et sans intention de frauder ou tromper le public, dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) il a donné trop d’étendue à son mémoire descriptif, en revendiquant plus que la chose dont lui-même, ou son mandataire, est l’inventeur;

 

 

b) il s’est représenté dans le mémoire descriptif, ou a représenté son mandataire, comme étant l’inventeur d’un élément matériel ou substantiel de l’invention brevetée, alors qu’il n’en était pas l’inventeur et qu’il n’y avait aucun droit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(2) L’acte de renonciation est déposé selon les modalités réglementaires, notamment de forme.

 

(3) [Abrogé, 1993, ch. 15, art. 44]

 

(4) Dans toute action pendante au moment où elle est faite, aucune renonciation n’a d’effet, sauf à l’égard de la négligence ou du retard inexcusable à la faire.

 

(5) Si le breveté original meurt, ou s’il cède son brevet, la faculté qu’il avait de faire une renonciation passe à ses représentants légaux, et chacun d’eux peut exercer cette faculté.

 

(6) Après la renonciation, le brevet est considéré comme valide quant à tel élément matériel et substantiel de l’invention, nettement distinct des autres éléments de l’invention qui avaient été indûment revendiqués, auquel il n’a pas été renoncé et qui constitue véritablement l’invention de l’auteur de la renonciation, et celui-ci est admis à soutenir en conséquence une action ou poursuite à l’égard de cet élément.

 

48. (1) Whenever, by any mistake, accident or inadvertence, and without any wilful intent to defraud or mislead the public, a patentee has

 

 

 

 

 

(a) made a specification too broad, claiming more than that of which the patentee or the person through whom the patentee claims was the inventor, or

 

(b) in the specification, claimed that the patentee or the person through whom the patentee claims was the inventor of any material or substantial part of the invention patented of which the patentee was not the inventor, and to which the patentee had no lawful right,

 

the patentee may, on payment of a prescribed fee, make a disclaimer of such parts as the patentee does not claim to hold by virtue of the patent or the assignment thereof.

 

(2) A disclaimer shall be filed in the prescribed form and manner.

 

 

(3) [Repealed, 1993, c. 15, s. 44]

 

(4) No disclaimer affects any action pending at the time when it is made, unless there is unreasonable neglect or delay in making it.

 

 

(5) In case of the death of an original patentee or of his having assigned the patent, a like right to disclaim vests in his legal representatives, any of whom may exercise it.

 

(6) A patent shall, after disclaimer as provided in this section, be deemed to be valid for such material and substantial part of the invention, definitely distinguished from other parts thereof claimed without right, as is not disclaimed and is truly the invention of the disclaimant, and the disclaimant is entitled to maintain an action or suit in respect of that part accordingly.

 

[3]               Le paragraphe 48(2) de la Loi, édicté par L.C. 1993, ch. 15 (qui a pris effet le 1er octobre 1996 : voir TR/96-81), remplace les paragraphes précédents 48(2) et (3). Le dernier paragraphe a été abrogé par la modification du ch. 15. Selon la version du paragraphe 48 antérieure à la modification de 1993 (anciennement l’article 51 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1970, ch. P-4), le commissaire n’avait pas un pouvoir discrétionnaire de refuser le dépôt ou l’enregistrement d’un acte de renonciation. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale, cette disposition [traduction] « n’habilite pas le commissaire à prendre quelque décision que ce soit; ni ne lui confère un quelconque pouvoir discrétionnaire; il lui impose simplement le devoir d’enregistrer certains documents. Si le commissaire manque à ce devoir, une ordonnance de mandamus peut être rendue à son encontre » [non souligné dans l’original] : Monsanto Co. c. Commissaire des brevets (1976), 28 C.P.R. (2d) 118, page 119 (C.A.F) [Appel Monsanto].

 

[4]               Je fais remarquer à cet égard que le jugement rendu en 1975 par le juge de première instance dans l’affaire Monsanto (Monsanto Co. c. Commissaire des brevets (1975), 18 C.P.R. (2d) 170 [Procès Monsanto]) a été annulé par la Cour d’appel fédérale, qui a clairement rejeté les positions adoptées ci-dessous selon lesquelles [traduction] « ce ne fut point l’intention du Parlement d’imposer au commissaire l’obligation d’assurer le dépôt et l’enregistrement de tous les documents prétendant être des actes de renonciation » (page 184) et selon lesquelles, avant l’enregistrement d’un acte de renonciation, le commissaire [traduction] « devait établir si le document présenté est en fait un acte de renonciation au sens de l’article, si les conditions de son enregistrement ont été respectées, et (…) s’il distingue effectivement la partie de l’invention ne faisant pas l’objet de la renonciation et qui est réellement l’invention de l’auteur de la renonciation des autres parties revendiquées sans droit… » (page 186). Ces positions se fondaient sur la supposition que le commissaire était appelé à prendre une décision, c’est-à-dire, une certaine forme de décision factuelle et juridique. Il convient de se rappeler que la conclusion erronée du juge de première instance selon laquelle le commissaire avait l’obligation implicite d’agir judiciairement en prenant une décision concernant un acte de renonciation se fondait sur le point de vue du juge de première instance selon lequel [traduction] « la décision de telles questions, une décision pouvant avoir un effet sur le droit légal de l’acte de renonciation, est loin d’être une opération mécanique ou purement ministérielle, elle exige l’application de règles juridiques et de normes objectives pour les faits, plutôt que des normes de politique subjectives ou de l’opportunisme ou des pouvoirs administratifs discrétionnaires … » (page 186). Il est évident que le juge de première instance a validé l’interprétation faite par le commissaire de l’ancien article 51 selon laquelle [traduction] « cela ne peut pas être utilisé comme moyen de reformuler les revendications » et selon laquelle [traduction] « on ne peut pas envisager que c’était dans l’intention du Parlement que les brevetés se servent de l’article 51 comme moyen détourné pour se soustraire aux obligations du commissaire de protéger l’intérêt public en voyant que les revendications pour lesquelles un monopole a été accordé par l’État sont des revendications qui divulguent exactement et clairement des inventions brevetables » (page 177). La Cour d’appel fédérale a clairement rejeté ces positions et a décidé que la disposition en question n’habilitait pas le commissaire à prendre quelque décision que ce soit.

 

[5]   Je relève que, bien qu’il ait eu amplement la possibilité de le faire depuis Monsanto, le Parlement a choisi de ne pas modifier la Loi en accordant au commissaire une compétence explicite de prendre des décisions factuelles ou juridiques dans le cas des actes de renonciation ou de refuser d’accepter le dépôt ou l’enregistrement d’un acte de renonciation présenté selon les modalités réglementaires prévues. Je constate également que, conformément à la version de la Loi de 1985, l’ancien paragraphe 48(3), qui a été abrogé en 1993, exigeait qu’un acte de renonciation soit « déposé et enregistré ». Le paragraphe 48(2) de la Loi prévoit maintenant qu’un acte de renonciation doit seulement être « déposé selon les modalités réglementaires, notamment de forme ».

 

[6]               À cet égard, l’article 44 des Règles sur les brevets, DORS/96-423 (les Règles) prescrivent la forme et la manière dont l’acte de renonciation devrait être fait :

44. L’acte de renonciation visé à l’article 48 de la Loi ou de la Loi dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 est établi selon la formule 2 et les instructions connexes figurant à l’annexe I, dans la mesure où les dispositions de cette formule et ces instructions s’y appliquent.

44. A disclaimer pursuant to section 48 of the Act or of the Act as it read immediately before October 1, 1989 shall follow the form and the instructions for its completion set out in Form 2 of Schedule I to the extent that the provisions of the form and the instructions are applicable.

 

 

[7]               La Formule 2 de l’Annexe contient la forme suivante d’acte de renonciation et d’instructions :

Acte de renonciation

 

1. Le titulaire du brevet no _____________________, accordé le _________________ pour une invention ayant pour titre ______________________, a par erreur, accident ou inadvertance et sans intention de frauder ou de tromper le public :

 

a) donné trop d’étendue au mémoire descriptif en revendiquant plus que la chose dont lui-même ou son mandataire (la personne par l’entremise de laquelle il revendique) est l’(le premier) inventeur;

 

b) dans le mémoire descriptif, s’est représenté ou a représenté son mandataire (la personne par l’entremise de laquelle il revendique) comme étant l’(le premier) inventeur d’un élément matériel ou substantiel de l’invention brevetée, alors qu’il n’en était pas l’(le premier) inventeur et qu’il n’y avait (légalement) aucun droit.

 

2. Le nom et l’adresse complète du breveté sont : ____________________.

 

3. (1) Le breveté renonce à l’intégralité de la revendication suivante : ____________.

 

(2) Le breveté renonce à l’intégralité de la revendication suivante : ________________ à l’exception des éléments suivants : ________________.

 

Instructions

 

Dans l’article 1, les expressions « la personne par l’entremise de laquelle il revendique », « le premier » et « légalement » ne peuvent être utilisées qu’à l’égard des brevets délivrés au titre d’une demande déposée avant le 1er octobre 1989.

 

Dans l’article 2, les nom et adresse sont présentés dans l’ordre suivant, les divers éléments étant bien séparés : nom de famille (en majuscules), prénom(s), initiales, numéro civique, rue, ville, province ou État, code postal, numéro de téléphone, numéro de télécopieur et pays.

 

 

Pour chaque revendication visée par l’acte de renonciation, le breveté inclut dans l’acte de renonciation soit le paragraphe 3(1), soit le paragraphe 3(2).

Disclaimer

 

1. The patentee of Patent No. ____________, granted on ________ for an invention entitled ____________, has, by mistake, accident or inadvertence, and without any wilful intent to defraud or mislead the public,

 

 

 

(a) made the specification too broad, claiming more than that of which the patentee or the person through whom the patentee claims was the (first) inventor; or

 

 

 

(b) in the specification, claimed that the patentee or the person through whom the patentee claims was the (first) inventor of any material or substantial part of the invention patented of which the patentee was not the (first) inventor, and to which the patentee had no lawful right.

 

 

2. The name and complete address of the patentee is ___________.

 

3. (1) The patentee disclaims the entirety of claim ___________.

 

(2) The patentee disclaims the entirety of claim ____________ with the exception of the following: ____________.

 

Instructions

 

In section 1, the word "first" may be included only for patents issued on the basis of an application filed before October 1, 1989.

 

 

 

 

 

In section 2, the name and address must be presented in the following order with a clearly visible separation between the various elements: family name (in capital letters), given name(s), initials, street name and number, city, province or state, postal code, telephone number, fax number and country.

 

With respect to each claim covered by the disclaimer, the patentee shall include in the disclaimer either subsection 3(1) or (2).

 

[8]               En outre, la redevance à payer en lien avec un acte de renonciation se trouve à l’article 13 de l’Annexe II des Règles, qui indique qu’une taxe de 100,00 $ est à payer pour la « [r]enonciation à un brevet conformément à l’article 48 de la Loi ou de la Loi dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 ».

 

[9]               Une fois qu’un acte de renonciation a été déposé selon les modalités réglementaires prévues, un brevet sera considéré comme valide quant à l’élément matériel et substantiel de l’invention, nettement distinct des autres éléments indûment revendiqués (auquel il n’a pas été renoncé et qui constitue véritablement l’invention de l’auteur de la renonciation). L’auteur de la renonciation est admis à soutenir en conséquence une action ou poursuite à l’égard de cet élément (paragraphe 48(6) de la Loi). La renonciation est inconditionnelle; les revendications existantes du brevet sont celles qui sont modifiées par la renonciation, et la seule invention que protègent les lettres patentes est celle qui est définie dans les revendications existantes : Canadian Celanese Ltd. c. B.V.D. Co. [1939] 2 D.L.R. 289, à la page 294.Il a également été établi que, lorsqu’un acte de renonciation a été enregistré, il importe peu qu’en conséquence, deux ou plusieurs revendications aient la même portée, ni que le brevet incluant l’acte de renonciation ne soit pas la même invention que celle initialement brevetée : Cooper & Beatty Ltd. c. Alpha Graphics Ltd. (1980), 49 c.p.r. (2d) 145, aux pages 163 et 164 (C.F. 1re inst.). Cela étant dit, dans toute action pendante au moment où elle est faite, aucune renonciation n’a d’effet, sauf à l’égard de la négligence ou du retard inexcusable à la faire (paragraphe 48(4) de la Loi) : voir Canadian Celanese Ltd., précité, aux pages 293 à 295.

 

[10]           Par conséquent, une fois qu’un acte de renonciation a été déposé auprès du Bureau des brevets selon les modalités réglementaires prévues, et que les frais prescrits ont été acquittés, le commissaire n’a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser le dépôt ou l’enregistrement de cet acte (Appel Monsanto, précité); mais le bien-fondé ou la validité de cet acte de renonciation peuvent être examinés par la Cour si le brevet fait l’objet de poursuites : ICN Pharmaceuticals, Inc. c. Canada (Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés), (1996) 200 N.R. 376, au paragraphe 70 (C.A.F.); Trubenizing Process Corp. c. John Forsyth Ltd., (1941), 2 C.P.R. 89, page 105, 2 Fox Pat. C. 11 (H.C.J. Ont.), confirmé (1942), 2 C.P.R. 89, [1942] 2 D.L.R. 539 (C.A. Ont.), infirmé pour d’autres motifs (1943), 3 C.P.R. 1, [1943] 4 D.L.R. 577 (C.S.C.).  En conséquence, une partie à une action ou poursuite entamée en vertu de la Loi concernant un brevet est libre de contester la validité d’un acte de renonciation et les revendications modifiées dans le brevet au motif que les exigences mentionnées à l’article 48 de la Loi n’ont pas toutes été satisfaites par l’auteur de la renonciation. Par exemple, on pourrait avancer le fait que, contrairement à ce qui est déclaré dans l’acte de renonciation, le breveté a sciemment apporté une précision dans le brevet qui était trop vaste, ou reformulé l’invention dans l’acte de renonciation afin de revendiquer un peu plus que ce qui a réellement été revendiqué dans le brevet délivré.

 

[11]           Gardant à l’esprit ce cadre juridique, je vais maintenant examiner les faits pertinents qui ont mené jusqu’à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[12]           Le brevet No 2 207 045, intitulé [traduction] « Trousse et méthode de fabrication relatives à un ensemble de contenants distincts de pilules », a été délivré le 1er juin 1999. Le cessionnaire original du brevet, Dispill Inc. (Dispill), a cédé le brevet à la demanderesse, Richards Packaging Inc., le 29 juillet 2005. Par l’intermédiaire de ses représentants et agents, le 8 novembre 2005, la demanderesse a déposé auprès du Bureau des brevets un document daté du 2 novembre 2005, intitulé [traduction] « Acte de renonciation concernant le brevet canadien No. 2 207 045 » (l’acte de renonciation de la demanderesse). En accompagnement de l’acte de renonciation de la demanderesse se trouvait une lettre de présentation datée du 7 novembre 2005 et adressée au commissaire demandant que [traduction] « l’enregistrement de cet acte de renonciation soit accéléré » et autorisant le prélèvement des droits prescrits de 100,00 $ du compte indiqué dans ladite lettre.

 

[13]           Je constate que l’acte de renonciation de la demanderesse est présenté selon les modalités prévues par l’article 44 des Règles. Premièrement, le paragraphe 1 de l’acte de renonciation de la demanderesse répète le libellé exact mentionné au paragraphe 1 de la Formule 2 de l’Annexe I :

[traduction]

 

1.      Le titulaire du brevet no 2 207 045, accordé le 1er juin 1999, pour une invention ayant pour titre « Trousse et processus pour la fabrication d’un ensemble de conteneurs à comprimés individuels », a par erreur, accident ou inadvertance et sans intention de frauder ou de tromper le public :

 

(a)    donné trop d’étendue au mémoire descriptif en revendiquant plus que la chose dont lui-même ou son mandataire (la personne par l’entremise de laquelle il revendique) est l’inventeur;

 

(b)    dans le mémoire descriptif, s’est représenté ou a représenté son mandataire (la personne par l’entremise de laquelle il revendique) comme étant l’inventeur d’un élément matériel ou substantiel de l’invention brevetée, alors qu’il n’en était pas l’inventeur et qu’il n’y avait (légalement) aucun droit.

 

[14]           Deuxièmement, le paragraphe 2 de l’acte de renonciation de la demanderesse fournit le nom et l’adresse complète de la demanderesse.

 

[15]           Troisièmement, le paragraphe 3 et les paragraphes 5 à 9 de l’acte de renonciation de la demanderesse utilisent le même libellé d’introduction mentionné au paragraphe 3(2) de la Formule 2 de l’Annexe I, qui est choisi lorsque le breveté souhaite renoncer uniquement à une partie d’une revendication. Le paragraphe 4 de l’acte de renonciation de la demanderesse utilise le libellé d’introduction du paragraphe 3(1) de la Formule 2, qui est choisi lorsque le breveté souhaite renoncer à l’intégralité d’une revendication. En réalité, la demanderesse renonce à l’ensemble des revendications 15 à 21 du brevet, à l’exception de ce qui est déclaré être d’une portée plus étroite aux paragraphes 3 à 9 de l’acte de renonciation de la demanderesse.

 

[16]           Par conséquent, il est évident, après une lecture générale du document déposé le 8 novembre 2005 auprès du Bureau des brevets, qu’il s’agit d’un « acte de renonciation ». Toutefois, comme nous le verrons ci-dessous, la validité des revendications faites dans le brevet original et la portée exacte et les effets juridiques de l’acte de renonciation de la demanderesse ont fait l’objet d’un désaccord et d’un litige entre les parties.

 

[17]           Dans le brevet original, la revendication 15 se lit comme suit :

[traduction]

15. Une trousse pour la fabrication d’un ensemble de contenants distincts de pilules, ladite trousse comprend :

 

a) une feuille alvéolaire de plastique dont la surface supérieure comporte un certain nombre de cavités qui sont espacées uniformément et s’ouvrent vers le haut, lesdites cavités constituant des contenants qui sont tous indépendamment entourés d’un rebord d’une largeur donnée, dans lequel un pointillé central a été poinçonné, ledit pointillé permettant de séparer chacun des contenants les uns des autres, ainsi que de la feuille alvéolaire;

 

b) un support alvéolaire dont la surface supérieure compte un nombre d’enfoncements équivalent à celui des cavités de la feuille alvéolaire, l’emplacement, la forme et les dimensions desdits enfoncements correspondant à ceux des contenants constitués par les cavités;

 

c) une pellicule de scellement présentant une forme et une taille qui permettent de recouvrir au moins tous les contenants de la feuille alvéolaire et leurs rebords, ladite pellicule de scellement comportant des lignes de déchirement permettant de la subdiviser en un certain nombre de pièces qui recouvrent un nombre équivalent de contenants;

 

d) des dispositifs de mise en place sur au moins la surface supérieure de la feuille alvéolaire et la pellicule de scellement, lesdits dispositifs permettant en pratique de disposer adéquatement la pellicule de scellement sur la surface supérieure de la feuille alvéolaire, après l’installation de cette dernière sur le support alvéolaire, de manière à ce que les lignes de déchirement de la pellicule soient exactement situées au‑dessus des pointillés de la feuille alvéolaire,

 

les dispositifs susmentionnés consistant en au moins une protubérance vers le haut située sur la surface supérieure du support alvéolaire, en au moins un orifice se trouvant dans la feuille alvéolaire et en au moins un autre orifice situé dans la pellicule de scellement, ces derniers orifices ayant une taille et étant disposés de manière à ce que la protubérance s’engage en eux [non souligné dans l’original].

                       

[18]           D’autre part, au paragraphe 3 de l’acte de renonciation de la demanderesse, le breveté renonce à l’intégralité de la revendication 15, à l’exception de ce qui suit :

[traduction]

15. Une trousse pour la fabrication d’un ensemble de contenants distincts de pilules, ladite trousse comprend :

 

a) une feuille alvéolaire de plastique dont la surface supérieure comporte un certain nombre de cavités qui sont espacées uniformément et s’ouvrent vers le haut, lesdites cavités constituant des contenants qui sont tous indépendamment entourés d’un rebord d’une largeur donnée, dans lequel un pointillé central a été poinçonné, ledit pointillé permettant de séparer chacun des contenants les uns des autres, ainsi que de la feuille alvéolaire;

 

b) un support alvéolaire dont la surface supérieure compte un nombre d’enfoncements équivalent à celui des cavités de la feuille alvéolaire, l’emplacement, la forme et les dimensions desdits enfoncements correspondant à ceux des contenants constitués par les cavités;

 

c) une pellicule de scellement présentant une surface supérieure et une inférieure, ainsi qu’une forme et une taille qui permettent de recouvrir au moins tous les contenants de la feuille alvéolaire et leurs rebords, ladite surface inférieure comportant des bandes dont l’emplacement, la forme et la taille correspondent exactement à ceux des rebords sous-jacents, un autoadhésif recouvrant au moins lesdites bandes et étant lui-même recouvert jusqu’à l’utilisation du produit par un papier protecteur pelable, et ladite pellicule de scellement comportant des lignes de déchirement permettant de la subdiviser en un certain nombre de pièces qui recouvrent un nombre équivalent de contenants;

 

d) des dispositifs de mise en place sur au moins la surface supérieure de la feuille alvéolaire et la pellicule de scellement, lesdits dispositifs permettant en pratique de disposer adéquatement la pellicule de scellement sur la surface supérieure de la feuille alvéolaire, après l’installation de cette dernière sur le support alvéolaire, de manière à ce que les lignes de déchirement de la pellicule soient exactement situées au-dessus des pointillés de la feuille alvéolaire,

 

lesdits dispositifs de mise en place comptant au moins une protubérance vers le haut située sur la surface supérieure du support alvéolaire et étant conjugués à des dispositifs d’engagement figurant sur la feuille alvéolaire, lesdits dispositifs d’engagement et autres dispositifs d’engagement ayant une taille et étant disposés de manière à s’engager dans lesdites protubérances.

                       

À la suite du dépôt de l’acte de renonciation de la demanderesse, ses représentants et agents ont été informés par lettre datée du 23 novembre 2005, signée par Line Roussel, chef, soutien à l’examen, Équipe 3 et 4, Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), de ce qui suit :[traduction]

Il est fait référence à votre lettre datée du 8 novembre 2005, déposant un acte de renonciation pour le brevet mentionné ci-dessus.

 

Votre demande de renonciation a été renvoyée à l’examinateur responsable de la catégorie de l’invention en question.

 

 

 

[19]           Malgré l’indication faite au second paragraphe de la lettre citée ci-dessus, l’acte de renonciation de la demanderesse n’a pas été analysé par l’examinateur responsable de la catégorie de l’invention concernée. En effet, selon la réponse fournie par Louis-Pierre Riel, examinateur principal de brevets au Bureau des brevets, qui a été contre-interrogé le 13 juin 2006, [traduction] « lorsque vous avez un acte de renonciation… ce dernier s’adresse à une personne spécifique qui traite ces types de cas… ». La personne spécifique pour ce type de cas était apparemment M. Felix Dionne, agent de projet de brevet, Direction des brevets (M. Dionne), qui a refusé l’acte de renonciation de la demanderesse par lettre datée du 20 décembre 2005 (la décision contestée).

 

[20]           La décision contestée se lit comme suit :

[traduction]

PAR LA PRÉSENTE, VOUS ÊTES AVISÉ D’UNE LETTRE ÉCRITE EN VERTU DU PARAGRAPHE 48(2) DE LA LOI SUR LES BREVETS CONCERNANT LES MODALITÉS RÉGLEMENTAIRES PRÉVUES POUR L’ACTE DE RENONCIATION.

 

La correspondance, demandant qu’un acte de renonciation pour le brevet no 2 207 045 soit enregistré, a été reçue au Bureau des brevets le 8 novembre 2005 au nom de Richards Packaging Inc.

 

Le paragraphe 49(2) de la Loi sur les brevets précise que l’acte de renonciation doit être déposé dans la forme prévue.

 

Dans la Formule 2 soumise, le breveté a rempli la partie 3(2) qui est choisie lorsque le breveté ne souhaite renoncer qu’à une partie d’une revendication. Dans ce cas-ci, la Partie 3(2) de la formule renoncer à l’intégralité des revendications 15 à 21, à l’exception de ce qui serait présumément un sujet de portée plus réduite. Toutefois, après avoir examiné l’acte de renonciation allégué, cela ne semble pas être le cas.

 

La revendication indépendante modifiée 15, partie (c), est plus précise que la revendication dans le brevet original, mais l’inclusion de l’expression [traduction] « dispositifs d’engagement », à la suite de la partie (d), rend l’ensemble de la revendication plus vaste que ce qui était initialement autorisé. La revendication originale indiquait [traduction] « au moins un orifice » et [traduction] « au moins un autre orifice ayant une taille et étant disposés de manière à s’engager dans lesdites protubérances ». L’expression « dispositifs d’engagement » peut inclure autre chose qu’un orifice, par exemple, un enfoncement ou un creux.

 

Par conséquent, la modification de la revendication 15 donnerait lieu à une revendication plus importante que ce qui est actuellement protégé dans les revendications du brevet. Pour cette raison, la Formule 2 ne peut pas être considérée comme un acte de renonciation et est refusée.

 

Pour les motifs présentés ci-dessus, la correction demandée n’a pas été enregistrée. Les droits ont été perçus pour l’examen de l’affaire par le Bureau des brevets et sont non remboursables en vertu de l’article 4 des Règles sur les brevets [non souligné dans l’original].

                       

[21]           Le 18 janvier 2006, la demanderesse a déposé auprès de la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision contestée en vue d’obtenir l’émission d’un bref de mandamus à l’encontre du commissaire, un jugement déclaratoire et toute autre ordonnance que notre Cour considère justes, compte tenu des circonstances. Le procureur général du Canada a été désigné comme l’unique défendeur dans l’avis de la demande. La demanderesse a également demandé que le commissaire envoie une copie certifiée du dossier original portant sur l’acte de renonciation de la demanderesse. Par coïncidence, par lettre datée du 20 janvier 2006, les représentants et agents de la demanderesse ont été avisés par le Bureau des brevets qu’une lettre avait été déposée par Ogilvy Renault LLP (Ogilvy) le 21 décembre 2005 ou aux environs de cette date, pour contester l’enregistrement de l’acte de renonciation de la demanderesse. Bien que la lettre datée du 21 décembre 2005 n’ait pas été envoyée au nom de Distrimedic Inc. (Distrimedic), Ogilvy agit actuellement en tant qu’avocat de l’entreprise dans des procédures judiciaires parallèles dans lesquelles la demanderesse est codéfenderesse avec Dispill et aussi demanderesse reconventionnelle contre Distrimedic (dossier de la Cour No. T-1591-05). La lettre d’Ogilvy a été versée au dossier public par le Bureau des brevets. Le 27 février 2006, le protonotaire Richard Morneau a accueilli une requête faite par Distrimedic pour être ajoutée en tant que défenderesse dans la présente instance en contrôle judiciaire (Richards Packaging Inc. c. Procureur général du Canada, 2006 CF 257).

 

[22]           À ce stade-ci, je constate que le 1er décembre 2005, à la suite du dépôt auprès du Bureau des brevets de l’acte de renonciation de la demanderesse, mais avant la prise de la décision contestée, la demanderesse a présenté à la Cour une défense et une demande reconventionnelle dans lesquelles elle soutient que plusieurs revendications dans le brevet sont valides et que Distrimedic a enfreint ces revendications. Ses allégations reposent en grande partie sur l’acte de renonciation de la demanderesse, déposé le 8 novembre 2005. À la suite d’une requête en radiation présentée par Distrimedic, le 29 juin 2006, le protonotaire Morneau a ordonné que les paragraphes de la défense et de la demande reconventionnelle de la demanderesse faisant référence à l’acte de renonciation de la demanderesse soient radiés. Bien que notre Cour n’ait pas encore abordé la question de la légalité de la décision contestée, le protonotaire Morneau a néanmoins conclu que « cet avis de demande de contrôle judiciaire ne change pas pour l’instant le fait qu’il n’y a pas de renonciation valide affectant actuellement les revendications du brevet ‘045 » (Distrimedic Inc. c. Dispill Inc., 2006 CF 832, au paragraphe 38) [non souligné dans l’original]. Le 17 octobre 2006, mon collègue le juge Max M. Teitelbaum a maintenu l’ordonnance du protonotaire Morneau en appel et a convenu « que, tant que la question de la validité et de l’effet de la renonciation n’aura pas été tranchée par la Cour, les mentions de cette renonciation doivent être radiées de la défense et demande reconventionnelle en vertu des alinéas 221(1)b) et c) des Règles des Cours fédérales parce qu’elles sont frivoles et non pertinentes » [non souligné dans l’original] (Distrimedic Inc. c. Dispill Inc., 2006 CF 1229 au paragraphe 56). Cela étant dit, le juge Teitelbaum a indiqué, au paragraphe 55, que si la demanderesse « obtient gain de cause dans le cadre de cette procédure de contrôle judiciaire, elle pourra demander à la Cour l’autorisation de modifier ses actes de procédure afin de réintroduire, dans sa défense et demande reconventionnelle, les allégations fondées sur la renonciation ».

 

[23]           La présente demande de contrôle judiciaire a été entendue devant moi le 15 novembre 2006. Après avoir entendu les avocats et lu leurs observations écrites et examiné la jurisprudence pertinente, j’accepte les observations de la demanderesse selon lesquelles : 1) M. Dionne n’avait pas le pouvoir, selon la Loi et les Règles, que ce soit par délégation ou autrement, d’examiner l’acte de renonciation de la demanderesse et de rendre la décision contestée; et 2) le commissaire n’est pas habilité, par la Loi ou par les Règles, à refuser le dépôt ou l’enregistrement de l’acte de renonciation de la demanderesse qui a été déposé le 8 novembre 2005 selon les modalités réglementaires prévues au paragraphe 48(2) de la Loi et à l’article 44 des Règles. Ni le commissaire ni M. Dionne n’ont compétence selon la Loi et les Règles de remettre en question la validité de l’acte de renonciation de la demanderesse et de rendre une décision sur sa portée et son effet juridique. Le Bureau des brevets avait le devoir de verser au dossier public l’acte de renonciation de la demanderesse. La présente conclusion est conforme à la jurisprudence pertinente sur ce sujet (voir les affaires citées, ci-dessus). Compte tenu de ma conclusion sur la question de la compétence, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de l’équité procédurale ou la question de la partialité soulevées subsidiairement par la demanderesse dans son mémoire portant sur les circonstances entourant le dépôt par Ogilvy, le 21 décembre 2005 ou aux alentours de cette date, d’une lettre contestant l’enregistrement de l’acte de renonciation de la demanderesse. Cette lettre a été envoyée à la suite de différentes demandes de renseignements et communications avec le personnel de l’OPIC en décembre 2005, avant la prise de la décision contestée.

 

[24]           Distrimedic est d’avis que, compte tenu de certaines considérations de principe, la Cour serait justifiée de reconnaître le droit du commissaire ou du délégué légitime du commissaire de prendre des décisions factuelles et juridiques concernant les actes de renonciation. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada « [l]’étendue de la protection découlant du brevet doit être non seulement équitable, mais aussi raisonnablement prévisible » (Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.S.C. 1024, au paragraphe 41). En conséquence, Distrimedic soutient que l’adoption par la Cour de la position de la demanderesse rendrait les brevets inéquitables et impossibles à prédire et en ferait des [traduction] « nuisances publiques ». Les concurrents potentiels du breveté seraient dans un état constant d’incertitude sur la portée du brevet, puisque le breveté pourrait à tout moment, au moyen d’un document censé constituer une renonciation, élargir les revendications du brevet. Je suis d’avis que la Cour ne peut s’en rapporter à des considérations de principe valides pour se substituer au législateur. Le droit canadien en matière de brevets est un droit d’origine entièrement législative. Le droit d’obtenir un brevet et les exigences auxquelles un demandeur de brevet doit satisfaire sont régis exclusivement par la Loi sur les brevets et par son règlement d’application, les Règles sur les brevets (voir Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), (2001) 14 C.P.R. (4e) 499 (C.F. 1re inst.), appel accueilli en partie (2003), 24 C.P.R. (4e) 157 (C.A.F.), et aussi Johnson & Johnson Inc. c. Boston Scientifique Ltée2004 CF 1672, [2005] 4 R.C.F. 110 aux paragraphes 5 à 14, appel accueilli au motif limité qu’après le jugement de la Cour fédérale dans cette affaire, le Parlement a adopté le paragraphe 78.6 (1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 pour atténuer les effets de Dutch Industries de façon rétroactive, 2006 CAF 195, 351 N.R. 87, aux paragraphes 4 à 6 (C.A.F.).

 

[25]           En effet, la Loi et les Règles sur les brevets énoncent toutes les modalités du processus de demande de brevet ainsi que les attributions du commissaire en matière de réception et de traitement des demandes et de délivrance des brevets. Un pouvoir discrétionnaire existe, le cas échéant, par l’application de la loi uniquement. Par exemple, le commissaire a un pouvoir discrétionnaire explicite, en vertu du paragraphe 28(2) de la Loi, d’antidater un paiement de droits pour l’application du paragraphe 28(1) de la Loi. Conformément au paragraphe 35(2) de la Loi, le commissaire peut exiger que le demandeur d’un brevet fasse la requête d’examen visée au paragraphe 35(1) de la Loi. Dans tel cas, la demande est « examinée par des examinateurs compétents qui doivent être recrutés par le Bureau des brevets dans ce but ». La portée d’un tel examen est réglementée par les articles 28 à 30 des Règles sur les brevets. Toutefois, il n’existe aucune disposition dans la Loi ou dans les Règles sur les brevets pour permettre au commissaire de renvoyer un acte de renonciation à un examinateur, ni pour rejeter un acte de renonciation ou pour refuser d’enregistrer un acte de renonciation ayant été déposé par un breveté auprès du Bureau des brevets selon les modalités réglementaires prévues dans la Loi et les Règles.

 

[26]           L’omission de mentionner expressément le commissaire ou l’examinateur dans l’article 48 de la Loi ne semble pas être le fruit d’une rédaction distraite ou d’une inadvertance par le Parlement. Plus particulièrement, il y a diverses méthodes statutaires en vertu de la Loi par lesquelles un brevet délivré peut être modifié : 1) les erreurs administratives peuvent être corrigées avec la permission du commissaire en vertu de l’article 8 de la Loi; 2) à la réception d’une demande relevant de façon satisfaisante l’antériorité et la manière de l’appliquer, à la conclusion d’un réexamen, un brevet de la manière indiquée à l’article 48.4 de la Loi sera délivré par le conseil de réexamen établi par le commissaire; 3) un brevet défectueux ou inopérant peut faire l’objet d’une renonciation et d’une nouvelle délivrance par le commissaire en vertu de l’article 47 de la Loi pour la partie restant alors à courir de la période pour laquelle le brevet original a été accordé; et 4) les paragraphes 48(1) et (5) de la Loi autorisent un breveté ou son cessionnaire, moyennant le paiement de la taxe prescrite, à renoncer à tout élément inclus dans le brevet par erreur, accident ou inadvertance à tout moment au cours de la durée de ce brevet. À cet égard, contrairement aux dispositions susmentionnées traitant de la correction des erreurs administratives, le réexamen d’un brevet au motif de l’antériorité et la redélivrance d’un brevet défectueux ou inopérant, l’article 48 de la Loi ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au commissaire ou à un examinateur pour procéder à une enquête ou prendre une décision concernant un acte de renonciation qui a été déposé par un breveté aux fins d’enregistrement selon les modalités réglementaires prévues.

 

[27]           Aucun pouvoir discrétionnaire inhérent n’est accordé au commissaire ou à un examinateur leur permettant de refuser d’accepter le dépôt ou l’enregistrement de l’acte de renonciation de la demanderesse. Comme cela a déjà été indiqué, leurs pouvoirs découlent exclusivement d’une loi ou de règlements valides adoptés par le gouverneur en conseil. Le commissaire et les examinateurs n’ont tout simplement aucun pouvoir en vertu de la Loi et des Règles sur les brevets de prendre une décision sur la validité d’un acte de renonciation déposé par un breveté (Appel Monsanto, précité, au paragraphe 3). C’est un pouvoir qui appartient donc aux tribunaux et qui peut être exercé par ces derniers dans le contexte d’une action ou d’une poursuite engagée en vertu de la Loi concernant le brevet en question. À cet égard, une procédure de contrôle judiciaire aux termes des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, n’est pas la méthode adéquate pour obtenir une déclaration judiciaire concernant la validité ou l’invalidité d’un acte de renonciation déposé par un breveté auprès du Bureau des brevets. Par exemple, dans la décision contestée, il est soutenu qu’en changeant [traduction] « au moins un orifice » par [traduction] « dispositifs d’engagement » dans une section de la revendication 15 de l’acte de renonciation, le brevet a été élargi pour inclure un élément autre qu’un orifice. Toutefois, cette question doit être confiée à un juge de première instance afin qu’il la tranche avec l’aide d’experts. Un cas d’espèce est une décision rendue par la Cour suprême du Canada, présentée par la demanderesse, qui prétendument concluait qu’un creux et un orifice remplissent des fonctions exactement identiques (voir Lightning Fastener Co. c. Colonial Fastener Co. [1933] R.C.S. 377, page 379). Il n’appartient pas à notre Cour, dans la présente instance en contrôle judiciaire, de prendre une décision finale concernant cette question en litige.

 

[28]           Si la demanderesse est autorisée à l’avenir de modifier sa défense et sa demande reconventionnelle, la Cour, avec l’aide d’experts, pourrait également un jour ou l’autre être appelée, dans le dossier no. T-1591-05, à évaluer les effets des limitations ajoutées dans l’acte de renonciation de la demanderesse concernant la revendication 15, à savoir :

[traduction]

une pellicule de scellement présentant une surface supérieure et une inférieure, ainsi qu’une forme et une taille qui permettent de recouvrir au moins tous les contenants de la feuille alvéolaire et leurs rebords, ladite surface inférieure comportant des bandes dont l’emplacement, la forme et la taille correspondent exactement à ceux des rebords sous-jacents, un autoadhésif recouvrant au moins lesdites bandes et étant lui-même recouvert jusqu’à l’utilisation du produit par un papier protecteur pelable, et ladite pellicule de scellement comportant des lignes de déchirement permettant de la subdiviser en un certain nombre de pièces qui recouvrent un nombre équivalent de contenants.

 

[29]           Ici, M. Dionne a pris part à une analyse comparative de la revendication 15 et du paragraphe 3 de l’acte de renonciation de la demanderesse concernant la revendication 15 et a conclu que la modification donnerait lieu à une revendication plus importante que ce qui est actuellement protégé dans les revendications du brevet. Cela est sans aucun doute une décision factuelle et juridique sur le bien-fondé de l’acte de renonciation déposé le 8 novembre 2005. M. Dionne s’est appuyé sur cette conclusion pour refuser illégalement le dépôt ou l’enregistrement de l’acte de renonciation de la demanderesse.

 

[30]           En conclusion, le libellé de l’article 48 de la Loi est clair et dépourvu de toute ambiguïté. Son sens ordinaire et grammatical est en accord avec l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention claire du Parlement de limiter ici la compétence du commissaire de la manière déjà indiquée dans les présents motifs et dans la jurisprudence applicable. Dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire et des pouvoirs conférés à la Cour en vertu des paragraphes 18.1(3) et (4) de la Loi sur les Cours fédérales, la décision contestée est annulée et la demanderesse a droit à une déclaration selon laquelle l’acte de renonciation de la demanderesse a été déposé et a pris effet à la date de son dépôt, c’est-à-dire le 8 novembre 2005, sous réserve de la contestation de sa justesse ou de sa validité devant un tribunal compétent dans le cadre d’une action ou d’une procédure engagée en vertu de la Loi et portant sur le brevet en cause. Au vu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire d’émettre un bref de mandamus. En outre, compte tenu du dénouement général de la présente instance et après avoir considéré les positions prises dans cette affaire par le procureur général du Canada et par Distrimedic, la demanderesse se voit adjuger des dépens contre les deux défendeurs, de façon individuelle.


 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR DÉCLARE ET ORDONNE ce qui suit :

1.                  La décision communiquée par lettre datée du 20 décembre 2006 refusant le dépôt ou l’enregistrement de l’acte de renonciation de la demanderesse est annulée;

2.                  L’acte de renonciation de la demanderesse a été déposé et a pris effet à la date de son dépôt, c’est-à-dire le 8 novembre 2005, sous réserve de la contestation de sa justesse ou de sa validité devant un tribunal compétent dans le cadre d’une action ou d’une procédure engagée en vertu de la Loi et portant sur le brevet en cause.

3.                  Les dépens de la présente demande sont adjugés à la demanderesse à l’encontre des deux défendeurs, de façon individuelle.

 

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

NOM DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-92-06

 

INTITULÉ :                                       RICHARDS PACKAGING INC. et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et DISTRIMEDIC INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 novembre 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 janvier 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Dale E. Schlosser                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Me Shane D. Hardy

 

Me Jacqueline Dias-Visca                                                         POUR LE DÉFENDEUR

(Procureur général du Canada)

 

Me George R. Locke                                                                POUR LA DÉFENDERESSE

Me Louis Gratton                                                                      (Distrimedic Inc.)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lang Michener LLP                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, Q.C.                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                           (Procureur général du Canada)

Toronto (Ontario)                                                                                

 

Ogilvy Renault LLP / S.E.N.C.R.L., s.r.l.                                  POUR LA DÉFENDERESSE

                                                                                                (Distrimedic Inc.)

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