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Date : 20070103

Dossier : IMM-7669-05

Référence : 2007 CF 5

Ottawa (Ontario), le 3 janvier 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

 

ENTRE :

ZELMA VANESSA ALLEN ET

JAIME LEE CHARLES

 

demanderesses

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction et contexte

[1]               Zelma Vanessa Allen et sa fille Jaime Lee Charles, citoyennes du Guyana, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de l’agent d’immigration Lloyd, en date du 30 novembre 2005, qui a rejeté la demande de résidence permanente au Canada qu’elles avaient présentée pour des motifs d’ordre humanitaire, selon ce que prévoit l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), ainsi libellé :

Immigration et la protection des réfugiés, Loi sur l’

Immigration and Refugee Protection Act

2001, ch. 27

 

2001, c. 27

 

Séjour pour motif d’ordre humanitaire

Humanitarian and compassionate considerations

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

Critères provinciaux

Provincial criteria

(2) Le statut ne peut toutefois être octroyé à l’étranger visé au paragraphe 9(1) qui ne répond pas aux critères de sélection de la province en cause qui lui sont applicables.

(2) The Minister may not grant permanent resident status to a foreign national referred to in subsection 9(1) if the foreign national does not meet the province’s selection criteria applicable to that foreign national.

 

[2]               Zelma Allen et sa fille Jaime sont arrivées au Canada en juin 1998 à la faveur de visas de visiteur valides pour six mois.

 

[3]               Elles étaient venues visiter la mère de Zelma Allen, maintenant citoyenne canadienne, qui avait été admise au Canada en 1983 et avait obtenu le droit d’établissement en 1992. Elles venaient aussi visiter le frère et la sœur de Zelma Allen, également citoyens canadiens, qui ont obtenu le droit d’établissement au Canada en 1993 à la suite d’un parrainage.

 

[4]               Les demanderesses ont dépassé la durée de leurs visas et ont sollicité l’asile en mars 1999, en alléguant être victimes de violence conjugale et familiale. Leurs demandes d’asile ont été rejetées par la Section du statut de réfugié en mai 2000, et la Cour leur a refusé le 1er septembre 2000 l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision. Des mesures d’interdiction de séjour avaient été prononcées contre elles en juin 1999, qui sont devenues exécutoires en mai 2000.

 

[5]               Zelma Allen a travaillé au Canada depuis janvier 2001 à la faveur d’un permis de travail valide pour un an et renouvelé chaque année par la suite. Jaime a fréquenté l’école grâce à un permis d’études renouvelé chaque année.

 

[6]               La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH) qui est soumise à la Cour a été déposée en juin 2002; les principaux facteurs invoqués étaient les liens familiaux, le degré d’établissement au Canada et l’intérêt supérieur de Jaime. La demande comportait une allégation de risque en cas de retour au Guyana, allégation fondée sur les violences probables du conjoint de fait de Zelma Allen.

 

[7]               Des arguments à l’appui de la demande ont été reçus de l’avocat des demanderesses en juin 2002, suivis d’arguments additionnels déposés en juin 2003 par suite de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. D’autres arguments au soutien de la demande ont été reçus le 15 juillet 2005.

 

[8]               Comme je l’ai dit, la demande CH s’appuyait aussi sur une allégation de risque. L’agent d’immigration a demandé à un collègue de la Section de l’examen des risques avant renvoi de procéder à un examen des risques. Le collègue a envoyé son avis à l’agent d’immigration en octobre 2005 après en avoir communiqué copie à Zelma Allen et à son avocat pour obtenir leurs commentaires. Aucun commentaire n’a été reçu.

 

[9]               L’avocat des demanderesses a fait valoir que l’agent d’immigration a commis une erreur en effectuant un examen déraisonnable des risques à la fois à l’égard de Zelma Allen et de sa fille Jaime. Il s’est fondé sur certains passages des motifs concourants exposés par le juge Evans dans un arrêt de la Cour d’appel fédérale, Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475. Les motifs des juges majoritaires avaient été rédigés par le juge Décary, à l’avis duquel avait souscrit le juge Rothstein, alors juge de la Cour d’appel fédérale.

 

[10]           L’arrêt Hawthorne est un précédent antérieur à la LIPR, fondé sur le paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration de 1976, disposition en vertu de laquelle le gouverneur en conseil avait autorisé le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration « à accorder, pour des raisons d’ordre humanitaire, une dispense d’application d’un règlement pris aux termes du paragraphe (1) ou à faciliter l’admission de toute autre manière ».

 

[11]           Pour aider les agents d’immigration, représentants du ministre, dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, des lignes directrices ministérielles ont été établies – figurant dans le Guide de l’immigration publié par Citoyenneté et Immigration Canada – que le juge Evans a qualifiées dans ses motifs, au paragraphe 30, de « directives émises par le ministre à l’intention des agents d’immigration pour structurer l’exercice du pouvoir discrétionnaire que leur confère la loi aux termes du paragraphe 114(2) et pour informer les candidats potentiels de ce qu’ils auront à prouver afin que leur demande de considérations humanitaires soit tranchée en leur faveur ». Le juge Evans a ajouté ce qui suit : « Bien que le Guide ne constitue pas un document législatif au sens formel, ses dispositions forment une partie suffisamment importante du cadre normatif dans lequel s’inscrivent les décisions d’ordre humanitaire qu’il convient, par souci de commodité, de reproduire les dispositions les plus pertinentes aux fins du présent appel. »

 

[12]           Puis le juge Evans a repris certaines dispositions du Guide, notamment le passage suivant de son paragraphe 6.1 intitulé « Qu’entend-on par “considérations humanitaires”? » :

§       « Les dispositions CH permettent d’autoriser des personnes dont le cas est digne d’intérêt et n’est pas prévu par la loi, à présenter leur demande au Canada ».

 

§       « Il incombe au demandeur de convaincre l’agent que, vu sa situation, l’obligation, dont il demande d’être dispensé, d’obtenir un visa hors du Canada lui causerait des difficultés (i) inhabituelles et injustifiées ou (ii) excessives. Le demandeur peut présenter tout fait qu’il juge pertinent pour l’obtention de cette dispense. »

 

§       « Les définitions suivantes ne constituent pas des règles strictes. Plutôt, elles ont pour but d’aider à exercer le pouvoir discrétionnaire de déterminer s’il existe des CH justifiant la dispense demandée d’application du paragraphe 9(1) de la Loi » [qui dispose que, sauf cas prévus par règlement, les immigrants et visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d’entrée].

 

§       Difficultés inhabituelles et injustifiées : Les difficultés que subirait le demandeur (s’il devait présenter sa demande de visa hors du Canada) doivent, dans la plupart des cas, être inhabituelles. Il s’agit, en d’autres termes, de difficultés qui ne sont pas prévues dans la Loi ou le Règlement, et les difficultés que subirait le demandeur (s’il devait présenter sa demande hors du Canada) doivent, dans la plupart des cas, découler de circonstances indépendantes de sa volonté.

 

§       Les difficultés excessives sont décrites ainsi : « dans certains cas où le demandeur ne subirait de difficultés ni inhabituelles ni injustifiées (s’il devait présenter sa demande de visa hors du Canada), il est possible de conclure à l’existence de CH en raison de difficultés considérées comme excessives pour le demandeur compte tenu de ses circonstances personnelles ».

 

 

 

[13]           Le juge Evans s’est aussi référé à la section 8.5 du Guide, intitulée « Séparation des parents et enfants (hors de la catégorie des parents) », dont le texte est le suivant :

Le renvoi du Canada d’un individu sans statut peut avoir des répercussions sur les membres de la famille qui eux ont le droit légal de demeurer au Canada (par exemple, des résidents permanents ou des citoyens canadiens). La séparation géographique des membres de la famille pourrait occasionner des difficultés susceptibles de justifier une décision CH favorable […] Dans l’évaluation de ces cas, il faut tenir compte des intérêts différents et importants qui sont en jeu : […] les circonstances de tous les membres de la famille, en accordant une attention particulière aux intérêts et à la situation des enfants de l’individu sans statut.

 

 

[14]           Deux autres précédents antérieurs à la LIPR ont un impact important sur les facteurs à considérer et l’approche à adopter dans l’examen des demandes CH visant des enfants mineurs. Il s’agit d’un arrêt de la Cour suprême du Canada, Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, et d’un arrêt de la Cour d’appel fédérale, Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 C.F. 358, rédigé par le juge Décary.

 

[15]           Au paragraphe 73 de ses motifs, la juge L’Heureux-Dubé, dans l’arrêt Baker, écrivait ce qui suit :

73.     Les facteurs susmentionnés montrent que les droits, les intérêts, et les besoins des enfants, et l’attention particulière à prêter à l’enfance sont des valeurs importantes à considérer pour interpréter de façon raisonnable les raisons d’ordre humanitaire qui guident l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Je conclus qu’étant donné que les motifs de la décision n’indiquent pas qu’elle a été rendue d’une manière réceptive, attentive ou sensible à l’intérêt des enfants de Mme Baker, ni que leur intérêt ait été considéré comme un facteur décisionnel important, elle constituait un exercice déraisonnable du pouvoir conféré par la loi et doit donc être infirmée.  En outre, les motifs de la décision n’accordent pas suffisamment d’importance ou de poids aux difficultés qu’un retour en Jamaïque pouvait susciter pour Mme Baker, alors qu’elle avait passé 12 ans au Canada, qu’elle était malade et n’était pas assurée de pouvoir suivre un traitement en Jamaïque, et qu’elle serait forcément séparée d’au moins certains de ses enfants. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[16]           La juge L’Heureux-Dubé concluait, au paragraphe 75, que le pourvoi devrait être accueilli, parce que la décision était déraisonnable. Dans l’affaire en question, l’agent d’immigration avait minimisé ou sous-estimé l’intérêt des enfants et il n’avait pas considéré l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, n’avait pas accordé à cet intérêt un poids considérable et n’avait pas été réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Elle faisait toutefois la mise en garde suivante : « Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations, ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants ».

 

[17]           Les paragraphes des motifs concourants du juge Evans dans l’arrêt Hawthorne, précité, invoqués par l’avocat des demanderesses, étaient les suivants :

32     Il y a eu également consensus sur le fait qu’une agente ne peut démontrer qu’elle a été « récepti[ve], attenti[ve] et sensible » à l’intérêt supérieur d’un enfant touché par la simple mention dans ses motifs qu’elle a pris en compte l’intérêt de l’enfant d’un demandeur CH (Legault, par. 13). L’intérêt de l’enfant doit plutôt être « bien identifié et défini » (Legault, par. 12) et « examiné avec beaucoup d’attention » (Legault, par. 31) car, ainsi que l’a affirmé clairement la Cour suprême, l’intérêt supérieur de l’enfant constitue « un facteur important » auquel on doit accorder un « poids considérable » (Baker, par. 75) dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire sous le régime du paragraphe 114(2).

 

40 Ces arguments ne me convainquent pas que le juge des demandes a commis une erreur en concluant à l’omission de l’agente d’examiner attentivement l’intérêt supérieur de Suzette, comme le lui imposait la loi. Conformément à l’arrêt Baker et aux directives, le décideur doit nécessairement considérer la gravité du préjudice à l’égard de l’enfant qu’entraînera vraisemblablement le renvoi d’un parent. Cependant, à moins que le décideur ne tienne compte du degré de préjudice dans le contexte de l’intérêt supérieur de l’enfant, il s’écartera vraisemblablement de son obligation d’être « réceptif, attentif et sensible » à cet important facteur dans l’exercice su pouvoir discrétionnaire. Les réponses de l’agente d’immigration à deux observations qui lui ont été présentées concernant Suzette illustrent bien le danger d’englober l’examen de l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’appréciation du degré de difficultés qui résultera sans doute d’une décision défavorable.

 

41     Premièrement, les observations soumises à l’agente d’immigration pour le compte de Mme Hawthorne mettaient l’accent sur le fait que son renvoi serait très préjudiciable à l’intérêt supérieur de Suzette, qui pourrait penser qu’elle n’aurait d’autre choix réel que de retourner en Jamaïque avec sa mère. L’agente a conclu que cela ne constituerait pas une difficulté particulière justifiant l’exercice favorable de son pouvoir discrétionnaire, car Suzette avait vécu en Jamaïque presque toute sa vie, n’ayant demeuré au Canada que pendant moins d’un an. Toutefois, si l’agente avait commencé par déterminer que l’intérêt supérieur de Suzette, aujourd’hui résidente permanente, consistait en la possibilité pour elle de continuer à demeurer au Canada, le renvoi de Mme Hawthorne ne pourrait qu’être raisonnablement considéré comme étant hautement préjudiciable à l’intérêt supérieur de Suzette si, de ce fait, celle-ci avait effectivement été obligée de retourner en Jamaïque avec sa mère. Dans le cadre de l’analyse de l’intérêt supérieur, le point de comparaison pertinent est la vie que Suzette mène actuellement au Canada, et non sa résidence antérieure en Jamaïque : voir Koud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. n° 1237, 2001 CFPI 856, par. 18.

 

42     Deuxièmement, on a plaidé auprès de l’agente que, compte tenu de leur lien étroit et du soutien matériel et émotionnel que Mme Hawthorne a apporté à Suzette alors que celle-ci s’adaptait à son nouvel environnement social et éducationnel au Canada, il serait contraire à l’intérêt supérieur de Suzette de la priver de la présence de sa mère. L’agente a répondu qu’il ne serait pas particulièrement difficile pour Suzette de demeurer au Canada sans sa mère, puisqu’elle a été séparée de Mme Hawthorne pendant sept ans avant son arrivée au Canada en 1999.

 

43     Encore là, en omettant de déterminer et de circonscrire l’intérêt supérieur de Suzette au moment de la décision, l’agente a comparé la gravité du renvoi de sa mère à la période antérieure de séparation. La comparaison pertinente se trouve à être le rôle crucial que joue sa mère dans la vie que Suzette mène au Canada, ainsi que l’incidence qu’a sur son intérêt supérieur le fait de vivre dans un nouveau pays sans sa mère ou d’autres parents disposés à assumer le rôle de sa mère absente, comme ses grands-mères l’avaient fait en Jamaïque lorsque Mme Hawthorne a quitté pour le Canada.

 

44     À mon avis, la façon dont l’agente a abordé ces questions dénote qu’elle n’a pas été « récepti[ve], attenti[ve] et sensible » à l’intérêt supérieur de Suzette. L’agente a évalué le degré de préjudice qu’entraînerait le renvoi de Mme Hawthorne à l’égard de Suzette en tenant compte des conditions de vie de Suzette avant qu’elle ne devienne résidente permanente au Canada, plutôt que de se référer au préjudice qui serait causé à son intérêt supérieur actuel. La jurisprudence sur l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre des litiges en matière de garde (notamment Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, et P. (D.) c. S. (C.), [1993] 4 R.C.S. 141) ainsi que les diverses dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant énoncent indirectement des règles sur l’éventail des considérations qui constituent l’intérêt supérieur de l’enfant dans le contexte des demandes de considérations humanitaires.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[18]           Selon les demanderesses, l’agent d’immigration a commis une erreur parce que, lorsqu’il a évalué l’intérêt supérieur de Jaime en tant qu’enfant et les circonstances de Zelma Allen en tant que mère de Jaime et fille de Veronica Allen, il n’a pas suivi l’approche exposée par le juge Evans dans l’arrêt Hawthorne, précité.

 

[19]           L’avocat des demanderesses a expliqué que l’objectif à l’origine de l’approche préconisée par le juge Evans est de veiller à ce que l’agent, lors de son évaluation, ne sous-estime pas l’intérêt supérieur d’un enfant ou d’un parent et, à cette fin, porte son attention sur le bon critère de départ, c’est-à-dire la situation actuelle des intéressés au Canada, plutôt que leur situation dans leur pays d’origine ou de résidence. C’est uniquement de cette façon, de dire l’avocat des demanderesses, que seront évaluées correctement les difficultés qui surgiront si les intéressés sont renvoyés du Canada en cas de rejet de la demande CH.

 

[20]           L’avocat des demanderesses a signalé les passages suivants de la décision de l’agent d’immigration pour montrer que, selon lui, l’agent d’immigration a fait erreur en choisissant un critère de départ qui mettait l’accent sur la vie passée des demanderesses au Guyana plutôt que sur leur situation actuelle au Canada, ce qui avait entraîné une mauvaise appréciation des difficultés qu’entraînerait pour elles leur renvoi du Canada. L’agent d’immigration écrivait ce qui suit :

[traduction]

§       « Je relève que Mme Allen travaillait avant d’être admise au Canada et qu’elle avait obtenu de son employeur un congé afin de venir au Canada pour visiter sa famille. J’ai constaté que Mme Allen avait fréquenté l’école au Guyana et qu’elle avait suivi dans ce pays un cours de programmation d’ordinateur […] il convient aussi de noter que ce n’est pas là une situation exceptionnelle, Mme Allen a quitté son domicile et son emploi pour venir au Canada […] il faut aussi noter qu’elle a vécu à Sainte-Lucie pendant quelque temps, ce qui montre qu’elle est capable de s’adapter au changement. »

 

§       « J’ai examiné attentivement le lien de parenté entre Mme Zelma Allen et Mme Gwendoline Allen […] Je relève que Mme Gwendoline Allen est arrivée au Canada en novembre 1983 et qu’elle y est restée jusqu’à ce qu’elle obtienne le statut de résidente permanente en février 1992, au bureau des dossiers en attente de Mississauga. Puis, elle a plus tard obtenu la citoyenneté canadienne le 26 février 1996 […] Je relève que Mlle Charles et Mme Allen habitent avec la mère de celle-ci, et cela depuis qu’elles ont été admises au Canada; que Mme Gwendoline Allen et Mme Zelma Allen ont acheté ensemble une maison à Mississauga, en Ontario. Je m’en voudrais de ne pas tenir compte des liens familiaux de l’une et de l’autre au Canada; cependant, le renvoi du Canada d’une personne sans statut peut avoir un effet sur les membres de la famille qui ont le droit d’y demeurer, et il n’a pas été produit non plus une preuve suffisante attestant un niveau élevé d’interdépendance. Je relève que Mme Allen n’est arrivée au Canada qu’à l’âge adulte; sa mère a quitté le Guyana en 1983, en décidant d’y laisser sa fille. »

 

§       « J’ai pris en compte le fait que Mlle Charles a fréquenté l’école au Canada, mais je relève que, avant son arrivée au Canada, elle fréquentait aussi l’école au Guyana. Je remarque que le Guyana offre un enseignement gratuit aux enfants jusqu’à la fin de l’école secondaire et que, pour l’enseignement postsecondaire, le parent doit payer, comme au Canada. »

 

§       « Je crois qu’il pourrait être difficile pour Mlle Charles de retourner au Guyana, davantage aujourd’hui que lorsqu’elle est arrivée au Canada, puisque c’est au Canada qu’elle a suivi la plus grande partie de sa scolarité. Elle aura ici des amis établis, qu’il pourrait lui être difficile de quitter. Cependant, il reste que la décision de la déraciner de son pays d’origine fut celle de sa mère, et l’on pouvait prédire que, puisque toutes deux étaient sous le coup de mesures de renvoi, leur séjour au Canada allait être temporaire. Je remarque que Mlle Charles retournera dans un pays où la langue d’usage est l’anglais; le Guyana est un pays démocratique où les enfants jouissent des mêmes possibilités d’éducation qu’ici. Les parents décident de ce qui est le mieux pour leurs enfants, et parfois les enfants sont contraints d’accompagner leurs parents, malgré les difficultés qui peuvent en résulter pour eux. »

 

§       « Mme Allen et Mlle Charles auront peut-être quelques difficultés à se réinstaller au Guyana et à s’y réadapter; cependant, Mme Allen a passé ses années formatrices au Guyana, elle y a travaillé et elle y a étudié. Comme je l’ai déjà dit, avec l’aide de Mme Allen, il pourrait être difficile pour Mlle Charles de s’adapter à la vie au Guyana, mais je ne suis pas persuadé que cette difficulté serait insurmontable. Les conditions de vie au Guyana ne sont peut-être pas idéales, mais il n’existe aucune preuve convaincante démontrant que Mme Allen et Mlle Charles seraient soumises à des conditions que ne connaît pas la population en général si elles devaient retourner au Guyana. J’accorde donc peu de poids aux frais et aux perturbations qu’elles pourraient connaître. »

 

[21]           Affirmant que l’obligation d’obtenir hors du Canada un visa de résidence permanente entraînerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives, l’avocat des demanderesses a aussi fait valoir que l’agent d’immigration avait commis une erreur en ne considérant que les difficultés et en laissant de côté d’autres facteurs tels que les liens familiaux, le degré d’établissement et l’intérêt supérieur de Jaime. L’agent d’immigration s’était aussi écarté de l’analyse requise en prenant en considération des facteurs hors de propos, par exemple en blâmant Gwendoline Allen d’être venue au Canada en 1983 sans sa fille. Finalement, les demanderesses ont fait valoir que l’agent d’immigration a omis d’analyser le risque couru par celles-ci en se reportant aux conditions que connaissait la population en général au Guyana.

 

Analyse

a)      Norme de contrôle

[22]           Selon l’arrêt Baker, précité, la norme de la décision raisonnable simpliciter est la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à l’évaluation, par un agent d’immigration, d’une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Dans l’arrêt Baker, la juge L’Heureux-Dubé a adopté la définition de l’expression « décision déraisonnable » que le le juge Iacobucci avait donnée dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 :

56. […] Est déraisonnable la décision qui, dans l’ensemble, n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s’il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s’il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve […]

 

 

[23]           Dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, le juge Iacobucci, développant les propos qu’il avait tenus dans l’arrêt Southam, précité, a expliqué davantage ce que signifiait pour une cour de révision la norme de la décision raisonnable. Il écrivait que, selon la définition qu’il avait donnée de la décision déraisonnable, « la norme de la décision raisonnable exige que la cour siégeant en contrôle judiciaire reste près des motifs donnés par le tribunal et “se demande” si l’un ou l’autre de ces motifs étaye convenablement la décision. La déférence judiciaire demande non pas la soumission, mais une attention respectueuse à ces motifs ».

 

[24]           Le juge Iacobucci a ensuite mis en contraste la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision correcte, pour conclure ainsi : « lorsqu’elle décide si une mesure administrative est déraisonnable, la cour ne doit à aucun moment se demander ce qu’aurait été la décision correcte ». Il ajoutait ce qui suit : « La norme de la décision raisonnable donne effet à l’intention du législateur de confier à un organisme spécialisé la responsabilité principale de trancher la question selon son propre processus et ses propres raisons. La norme de la décision raisonnable n’implique pas que l’instance décisionnelle dispose simplement d’une “marge d’erreur” par rapport à ce que la cour estime être la solution correcte. »

 

[25]           Le juge Iacobucci écrivait aussi, au paragraphe 51 de l’arrêt Ryan, précité :

51     Il y a une autre raison pour laquelle les cours cherchant à déterminer si la décision est déraisonnable doivent éviter de se demander si elle est correcte. À la différence d’un examen selon la norme de la décision correcte, il y a souvent plus d’une seule bonne réponse aux questions examinées selon la norme de la décision raisonnable. Par exemple, lorsqu’une décision doit être prise en fonction d’un ensemble d’objectifs divergents, il se peut qu’aucun compromis ne soit supérieur à tous les autres. Même dans l’hypothèse où il y aurait une réponse meilleure que les autres, le rôle de la cour n’est pas de tenter de la découvrir lorsqu’elle doit décider si la décision est déraisonnable.

 

 

[26]           Il a alors fait la distinction entre la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision manifestement déraisonnable qui commande la plus grande déférence, pour conclure ainsi : « Une décision peut être déraisonnable sans être manifestement déraisonnable lorsque le défaut dans la décision est moins évident et qu’il ne peut être décelé qu’après “un examen ou […] une analyse en profondeur” ». Selon lui, « [l]’explication du défaut peut exiger une explication détaillée pour démontrer qu’aucun des raisonnements avancés pour étayer la décision ne pouvait raisonnablement amener le tribunal à rendre la décision prononcée ».

 

[27]           Dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick, précité, le juge Iacobucci s’est demandé comment la cour de révision saura si une décision est raisonnable alors qu’elle ne peut d’abord vérifier si elle est correcte? La réponse est que la cour de révision doit examiner les motifs donnés par le tribunal. Il a alors conclu ainsi, aux paragraphes 55 et 56 :

55     La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. Si l’un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n’est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu’une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

56     Cela ne signifie pas que chaque élément du raisonnement présenté doive passer individuellement le test du caractère raisonnable. La question est plutôt de savoir si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision. Une cour qui applique la norme de la décision raisonnable doit toujours évaluer si la décision motivée a une base adéquate, sans oublier que la question examinée n’exige pas un résultat unique précis. De plus, la cour ne devrait pas s’arrêter à une ou plusieurs erreurs ou composantes de la décision qui n’affectent pas la décision dans son ensemble.

b) Conclusions

[28]           Appliquant la norme de la décision raisonnable à la décision de l’agent d’immigration, j’arrive à la conclusion que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée pour les motifs suivants, en soulignant d’abord que, dans une demande de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, c’est au demandeur qu’incombe la charge de la preuve (voir la décision Owusu c. Canada (MCI), 2003 CFPI 94), et en rappelant les propos tenus par le juge Décary au paragraphe 5 de l’arrêt Hawthorne :

5     L’agente n’examine pas l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’abstrait. Elle peut être réputée savoir que la vie au Canada peut offrir à un enfant un éventail de possibilités et que, règle générale, un enfant qui vit au Canada avec son parent se trouve dans une meilleure position qu’un enfant vivant au Canada sans son parent. À mon sens, l’examen de l’agente repose sur la prémisse – qu’elle n’a pas à exposer dans ses motifs – qu’elle constatera en bout de ligne, en l’absence de circonstances exceptionnelles, que le facteur de « l’intérêt supérieur de l’enfant » penchera en faveur du non-renvoi du parent. Outre cette prémisse que je qualifierais d’implicite, il faut se rappeler que l’agente est saisie d’un dossier particulier dans lequel un parent, un enfant ou les deux, comme en l’occurrence, allèguent des raisons précises quant à savoir pourquoi le non-renvoi du parent est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il va de soi que l’agente doit examiner attentivement ces raisons précises.                                          [Non souligné dans l’original.]

 

[29]           D’abord, je ne puis admettre l’argument des demanderesses selon lequel l’agent d’immigration a commis une erreur dans la manière dont il a analysé l’intérêt supérieur de l’enfant, à savoir Jaime. Il faut se rappeler que, même si les juges Décary et Rothstein partageaient l’avis du juge Evans selon lequel l’appel dont ils étaient saisis devait être rejeté, ces juges sont arrivés à leur conclusion en se fondant sur des motifs différents des siens. Plus précisément, au paragraphe 3 de ces motifs, le juge Décary admettait, avec l’avocat du ministre, « qu’insister en droit qu’une agente d’immigration indique expressément qu’elle a tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant avant de se pencher sur le degré de difficultés auquel l’enfant serait exposé revient à privilégier la forme au détriment du fond ». Il ajoutait ce qui suit, au paragraphe 7 de ses motifs :

7     Le fardeau administratif qui incombe aux agents chargés d’examiner les demandes de considérations humanitaires – comme l’illustre l’article 8.5 du chapitre IP 5 du Guide de l’immigration, reproduit au par. 30 des motifs de mon collègue – est déjà assez lourd sans qu’on y ajoute celui, purement de style, de décrire et d’analyser les faits et facteurs en des termes ou suivant une approche choisie à l’avance. Lorsque notre Cour a statué dans l’arrêt Legault, au paragraphe 12, que l’intérêt supérieur de l’enfant devait être « bien identifié et défini », elle ne tentait pas d’imposer une formule magique à laquelle devaient recourir les agents d’immigration dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire.

                                                                         [Non souligné dans l’original.]

 

[30]           Le juge Décary a aussi expliqué ce qu’il entendait par « l’intérêt supérieur de l’enfant », la manière dont cet intérêt est mesuré et le sens à donner au mot « difficultés ». Je reproduis ici les paragraphes 4, 6 et 9 de ses motifs :

4     On détermine l’« intérêt supérieur de l’enfant » en considérant le bénéfice que retirerait l’enfant si son parent n’était pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés que vivrait l’enfant, soit advenant le renvoi de l’un de ses parents du Canada, soit advenant qu’elle quitte le Canada volontairement si elle souhaite accompagner son parent à l’étranger. Ces bénéfices et difficultés constituent les deux côtés d’une même médaille, celle-ci étant l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

6     Il est quelque peu superficiel de simplement exiger de l’agente qu’elle décide si l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur du non-renvoi – c’est un fait qu’on arrivera à une telle conclusion, sauf dans de rares cas inhabituels. En pratique, l’agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d’un parent exposera l’enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d’intérêt public, qui militent en faveur ou à l’encontre du renvoi du parent.

 

9     Quatrièmement, le terme « difficultés » n’est pas un terme technique. Conformément à l’article 6.1 du chapitre IP 5 du Guide de l’immigration (reproduit au par. 30 des motifs de mon collègue), les définitions administratives de « difficultés inhabituelles et injustifiées » et de « difficultés excessives » dans le Guide « ne constituent pas des règles strictes » et ont plutôt « pour but d’aider à exercer le pouvoir discrétionnaire ». Il va de soi, par exemple, que le concept de « difficultés injustifiées » n’est pas approprié lorsqu’il s’agit d’évaluer les difficultés auxquelles s’exposent les enfants innocents. Les enfants méritent rarement, sinon jamais, d’être exposés à des difficultés.

                                                                         [Non souligné dans l’original.]

 

[31]           L’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, en ce qui concerne Jaime, et l’analyse des motifs d’ordre humanitaire, en ce qui concerne sa mère, doivent être mises en contexte. La situation à laquelle avait affaire l’agent d’immigration n’était pas un cas où Zelma Allen serait séparée de sa fille parce que l’une d’elles avait le droit de rester au Canada et l’autre non. Il s’agissait d’une situation où toutes les deux étaient sous le coup de mesures de renvoi. Les précédents invoqués par l’avocat des demanderesses sont différents de la présente espèce parce qu’ils concernaient des cas où le parent ou pourvoyeur allait être, en cas de renvoi, séparé d’un enfant qui avait le droit de rester au Canada.

 

[32]           Troisièmement, s’agissant du renvoi des demanderesses au Guyana, l’agent d’immigration a estimé qu’il était dans l’intérêt supérieur de Jaime de rester avec sa mère, qui était sa principale pourvoyeuse et qui subviendrait à ses besoins. L’agent d’immigration n’a pas trouvé qu’il était dans l’intérêt supérieur de Jaime qu’elle soit séparée de sa mère en attendant qu’une décision soit rendue sur une demande de résidence permanente au Canada présentée à l’étranger. Cette conclusion de l’agent d’immigration n’a pas été sérieusement contestée par l’avocat des demanderesses, même si je relève, à la lecture de l’affidavit produit par Zelma Allen au soutien de la demande de contrôle judiciaire, que Jaime est également prise en charge par sa grand-mère. Cela n’amoindrit en rien la conclusion de l’agent d’immigration selon laquelle la mère de Jaime était sa principale pourvoyeuse.

 

[33]           Pareillement, dans ce contexte, après avoir lu l’ensemble des motifs de l’agent d’immigration et en me rappelant la mise en garde du juge Décary signalant qu’il n’existe pas de formule magique, je suis arrivé à la conclusion que la manière dont l’agent d’immigration a évalué les difficultés n’a pas amoindri son analyse des motifs d’ordre humanitaire, que ce soit pour Jaime ou pour sa mère. Il est vrai que l’agent d’immigration a évoqué leur vie au Guyana avant qu’elles arrivent au Canada, mais, selon moi, il n’a pas de ce fait altéré l’analyse des difficultés en laissant de côté leur situation actuelle au Canada. Il ressort clairement de l’exposé détaillé et des motifs de la décision de l’agent d’immigration que ce dernier était sensible à la situation actuelle des demanderesses au Canada et qu’il ne l’a nullement laissée de côté.

 

[34]           Quatrièmement, je ne vois pas le bien-fondé de l’argument de l’avocat des demanderesses selon lequel l’agent d’immigration n’a considéré que les difficultés occasionnées par le renvoi, qu’il n’a pas tenu compte de la relation de Jaime avec sa grand-mère, qu’il a contrevenu aux lignes directrices en ne tenant pas compte des membres de la famille et qu’il aurait dû se renseigner davantage en convoquant une entrevue. Par ailleurs, il m’est impossible de trouver une faille dans le raisonnement de l’agent d’immigration à propos du risque que courent les demanderesses en cas de renvoi, à cause du père de Jaime qui vit au Guyana. Les motifs exposés par l’agent d’immigration ont pris en compte cet aspect, ainsi que la possibilité pour les demanderesses d’obtenir la protection de l’État.

 

[35]           Cinquièmement, il m’est impossible de conclure que l’agent d’immigration a laissé de côté la preuve des conditions ayant cours au Guyana parce qu’il n’a pas mentionné expressément les lacunes du système d’éducation ou les difficultés que peuvent avoir les femmes à obtenir un emploi. Il convient de noter que la demanderesse principale n’a pas, dans son affidavit, fait état de telles difficultés en cas de retour au Guyana.

 

[36]           Sixièmement, l’avocat des demanderesses interprète mal la remarque de l’agent d’immigration concernant les conditions de vie de la population en général au Guyana. Cette remarque n’amoindrit en rien la conclusion de l’agent d’immigration selon laquelle les demanderesses n’étaient pas elles-mêmes exposées à un risque en cas de retour au Guyana.

 

[37]           Septièmement, je ne suis pas disposé à annuler la décision de l’agent d’immigration parce qu’il a employé le mot « insurmontable » dans la phrase où il écrit que l’adaptation de Jaime à la vie au Guyana pourrait être difficile, mais non « insurmontable ». Après lecture de l’ensemble de sa décision, je suis d’avis que l’agent d’immigration a appliqué correctement le critère des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[38]           Finalement, dans son affidavit au soutien de sa demande, Zelma Allen écrit qu’elle aurait dû bénéficier d’une entrevue. Son avocat n’a pas insisté sur cet aspect devant la Cour. D’après l’arrêt Baker, précité, il est clair que l’équité n’exige pas la tenue d’une entrevue.

 

JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’a été proposé aucune question à certifier.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                      IMM-7669-05

 

 

INTITULÉ :                                                    ZELMA VANESSA ALLEN,

JAIME LEE CHARLES

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            LE 7 DÉCEMBRE 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                           LE JUGE LEMIEUX

 

 

DATE DES MOTIFS :                                   LE 3 JANVIER 2007

 

 

COMPARUTIONS  :

 

George J. Kubes                                              POUR LES DEMANDERESSES

 

Alexis Singer                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

George J. Kubes

Avocat

Toronto (Ontario)                                             POUR LES DEMANDERESSES

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR

 

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