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Date : 20061221

Dossier : T‑1329‑05

Référence : 2006 CF 1544

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

ENTRE :

JIM PANKIW

demandeur

 

et

 

LA Commission canadienne des droits de la personne

défenderesse

 

et

 

KEITH DREAVER, NORMA FAIRBAIRN, SUSAN GINGELL,

PAMELA IRVINE, JOHN MELENCHUK, RICHARD ROSS, AILSA WATKINSON, HARLAN WEIDENHAMMER et CARMAN WILLET

 

défendeurs

 

et

 

LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

intervenant

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

1.  Introduction et contexte

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision préliminaire d’une formation du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) en date du 21 juillet 2005, par laquelle le Tribunal, statuant sur une exception déclinatoire, a jugé qu’il avait la compétence légale et constitutionnelle pour instruire neuf plaintes que lui avait renvoyées la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission).

 

[2]               À l’époque où il était député fédéral, le Dr Pankiw, le demandeur dans la présente instance, avait rédigé une brochure d’information connue sous le nom de « bulletin parlementaire » et l’avait distribuée à ses commettants de la circonscription de Saskatoon- Humbolt. Le bulletin parlementaire est imprimé sous les auspices de la Chambres des communes, qui en assume les frais. Chaque député fédéral a le droit d’envoyer jusqu’à quatre bulletins parlementaires chaque année à ses commettants. Le Dr Pankiw a perdu son siège lors des élections de 2004.

 

[3]               Les neuf plaignants, Keith Dreaver et les autres, disent que, en octobre 2003, le Dr Pankiw a distribué un bulletin parlementaire qui renfermait des observations discriminatoires sur les peuples autochtones, contrevenant ainsi aux articles 5, 12 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). À l’appendice « A » des présents motifs, sont reproduits les articles 5, 12, 13 et 14 de la LCDP.

 

[4]               Aucun des dossiers des parties ne contient le rapport d’enquête de la Commission, ni la décision de la Commission renvoyant l’affaire au Tribunal, et ils ne contiennent non plus aucune copie des plaintes déposées, ni un exemplaire du bulletin parlementaire en cause.

 

[5]               Avant l’audition des témoins, le président de la Chambre des communes (le président), qui a obtenu le statut d’intervenant, a déposé devant le Tribunal une requête préliminaire alléguant que le Tribunal n’avait pas la compétence légale ou constitutionnelle pour instruire des plaintes relatives aux activités qu’il avait exercées comme député.

 

[6]               Le Tribunal, se fondant sur un exposé conjoint des faits, a entendu les arguments avancés sur cette requête, au début de mars 2005, alors que la Cour suprême du Canada n’avait pas encore rendu son arrêt dans l’affaire Canada (Chambre des communes) c. Vaid. Cet arrêt fut rendu le 20 mai 2005 et il est publié sous la référence [2005] 1 R.C.S. 667.

 

[7]               Les bases de l’exception préliminaire d’incompétence étaient les suivantes : (1) les arguments avancés devant la Cour suprême du Canada dans l’affaire Vaid, (2) la rédaction et l’envoi de bulletins parlementaires à tous les commettants ne sont pas un « service » au sens où ce mot est employé dans les articles 5 et 14 de la LCDP, (3) le Bureau de régie interne de la Chambre des communes est seul compétent pour décider du bon usage des bulletins parlementaires, et (4) le discours politique ne peut être censuré que par l’électorat, à la faveur du processus démocratique, et le contrôle exercé par le Tribunal, un décideur gouvernemental, sur le contenu des communications d’un député avec ses commettants, en particulier sur le contenu des communications d’un député de l’opposition, constitue une négation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, et une atteinte au privilège parlementaire.

 

[8]               Les faits admis par les parties étaient les suivants :

a) en octobre 2003, le Dr Jim Pankiw, alors député indépendant de la circonscription de Saskatoon‑Humbolt, avait imprimé et distribué, en sa qualité de député, un « bulletin parlementaire » qui, d’après les plaignants, contient des propos discriminatoires;

 

b) un bulletin parlementaire est une brochure qui est envoyée à chacun des ménages d’une circonscription par chaque député fédéral. Chacun des députés peut envoyer jusqu’à quatre bulletins parlementaires par année;

 

c) les bulletins parlementaires sont imprimés par la Chambre des communes;

 

d) le fondement qui autorise l’impression des bulletins parlementaires par la Chambre des communes est le Règlement administratif 301 concernant les bureaux des députés, un règlement pris par le Bureau de régie interne de la Chambre des communes. Ce règlement administratif est expliqué davantage dans le Manuel des allocations et services aux députés de la Chambre des communes;

 

e) à la date de l’exposé conjoint des faits, la Cour suprême du Canada avait entendu les arguments concernant l’affaire Vaid c. La Chambre des communes, n° du greffe 29564 de la CSC, le 13 septembre 2004, et n’avait pas encore rendu son arrêt;

 

f) le 28 juin 2004, le Dr Pankiw a perdu son siège de député lors des 38e élections générales.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[9]               Les points soulevés dans la procédure de contrôle judiciaire sont les suivants :

1.  Le privilège parlementaire s’applique‑t‑il à l’envoi de bulletins parlementaires au point de leur conférer une protection absolue contre tout contrôle extérieur à la Chambre elle‑même?

 

2.  La compétence du Tribunal va‑t‑elle à l’encontre du principe de séparation des pouvoirs?

 

3.  La compétence du Tribunal va‑t‑elle à l’encontre des principes démocratiques et de la liberté d’expression?

 

4.  Le pouvoir exclusif du Bureau de régie interne de vérifier si un député utilise à bon escient les ressources ou services mis à sa disposition prive‑t‑il le Tribunal de son pouvoir de statuer sur une plainte de discrimination déposée en vertu de la LCDP et se rapportant au contenu d’un bulletin parlementaire?

 

5.  La Cour devrait‑elle, à ce stade, dire si l’envoi d’un bulletin parlementaire à des électeurs constitue « un service destiné au public », selon ce que prévoient les articles 5 et 14 de la LCDP, ou dire si le contenu du bulletin parlementaire contrevient à l’article 12 de ce texte de loi?

 

[10]           Le dossier du demandeur contient l’affidavit de Charles J. Duperreault. À l’époque pertinente, M. Duperreault était stagiaire en droit à la Chambre des communes. Son affidavit est très bref. Il y écrit que les plaignants ont déposé des plaintes de violation des droits de la personne après avoir lu un bulletin parlementaire remis par un député à ses commettants, et il ajoute que [traduction] « comme les plaintes se rapportaient aux fonctions d’un député, la Chambre des communes a déposé une requête alléguant l’incompétence du Tribunal dans cette affaire ». Il a annexé à son affidavit la pièce « A », à savoir l’avis de requête opposant l’exception préliminaire. Il écrit que la Commission et la Chambre des communes ont décidé d’aller de l’avant avec la requête en se fondant sur un exposé conjoint des faits, qu’il joint comme pièce « B » à son affidavit. Finalement, dans son affidavit, il indique la date de l’audience du Tribunal et la date de sa décision. Il n’a pas été contre‑interrogé sur son affidavit.

 

[11]           Le dossier de la Commission, la défenderesse, n’était appuyé par aucun affidavit. Les défendeurs plaignants n’ont pas participé à la présente procédure de contrôle judiciaire.

 

[12]           Le dossier de l’intervenant, le président de la Chambre des communes (l’auteur principal de la requête présentée au Tribunal et alléguant son incompétence) était appuyé par l’affidavit de Robert R. Walsh, signé le 25 janvier 2006. M. Walsh est le légiste et le conseiller parlementaire de la Chambre des communes. Il affirme ce qui suit :

[TRADUCTION]

1.  Je suis le légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes et, à ce titre, j’ai connaissance des affirmations contenues dans le présent affidavit.

 

2.  En tant que légiste et conseiller parlementaire, il m’appartient de présenter à la Chambre des communes, à l’Administration de la Chambre des communes, ainsi qu’aux députés, des avis juridiques et observations se rapportant à des points de droit et de législation. Je suis également greffier au Bureau de la Chambre des communes. En tant que légiste, j’assiste aux réunions du Bureau de régie interne.

 

3.  Je travaille à la Chambre des communes depuis 14 ans. De 1991 à 1996, j’ai été conseiller législatif général, de 1996 à 1999, j’ai été directeur de la Direction générale des comités de la Chambre et, en décembre 1999, j’ai été nommé au poste de légiste et conseiller parlementaire, et j’ai depuis la responsabilité à la fois du Bureau des conseillers législatifs et du Bureau des conseillers juridiques.

 

4.  Les communications échangées entre les députés et leurs commettants sont généralement considérées par les députés comme une part importante de leurs responsabilités parlementaires, et elles sont jugées nécessaires par eux pour le bon accomplissement de leurs fonctions parlementaires.

 

5.  Pour l’heure, les principaux moyens dont dispose un député pour communiquer avec ses commettants sont les publications appelées « bulletin parlementaire » et « dix‑pour‑cent », qui sont des publipostages sans adresse envoyés à ses commettants.

 

6.  Comme il est indiqué dans l’affidavit de Charles Duperreault, déposé par le demandeur, l’envoi de ces publications est réglementé par le Bureau de régie interne de la Chambre des communes, par l’entremise de ses règlements administratifs et du Manuel des allocations et services aux députés. En outre, grâce aux dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes, ces documents sont livrés en tant qu’envois sans affranchissement. Cette loi permet aussi aux députés d’expédier leurs envois en franchise postale, et aux particuliers d’expédier leurs envois aux députés sans affranchissement.

 

7.  Signe de l’importance accordée à l’emploi que font les députés des bulletins parlementaires et des dix‑pour‑cent, six questions de privilèges ont été soulevées au cours de la dernière année à la Chambre, questions où l’on alléguait des violations de privilège se rapportant à la dispense d’affranchissement, aux bulletins parlementaires et aux dix‑pour‑cent (15 février, 18 avril, 3 mai, 4 mai, 10 mai et 3 novembre 2005). Dans tous les cas, le président a jugé qu’il y avait eu à première vue violation de privilège. Dans quatre cas, l’affaire fut renvoyée de la manière habituelle, pour examen complémentaire, au Comité permanent de la Chambre des communes chargé de la procédure et des affaires de la Chambre. Sont joints comme pièces « A », « B », « C » et « D » des extraits des Journaux de la Chambre des communes portant sur les quatre renvois au comité. Est jointe comme pièce « E » la décision du président du 15 février 2005, qui résolvait sans renvoi au Comité la question se rapportant au cinquième cas.

 

8.  Pour la sixième question de privilège, soulevée le 3 novembre 2005, qui se rapportait au contenu d’un certain bulletin parlementaire, l’affaire a été débattue à la Chambre au cours de quatre jours de séance. Les Journaux de la Chambre des communes se rapportant à ce débat se trouvent aux onglets 1 et 2 du volume 2 du dossier de demande.

 

9.  Outre les questions de privilège évoquées plus haut, des questions se rapportant au contenu autorisé des bulletins parlementaires et des dix‑pour‑cent sont souvent portées à l’attention des conseillers juridiques de la Chambre par les députés, les bureaux de recherche des caucus et l’Administration de la Chambre (services d’impression et services postaux).

 

10.  Vu mon expérience à la Chambre des communes au cours des 14 dernières années, ainsi que les récentes décisions et délibérations de la Chambre des communes et de ses comités, il est évident que les députés considèrent comme un important aspect de leur fonction parlementaire la possibilité pour eux de communiquer sans entrave avec leurs commettants. [Non souligné dans l’original.]

 

[13]           M. Walsh n’a pas été contre‑interrogé sur son affidavit.

 

[14]           Le 25 avril 2006, en application de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, le demandeur a signifié et déposé un avis de question constitutionnelle affirmant qu’il entend mettre en doute [traduction] « l’applicabilité, sur le plan constitutionnel, des articles 5, 12 et 14 de la Loi [la LCDP] à la publication et à la distribution de “bulletins parlementaires” par les députés de la Chambre des communes ».

 

[15]           Dans l’affaire Vaid, il s’agissait d’un employé de la Chambre des communes, le chauffeur du président de la Chambre, qui avait déposé auprès de la Commission une plainte où il affirmait notamment que le refus du président de continuer de l’employer se fondait sur un motif de distinction illicite. La Commission avait renvoyé l’affaire au Tribunal, dont la compétence fut contestée, le président et la Chambre des communes affirmant que le pouvoir du président d’embaucher, de gérer et de congédier les employés de la Chambre constituait un privilège parlementaire et était donc à l’abri de tout contrôle externe exercé par les cours de justice ou par le Tribunal. Le Tribunal avait rejeté l’exception d’incompétence. Saisies d’une demande de contrôle judiciaire, tant la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, maintenant la Cour fédérale, que la Cour d’appel fédérale avaient confirmé la décision du Tribunal.

 

[16]           Devant la Cour suprême du Canada, l’issue du dossier Vaid dépendait de deux aspects : d’abord, l’existence et le champ du privilège parlementaire allégué, c’est‑à‑dire « la gestion de ses employés », et ensuite, la question de savoir si la possibilité de déposer un grief selon la Loi sur les relations de travail au Parlement (la LRTP) excluait, au vu des circonstances de cette affaire, le mécanisme d’enquête et le règlement des différends prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

[17]           Dans l’arrêt Vaid, le juge Binnie, rédigeant les motifs de la Cour suprême, a estimé que le privilège parlementaire allégué par le président sur l’ensemble des employés de la Chambre des communes était trop vaste et n’englobait pas les employés de soutien tels que M. Vaid, mais il ne doutait nullement « que le privilège protège les relations entre la Chambre et certains de ses employés » (paragraphe 75). Par ailleurs, il a accueilli le pourvoi, exprimant l’avis que M. Vaid aurait dû déposer son recours en vertu de la LRTP plutôt que devant le Tribunal, dont la compétence était de ce fait exclue.

 

[18]           Selon le juge Binnie, la jurisprudence et la doctrine définissent ainsi le privilège parlementaire : « Dans le contexte canadien, [il s’agit de] la somme des privilèges, immunités et pouvoirs dont jouissent le Sénat, la Chambre des communes et les assemblées législatives provinciales ainsi que les membres de chaque Chambre individuellement, sans lesquels ils ne pourraient s’acquitter de leurs fonctions. » (paragraphe 29.2) C’est à ceux qui allèguent le privilège qu’il appartient d’établir que « l’existence et l’étendue du privilège qu’ils invoquent n’excèdent pas celles des privilèges qui étaient lors de la passation de [la Loi sur le Parlement du Canada,] possédés et exercés par la Chambre des communes du Parlement du Royaume‑Uni […] et par les membres de cette Chambre » (paragraphe 53). Voir aussi le paragraphe 38 des motifs du juge Binnie, où il se réfère à l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 comme fondement des propos qu’il tient au paragraphe 53 de ses motifs.

 

[19]           Pour décider ce point, le juge Binnie expose un critère en deux étapes. Au paragraphe 39 de ses motifs, il écrit ce qui suit : « [L]es tribunaux canadiens doivent, dans un premier temps, vérifier si l’existence et l’étendue du privilège revendiqué ont été établies péremptoirement en ce qui concerne notre propre Parlement ou la Chambre des communes de Westminster », et, pour répondre à cette question, il se réfère aux textes faisant autorité à la fois au Canada et au Royaume‑Uni, en s’en rapportant à la jurisprudence, aux documents historiques, aux rapports de comités et aux écrits spécialisés portant sur l’existence et l’étendue du privilège parlementaire. À l’appendice B des présents motifs, sont reproduites les dispositions applicables de la Loi sur le Parlement du Canada (la LPC).

 

[20]           Au paragraphe 40 de ses motifs, le juge Binnie décrit ainsi la seconde étape : « […] lorsqu’un tribunal canadien est appelé à statuer sur la revendication d’un privilège visant à immuniser les parlementaires contre les conséquences juridiques ordinaires de l’exercice de pouvoirs relativement à des non‑parlementaires et que la validité et l’étendue de ce privilège n’ont pas été établies péremptoirement à l’égard de la Chambre des communes du Royaume‑Uni et de ses membres, nos tribunaux doivent déterminer – à l’instar des tribunaux britanniques dans des circonstances équivalentes – si la revendication satisfait au critère de nécessité qui sert d’assise à tout privilège parlementaire », puis il ajoute : « Sur ce plan, les tribunaux feront certes preuve d’une grande retenue quant au degré d’autonomie dont notre propre Parlement estime devoir bénéficier pour s’acquitter de ses fonctions. » Puis il fait la mise en garde suivante : « […] si, comme en l’espèce, un différend oppose la Chambre et une personne qui lui est étrangère, il revient aux tribunaux de déterminer si l’étendue de la catégorie reconnue est celle qu’on prétend lui attribuer », soulignant ensuite que « Cette détermination […] touche l’existence et l’étendue de la compétence de la Chambre, et non l’opportunité […] dans un cas particulier ». [Non souligné dans l’original.]

 

[21]           Il réaffirme, au paragraphe 41 de ses motifs, que le privilège parlementaire se définit « en fonction du degré d’autonomie requis pour que le Parlement soit en mesure de s’acquitter de ses fonctions constitutionnelles », reprenant la définition donnée par sir Erskine May, ou évoquant la définition donnée par Maingot, c’est‑à‑dire l’indispensable immunité conférée aux membres du Parlement ou des législatures provinciales « pour leur permettre d’effectuer leur travail législatif ». Puis, en réponse à la question « indispensable à quel égard? », il écrit : « il faut par conséquent répondre qu’il s’agit de l’immunité qui est indispensable pour protéger les législateurs dans l’exécution de leurs fonctions législatives et délibératives et de la tâche de l’assemblée législative de demander des comptes au gouvernement relativement à la conduite des affaires du pays ». [Non souligné dans l’original.]

 

[22]           Au paragraphe 44, il exprime l’avis que « la nature téléologique du lien entre la fonction législative et la nécessité » est indispensable, en citant un extrait du rapport du comité mixte britannique sur le privilège parlementaire :

[TRADUCTION]

La ligne de démarcation entre les activités privilégiées et les activités non privilégiées de chaque Chambre n’est pas facile à tracer. La meilleure façon de déterminer où elle se situe consiste peut‑être à dire que les questions à l’égard desquelles les cours de justice ne devraient pas intervenir s’étendent au‑delà des travaux du Parlement, mais que les questions privilégiées doivent être si étroitement et si directement liées aux travaux du Parlement que l’intervention des cours de justice serait incompatible avec la souveraineté du Parlement en sa qualité d’assemblée législative et délibérante. [C’est le juge Binnie qui souligne.]

 

[23]           Le juge Binnie conclut ses motifs ainsi, au paragraphe 46 :

Toutes ces sources mènent à la même conclusion. Pour justifier la revendication d’un privilège parlementaire, l’assemblée ou le membre qui cherchent à bénéficier de l’immunité qu’il confère doivent démontrer que la sphère d’activité à l’égard de laquelle le privilège est revendiqué est si étroitement et directement liée à l’exercice, par l’assemblée ou son membre, de leurs fonctions d’assemblée législative et délibérante, y compris leur tâche de demander des comptes au gouvernement, qu’une intervention externe saperait l’autonomie dont l’assemblée ou son membre ont besoin pour accomplir leur travail dignement et efficacement. [Non souligné dans l’original.]

 

[24]           J’ajouterais à l’analyse du juge Binnie que, à mon avis, son propos est important parce qu’il semble reconnaître que l’on puisse franchir, jusqu’à un certain point, la traditionnelle « enceinte du Parlement ».

 

2.  La décision du Tribunal

[25]           Le Tribunal a rejeté les conclusions du demandeur, appuyées par le président, selon lesquelles :

1.  Le Bureau de régie interne de la Chambre des communes (le Bureau) avait compétence exclusive pour statuer sur les plaintes, en vertu des articles 50 et suivants de la LPC;

 

2.  Le demandeur jouissait d’une immunité parlementaire qui empêchait le Tribunal d’enquêter et de statuer sur les plaintes;

 

3.  La LCDP ne s’appliquait pas au demandeur;

4.  Le principe de la séparation des pouvoirs, c’est‑à‑dire entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, empêchait par ailleurs le Tribunal, élément du pouvoir exécutif, d’exercer sa compétence en enquêtant et en statuant sur les plaintes.

 

[26]           J’examinerai séparément chacune des conclusions du Tribunal.

 

a) La compétence exclusive du Bureau

 

[27]           Ce premier point, à savoir la compétence exclusive du Bureau de régie interne de la Chambre des communes, a été soulevé dans le contexte du bon emploi des ressources de la Chambre. On a fait valoir que le Bureau a le pouvoir exclusif de superviser les bulletins parlementaires, y compris leur contenu.

 

[28]           Le Tribunal a sur ce point tiré les conclusions de fait suivantes :

Les bulletins parlementaires sont imprimés avec les ressources de la Chambre des communes. Les bulletins parlementaires sont financés par le Bureau de la régie interne de la Chambre des communes. Le bureau est constitué suivant les articles 50 et suivants de la Loi sur le Parlement du Canada (LPC). Les membres du bureau incluent des députés du parti gouvernemental et des députés de l’opposition. La présidence du bureau est assumée par le président de la Chambre. Le bureau est chargé des questions financières et administratives intéressant la Chambre des communes, ses locaux, ses services et son personnel de même que les députés.

 

 

[29]           L’appendice B des présents motifs reprend, je le rappelle, certaines dispositions de la LPC. Celles qui concernent le Bureau se trouvent aux articles 50 à 54. Certains règlements administratifs pris par le Bureau sont reproduits à l’appendice C, et les portions du Manuel des allocations et services aux députés qui concernent les bulletins parlementaires se trouvent à l’appendice D.

 

[30]           Le Tribunal a conclu que le Bureau n’avait pas compétence exclusive pour statuer sur les plaintes portant sur le contenu des bulletins parlementaires, eu égard aux dispositions du paragraphe 52.6(1) de la LPC, ainsi formulé :

SECTION 52.6

SECTION 52.6

Compétence exclusive

Exclusive authority

52.6 (1) Le bureau a compétence exclusive pour statuer, compte tenu de la nature de leurs fonctions, sur la régularité de l’utilisation — passée, présente ou prévue — par les députés de fonds, de biens, de services ou de locaux mis à leur disposition dans le cadre de leurs fonctions parlementaires, et notamment sur la régularité de pareille utilisation au regard de l’esprit et de l’objet des règlements administratifs pris aux termes du paragraphe 52.5(1).

52.6 (1) The Board has the exclusive authority to determine whether any previous, current or proposed use by a member of the House of Commons of any funds, goods, services or premises made available to that member for the carrying out of parliamentary functions is or was proper, given the discharge of the parliamentary functions of members of the House of Commons, including whether any such use is or was proper having regard to the intent and purpose of the by‑laws made under subsection 52.5(1)

[Non souligné dans l’original.]

 

[Emphasis mine]

 

[31]           La question de savoir si l’envoi de bulletins parlementaires constituait une fonction parlementaire au sens du Règlement administratif 101 du Bureau ne se posait pas pour le Tribunal puisque, selon lui, ce règlement ne permettait pas de conclure à une compétence exclusive. En effet, dans l’arrêt Vaid, précité, la Cour suprême du Canada a jugé que la LCDP est un texte quasi constitutionnel et que toute exception à son application doit être clairement énoncée. Le Tribunal n’a pu trouver aucune exception du genre, et cela pour les motifs suivants.

 

[32]           D’abord, le paragraphe 52.6 (1) de la LPC ne dit nulle part que la LCDP n’est pas applicable, et il n’exclut pas non plus la compétence du Tribunal.

 

[33]           Deuxièmement, le Tribunal a examiné le sens donné par les dictionnaires pour le mot « régularité » (« proper » dans la version anglaise). Selon lui, le mot « régularité » est plus étroitement rattaché à la notion de régularité administrative, et il a retenu ce sens parce qu’« une telle interprétation est compatible avec la directive donnée dans le paragraphe 52.6(1) selon laquelle le bureau devrait, lorsqu’il statue sur la régularité de l’utilisation des ressources de la Chambre, tenir compte “de l’esprit et de l’objet des règlements administratifs pris aux termes du paragraphe 52.5(1)” [de la LPC] ».

 

[34]           Troisièmement, le Tribunal a estimé que l’impression des bulletins parlementaires était expressément considérée dans le Règlement administratif 301 concernant les bureaux des députés. Il a conclu ainsi :

Il est évident à la lecture du règlement que son intention et son objet sont de régir l’administration des ressources de la Chambre (par exemple l’achat de matériel de bureau, des imprimés et fournitures, la location de locaux, la rémunération du personnel, etc.). Le règlement ne contient pas de dispositions se rapportant aux principes en matière de droits de la personne ni, d’ailleurs, à ce qui constitue un comportement « décent » ou « respectable », pour utiliser la définition de « proper » avancée par l’intimé [le Dr Pankiw] ».

 

[35]           Le Tribunal a été conforté dans sa position par un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, Ontario c. Bernier, [1994] A.O. n° 647, et par un arrêt de la Cour d’appel du Québec, R. c. Fontaine, [1995] A.Q. n° 295. Il s’est exprimé ainsi : « Dans les deux affaires, il y avait en litige la question de savoir si le paragraphe 52.6(1) enlevait aux cours la compétence d’entendre une affaire se rapportant aux accusations selon lesquelles un député avait utilisé les fonds qui lui étaient alloués par le bureau d’une manière qui contrevenait au Code criminel. » Il a conclu que les deux cours avaient jugé que le paragraphe 52.6(1) n’enlevait pas cette compétence et qu’elles avaient statué que ce paragraphe « n’accorde au bureau que la compétence de décider si un député de la Chambre des communes a utilisé ces ressources d’une manière compatible avec le règlement ». Le Tribunal a ajouté : « Il est significatif que le terme “by‑laws” du texte anglais des paragraphes 52.5 et 52.6 soit rendu par “règlements administratifs” dans la version française. » [Non souligné dans l’original.]

 

[36]           Le Tribunal a conclu cette question par les propos suivants :

Comme Mme la juge Arbour a déclaré au paragraphe 4 de l’arrêt Bernier, le législateur a établi le bureau pour gérer de façon exclusive le fonctionnement interne de la Chambre des communes. En faisant cela, le législateur n’a pas exprimé une intention d’enlever aux cours leur compétence pour appliquer le Code criminel aux députés. À notre avis, la même conclusion peut être tirée à l’égard de la compétence du Tribunal d’établir si la LCDP a fait l’objet d’une violation. Le législateur n’a pas montré une intention d’exclure les députés, et en particulier leurs bulletins parlementaires, de l’application de la LCDP. [Non souligné dans l’original.]

 

 

b)  Le privilège ou immunité parlementaire

[37]           Sur ce point, le Tribunal a estimé que l’étendue du privilège parlementaire n’englobait pas l’envoi de bulletins parlementaires par les députés à leurs commettants. Il a expliqué ainsi sa position :

14. Il ne nous semble pas non plus que la LPC, notamment l’article 52.6, étend la portée de tout privilège ou de toute immunité dont les députés peuvent bénéficier. Le privilège parlementaire fournit aux députés une immunité absolue contre les poursuites civiles ou criminelles lorsqu’ils parlent à la Chambre des communes ou participent aux travaux du Parlement (voir J.P.J. Maingot, Parliamentary Privilege in Canada, 2e éd.). L’étendue et la portée du privilège parlementaire revendiqué ont varié au fil des ans. Mais comme la Cour suprême du Canada l’a mentionné dans l’arrêt Vaid (au paragraphe 23), une conception plus étroite s’est développée plus récemment. La Cour a renvoyé à une décision de 1971 rendue par le président de la Chambre qui a déclaré que le privilège parlementaire « ne va pas beaucoup au‑delà du droit de libre parole à la Chambre et du droit d’un député de s’acquitter de ses fonctions à la Chambre en tant que représentant aux Communes ».

 

15. L’intimé [M. Pankiw] reconnaît que l’immunité liée au privilège parlementaire ne s’étend pas aux déclarations ou aux publications faites par les députés à l’extérieur de la Chambre ou en dehors des travaux parlementaires. Par conséquent, les membres des législatures ne sont pas immunisés contre les poursuites pénales pour les déclarations faites à la presse à l’extérieur des Chambres du Parlement (voir Re : Ouellet (n° 1 et n° 2), [1976] C.A. 788) ni contre la responsabilité dans le contexte d’actions en diffamation pour des réponses données à un journaliste à l’extérieur d’une assemblée législative (voir Ward c. Clark, 2000 BCSC 979). Il en résulte qu’il n’y a pas d’immunité à l’égard de l’application de la LCDP. [Non souligné dans l’original.]

 

 

c)  La LCDP s’applique‑t‑elle à un député?

[38]           Le Dr Pankiw a fait valoir devant le Tribunal que le régime exposé dans la LCDP ne s’applique pas à lui parce qu’il ne présente pas l’élément « fédéral » requis qui pourrait l’assujettir au régime fédéral des droits de la personne. Il ne participe pas à une entreprise fédérale, ni ne fait partie de la Couronne fédérale ou du gouvernement du Canada, affirmant que [traduction] « le seul facteur qui puisse le faire entrer dans la sphère fédérale d’activité est que, lorsqu’il communique avec ses commettants au moyen d’un bulletin parlementaire, il exerce sa fonction parlementaire de député de la Chambre des communes ». Selon le Tribunal, l’argument du Dr Pankiw s’appuyait sur son allégation selon laquelle, l’unique texte auquel est soumis un député de la Chambre des communes est la LPC.

 

[39]           Le Tribunal a rejeté cet argument dans les termes suivants :

L’objet et la portée de la LCDP sont bien exprimés à l’article 2 et ne sont pas aussi limités que l’intimé le donne à entendre dans ses prétentions. La disposition énonce que l’objet de la LCDP est de donner effet, « dans le champ de compétence du Parlement du Canada », au principe d’égalité des chances qui y est décrit.

 

À notre avis, le langage de la LCDP est suffisamment large pour englober également les déclarations faites par des députés dans les bulletins parlementaires publiés et payés par la Chambre des communes, en vertu d’une loi du Parlement, la LPC. Étant donné que le Parlement a promulgué ce cadre législatif, qui en fin de compte régit les bulletins parlementaires, il est clair que la publication et le contenu des bulletins parlementaires doivent nécessairement faire partie du champ de compétence du Parlement du Canada. [Non souligné dans l’original.]

 

 

d)  Le principe de la séparation des pouvoirs

[40]           L’ultime argument avancé par le Dr Pankiw pour se soustraire à l’application de la LCDP concerne le principe de la séparation du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il dit qu’on porterait atteinte à ce principe ou le réduirait à néant si un tribunal administratif tel que le Tribunal, lequel, dit‑il, ne peut être constitutionnellement distingué du pouvoir exécutif, était autorisé à enquêter et à statuer sur la teneur des communications d’un parlementaire avec ses commettants.

 

[41]           Selon le Tribunal, l’argument du Dr Pankiw sur ce point est inspiré par un arrêt de la Cour suprême du Canada, Re : Alberta Legislation, [1938] R.C.S. 100, où l’on peut lire ce qui suit à propos du mode de fonctionnement du Parlement : [traduction] « le Parlement fonctionne sous le feu de l’opinion publique et du débat public. Ce qui rend l’institution efficace, c’est la libre discussion des affaires publiques et “l’analyse la plus libre et la plus complète possible” de chacun des angles des propositions politiques ».

 

[42]           D’après le Tribunal, le Dr Pankiw prétendait « que l’expression d’un point de vue par un député de la Chambre des communes est un discours politique et que seuls les électeurs devraient en faire l’examen au moyen du processus démocratique ».

 

[43]           Selon le Tribunal, le fond de l’argument du Dr Pankiw est qu’« [a]ucun tiers, en particulier un représentant du pouvoir exécutif d’un État, ne devrait pouvoir s’ingérer dans ce débat et cet échange d’idées libres et sans entraves au sein d’une législature ». Le Dr Pankiw prétendait, de dire le Tribunal, « que le gouvernement ne devrait avoir aucune voix ou aucun contrôle à l’égard de la liberté d’expression d’un député de la Chambre, en particulier d’un député de l’opposition », et que « [l]e fait de permettre que le contenu de bulletins parlementaires et d’autres formes de discours politique des députés soit examiné limiterait la capacité de ces derniers d’exprimer à fond leurs opinions. Cela aurait ensuite un effet paralysant sur le débat libre et public de diverses opinions. Cela aurait également comme conséquence de priver les électeurs du véritable point de vue du député en empêchant l’accès à tous les renseignements francs requis pour prendre une décision totalement éclairée. »

 

[44]           Le Tribunal, pour diverses raisons, n’a pas retenu les arguments du demandeur.

 

[45]           D’abord, il s’est référé à l’arrêt Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S. 884, où la Cour suprême du Canada disait que le Tribunal canadien des droits de la personne jouit « d’un degré élevé d’indépendance par rapport à l’exécutif ». Puis le Tribunal concluait ainsi : « À notre avis, compte tenu de cette conclusion de la Cour suprême, le fait de traiter le Tribunal comme une branche “du gouvernement” aux fins de la présente affaire est hautement discutable ».

 

[46]           Deuxièmement, le Tribunal a fait siens les propos du juge Binnie, au paragraphe 21 de l’arrêt Vaid, précité, selon lesquels chacun des pouvoirs de l’État (le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire) « se voit garantir une certaine autonomie par rapport aux autres ». La Cour suprême ajoute ce qui suit : « Le privilège parlementaire constitue l’un des moyens qui permettent d’assurer le respect du principe fondamental de la séparation constitutionnelle des pouvoirs ». [Non souligné dans l’original.]

 

[47]           Le Tribunal a également cité les propos tenus par le juge Binnie au paragraphe 20 de l’arrêt Vaid :

Aucune des parties au présent pourvoi ne doute non plus de la nécessité que la Chambre des communes puisse exercer ses activités législatives libre de toute ingérence de la part d’organismes ou d’institutions externes, y compris les tribunaux. Il serait inacceptable, par exemple, qu’un membre de la Chambre des communes à qui le président n’aurait pas accordé la parole pendant la période des questions puisse se prévaloir des pouvoirs d’enquête de la Commission canadienne des droits de la personne pour se plaindre que le choix du président de la Chambre de permettre à un autre de ses membres de s’exprimer constitue un acte discriminatoire fondé sur l’un des motifs illicites énumérés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, ou encore qu’il puisse demander aux tribunaux ordinaires de déclarer que la décision du président est contraire à la Charte parce qu’elle a porté atteinte à sa liberté d’expression. Il s’agit là de véritables questions « internes relevant de la Chambre » que celle‑ci doit régler suivant sa propre procédure […] [Non souligné dans l’original.]

 

[48]           Le reste des propos que tient le juge Binnie dans ce paragraphe et que le Tribunal a omis de citer est le suivant :

Indépendamment de la possibilité d’ingérence externe dans les affaires de la Chambre, une telle intervention de l’extérieur créerait inévitablement des délais, des perturbations et des incertitudes, et elle entraînerait des frais, paralysant les affaires de la nation. Pour cette seule raison, elle serait inacceptable même si, en définitive, les décisions du président de la Chambre étaient jugées appropriées et validées. [Non souligné dans l’original.]

 

[49]           Le Tribunal a interprété ainsi le sens des propos du juge Binnie :

Il n’y a pas de doute que des déclarations faites par un membre de la Chambre des communes constituent une fonction législative inhérente qui fait l’objet de l’immunité liée au privilège parlementaire. Aucune autorité extérieure ne peut non plus s’ingérer dans cette activité. Mais comme nous l’avons déjà déclaré, le privilège parlementaire ne se rapporte pas aux déclarations contenues dans les bulletins parlementaires qui sont distribués aux électeurs. À notre avis, cette situation n’est pas analogue à l’exemple donné par la Cour suprême dans l’arrêt Vaid, précité […] [Non souligné dans l’original.]

 

[50]           Troisièmement, de l’avis du Tribunal, la situation dont il était saisi n’était pas non plus analogue aux faits dont avait été saisie la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Taylor c. Canada (Procureur général), [2000] 3 C.F. 3. Dans cette affaire, une plainte de violation des droits de la personne avait été déposée en vertu de la LCDP à l’encontre d’un juge de la Cour de l’Ontario (Division générale). Dans l’affaire Taylor, le juge avait prétendument ordonné au plaignant, qui avait pris place dans sa salle d’audience, d’enlever un couvre‑chef que sa foi religieuse lui dictait de porter. De l’avis du Tribunal, la Cour d’appel fédérale a jugé, dans l’arrêt Taylor, que « le principe de l’immunité judiciaire s’applique afin d’empêcher que des procédures contre des juges soient engagées devant la Commission et en fin de compte devant le Tribunal ». Puis le Tribunal écrivait que « le principe de l’immunité judiciaire existe pour garantir que les juges exécutent leurs fonctions en toute indépendance et sans crainte ».

 

[51]           Le Tribunal s’est référé à l’argument du demandeur selon lequel, tout comme doit être protégé le principe de l’indépendance de la justice, celui de l’indépendance du pouvoir législatif doit l’être également. Le Tribunal a écarté l’application de l’arrêt Taylor pour son contexte factuel, faisant observer que, selon la Cour d’appel fédérale, « la Cour avait un pouvoir inhérent de rendre des ordonnances pour assurer l’ordre et le décorum dans les salles d’audience au cours des débats », et que « le juge s’était livré à un acte purement judiciaire pour lequel il existe une immunité judiciaire ». [Non souligné dans l’original.]

 

[52]           Quatrièmement, le Tribunal a fait la distinction entre l’affaire dont il était saisi et l’affaire Ontario (Speaker of the Legislative Assembly) c. Ontario (Human Rights Commission) (2001), 54 O.R. (3d) 595, jugée par la Cour d’appel de l’Ontario.

 

[53]           Dans cette affaire, une plainte de violation des droits de la personne avait été déposée auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne, plainte dans laquelle le plaignant affirmait que la récitation quotidienne du Notre Père par le président de l’Assemblée législative de l’Ontario contrevenait au Code des droits de la personne de l’Ontario. De l’avis du Tribunal concernant cette affaire, « la question à trancher par la Cour était celle de savoir si la récitation quotidienne du Notre Père était une question se rapportant de façon inhérente à la conduite des travaux à l’Assemblée législative. La Cour a conclu que c’était le cas et que le Code ne s’appliquait par conséquent pas en raison de l’immunité parlementaire. »

 

[54]           Le Tribunal a conclu sa décision sur ce point par les propos suivants :

Finalement, nous notons en outre que bien que la Cour suprême, dans l’arrêt Re : Alberta Legislation, ait mis l’accent sur l’importance dans notre démocratie de maintenir le droit à l’opinion publique et le droit à la libre discussion, ces droits ne sont pas absolus. La Cour a reconnu que ces valeurs font l’objet de limites légales, comme les dispositions du Code criminel et la common law. La Charte et la LCDP imposent également des limites légales à l’opinion publique et à la libre discussion. [Non souligné dans l’original.]

 

 

3. Analyse

 

a) La norme de contrôle

 

 

[55]           En l’espèce, la norme de contrôle applicable aux conclusions du Tribunal est la décision correcte. C’est la norme qui fut adoptée par ma collègue la juge Tremblay‑Lamer dans le jugement Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2002] 2 C.F. 583, lorsqu’elle avait examiné la décision du Tribunal par laquelle il s’était déclaré compétent à l’égard de la Chambre des communes et de l’ancien président, et compétent aussi à l’égard du demandeur.

 

[56]           Pour arriver à cette conclusion sur la norme de contrôle à appliquer, la juge Tremblay‑Lamer s’est fondée sur un arrêt de la Cour suprême du Canada, Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554. La Cour suprême avait jugé dans cet arrêt que les cours de justice n’ont pas à montrer de retenue envers les conclusions de droit dans lesquelles le Tribunal ne peut revendiquer aucune spécialisation particulière. La juge Tremblay‑Lamer s’est également fondée sur l’arrêt susmentionné de la Cour d’appel de l’Ontario, Ontario (Speaker of the Legislative Assembly) c. Ontario (Human Rights Commission), où le juge Finlayson avait estimé qu’il n’était astreint à aucune retenue [traduction] « sur une question aussi fondamentale que la décision de la Commission de se déclarer compétente à l’égard des activités du président de l’Assemblée législative ».

 

b) Observations juridiques préliminaires

[57]           Eu égard aux motifs exposés par le juge Binnie dans l’arrêt Vaid, précité, les observations préliminaires suivantes constituent, selon moi, le cadre juridique devant présider à l’analyse de la présente affaire.

 

[58]           D’abord, au paragraphe 29.1, il écrit ce qui suit : « Les organismes législatifs créés par la Loi constitutionnelle de 1867 ne constituent pas des enclaves à l’abri de l’application du droit commun du pays ». Il cite l’arrêt de la Cour suprême du Canada New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle‑Écosse (Président de l’Assemblée législative), [1993] 1 R.C.S. 319, aux pages 370 et 371 : « la tradition de retenue judiciaire ne s’applique pas à tous les actes susceptibles d’être accomplis par une assemblée législative, mais se rattache fermement à certaines de ses activités spécifiques, c’est‑à‑dire à ce que l’on appelle les privilèges de ces organismes ». Il cite aussi le rapport du comité mixte du Royaume‑Uni sur le privilège parlementaire, pour qui, [traduction] « le privilège n’englobe pas ni ne protège les activités des individus, qu’ils soient ou non membres de la Chambre, du seul fait qu’elles sont exercées dans l’enceinte parlementaire ». [Non souligné dans l’original.]

 

[59]           Deuxièmement, au paragraphe 29.3, il écrit ce qui suit : « Le privilège parlementaire ne crée pas un hiatus dans le droit public général du Canada; il en est plutôt une composante importante, héritée du Parlement du Royaume‑Uni en vertu du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 et, dans le cas du Parlement du Canada, en vertu de l’article 18 de cette même Loi ».

 

[60]           Troisièmement, au paragraphe 33, il fait la distinction entre les privilèges inhérents et les privilèges établis par voie législative, faisant observer ce qui suit : « Toutefois, contrairement aux provinces, le Parlement fédéral s’est vu conférer, en termes exprès, le pouvoir d’établir des privilèges plus vastes que les privilèges “inhérents” à la création du Sénat et de la Chambre des communes, mais de tels privilèges établis par voie législative ne doivent pas “excéder” les privilèges “possédés et exercés” par la Chambre des communes du Royaume‑Uni et par ses membres au moment de la passation de la loi. » Il cite ensuite l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, puis, au paragraphe suivant, il écrit ce qui suit : « C’est la nature de la fonction exercée (selon le modèle de démocratie parlementaire du Parlement de Westminster) et non l’origine de la règle juridique (selon qu’il s’agit d’un privilège inhérent ou d’un privilège établi par voie législative) qui confère l’immunité contre les examens externes découlant de la doctrine du privilège parlementaire », puis il conclut ainsi : « le privilège parlementaire a le même statut et le même poids constitutionnels que la Charte elle‑même ». [Non souligné dans l’original.]

 

[61]           Quatrièmement, il s’est ensuite référé à l’article 4 de la LPC, affirmant au paragraphe 35 que « Le Parlement a accordé au Sénat et à la Chambre des communes tous les privilèges autorisés par la Constitution. Toutefois, ce faisant, notre Parlement n’a ni énuméré ni décrit les catégories de privilèges ou l’étendue de ces privilèges, sauf par renvoi général aux privilèges que « possédait » la Chambre des communes du Royaume‑Uni. » [Non souligné dans l’original.]

 

[62]           Cinquièmement, il écrit ce qui suit, au paragraphe 36 : « Par conséquent, les privilèges de notre Parlement sont principalement constitués de privilèges “établis par voie législative” et, selon l’article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada, ils seront reconnus en fonction des lois et coutumes de la Chambre des communes du Royaume‑Uni, qui comportent elles‑mêmes à la fois des privilèges établis par voie législative (dont le Bill of Rights de 1689) et des privilèges inhérents ».

 

[63]           Sixièmement, au paragraphe 29.10, il écrit que les catégories ou sphères d’activité auxquelles se rapportent le privilège parlementaire « sont notamment la liberté de parole, le contrôle qu’exercent les Chambres du Parlement sur les débats ou travaux du Parlement, le pouvoir disciplinaire du Parlement à l’endroit de ses membres, et des non‑membres qui s’ingèrent dans l’exercice des fonctions du Parlement », ajoutant que « Historiquement, ces catégories générales sont considérées justifiées par les exigences du travail parlementaire ». [Non souligné dans l’original.]

 

[64]           Septièmement, il écrivait ce qui suit, au paragraphe 29.11 : « Le rôle des tribunaux consiste à s’assurer que la revendication d’un privilège ne permet pas au Parlement, à ses représentants ou à ses employés de se soustraire au régime de droit commun en ce qui a trait aux conséquences de leurs actes lorsque leur conduite outrepasse la portée nécessaire de la catégorie de privilège en cause », pour conclure ainsi, au paragraphe 29.12 : « Les tribunaux peuvent examiner de plus près les affaires dans lesquelles la revendication d’un privilège a des répercussions sur des personnes qui ne sont pas membres de l’assemblée législative en cause, que celles qui portent sur des questions purement internes ». [Non souligné dans l’original.]

 

[65]           Huitièmement, s’exprimant davantage sur le processus analytique en deux étapes, le juge Binnie écrit qu’il faut d’abord se demander si l’existence et l’étendue du privilège allégué « sont établies péremptoirement (par un précédent anglais ou canadien) » et, dans l’affirmative, si « ce privilège devrait être reconnu par les tribunaux canadiens sans qu’il soit nécessaire d’en apprécier la nécessité. Ce résultat contraste avec la situation des provinces car, sans fondement analogue à l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, les privilèges que celles‑ci établissent par voie législative devraient vraisemblablement satisfaire au critère de nécessité » (voir l’arrêt Vaid, précité, paragraphe 37). [Non souligné dans l’original.]

 

[66]           Neuvièmement, au paragraphe 38, le juge Binnie écrit ce qui suit : « Toutefois, bien que l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoie que les privilèges du Parlement canadien et de ses membres ne doivent pas “excéder” les privilèges existant en Grande‑Bretagne, nos Parlements respectifs ne sont pas pour autant privés de toute latitude. Ainsi, il semble probable qu’il puisse exister des “différences”, c’est‑à‑dire des pratiques parlementaires inhérentes au système canadien ou édictées au regard de notre propre expérience. Ces pratiques seraient assujetties au critère de “nécessité” défini en fonction des exigences et circonstances propres à notre Parlement. La Cour examinera cette question en temps et lieu si elle lui est soumise un jour ».

 

c) Analyse et conclusions

(i) Le privilège parlementaire applicable aux publications dont l’auteur est un député

 

[67]           Pour statuer sur ce point, je procéderai à l’analyse requise. La première étape consiste à savoir si le demandeur, appuyé par le président, a signalé des précédents britanniques ou canadiens établissant péremptoirement l’existence d’un privilège parlementaire qui confère à un membre du Parlement l’immunité absolue contre tout examen externe (par les cours de justice, les tribunaux administratifs ou la Couronne) portant sur le contenu et la distribution des bulletins parlementaires adressés par un député à ses commettants.

 

[68]           Je redis ici à quel point est difficile la situation dans laquelle les tenants de cette immunité ont placé la Cour en ne versant pas dans le dossier le bulletin parlementaire contesté ou tout autre bulletin conçu et distribué par le Dr Pankiw.

 

[69]           À mon avis, les tenants de l’immunité n’ont pas prouvé l’existence d’un tel privilège parlementaire.

 

Les précédents britanniques

[70]           Le demandeur et le président invoquent deux précédents d’origine britannique : Davison c. Duncan (1857) 119 E.R. 1233, page 1234, et Wason c. Walter 1868, [1861- 1873] All E.R. 1005, page 114.

 

[71]           À mon avis, ces deux précédents n’établissent pas péremptoirement l’existence d’un privilège parlementaire pour les publications conçues par un député et distribuées par lui à ses commettants. La décision Davison est le principal précédent. Dans cette affaire, le demandeur avait introduit une procédure en diffamation à la suite d’un article, paru dans un journal, qui faisait le compte rendu d’une réunion d’une commission d’assainissement et qui rapportait des propos désobligeants tenus par certains commissaires.

 

[72]           Les juges qui avaient instruit l’affaire avaient fait quelques observations sur le privilège dont jouissait un député dans l’envoi à ses commettants d’un discours qu’il avait prononcé au Parlement. Il s’agissait là d’observations incidentes et, par ailleurs, le privilège mentionné n’était pas une immunité absolue contre un examen externe fait par les cours de justice ou les tribunaux administratifs, mais un privilège conditionnel issu des règles juridiques régissant les procédures en diffamation. Selon Joseph Maingot, ce précédent ne permet pas de conclure à l’existence d’un privilège parlementaire se rapportant à l’envoi de bulletins parlementaires par un député à ses commettants (voir ses observations à la page 47 de son ouvrage, sous la rubrique « Publications destinées à informer les commettants d’un député »). J’ajouterais que, dans la 23e édition (2004) de l’ouvrage d’Erskine May, « Parliamentary Practice », il n’est pas fait mention du précédent Davison.

 

[73]           La décision Wason v. Walter, précitée, se rapproche davantage de la présente affaire. Il s’agissait d’une procédure en diffamation introduite par un justiciable ordinaire qui prétendait avoir été calomnié dans un discours prononcé à la Chambre des communes par un député, discours qui avait été objectivement et fidèlement publié dans le Times. Le juge en chef de la Division du Banc de la Reine avait mis en relief l’importance des communications échangées entre un député et ses électeurs, qui selon lui jetaient les bases d’une défense de privilège conditionnel dans une action en diffamation. Plus exactement, le juge en chef approuvait ce qui avait été dit dans le jugement Davison v. Duncan. Le précédent Wason c. Walter n’intéresse pas lui non plus la question du privilège absolu dans le contexte parlementaire.

 

[74]           Le rapport du comité mixte du Parlement du Royaume‑Uni sur le privilège parlementaire ne permet pas de conclure à l’existence d’une immunité parlementaire pour la correspondance échangée entre un député et ses commettants, et cela pour deux raisons : cette correspondance ne se rapporte pas aux « travaux du Parlement », et la protection exceptionnelle conférée par une immunité parlementaire devrait rester confinée aux activités essentielles du Parlement, sauf s’il existe un besoin urgent d’élargir cette protection. Le comité mixte était d’avis qu’il n’existait pas, du moins à l’époque, une preuve suffisante de difficultés propres à justifier un accroissement aussi considérable de la somme des documents parlementaires protégés par un privilège absolu (voir le rapport du comité mixte, chapitre 2, paragraphes 103 à 112).

 

[75]           Je ferais une autre remarque. Nous n’avons pas ici affaire à un discours, mais à un écrit dont l’auteur est un membre de la Chambre des communes, qui a été publié par ce membre avec l’autorisation de la Chambre, et qui a été imprimé et distribué gratuitement aux électeurs sur les deniers publics. Le problème est selon moi assimilable à celui dont fut saisie la Haute Cour du Royaume‑Uni dans un précédent qui a fait école, Stockdale c. Hansard (1839), 112 E.R. 1112, aux pages 185 à 187. Dans cette affaire, la Haute Cour n’a vu aucun privilège parlementaire dans une résolution de la Chambre des communes du Royaume‑Uni ordonnant l’impression d’un rapport sur les prisons qui avait été déposé sur le bureau de la Chambre et dont le demandeur Stockdale disait qu’il était diffamatoire. La Haute Cour a jugé qu’aucun privilège parlementaire n’était nécessaire pour la publication de tels rapports à l’extérieur du Parlement. Ce précédent fut désavoué par une loi du Parlement du Royaume‑Uni, la Parliamentary Papers Act of 1840, qui dispose plus généralement que toute procédure, pénale ou civile, introduite contre une personne pour la publication de documents sur ordre de l’une ou l’autre des Chambres du Parlement sera immédiatement suspendue dès la production d’un certificat, attesté par affidavit, selon lequel ladite publication a été faite sur ordre ou avec l’autorisation de l’une ou l’autre des Chambres du Parlement (voir Erskine May, à la page 100). La LPC même renferme un privilège semblable, en son article 7.

 

Les précédents canadiens

[76]           Pour ce qui concerne l’examen des précédents canadiens, l’avocat des tenants de l’immunité n’a pu citer aucun précédent tout à fait pertinent susceptible d’établir péremptoirement l’existence d’une protection absolue contre l’examen, judiciaire ou administratif, de remarques censément désobligeantes figurant dans un bulletin parlementaire distribué par un député fédéral.

 

[77]           L’avocat invoque, par analogie, l’arrêt Roman Corp. Ltd. et al. c. Hudson’s Bay Oil & Gas Co. Ltd. et al., [1973] R.C.S. 820, qui confirmait un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, publié : (1971) 23 D.L.R. (3d) 292, lequel confirmait le jugement de première instance du juge Holden, publié : (1971) 18 D.L.R. (3d) 134. La société Roman Corp. avait poursuivi le premier ministre du Canada et le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources, qu’elle accusait d’incitation à rupture de contrat, de complot en vue de causer un préjudice, d’intimidation et d’ingérence illicite dans des intérêts économiques. Les accusations étaient fondées sur des déclarations faites à la Chambre des communes par le premier ministre et le ministre de l’Énergie, et reproduites mot pour mot dans un télégramme envoyé par le premier ministre à la demanderesse, et elles s’appuyaient aussi sur un communiqué de presse émis par le ministre, communiqué qui reprenait pour l’essentiel les propos qu’il avait tenus antérieurement par deux fois à la Chambre des communes.

 

[78]           En première instance, le juge Holden avait estimé que le télégramme et le communiqué de presse, bien que n’étant pas des communications faites dans l’enceinte de la Chambre des communes, bénéficiaient du même privilège que s’il s’était agi de communications faites au sein de la Chambre, et cela parce que le télégramme et le communiqué n’étaient que les suites des déclarations faites par le premier ministre et le ministre et qu’ils entraient donc dans les paramètres de ce privilège. Le résultat de ce jugement fut que les paragraphes de la demande introductive d’instance qui rapportaient les déclarations faites dans le communiqué et dans le télégramme furent radiés. Plus exactement, le juge Holden s’était fondé sur un arrêt du Conseil Privé, A.‑G. Ceylon c. de Livera, [1963] A.C. 103, qui concernait l’interprétation de ce qui constituait le fait « d’agir en qualité de » membre de la Chambre des représentants de Ceylan.

 

[79]           Le juge Aylesworth, de la Cour d’appel de l’Ontario, a confirmé le raisonnement du juge Holden et l’application qu’il avait faite de l’arrêt A.‑G. Ceylon. Selon lui, le point à décider dépendait de la définition de « travaux du Parlement », et il a cité, en les approuvant, les observations suivantes faites par le vicomte Radcliffe à la page 120 du précédent invoqué :

[TRADUCTION] Les mots employés dans la loi ceylanaise Bribery Act, à savoir « en sa qualité de député », ne se sont pas présentés dans cette forme à la Chambre des communes, encore qu’il soit probable qu’ils reprennent eux‑mêmes certains mots qui apparaissent dans l’ouvrage d’Erskine May, Parliamentary Practice (voir par exemple l’actuelle 16e édition de Erskine May, aux pages 122 et 124). La question qui s’est posée à plusieurs reprises concerne l’étendue du privilège d’un membre de la Chambre, sans oublier la question complémentaire, à savoir : en quoi consistent les « travaux du Parlement »? Il ne s’agit pas de la même question que celle dont est saisi maintenant le Comité, et il ne fait aucun doute que le sens qu’il convient de donner aux mots « travaux du Parlement » est influencé par le contexte dans lequel ces mots apparaissent, à l’article 9 du Bill of Rights (1 Wm. & M., Sess. 2, c. 2); mais la réponse donnée à cette question quelque peu plus restreinte dépend d’une considération très similaire : dans quelles circonstances et dans quelles situations un membre de la Chambre exerce‑t‑il sa fonction « réelle » ou « essentielle » de membre? Car, vu le désir tout à fait légitime de la Chambre de confiner ses propres privilèges, ou ceux de ses membres, de telle sorte qu’ils empiètent le moins possible sur les libertés d’autrui, il importe de veiller à ce que ces privilèges n’englobent pas des activités qui n’entrent pas parfaitement dans la fonction véritable d’un membre de la Chambre.

 

 

puis, à nouveau, à la page 121 :

 

[TRADUCTION] Le plus, sans doute, qui puisse être dit est que, en dépit d’une répugnance à affirmer que le privilège d’un membre dépasse ce qui n’est pas purement essentiel, il est généralement reconnu qu’il est impossible d’affirmer que ses seules fonctions légitimes de membre de la Chambre se limitent à ses faits et gestes au sein de la Chambre même. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[80]           Le juge Aylesworth concluait ainsi : [traduction] « En tant que membres du Cabinet, les défendeurs Trudeau et Greene sont nécessairement des membres de l’une ou l’autre des Chambres du Parlement, investis de fonctions grandement élargies, et les privilèges qui s’appliquent au député ordinaire de la Chambre s’appliquent également à eux ». Il poursuivait ainsi : [traduction] « À mon avis, tous deux s’acquittaient respectivement de la “fonction essentielle” évoquée par le vicomte Radcliffe lorsqu’ils avaient envoyé le télégramme et émis le communiqué de presse. Dans le télégramme, M. Trudeau donnait suite à son engagement, envers l’appelante Roman Corp., selon lequel la demanderesse serait informée des lignes directrices qu’allait établir le gouvernement et qui avaient été énoncées le même jour à la Chambre; dans le communiqué de presse, le défendeur Greene annonçait publiquement, et pour l’avantage du public, les lignes directrices qui donnerait effet à la politique gouvernementale telle qu’elle avait été annoncée auparavant au sein de la Chambre. Par conséquent, les actions des deux défendeurs en la matière entraient dans la définition de l’expression “travaux du Parlement” ».

 

[81]           La Cour suprême a quant à elle jugé l’affaire d’après des motifs autres que le privilège parlementaire, et cela « [s]ans être en désaccord avec les vues exprimées dans les cours d’instance inférieure en ce qui a trait au privilège qui s’attache aux déclarations faites devant le Parlement ».

 

[82]           L’arrêt Roman Corp. fut invoqué par le défendeur Ouellet dans l’affaire Re Ouellet n° 1 (1976) 67 D.L.R. (3d) 73, où le ministre de la Consommation et des Corporations de l’époque avait été déclaré coupable d’outrage au tribunal par un juge de la Cour supérieure du Québec pour des observations que le ministre avait faites à son sujet devant deux journalistes. Ce juge avait rendu une ordonnance d’incarcération pour outrage de nature criminelle, ordonnance dont la validité était contestée par le ministre dans une procédure qui fut instruite par le juge Hugessen, alors juge en chef adjoint de la Cour supérieure du Québec. Le juge Hugessen avait estimé que le privilège absolu dont jouit un député au titre des « travaux du Parlement » ne s’étendait pas aux propos diffamatoires tenus devant un journaliste hors de la Chambre comme telle, dans la salle des pas perdus, et le ministre du Cabinet fédéral était passible de sanction pour outrage au tribunal en raison des propos tenus dans ces circonstances s’ils constituaient un outrage. Selon le juge Hugessen, le privilège absolu dont bénéficient les députés vise à protéger la fonction du Parlement, mais cette fonction ne requiert pas que les conférences de presse données par les députés soient considérées comme un exercice à l’abri de toute responsabilité légale.

 

[83]           Le juge en chef adjoint Hugessen avait relevé que le privilège absolu [traduction] « constitue un déni radical du droit de tout citoyen qui se croit lésé de s’adresser aux tribunaux pour obtenir réparation, et [qu’] il ne devrait pas pouvoir être élargi aisément ou à la légère ». Il poursuivait ainsi : [traduction] « Ce n’est pas l’enceinte du Parlement qui est sacrée, mais la fonction, et cette fonction n’a jamais supposé que les conférences de presse données par les députés devraient être vues comme totalement à l’abri d’une responsabilité légale ». [Non souligné dans l’original.]

 

[84]           Au sujet de l’arrêt Roman Corp., le juge Hugessen écrivait que la Cour suprême du Canada [traduction] « s’est expressément abstenue de souscrire ou de ne pas souscrire aux vues exprimées par la Cour d’appel de l’Ontario et par le juge de première instance ». Selon lui, l’arrêt Roman Corp. :

[TRADUCTION] … peut être facilement distingué de la présente espèce. Ainsi que le montrent les rapports, les défendeurs Trudeau et Greene ne faisaient rien de plus, en dehors de la Chambre des communes, que réitérer et étoffer une politique gouvernementale qui avait déjà été annoncée à l’intérieur de la Chambre. Ce n’est pas ce qui s’est produit ici puisque, selon la preuve, le défendeur accordait simplement une entrevue à un journaliste sur une question d’intérêt public […] Nulle part la preuve ne donne à entendre que l’affaire avait été débattue à la Chambre des communes ou qu’une politique gouvernementale avait été préalablement annoncée. À supposer que les prononcés susmentionnés des tribunaux de l’Ontario exposent l’état du droit, je ne serais pas disposé à les appliquer à toute déclaration faite à la presse par un député et portant sur un sujet quelconque. [Non souligné dans l’original.]

 

[85]           Selon le juge Hugessen, les vues exprimées par les tribunaux de l’Ontario [traduction] « me causent beaucoup de difficultés », et cela parce que ces juridictions ont totalement laissé de côté certains précédents et semblent aller à l’encontre de l’arrêt Stockdale, précité. Il a évoqué l’arrêt de Livera, précité, ajoutant que ce précédent [traduction] « est trompeur car dans cette affaire il s’agissait d’une loi selon laquelle constituait une infraction le fait de tenter de corrompre un député “en sa qualité de député” » et que le Conseil privé « a expressément reconnu que la question de savoir en quoi consistent les “travaux du Parlement”, encore qu’il s’agisse manifestement d’une question connexe, est plus étroite que celle de savoir en quoi consistent les attributions d’un député en tant que tel ». Le juge Hugessen concluait par les propos suivants : [traduction] « Il pourrait d’ailleurs difficilement en être autrement. Un député remplit manifestement sa fonction en tant que député lorsqu’il visite ou reçoit ses commettants, qu’il lance des campagnes de financement, qu’il préside des réunions locales ou qu’il exécute d’autres tâches du genre, mais, de là à dire que toutes ces activités sont des travaux du Parlement, il y a un pas que je ne suis pas disposé à franchir. Il a même été jugé qu’un premier ministre provincial qui s’adresse à une assemblée de fidèles de son parti ne jouit même pas d’un privilège conditionnel ». [Non souligné dans l’original.]

 

[86]           Appel fut interjeté du jugement du juge Hugessen devant la Cour d’appel du Québec : arrêt Ouellet (nos 1 et 2) (1976) 72 D.L.R. (3d) 95.

 

[87]           Le juge en chef Tremblay a confirmé le jugement du juge Hugessen. Il a écarté l’application de l’arrêt Roman Corp., qui selon lui était une affaire où [traduction] « le demandeur réprouvait des déclarations faites au sein de la Chambre par le premier ministre du Canada et un autre ministre de la Couronne, annonçant l’intention du gouvernement de déposer un projet de loi destiné à empêcher la conclusion d’une opération […] et réprouvait aussi l’envoi d’un télégramme qui reprenait lesdites déclarations. Le demandeur disait ne pouvoir admettre que les déclarations faites en dehors de la Chambre fussent des “travaux du Parlement” ».

 

[88]           Je mentionne la décision rendue par le juge Evans, juge en chef de la Haute Cour de justice de l’Ontario, dans l’affaire re Clark et al. and the Attorney‑General of Canada (1997) 81 D.L.R. (3d) 33. Dans cette affaire, les demandeurs, tous membres du Parti progressiste‑conservateur fédéral de l’époque avaient déposé devant la Cour suprême de l’Ontario une requête dans laquelle ils sollicitaient plusieurs jugements déclaratoires à propos du Règlement sur la sécurité de l’information relative à l’uranium (le Règlement), pris en vertu de la Loi sur le contrôle de l’énergie atomique. L’une des questions soulevées dans cette affaire était de savoir si, en tant que députés, ils pouvaient communiquer aux médias et aux électeurs une information visée par le Règlement. L’un des jugements déclaratoires que les demandeurs priaient le juge Evans de rendre était un jugement disant que le Règlement n’interdisait pas aux demandeurs ou à un membre quelconque de la Chambre des communes de communiquer ou de révéler tout document du genre au cours du débat parlementaire et à la suite de ce débat.

 

[89]           Dans l’affaire Clark, l’avocat des demandeurs faisait valoir que les membres du Parlement avaient le droit de communiquer l’information à la presse et qu’ils étaient fondés à communiquer l’information à leurs commettants. Le juge en chef Evans a rejeté ces arguments. Il s’est exprimé ainsi :

[TRADUCTION] Le privilège du député est limité et ne saurait être élargi à l’infini pour englober toute personne le long d’une chaîne de communication instituée par le député. Le privilège prend fin à l’étape de la presse. Une fois que la presse a reçu l’information, c’est à elle qu’il revient de dire s’il convient ou non de la publier. Elle ne saurait revendiquer une immunité contre les poursuites en invoquant le privilège parlementaire qui protège le député à l’origine de la divulgation de l’information. La question de savoir si elle peut opposer une défense valide en vertu du Règlement est une autre affaire. Finalement, le député n’a pas le droit de divulguer l’information à qui bon lui semble en dehors du Parlement. La notion de « travaux du Parlement » ne saurait être élargie au‑delà de toute limite logique. Je ne crois pas que le privilège permette au député de communiquer l’information à ses commettants. La notion de « travaux du Parlement » ne saurait être élargie pour englober la fonction d’information exercée par un député. Cela s’accorde avec l’interprétation donnée par la Chambre des communes à propos de la Loi sur les secrets officiels. [Non souligné dans l’original.]

 

[90]           En arrivant à cette conclusion, le juge en chef Evans écrivait qu’il avait considéré les précédents britanniques ainsi que les décisions rendues par les juridictions canadiennes dans l’affaire Roman Corp. Ltd., précitée, faisant observer que le juge Holden s’était appuyé sur les Halsbury’s Laws of England (3e édition, vol. 28, aux pages 457 et 458), pour affirmer qu’une définition exacte et complète de l’expression « travaux du Parlement » n’avait jamais été donnée par les cours de justice, ni par l’une ou l’autre des deux Chambres. Le juge en chef Evans a aussi considéré le propos du juge Aylesworth pour qui [traduction] « la notion judiciaire moderne qui s’attache au sens et à l’application de l’expression “travaux du Parlement” est plus étendue que ce ne fut parfois le cas par le passé ». Si tel était le cas, selon le juge en chef Evans, [traduction] « l’élargissement de cette notion semble certainement être amplement justifié par la complexification de l’administration moderne, et par le développement et l’emploi, dans les affaires publiques, de moyens de communication très perfectionnés ». Il a pris note des observations du juge Aylesworth pour qui [traduction] « Messieurs Trudeau et Greene s’acquittaient de leurs “fonctions essentielles” lorsqu’ils ont fait la déclaration aux médias et envoyé le télégramme ».

 

[91]           La raison pour laquelle le juge en chef Evans est arrivé à la conclusion que le privilège du député ne pouvait être appliqué à l’information envoyée à ses commettants était qu’il ne croyait pas que [traduction] « les fonctions réelles et essentielles d’un député comprennent l’obligation ou le droit de communiquer une information à ses commettants », ajoutant que [traduction] « selon la jurisprudence, le privilège n’est pas illimité, et je ne me crois pas autorisé à l’étendre pour qu’il englobe l’information communiquée à ses commettants par un député ». [Non souligné dans l’original.]

 

[92]           Je suis d’avis que le demandeur et le président n’ont signalé aucun précédent faisant autorité qui atteste l’existence d’un privilège parlementaire pour le contenu de bulletins parlementaires conçus par un député de la Chambre des communes du Canada et distribués par lui à ses commettants. Dans ces conditions, je dois entreprendre la deuxième étape de l’analyse pour savoir si une telle immunité pourrait se justifier par la doctrine de la nécessité dans le monde moderne, afin de préserver la capacité d’un député fédéral à accomplir efficacement sa tâche. Je suis d’avis que cette nécessité n’a pas été démontrée, et cela pour les raisons suivantes.

 

[93]           D’abord, l’avocat du demandeur et du président a invoqué le principe de démocratie, le principe de séparation des pouvoirs, le principe de libre expression d’opinions politiques et enfin l’alinéa 2b) de la Charte, pour prétendre que le Tribunal n’avait pas compétence pour se prononcer sur le contenu de bulletins parlementaires. À mon avis, les arguments avancés au regard de ces principes paraissent en vérité reprendre les arguments mêmes de ceux qui voudraient que la nécessité justifie le privilège allégué. Comme on le verra, je suis d’avis que tels arguments ne sont pas recevables. J’arrive à la conclusion que la nécessité d’une immunité absolue n’est pas justifiée par le principe de démocratie, celui de séparation des pouvoirs, celui de libre expression en matière politique, ni par l’alinéa 2b) de la Charte.

 

[94]           Deuxièmement, vu les motifs exposés dans la décision Ouellet n° 1 par le juge Hugessen, alors juge en chef adjoint de la Cour supérieure du Québec, et ceux exposés par le juge en chef Evans dans la décision Clark, précitée, on ne saurait dire que les activités exercées par un député lorsqu’il conçoit un bulletin parlementaire et qu’il le distribue à ses commettants sont, pour reprendre les propos du Comité mixte britannique sur le privilège parlementaire, propos adoptés par le juge Binnie dans l’arrêt Vaid, précité, au paragraphe 44, si étroitement et si directement liées aux travaux du Parlement que l’intervention des cours de justice serait incompatible avec la souveraineté du Parlement en sa qualité d’assemblée législative et délibérante.

 

[95]           Troisièmement, ni la Chambre des communes de Westminster, ni celle d’Ottawa, n’ont jusqu’à maintenant considéré que l’immunité absolue d’un député dans ses communications avec les électeurs est nécessaire pour l’accomplissement de ses obligations de législateur. Si tel avait été le cas, il eût été possible de modifier l’article 7 de la LPC pour protéger ces activités via le mécanisme de suspension prévu au paragraphe 7(3) de la LPC.

 

[96]           Quatrièmement, une autre preuve de l’absence de nécessité de protéger le contenu des bulletins parlementaires contre l’examen des cours de justice ou celui du Tribunal canadien des droits de la personne est que, lorsque la LPC fut modifiée en 1991 pour renforcer le régime se rapportant au Bureau de régie interne, un régime établi à l’origine en 1985, l’application de la LCDP, qui avait été adoptée en 1977, ne fut pas écartée.

 

[97]           Cinquièmement, les tenants du privilège allégué dans la présente affaire se réfèrent à certaines délibérations de la Chambre des communes portant sur des bulletins parlementaires, délibérations au cours desquelles des membres de la Chambre avaient soulevé des questions entourant les bulletins parlementaires. Plus précisément, leur avocat s’appuie sur un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, The Honourable John Manley, in his capacity as Member of Parliament for Ottawa South c. Telezone Inc. et al. (2004) 69 O.R. (3d) 161, où le juge MacPherson a considéré avec bienveillance les décisions rendues par les présidents d’assemblées législatives en matière de privilège parlementaire :

[TRADUCTION] Les vues des deux présidents ne lient pas la Cour. Cependant, compte tenu de l’expérience et de la notoriété de ces deux parlementaires, et puisque nous avons affaire ici à un différend qui intéresse la définition de ce qu’est un privilège parlementaire, il semble évident que leurs décisions, méticuleuses et réfléchies, appellent une retenue judiciaire considérable. Je défère ici à leurs décisions.

 

[98]           Comme je l’ai dit, l’affidavit de Robert R. Walsh, légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, se réfère, dans ses paragraphes 7 et 8, à six cas où avaient été soulevées à la Chambre des communes, durant 2005, plusieurs questions de privilège dans lesquelles étaient alléguées des violations de privilège se rapportant à la dispense d’affranchissement, aux bulletins parlementaires et aux dix‑pour‑cent. Dans tous ces cas, le président avait estimé qu’il y avait eu à première vue violation de privilège et, dans quatre de ces cas, la question avait été renvoyée de la manière habituelle, pour examen complémentaire, au Comité permanent de la Chambre des communes chargé de la procédure et des affaires de la Chambre. M. Walsh parle aussi de la décision rendue par le président le 15 février 2005, qui réglait la cinquième question de privilège sans qu’elle fût renvoyée à un comité. Finalement, s’agissant de la sixième question de privilège, soulevée le 3 novembre 2005, une question qui concernait le contenu d’un certain bulletin parlementaire, l’affaire avait été débattue à la Chambre au cours de quatre jours de séance.

 

[99]           De plus, le dossier de l’intervenant contenait des extraits des journaux de la Chambre des communes, ainsi que les débats de la Chambre des communes en date du 15 février 2005.

 

[100]       J’ai examiné les documents produits par le président, et mes observations sont les suivantes :

§       la décision du président en date du 15 février 2005 concernait un dix‑pour‑cent, ainsi que l’affirmation selon laquelle la distribution de ce dix‑pour‑cent n’avait pas été autorisée par le député concerné en ce qui avait trait à l’impression et à l’affranchissement;

 

§       le 3 novembre 2005, le président rendait une décision dans laquelle il concluait à une violation apparente de privilège sur une question soulevée par un ministre de la Couronne qui concernait l’envoi, dans sa circonscription, de bulletins parlementaires par plusieurs députés d’un parti d’opposition. Le ministre de la Couronne prétendait que ces bulletins parlementaires envoyés dans sa circonscription renfermaient des faussetés;

 

§       la question de privilège soulevée le 21 mars 2005 par un député concernait un bulletin parlementaire envoyé dans sa circonscription par un parti d’opposition, et la question était de savoir si le bulletin parlementaire en cause était conforme aux lignes directrices se rapportant au contenu des bulletins parlementaires et des dix‑pour‑cent;

 

§       le président évoquait aussi deux questions de privilège soulevées le 3 mai 2005, qui concernaient un bulletin parlementaire que le député avait envoyé à ses commettants, mais dans lequel avait été insérée une carte‑réponse qui semblait avoir été envoyée en tant que dix‑pour‑cent par un autre député, et aussi une autre plainte se rapportant à une question de privilège à propos d’un envoi affranchi que ses commettants avaient reçu du député d’une circonscription voisine.

 

[101]       Il m’est impossible de déduire de ces décisions du président que la Chambre des communes s’est déclarée compétente quant au contenu des bulletins parlementaires et qu’elle a accordé une réparation à une personne, autre qu’un député, qui s’est sentie lésée par le contenu d’un document.

 

[102]       Finalement, les retards, perturbations et incertitudes entraînés par une intervention externe prenant la forme d’une audience tenue devant le Tribunal sont minimisés par l’existence d’autres privilèges parlementaires, par exemple l’impossibilité de délivrer une citation à comparaître à un député au cours d’une session parlementaire.

 

(ii) La démocratie, la séparation des pouvoirs et la libre expression d’opinions politiques

[103]       L’avocat du demandeur et du président a avancé un argument massue et capital selon lequel le pouvoir du Tribunal de statuer sur des plaintes impliquant des députés qui exercent leurs fonctions parlementaires en publiant et distribuant des bulletins parlementaires à leurs commettants serait contraire au principe de démocratie inscrit dans la Constitution canadienne, en raison du rôle exercé par les députés de la Chambre des communes dans l’application de ce principe de démocratie, lequel procède nécessairement : (1) de la nécessité d’une libre expression des opinions politiques et du rôle primordial joué par l’électorat en matière de régulation du discours politique, sauf lorsqu’il est de nature criminelle, (2) de la nécessaire séparation entre la Couronne (le pouvoir exécutif et ses organismes, commissions et tribunaux administratifs) et les cours de justice, d’une part, et les rôles et fonctions des députés, d’autre part, et (3) de l’application de l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

 

[104]       D’après moi, cet argument repose sur deux bases distinctes : (1) l’application et la portée du principe de séparation des pouvoirs dans la démocratie canadienne; (2) l’importance de la libre expression d’opinions politiques, et les limites assignées à cette liberté.

 

[105]       À mon avis, ces deux bases sont nécessairement liées à plusieurs éléments, dont le premier est le débat sur l’étendue et l’existence du privilège parlementaire, parce que l’objet même du privilège parlementaire, avec la protection absolue qu’il suppose par rapport aux autres pouvoirs de l’État, est d’offrir aux législateurs d’une démocratie parlementaire le niveau d’autonomie qui leur est nécessaire pour faire leur travail législatif avec dignité et efficacité.

 

[106]       Dans l’arrêt Vaid, précité, le juge Binnie écrit sans ambiguïté, au paragraphe 21, que « chacun des pouvoirs de l’État se voit garantir une certaine autonomie », et que le privilège parlementaire est l’un des moyens « qui permettent d’assurer le respect du principe fondamental de la séparation constitutionnelle des pouvoirs ». Autrement dit, comme le dit le juge Binnie, l’immunité conférée par le privilège parlementaire a pour objet de protéger la fonction législative, c’est‑à‑dire de donner aux législateurs d’une démocratie parlementaire l’indépendance qui leur est indispensable et le pouvoir exclusif de traiter les questions découlant du champ reconnu des catégories de privilège, compte tenu du principe de nécessité, afin de soustraire la Chambre des communes et ses membres à l’application des lois ordinaires régissant le règlement des différends.

 

[107]       C’est pourquoi la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Vaid, ainsi que d’autres juridictions, ont souligné les effets que le privilège parlementaire peut avoir sur les personnes étrangères à la Chambre quand l’application de ce privilège les touche directement. S’il en est ainsi, c’est parce que le privilège parlementaire est absolu et écarte toute réparation que le droit commun accorderait à un simple citoyen prétendant avoir été lésé par la conduite d’un parlementaire. Dans la présente affaire, les neuf plaignants seraient privés des protections contre la discrimination qui sont offertes par la LCDP, ainsi que des recours qu’elle prévoit, s’il se trouve que le demandeur a contrevenu à ce texte de loi lorsqu’il a distribué son bulletin parlementaire d’octobre 2003 aux électeurs de sa circonscription.

 

[108]       J’ajouterais que, dans l’arrêt de Livera, précité, le vicomte Radcliffe s’était focalisé sur les fonctions réelles et essentielles du député, compte tenu du [traduction] « désir tout à fait légitime de la Chambre de confiner ses propres privilèges, ou ceux de ses membres, de telle sorte qu’ils empiètent le moins possible sur les libertés d’autrui », ajoutant que, à cause de cela, [traduction] « il importe de veiller à ce que ces privilèges n’englobent pas des activités qui n’entrent pas parfaitement dans la fonction véritable d’un membre de la Chambre ». [Non souligné dans l’original.]

 

[109]       Un autre facteur contextuel est le statut qui est aujourd’hui conféré à la LCDP. Comme l’écrit la Cour suprême au paragraphe 81 de l’arrêt Vaid, précité, la LCDP est un texte quasi constitutionnel « qui commande que toute exception à son application soit énoncée clairement », et, s’agissant de l’application de la LCDP aux employés du Parlement, après examen du texte de l’article 2 de cette loi, on constate qu’il n’est nulle part précisé qu’elle ne devait pas s’appliquer aux employés du Parlement et, pour reprendre les mots du juge Binnie, « il n’existe aucune raison de croire que le Parlement avait “l’intention” d’imposer des obligations en matière de droits de la personne à tous les employeurs fédéraux à l’exception de lui‑même ».

 

[110]       Finalement, il existe un lien entre d’une part le privilège parlementaire, avec sa catégorie reconnue que constitue la liberté de parole, et d’autre part la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte. Dans l’arrêt New Brunswick Broadcasting Co., précité, la Cour suprême du Canada avait jugé que « la liberté de la presse garantie par l’alinéa 2b) de la Charte ne l’emportait pas sur le privilège parlementaire, qui fait autant partie que la Charte de notre organisation constitutionnelle fondamentale. Sur des questions relevant de son privilège, l’assemblée législative aurait compétence exclusive pour déterminer si les droits de la personne et les libertés publiques ont été respectés… » (voir le paragraphe 30 de l’arrêt Vaid, précité). [Non souligné dans l’original.]

 

[111]       Compte tenu des facteurs contextuels évoqués plus haut, il m’est impossible, pour les motifs suivants, de souscrire à l’argument avancé par l’avocat du demandeur et du président selon lequel le fait de laisser le Tribunal examiner les plaintes portant sur le contenu des bulletins parlementaires du demandeur porterait atteinte aux principes de démocratie, de séparation des pouvoirs et de libre expression, au point que cette atteinte ne pourrait pas être validée au sens de l’article premier de la Charte.

 

[112]       D’abord, il est bien établi en droit que la démocratie constitutionnelle du Canada respecte le principe de la séparation des pouvoirs, un principe qui, s’agissant de l’indépendance de la Chambre des communes et de ses membres, trouve son mécanisme d’application dans la reconnaissance de l’existence et du champ du privilège parlementaire lié à la liberté d’expression, privilège qui, au Royaume‑Uni, a pour origine le Bill of Rights de 1689 et qui, au Canada, en l’occurrence, n’est autre que le privilège édicté par l’article 7 de la LPC, qui concerne toute affaire civile ou pénale liée à la publication « d’un document quelconque sous l’autorité du Sénat ou de la Chambre des communes ». Je déplore encore une fois ici que la Cour n’ait pas été informée du contenu du bulletin parlementaire en cause ni d’ailleurs d’aucun autre.

 

[113]       À mon avis, il ne sera pas porté atteinte au principe de séparation des pouvoirs si le Tribunal examine le bulletin parlementaire en question. Si je dis cela, c’est parce que je n’ai connaissance d’aucun précédent qui reconnaisse l’existence d’une immunité parlementaire quant à l’information envoyée par un député à ses commettants, et l’existence d’une telle immunité ne serait d’ailleurs pas nécessaire pour le bon exercice des activités législatives et délibérantes d’un député.

 

[114]       Par ailleurs, les bulletins parlementaires ne sont pas visés par le privilège établi par l’article 7 de la LPC. S’ils l’avaient été, le président aurait délivré un certificat qui aurait suspendu l’enquête du Tribunal. C’est l’opinion exprimée par M. Maingot, à la page 74 de son ouvrage, précité.

 

[115]       Deuxièmement, puisqu’il n’existe aucun privilège parlementaire empêchant le Tribunal d’examiner le bulletin parlementaire en question, il y a donc place pour l’application de l’alinéa 2b) de la Charte, ce qui ne serait pas le cas si le bulletin avait été visé par le privilège parlementaire. La question est alors de savoir si le pouvoir du Tribunal d’enquêter sur les plaintes porte atteinte à la garantie énoncée dans l’alinéa 2b) de la Charte, qui prévoit la liberté fondamentale suivante : « liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de presse et des autres moyens de communication ».

 

[116]       Il ne fait aucun doute que la liberté d’expression est l’âme d’une constitution démocratique comme celle du Canada. C’est ce qu’ont reconnu maintes fois nos plus hautes juridictions. Qu’il me suffise de citer l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Re Alberta Legislation, précité, où le juge en chef Duff écrivait ce qui suit :

[TRADUCTION] […] La loi envisage un Parlement qui fonctionne sous le feu de l’opinion publique et du débat public. Nul ne songerait à nier que ce qui rend cette institution efficace, c’est la libre discussion des affaires publiques, la critique et la réponse à la critique, l’attaque menée contre telle ou telle politique ou contre l’administration, et la défense et la contre‑attaque, enfin l’analyse la plus libre et la plus complète possible de chacun des angles des projets politiques. Cela est manifestement vrai pour les ministres de la Couronne, lorsqu’ils exercent leurs responsabilités envers le Parlement, pour les députés lorsqu’ils accomplissent leurs obligations envers les électeurs, et pour les électeurs eux‑mêmes lorsqu’ils élisent leurs représentants.

 

 

[117]       Cela étant dit, il y a toujours un équilibre à établir, parce qu’il y a des limites à la liberté du discours politique. À la même page, le juge en chef Duff poursuivait ainsi :

[TRADUCTION] La liberté de débattre publiquement une question est naturellement sujette à des restrictions légales : celles qui sont fondées sur les considérations de décence et d’ordre public, et d’autres qui sont conçues pour la protection de divers intérêts privés et publics, dont s’occupent par exemple les lois sur la diffamation et la sédition. En un mot, cette liberté s’entend, pour reprendre les mots de lord Wright dans l’arrêt James c. Commonwealth, de la « liberté circonscrite par la loi » [Non souligné dans l’original.]

 

Puis le juge en chef Duff concluait par les mots suivants :

 

[TRADUCTION] Même à l’intérieur de ses limites juridiques, la liberté de débattre telle ou telle affaire publique est susceptible d’abus, voire de graves abus, dont nous avons constamment l’exemple devant nos yeux, mais il est évident que la pratique de cette liberté, malgré sa perversion occasionnelle, constitue l’élément le plus précieux des institutions parlementaires.

 

 

[118]       Avant comme après l’entrée en vigueur de la Charte, notre plus haute juridiction a toujours admis la vaste portée qu’il convient de donner à la notion de liberté d’expression, et en particulier à celle de libre discours politique, mais toujours à l’intérieur de limites reconnues. Je citerai les arrêts suivants :

·      Switzman c. Elbling, [1957] R.C.S. 285, un arrêt qui concernait la Loi du cadenas, votée par l’Assemblée législative du Québec. La Cour suprême du Canada avait jugé que cette loi outrepassait les pouvoirs législatifs de la province énoncés à l’article 92 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Plusieurs des juges avaient saisi l’occasion pour évoquer l’importance de l’expression politique dans une démocratie parlementaire et dire que ce fait constitutionnel devait être mis en balance à l’intérieur de certaines limites. Selon le juge Rand, [traduction] « le débat politique est indivisible, hormis l’incidence du droit criminel et des droits civils, et les effets accessoires des lois sur d’autres matières, le degré et la nature de sa régulation étant en attente d’un examen futur » (voir page 307), et le juge Abbott avait mis en relief l’importance du discours politique, allant jusqu’à dire que le Parlement même ne pouvait pas supprimer le droit de discussion et de débat et que le pouvoir du Parlement de le restreindre se limitait à celui qu’il pouvait exercer en vertu de sa compétence législative exclusive en matière de droit criminel et en matière de lois édictées pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du pays.

·      R c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697, un arrêt qui concernait une disposition du Code criminel interdisant la fomentation volontaire de la haine contre des groupes identifiables. La Cour suprême a jugé que cette activité était protégée par l’alinéa 2b) de la Charte, au motif qu’il s’agissait d’une activité qui transmettait ou tentait de transmettre une signification au moyen d’une forme non violente d’expression et qui par conséquent avait un contenu expressif et relevait du champ du mot « expression » employé dans la garantie conférée par l’alinéa 2b) de la Charte. Cependant, l’interdiction énoncée dans le Code criminel constituait une limite raisonnable à la liberté d’expression, d’une manière qui était justifiée par l’article premier de la Charte, parce qu’elle répondait au triple critère exposé dans l’arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

·      Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, un arrêt rendu le même jour que l’arrêt Keegstra, précité. La Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionnalité du paragraphe 13(1) de la LCDP qui interdit les messages téléphoniques susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris une personne ou un groupe de personnes. Elle a suivi le même raisonnement que dans l’arrêt Keegstra, jugeant que les messages entraient dans le champ du mot « expression », à l’alinéa 2b) de la Charte, mais ajoutant que l’interdiction énoncée dans le paragraphe 13(1) constituait une limite raisonnable dont la justification pouvait se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

·      R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, un arrêt où il s’agissait d’une personne qui avait été accusée de deux chefs de possession de pornographie juvénile en vertu d’une disposition du Code criminel. Dans cette affaire, la Couronne avait admis que la disposition portait atteinte à l’alinéa 2b) de la Charte, mais avait fait valoir que l’atteinte était justifiable en vertu de l’article premier de la Charte. La Cour suprême s’est rangée à cet avis et les accusations furent renvoyées au tribunal de première instance.

·      Harper c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 827, un arrêt où il s’agissait des dispositions de la Loi électorale du Canada relatives au plafonnement des dépenses des tiers. La Cour suprême a jugé à l’unanimité que ces dispositions portaient atteinte à la libre expression politique garantie par l’alinéa 2b) de la Charte. L’avis rédigé par la juge en chef et celui qu’a rédigé le juge Bastarache au nom des juges majoritaires ont tous deux souligné l’importance du discours politique. La juge en chef écrivait que « le discours politique représente la forme d’expression la plus importante et la plus protégée. Il constitue un aspect fondamental de la garantie relative à la liberté d’expression ». Selon le juge Bastarache, la publicité faite par les tiers est une forme d’expression politique et, citant les propos tenus par le juge en chef dans l’arrêt Keegstra, précité, il a réaffirmé que le lien entre la liberté d’expression et le processus politique était sans doute la cheville ouvrière de la garantie énoncée à l’alinéa 2b) et que ce lien tenait dans une large mesure à l’engagement du Canada envers la démocratie. Les juges minoritaires et les juges majoritaires ont exprimé des vues divergentes sur la question de savoir si les limites imposées à la publicité électorale pouvaient être justifiées selon l’article premier. Les juges majoritaires ont estimé qu’elles pouvaient l’être.

 

(iii)  La compétence exclusive du Bureau de régie interne

 

[119]       Je n’admets pas l’argument avancé par l’avocat du demandeur et du président selon lequel le pouvoir exclusif du Bureau de régie interne de « statuer, compte tenu de la nature de leurs fonctions, sur la régularité de l’utilisation — passée, présente ou prévue — par les députés de fonds, de biens, de services ou de locaux mis à leur disposition dans le cadre de leurs fonctions parlementaires » exclut la compétence du Tribunal quant au contenu des bulletins parlementaires. J’arrive à cette conclusion pour les raisons suivantes.

 

[120]       D’abord, l’arrêt Bernier, rendu par la Cour d’appel de l’Ontario, et l’arrêt Fontaine, rendu par la Cour d’appel du Québec, sont ici à propos. Ces deux juridictions ont jugé que le pouvoir exclusif du Bureau de régie interne de décider du bon usage de fonds n’excluait pas la compétence des tribunaux de common law en matière criminelle. Les deux juridictions ont estimé que les fonctions du Bureau n’empiétaient pas sur celles des tribunaux puisque le pouvoir du Bureau se limitait à dire, d’un point de vue administratif et financier, si l’emploi de fonds par un député était légitime d’après les règlements administratifs du Bureau. Sur le plan analogique, il est clair que les fonctions du Tribunal diffèrent de celles du Bureau. Le Tribunal se demande s’il y a eu discrimination dans telle ou telle situation particulière et, dans l’affirmative, il prononce une réparation (voir en particulier le paragraphe 34 de l’arrêt Fontaine, précité).

 

[121]       Deuxièmement, le régime administratif prévu par la LPC quant aux pouvoirs du Bureau et des redressements qu’il peut prononcer n’est nullement comparable au régime de la LRTP, sur lequel devait se prononcer la Cour suprême du Canada dans l’affaire Vaid. Plus précisément :

1.  la LPC ne confère au Bureau aucune compétence à l’égard des plaignants, mais limite plutôt sa compétence aux députés et au personnel de la Chambre des communes (voir l’article 52.3 de la LPC);

 

2.  la LPC ne s’applique pas au contenu des plaintes déposées auprès de la Commission et renvoyées par celle‑ci au Tribunal. Lesdites plaintes se rapportent au contenu du bulletin parlementaire du Dr Pankiw, les plaignants faisant valoir que le contenu de ce bulletin parlementaire était en partie discriminatoire;

 

3.  le Bureau n’a pas le pouvoir d’accorder une réparation aux plaignants. Si le Dr Pankiw a contrevenu aux privilèges de la Chambre, et en particulier au Règlement administratif 102, il semblerait que l’unique redressement que puisse prononcer la Chambre ne concerne que le Dr Pankiw en sa qualité de député (voir l’appendice C, Règlement administratif 102, paragraphe 8 – contravention).

 

[122]       J’arrive à la conclusion que ni la LPC ni les règlements administratifs du Bureau de régie interne ne font obstacle, dans la présente affaire, à l’application du mécanisme d’enquête et de règlement des différends dont il est question dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

(iv)   L’envoi d’un bulletin parlementaire constitue‑t‑il un « service » au sens de la LCDP?

[123]       La question de savoir si la distribution d’un bulletin parlementaire est un « service » au sens des articles 5 et 14 de la LCDP ou si elle relève de son article 12 a été soulevée dans l’avis de requête du demandeur et du président. Lors de l’audition de la requête, le Tribunal a dit qu’il se prononcerait d’abord sur les arguments de la Chambre des communes se rapportant au privilège, à la séparation des pouvoirs et à la liberté d’expression, et que les arguments portant sur la question de savoir si les plaintes relevaient des articles 5, 12 ou 14 seraient examinés ultérieurement.

 

[124]       Je reconnais, avec l’avocat de la Commission, que l’argument avancé devant la Cour par le demandeur et le président est prématuré puisqu’aucune décision n’a été rendue sur cet aspect et qu’il n’y a donc aucune décision que la Cour puisse contrôler à ce stade. Je suis d’accord avec lui que cet argument devrait être rejeté en raison de son caractère prématuré et qu’il pourra être soulevé ultérieurement par l’une quelconque des parties devant le Tribunal.

 

(v)   Les activités du Dr Pankiw relèvent‑elles de la LCDP?

[125]       Le Dr Pankiw n’a pas vigoureusement insisté sur l’argument selon lequel ses activités n’entrent pas dans le champ de la LCDP.

 

[126]       Je souscris au raisonnement du Tribunal, fondé sur l’article 2 de la LCDP, lequel dispose que la LCDP a pour objet de donner effet, « dans le champ de compétence du Parlement du Canada », aux principes visant à l’égalité des chances, principes qui sont exposés dans la LCDP, et je suis d’avis, comme le Tribunal, que le texte de la LCDP est assez large pour englober les déclarations faites par des députés dans des bulletins parlementaires publiés et payés par la Chambre des communes en application d’une loi fédérale, à savoir la LPC.

 

JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens, qui sont payables à la défenderesse par le demandeur et par l’intervenant, selon une répartition qu’ils décideront d’un commun accord ou, en cas de différend, selon la manière que déterminera la Cour.

 

 

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


APPENDICE A

 

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6

Canadian Human Rights Act R.S., 1985, c. H‑6

OBJET

PURPOSE

2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.

2. The purpose of this Act is to extend the laws in Canada to give effect, within the purview of matters coming within the legislative authority of Parliament, to the principle that all individuals should have an opportunity equal with other individuals to make for themselves the lives that they are able and wish to have and to have their needs accommodated, consistent with their duties and obligations as Members of society, without being hindered in or prevented from doing so by discriminatory practices based on race, national or ethnic origin, color, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability or conviction for an offence for which a pardon has been granted.

L.R.C. 1985, ch. H‑6, art. 2; 1996, ch. 14, art. 1; 1998, ch. 9, art. 9.

R.S., 1985, c. H‑6, s. 2; 1996, c. 14, s. 1; 1998, c. 9, s. 9.

Actes discriminatoires

Discriminatory Practices

Refus de biens, de services, d’installations ou d’hébergement

Denial of good, service, facility or accommodation

5. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

a) d’en priver un individu;

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

b) de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

(b) to differentiate adversely in relation to any individual, on a prohibited ground of discrimination.

1976‑77, ch. 33, art. 5.

1976‑77, c. 33, s. 5.

Divulgation de faits discriminatoires, etc.

Publication of discriminatory notices, etc.

12. Constitue un acte discriminatoire le fait de publier ou d’exposer en public, ou de faire publier ou exposer en public des affiches, des écriteaux, des insignes, des emblèmes, des symboles ou autres représentations qui, selon le cas :

12. It is a discriminatory practice to publish or display before the public or to cause to be published or displayed before the public any notice, sign, symbol, emblem or other representation that

a) expriment ou suggèrent des actes discriminatoires au sens des articles 5 à 11 ou de l’article 14 ou des intentions de commettre de tels actes;

(a) expresses or implies discrimination or an intention to discriminate, or

b) en encouragent ou visent à en encourager l’accomplissement.

(b) incites or is calculated to incite others to discriminate

 

if the discrimination expressed or implied, intended to be expressed or implied or incited or calculated to be incited would otherwise, if engaged in, be a discriminatory practice described in any of sections 5 to 11 or in section 14.

1976‑77, ch. 33, art. 12; 1980‑81‑82‑83, ch. 143, art. 6.

1976‑77, c. 33, s. 12; 1980‑81‑82‑83, c. 143, s. 6.

Propagande haineuse

Hate messages

13. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait, pour une personne ou un groupe de personnes agissant d’un commun accord, d’utiliser ou de faire utiliser un téléphone de façon répétée en recourant ou en faisant recourir aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement pour aborder ou faire aborder des questions susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des critères énoncés à l’article 3.

13. (1) It is a discriminatory practice for a person or a group of persons acting in concert to communicate telephonically or to cause to be so communicated, repeatedly, in whole or in part by means of the facilities of a telecommunication undertaking within the legislative authority of Parliament, any matter that is likely to expose a person or persons to hatred or contempt by reason of the fact that that person or those persons are identifiable on the basis of a prohibited ground of discrimination.

Interprétation

Interpretation

(2) Il demeure entendu que le paragraphe (1) s’applique à l’utilisation d’un ordinateur, d’un ensemble d’ordinateurs connectés ou reliés les uns aux autres, notamment d’Internet, ou de tout autre moyen de communication semblable mais qu’il ne s’applique pas dans les cas où les services d’une entreprise de radiodiffusion sont utilisés.

(2) For greater certainty, subsection (1) applies in respect of a matter that is communicated by means of a computer or a group of interconnected or related computers, including the Internet, or any similar means of communication, but does not apply in respect of a matter that is communicated in whole or in part by means of the facilities of a broadcasting undertaking.

Interprétation

Interpretation

(3) Pour l’application du présent article, le propriétaire ou exploitant d’une entreprise de télécommunication ne commet pas un acte discriminatoire du seul fait que des tiers ont utilisé ses installations pour aborder des questions visées au paragraphe (1).

(3) For the purposes of this section, no owner or operator of a telecommunication undertaking communicates or causes to be communicated any matter described in subsection (1) by reason only that the facilities of a telecommunication undertaking owned or operated by that person are used by other persons for the transmission of that matter.

L.R. (1985), ch. H‑6, art. 13; 2001, ch. 41, art. 88.

R.S., 1985, c. H‑6, s. 13; 2001, c. 41, s. 88.

Harcèlement

Harassment

14. (1) Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu :

14. (1) It is a discriminatory practice,

a) lors de la fourniture de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public;

(a) in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public,

b) lors de la fourniture de locaux commerciaux ou de logements;

(b) in the provision of commercial premises or residential accommodation, or

c) en matière d’emploi.

(c) in matters related to employment,

 

to harass an individual on a prohibited ground of discrimination.

Harcèlement sexuel

Sexual harassment

(2) Pour l’application du paragraphe (1) et sans qu’en soit limitée la portée générale, le harcèlement sexuel est réputé être un harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite.

(2) Without limiting the generality of subsection (1), sexual harassment shall, for the purposes of that subsection, be deemed to be harassment on a prohibited ground of discrimination.

1980‑81‑82‑83, ch. 143, art. 7.

1980‑81‑82‑83, c. 143, s. 7.

 


APPENDICE B

 

Loi concernant le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P‑1

 

Parliament of Canada Act, R.S.,

1985, c. P‑1

 

Privilèges, immunités et pouvoirs

 

Privileges, Immunities and Powers

 

Nature

 

Definition

 

Sénat, Chambre des communes et leurs membres

Parliamentary privileges, immunities and powers

4. Les privilèges, immunités et pouvoirs du Sénat et de la Chambre des communes, ainsi que de leurs membres, sont les suivants :

 

4. The Senate and the House of Commons, respectively, and the members thereof hold, enjoy and exercise

 

a) d’une part, ceux que possédaient, à l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1867, la Chambre des communes du Parlement du Royaume‑Uni ainsi que ses membres, dans la mesure de leur compatibilité avec cette loi;

 

(a) such and the like privileges, immunities and powers as, at the time of the passing of the Constitution Act, 1867, were held, enjoyed and exercised by the Commons House of Parliament of the United Kingdom and by the members thereof, in so far as is consistent with that Act; and

 

b) d’autre part, ceux que définissent les lois du Parlement du Canada, sous réserve qu’ils n’excèdent pas ceux que possédaient, à l’adoption de ces lois, la Chambre des communes du Parlement du Royaume‑Uni et ses membres.

 

(b) such privileges, immunities and powers as are defined by Act of the Parliament of Canada, not exceeding those, at the time of the passing of the Act, held, enjoyed and exercised by the Commons House of Parliament of the United Kingdom and by the members thereof.

 

L.R.C. 1985, ch. S‑8, art. 4.

 

R.S., c. S‑8, s. 4.

 

Admission d’office

Judicial notice

5. Ces privilèges, immunités et pouvoirs sont partie intégrante du droit général et public du Canada et n’ont pas à être démontrés, étant admis d’office devant les tribunaux et juges du Canada.

 

5. The privileges, immunities and powers held, enjoyed and exercised in accordance with section 4 are part of the general and public law of Canada and it is not necessary to plead them but they shall, in all courts in Canada, and by and before all judges, be taken notice of judicially.

 

L.R.C. 1985, ch. S‑8, art. 5.

 

R.S., c. S‑8, s. 5.

 

Preuve

Printed copy of journals

6. Dans le cadre d’une enquête sur les privilèges, immunités et pouvoirs du Sénat et de la Chambre des communes, ou de l’un de leurs membres, un exemplaire des journaux de l’une des deux chambres, imprimé ou réputé l’être sur ordre de l’une ou l’autre, est admis en justice comme preuve de l’existence de ces journaux, sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’il a été imprimé sur un tel ordre.

6. On any inquiry concerning the privileges, immunities and powers of the Senate and the House of Commons or of any member of either House, any copy of the journals of either House, printed or purported to be printed by order thereof, shall be admitted as evidence of the journals by all courts, justices and others, without proof that the copy was printed by order of either House.

S.R., ch. S‑8, art. 6.

 

R.S., c. S‑8, s. 6.

 

Publication de documents

 

Publication of Proceedings

 

Poursuites fondées sur un document officiel

Proceedings based on published report

7. (1) Le défendeur dans une affaire civile ou pénale résultant de la procédure intentée et poursuivie de quelque façon que ce soit en relation directe ou indirecte avec la publication, par lui‑même ou son préposé, d’un document quelconque sous l’autorité du Sénat ou de la Chambre des communes peut, après préavis de vingt‑quatre heures donné conformément au paragraphe (2), produire devant le tribunal saisi de l’affaire — ou l’un de ses juges — outre un affidavit l’attestant, un certificat :

 

7. (1) Where any person is a defendant in any civil or criminal proceedings that are commenced or prosecuted in a court in any manner for, on account of or in respect of the publication of any report, paper, votes or proceedings, by that person or the servant of that person, by or under the authority of the Senate or the House of Commons, that person may bring before the court or any judge thereof, after twenty‑four hours notice of intention to do so given in accordance with subsection (2), a certificate

 

a) signé du président ou du greffier du Sénat ou de la Chambre des communes;

 

(a) given under the hand of the Speaker or the Clerk of the Senate or the House of Commons, and

 

b) affirmant que le document en question a été publié par le défendeur ou son préposé, sur l’ordre ou sous l’autorité du Sénat ou de la Chambre des communes.

 

(b) stating that the report, paper, votes or proceedings were published by that person or servant, by order or under the authority of the Senate or the House of Commons, together with an affidavit verifying the certificate.

 

Préavis

Notice of intention

(2) Le préavis prévu par le paragraphe (1) est donné à la partie adverse, directement ou par l’intermédiaire de son procureur.

 

(2) The notice of intention referred to in subsection (1) shall be given to the plaintiff or prosecutor in the civil or criminal proceedings or to the attorney or solicitor of the plaintiff or prosecutor.

 

Arrêt des procédures

Stay of proceedings

(3) Dès la production du certificat visé au paragraphe (1), le tribunal ou le juge arrête les poursuites; celles‑ci ainsi que tous les actes de procédure y afférents sont dès lors réputés éteints ou annulés de par l’application de la présente loi.

(3) On the bringing of a certificate before a court or judge in accordance with subsection (1), the court or judge shall immediately stay the civil or criminal proceedings, and those proceedings and every writ or process issued therein shall be deemed to be finally determined and superseded by virtue of this Act.

L.R.C. 1985, ch. S‑8, art. 7.

 

R.S., c. S‑8, s. 7.

 

Authenticité de l’original et de la copie

Proof of correctness of copy

8. (1) Dans les cas où la publication du document visé au paragraphe 7(1) fait directement ou indirectement l’objet d’une poursuite civile ou pénale, le défendeur peut, à tout stade, produire en justice le document original ainsi qu’un exemplaire de celui‑ci accompagné d’un affidavit certifiant l’authenticité de l’original et la conformité de la copie.

 

8 (1) Where any civil or criminal proceedings are commenced or prosecuted in a court for, on account of or in respect of the publication of any copy of a report, paper, votes or proceedings referred to in subsection 7(1), the defendant, at any stage of the proceedings, may bring before the court, or any judge thereof, the report, paper, votes or proceedings and the copy, together with an affidavit verifying the report, paper, votes or proceedings and the correctness of the copy.

 

Arrêt des procédures

Stay of proceedings

(2) Sur production de l’original et de la copie certifiés par affidavit, le tribunal ou le juge arrête les poursuites; celles‑ci ainsi que tous les actes de procédure y afférents sont dès lors réputés éteints ou annulés de par l’application de la présente loi.

 

 

 

 

L.R.C. 1985, ch. S‑8, art. 8.

 

(2) On the bringing before a court or any judge thereof of any report, paper, votes or proceedings and a copy thereof with affidavit in accordance with subsection (1), the court or judge shall immediately stay the civil or criminal proceedings, and those proceedings and every writ or process issued therein shall be deemed to be finally determined and superseded by virtue of this Act. R.S., c. S‑8, s. 8.

 

Preuve dans le cas de publication d’extraits ou de résumés

Proof in action for printing extract or abstract

9. Dans toute poursuite civile ou pénale occasionnée par l’impression d’un extrait ou résumé du document visé au paragraphe 7(1), le document en question peut être produit à titre de preuve, et le défendeur peut démontrer que l’extrait ou le résumé a été publié de bonne foi et sans intention malveillante; dès lors, si le jury est de cet avis, un verdict de non‑culpabilité est rendu en faveur du défendeur.

9. In any civil or criminal proceedings commenced or prosecuted for printing an extract from or abstract of any report, paper, votes or proceedings referred to in subsection 7(1), the report, paper, votes or proceedings may be given in evidence and it may be shown that the extract or abstract was published in good faith and without malice and, if such is the opinion of the jury, a verdict of not guilty shall be entered for the defendant.

L.R.C. 1985, ch. S‑8, art. 9.

R.S., c. S‑8, s. 9.

SECTION D

DIVISION D

BUREAU DE RÉGIE INTERNE

 

BOARD OF INTERNAL ECONOMY

 

Constitution et organisation

 

Establishment and Organization

 

Constitution

 

Board established

 

50. (1) Est constitué le Bureau de régie interne de la Chambre des communes, dont la présidence est assumée par le président de la chambre.

 

50. (1) There shall be a Board of Internal Economy of the House of Commons, in this section and sections 51 to 53 referred to as “the Board”, over which the Speaker of the House of Commons shall preside.

 

Composition

 

Composition of Board

 

(2) Le bureau est composé du président de la Chambre des communes, de deux membres du Conseil privé de la Reine pour le Canada nommés par le gouverneur en conseil, du chef de l’Opposition ou de son délégué et d’autres députés nommés de la façon suivante :

 

(2) The Board shall consist of the Speaker, two Members of the Queen’s Privy Council for Canada appointed from time to time by the Governor in Council, the Leader of the Opposition or the nominee of the Leader of the Opposition and other Members of the House of Commons who may be appointed from time to time as follows:

 

a) si l’Opposition ne comporte qu’un groupe parlementaire comptant officiellement douze députés ou plus, ce groupe peut nommer deux députés et le groupe parlementaire du parti gouvernemental peut en nommer un;

(a) if there is only one party in opposition to the government that has a recognized Membership of twelve or more persons in the House of Commons, the caucus of that party may appoint two Members of the Board and the caucus of the government party may appoint one Member of the Board; and

b) si l’Opposition comporte plusieurs groupes parlementaires comptant officiellement douze députés ou plus, chacun de ces groupes peut nommer un député et le groupe parlementaire du parti gouvernemental peut en nommer un de moins que le total des membres ainsi nommés par l’ensemble de ces groupes.

 

(b) if there are two or more parties in opposition to the government each of which has a recognized Membership of twelve or more persons in the House of Commons,

 

 

(i) the caucus of each of those parties in opposition may appoint one Member of the Board, and

 

 

(ii) the caucus of the government party may appoint that number of Members of the Board that is one less than the total number of Members of the Board who may be appointed under subparagraph (i).

 

(3) [Abrogé, 1997, ch. 32, art. 1]

(3) [Repealed, 1997, c. 32, s. 1]

Nominations

 

Speaker to inform of appointments

[…]

 

 

Serment ou affirmation solennelle

Oath or affirmation

[…]

 

 

Secrétaire

 

Clerk is Secretary

 

51. Le greffier de la Chambre des communes est le secrétaire du bureau.

 

51. The Clerk of the House of Commons is the Secretary to the Board.

 

L.R. (1985), ch. P‑1, art. 51; L.R. (1985), ch. 42 (1er suppl.), art. 2; 1991, ch. 20, art. 2.

 

R.S., 1985, c. P‑1, s. 51; R.S., 1985, c. 42 (1st Supp.), s. 2; 1991, c. 20, s. 2.

 

Quorum

Quorum

Décès, absence ou empêchement du président

Death, disability or absence of Speaker

[…]

Cas d’urgence

Emergencies

[…]

Rapport

Report of decision

[…]

Mission

Functions of Board

Capacité

Capacity

52.2 (1) Le bureau a, pour l’exercice des pouvoirs et l’exécution des fonctions qui lui sont attribués par la présente loi, la capacité d’une personne physique; à ce titre, il peut :

 

52.2 (1) In exercising the powers and carrying out the functions conferred upon it pursuant to this Act, the Board has the capacity of a natural person and may

 

a) conclure des contrats, ententes ou autres arrangements sous le nom de la Chambre des communes ou le sien;

 

(a) enter into contracts, memoranda of understanding or other arrangements in the name of the House of Commons or in the name of the Board; and

 

b) prendre toute autre mesure utile à l’exercice de ses pouvoirs ou à l’exécution de ses fonctions.

 

(b) do all such things as are necessary or incidental to the exercising of its powers or the carrying out of its functions.

 

Immunité

 

Immunity

 

(2) Les membres du bureau n’encourent aucune responsabilité personnelle découlant de leur participation à l’exercice des pouvoirs ou à l’exécution des fonctions du bureau.

 

(2) Where a Member of the Board participates in the exercise of the powers or the carrying out of the functions of the Board, the Member shall not be held personally liable for the actions of the Board.

 

1991, ch. 20, art. 2.

 

1991, c. 20, s. 2.

 

Mission

 

Function of Board

 

52.3 Le bureau est chargé des questions financières et administratives intéressant :

 

52.3 The Board shall act on all financial and administrative matters respecting

 

a) la Chambre des communes, ses locaux, ses services et son personnel;

 

(a) the House of Commons, its premises, its services and its staff; and

 

b) les députés.

 

(b) the Members of the House of Commons.

 

1991, ch. 20, art. 2.

 

1991, c. 20, s. 2.

 

État estimatif

 

Estimate to be prepared

 

52.4 (1) Avant chaque exercice, le bureau fait préparer un état estimatif des sommes que le Parlement sera appelé à affecter au paiement, au cours de l’exercice, des frais de la Chambre des communes et des députés.

 

52.4 (1) Prior to each fiscal year the Board shall cause to be prepared an estimate of the sums that will be required to be provided by Parliament for the payment of the charges and expenses of the House of Commons and of the Members thereof during the fiscal year.

 

Adjonction au budget et dépôt

 

Estimate to be included in government estimates and tabled

 

(2) Le président transmet l’état estimatif au président du Conseil du Trésor, qui le dépose devant la Chambre des communes avec les prévisions budgétaires du gouvernement pour l’exercice.

 

(2) The estimate referred to in subsection (1) shall be transmitted by the Speaker to the President of the Treasury Board who shall lay it before the House of Commons with the estimates of the government for the fiscal year.

 

1991, ch. 20, art. 2.

 

1991, c. 20, s. 2.

 

Règlements administratifs

 

By‑laws

 

Règlements administratifs

 

By‑laws

 

52.5 (1) Le bureau peut, par règlement administratif :

 

52.5 (1) The Board may make by‑laws

 

a) régir la convocation et le déroulement de ses réunions;

 

(a) respecting the calling of meetings of the Board and the conduct of business at those meetings;

 

b) régir l’utilisation, par les députés, des fonds, biens, services et locaux mis à leur disposition dans le cadre de leurs fonctions parlementaires;

 

(b) governing the use by Members of the House of Commons of funds, goods, services and premises made available to them for the carrying out of their parliamentary functions;

 

c) prévoir les conditions applicables aux députés de gestion et de comptabilisation des fonds visés à l’alinéa b) et à l’article 54;

(c) prescribing the terms and conditions of the management of, and accounting for, by Members of the House of Commons, of funds referred to in paragraph (b) and section 54; and

d) prendre toute autre mesure utile à l’exercice de ses pouvoirs et fonctions.

 

(d) respecting all such things as are necessary or incidental to the exercise of its powers and the carrying out of its functions.

 

Dépôt des règlements administratifs

Speaker to table by‑laws

(2) Le président dépose les règlements administratifs pris aux termes du présent article devant la Chambre des communes dans les trente jours suivant leur adoption.

 

(2) The Speaker shall table before the House of Commons the by‑laws made under this section on any of the first thirty days after the making thereof.

 

Idem

 

Speaker to make by‑laws available

 

[…]

 

 

Loi sur les textes réglementaires

By‑laws not statutory instruments

[…]

 

Opinions

 

Compétence exclusive

 

Exclusive authority

 

52.6 (1) Le bureau a compétence exclusive pour statuer, compte tenu de la nature de leurs fonctions, sur la régularité de l’utilisation passée, présente ou prévue par les députés de fonds, de biens, de services ou de locaux mis à leur disposition dans le cadre de leurs fonctions parlementaires, et notamment sur la régularité de pareille utilisation au regard de l’esprit et de l’objet des règlements administratifs pris aux termes du paragraphe 52.5(1).

 

52.6 (1) The Board has the exclusive authority to determine whether any previous, current or proposed use by a Member of the House of Commons of any funds, goods, services or premises made available to that Member for the carrying out of parliamentary functions is or was proper, given the discharge of the parliamentary functions of Members of the House of Commons, including whether any such use is or was proper having regard to the intent and purpose of the by‑laws made under subsection 52.5(1).

 

Demandes de la part des députés

Members may apply

(2) Les députés peuvent demander au bureau d’émettre un avis au sujet de l’utilisation par eux de fonds, de biens, de services ou de locaux visés au paragraphe (1).

 

(2) Any Member of the House of Commons may apply to the Board for an opinion with respect to any use by that Member of funds, goods, services or premises referred to in subsection (1).

 

1991, ch. 20, art. 2.

 

1991, c. 20, s. 2.

 

Avis durant l’enquête

 

Opinion during investigation

 

52.7 (1) Au cours d’une enquête menée par un agent de la paix relativement à l’utilisation par un député de fonds, de biens, de services ou de locaux visés au paragraphe 52.6(1), l’agent de la paix peut demander au bureau de lui fournir ou le bureau peut, de sa propre initiative, lui fournir un avis au sujet de la régularité de cette utilisation.

 

52.7 (1) During any investigation by a peace officer in relation to the use by a Member of the House of Commons of funds, goods, services or premises referred to in subsection 52.6(1), the peace officer may apply to the Board for, or the Board may, on its own initiative, provide the peace officer with, an opinion concerning the propriety of such use.

 

Prise en considération de l’avis

 

Opinion to be considered

 

(2) Si, dans le cas où un avis a été transmis à un agent de la paix conformément au paragraphe (1), une demande de délivrance d’un acte de procédure est présentée à un juge, l’avis est transmis à celui‑ci, qui le prend en considération dans sa décision de délivrer ou non l’acte.

(2) Where an opinion is provided to a peace officer pursuant to subsection (1) and where an application for a process is made to a judge, the judge shall be provided with the opinion and shall consider it in determining whether to issue the process.

 

Définition d’« acte de procédure »

Definition of “process”

(3) Pour l’application du présent article, « acte de procédure » s’entend au sens des termes ci‑après visés aux articles suivants du Code criminel :

 

(3) For the purposes of this section, “process” means

 

a) article 185 : autorisation d’intercepter une communication privée;

 

(a) an authorization to intercept a private communication under section 185,

 

b) article 462.32 : mandat spécial;

 

(b) an order for a special warrant under section 462.32,

 

c) article 487 : mandat de perquisition;

 

(c) an order for a search warrant under section 487,

 

d) article 462.33 : ordonnance de blocage de biens;

 

(d) a restraint order under section 462.33,

 

e) articles 504 ou 505 : dénonciation;

 

(e) the laying of an information under section 504 or 505,

 

f) article 507 : sommation ou mandat d’arrestation;

 

(f) a summons or an arrest warrant under section 507, or

 

g) article 508 : confirmation d’une citation à comparaître, d’une promesse de comparaître ou d’un engagement.

 

(g) the confirmation of an appearance notice, promise to appear or recognizance under section 508 of the Criminal Code.

 

Autorisation par un juge

 

Issuance of process by judge

 

(4) La délivrance d’un acte de procédure visé aux alinéas (3)c), e), f) et g) qui est fondé sur l’utilisation par un député de fonds, de biens, de services ou de locaux mis à sa disposition dans le cadre de ses fonctions parlementaires doit être autorisée par un juge d’une cour provinciale au sens de l’article 2 du Code criminel.

 

(4) The issuance of a process referred to in paragraphs (3) (c), (e), (f) and (g) that is based on the use by a Member of the House of Commons of any funds, goods, services or premises made available to that Member for the carrying out of parliamentary functions shall be authorized by a judge of a provincial court within the meaning of section 2 of the Criminal Code.

 

1991, ch. 20, art. 2.

 

1991, c. 20, s. 2.

 

Avis d’ordre général

 

General opinions

 

52.8 Le bureau peut en outre émettre des avis d’ordre général touchant la régularité de l’utilisation de fonds, de biens, de services ou de locaux au regard de l’esprit et de l’objet des règlements administratifs pris aux termes du paragraphe 52.5(1).

52.8 In addition to issuing opinions under section 52.6, the Board may issue general opinions regarding the proper use of funds, goods, services and premises within the intent and purpose of the by‑laws made under subsection 52.5(1).

1991, ch. 20, art. 2.

 

1991, c. 20, s. 2.

 

Adjonction de commentaires

 

Comments may be included

 

52.9 (1) Le bureau peut assortir ses avis des commentaires qu’il estime utiles.

 

52.9 (1) The Board may include in its opinions any comments that the Board considers relevant.

 

Publication des avis

 

Publication of opinions

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), le bureau peut, pour la gouverne des députés, publier ses avis en tout ou en partie.

 

(2) Subject to subsection (3), the Board may publish, in whole or in part, its opinions for the guidance of Members of the House of Commons.

 

Confidentialité et notification

 

Privacy and notification

 

(3) Sous réserve du paragraphe (4), le bureau est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité de toute demande d’avis présentée par un député et de lui notifier son avis.

 

(3) Subject to subsection (4), the Board shall take the necessary measures to assure the privacy of any Member of the House of Commons who applies for an opinion and shall notify the Member of its opinion.

 

Communication des avis

 

Making opinions available

 

(4) Pour l’application du paragraphe 52.7(1), le bureau peut, s’il l’estime indiqué, mettre n’importe lequel de ses avis, y compris ceux qu’il a émis aux termes de l’article 52.6, à la disposition de l’agent de la paix.

 

(4) For the purposes of subsection 52.7(1), the Board may, if it considers it appropriate to do so, make any of its opinions, including opinions issued under section 52.6, available to the peace officer.

 

1991, ch. 20, art. 2.

 

1991, c. 20, s. 2.

 

Dissolution du Parlement

 

In case of dissolution

 

53. En cas de dissolution du Parlement, les membres du bureau, le président et le président suppléant sont réputés demeurer en fonctions comme si la dissolution n’avait pas eu lieu, jusqu’à leur remplacement.

 

53. On a dissolution of Parliament, every Member of the Board and the Speaker and Deputy Speaker shall be deemed to remain in office as such, as if there had been no dissolution, until their replacement.

 

L.R.C. 1985, ch. P‑1, art. 53; L.R.C. 1985 (1er suppl.), ch. 42, art. 2; 1991, ch. 20, art. 2.

 

R.S., 1985, c. P‑1, s. 53; R.S., 1985, c. 42 (1st Supp.), s. 2; 1991, c. 20, s. 2.

 

53.1 [Abrogé, 1991, ch. 20, art. 2]

 

53.1 [Repealed, 1991, c. 20, s. 2]

 

Dépenses

 

Expenditure

 

54. L’utilisation et la comptabilisation des fonds dépensés aux termes de la partie IV pour la Chambre des communes, à l’exclusion de ceux consacrés aux traitements et indemnités des secrétaires parlementaires, s’effectuent de la même manière que celles des fonds affectés aux frais de la chambre et des députés sous le régime de la présente section.

 

54. All funds, other than those applied toward payment of the salaries and expenses of Parliamentary Secretaries, expended under Part IV in respect of the House of Commons shall be expended and accounted for in the same manner as funds for defraying the charges and expenses of the House and of the Members thereof are to be expended and accounted for pursuant to this Division.

 

L.R.C. 1985, ch. P‑1, art. 54; 1991, ch. 20, art. 2.

R.S., 1985, c. P‑1, s. 54; 1991, c. 20, s. 2.

 


APPENDICE C

 

1.  RÈGLEMENTS ADMINISTRATIFS DU BUREAU DE RÉGIE INTERNE

RÈGLEMENT ADMINISTRATIF 101- DÉFINITIONS                                     

 

« Fonctions parlementaires »

Les obligations et activités qui se rattachent à la fonction de député, où qu’elles soient exécutées, y compris les affaires publiques ou officielles et les questions partisanes. Ne sont pas comprises dans les fonctions parlementaires les activités relatives aux intérêts commerciaux privés du député ou de sa proche famille.

 

2.  RÈGLEMENT ADMINISTRATIF 102 ÉDICTANT DES RESTRICTIONS ET RÈGLES D’APPLICATION GÉNÉRALE

 

Le Bureau de régie interne, en application de l’article 52.5 de la Loi sur le Parlement du Canada prend le règlement administratif suivant :

 

Pursuant to section 52.5 of the Parliament of Canada Act, the Board of Internal Economy hereby makes the following by‑law:

 

Utilisation des ressources

 

Use of resources

 

1.  Les fonds, biens, services et locaux fournis dans le cadre des règlements ne doivent être utilisés que pour l’exécution des fonctions parlementaires des députés ou pour les affaires qui sont essentielles à ces fonctions ou y sont accessoires.

 

1.  The funds, goods, services and premises provided pursuant to the by‑laws are to be used for the carrying out of Members’ parliamentary functions or for matters which are essential or incidental thereto. 

 

Principes

Principles

2. Dans l’application des règlements, les principes d’application générale suivants doivent être observés :

2.  In applying the by‑laws, the following principles of general application shall be respected:

a)  le Bureau est l’autorité compétente pour déterminer comment les ressources financières et les services administratifs fournis par la Chambre sont utilisés et appliqués;

(a) the Board is the authority that determines how the financial resources and administrative services provided by the House are to be applied and adhered to:

b) dans l’exercice des ses activités et de ses fonctions parlementaires, le député a droit à l’utilisation des ressources financières et des services administratifs mis à sa disposition par la Chambre, sous réserve des pouvoirs conférés au Bureau par la Loi;

 

(b)  in the performance of a Member’s activities and parliamentary functions, a Member is entitled to financial resources and administrative services provided by the House subject to the statutory authority of the Board;

 

c) les activités partisanes sont inhérentes et essentielles aux activités et aux fonctions parlementaires du député;

 

(c)  partisan activities are an inherent and essential part of the activities and parliamentary functions of a Member;

 

d) le député jouit des droits, immunités et indépendance d’ordre constitutionnel applicables à sa fonction de façon qu’il puisse exercer ses activités et ses fonctions parlementaires sans ingérence ni intimidation;

 

(d)  a Member has the constitutional rights, immunities and independence applicable to that office in the performance of the activities and parliamentary functions free from interference or intimidation; and

 

e) le député jouit d’une discrétion absolue dans la direction et le contrôle du travail exécuté pour son compte par des employés ou des entrepreneurs indépendants et n’est soumis, dans l’exercice de cette discrétion, qu’à l’autorité du Bureau et de la Chambre des communes.

 

(e) a Member is allowed full discretion in the direction and control of the work performed on the Member’s behalf by employees and independent contractors and is subject only to the authority of the Board and the House of Commons in the exercise of that discretion.

 

Infraction au règlement

 

Contravention of by‑law

 

8.(1)  Dans les cas où une personne à qui les présents règlements s’appliquent contrevient à ces règlements, le Bureau peut prendre les mesures suivantes :

8. (1) If a person to whom these by‑laws apply contravenes the by‑laws:

a) aviser le député responsable, par écrit, de devoir rectifier la situation,

(a) the Board may give written notice to the Member responsible, requiring the Member to rectify the situation, and

b) si la situation n’est pas rectifiée à sa satisfaction, ordonner la retenue de toute somme d’argent requise pour rectifier la situation sur tout budget, indemnité, allocation ou autre paiement pouvant être mis à la disposition de député aux termes des règlements,

(b) if the situation is not rectified to the satisfaction of the Board, the Board may order any amount of money to rectify

the situation to be withheld from any budget, allowance or other payment that may be made available to the Member under the by‑laws, and

c) si la contravention se poursuit ou s’il l’estime nécessaire pour sauvegarder les fonds de la Chambre des communes, ordonner le blocage, pour le temps et aux conditions qu’il estime nécessaires, de tout budget, indemnité, allocation ou autre paiement pouvant être mis à la disposition du député aux termes des règlements.

 

(c) if the contravention continues, or if the Board considers it necessary to protect House of Commons funds, the Board may order that any budget, allowance or other payment that may be made available to the Member under the by‑laws be frozen for such time and on such other conditions as the Board considers necessary.

 

2.  Le paragraphe (1) n’a pas pour effet de porter atteinte aux autres recours au civil dont le Bureau dispose.   

 

2.  Subsection (1) does not affect any other civil remedy that may be made available to the Board. 

 

 

 

3.  RÈGLEMENT ADMINISTRATIF 301 CONCERNANT LES BUREAUX DES DÉPUTÉS

 

Objet

Purpose

Le présent règlement a pour objet de déterminer les ressources devant être mises à la disposition de chaque député pour ses bureaux de la Chambre des communes et de sa circonscription.

 

The purpose of this by‑law is to prescribe the resources to be provided for each Members’ offices at the House of Commons and in the constituency

 

3. Sont fournis au député, aux conditions fixées par le Bureau, les biens et services déterminés par ce dernier, y compris :

 

3. Every Member shall be provided with goods and services as directed by and subject to the conditions set by the Board, including:

 

d) sous réserve du paragraphe 3f) l’impression de quatre envois collectifs par année civile;

 

(d) subject to the provisions of section 3(f) printing of four householder mailings per calendar year;

 

(e) […]

 

(e) …

 

(f)l’impression et la reproduction des documents fournis par le député, à l’exception de ce qui suit :

(f) printing or copying of material provided by the Member, except:

(i) les demandes d’adhésion à  tout parti politique

(i) solicitations of membership to any political party;

(ii) les sollicitations de contributions pécuniaires à tout parti politique;

(ii) solicitations of monetary contributions for any political party;

(iii) la documentation servant aux campagnes électorales provinciales, municipales ou locales, notamment les discours, les listes des recenseurs, les listes des militants bénévoles d’un parti ou d’une circonscription, ce qui se rapporte aux activités des bureaux de scrutin et les demandes d’appui en vue d’une réélection;

(iii) provincial, municipal or local election campaign material, including speeches, enumerators’ lists, poll activities and request for re‑election support;

(iv) la reproduction intégrale de publications qu’il est possible d’obtenir des Services postaux, distribution et messagers de la Chambre des communes, d’un ministère ou d’une entreprise commerciale;

(iv) entire reproduction of publications available from the Postal, Distribution and Messenger Services of the House of Commons, a government department or a commercial source;

(v) les travaux que les Services de l’information – Impressions n’est pas, sur le plan technologique, en mesure d’exécuter;

(v) work that the information Services – Printing is not technologically equipped to undertake;

(vi) les demandes qui violeraient un droit d’auteur, à moins d’une autorisation obtenue du titulaire de ce droit;

(vi) a request that would infringe a copyright in the material, unless permission has been obtained from the owner of the right;

s’il s’agit d’une grosse demande, les documents qui ont déjà été reproduits pour le député au cours de la même année.

 

(vii) in the case of a large volume request, material has been copied previously that year for the Member.

 

g) l’application :

(g) the administration of the mailing privileges

[…]

(ii) de la franchise postale prévue par le paragraphe 35(3) de la Loi sur la Société canadienne des postes pour l’expédition de quatre envois collectifs par année civile à chacun des domiciles de la circonscription.

[…]

(ii) provided by subsection 35(3) of the Canada Post Corporation Act to send four mailings a calendar year to every householder in the constituency, ….

 


APPENDICE D

 

Manuel des allocations et services aux députés

 

 

a) SERVICES D’IMPRESSION

Les députés ont droit aux services suivants d’impression, aux frais de l’Administration de la Chambre :

Consultation, planification et production de ce qui suit :

bulletins parlementaires, dix‑pour‑cent, papeterie personnalisée et cartes d’affaires (jusqu’à 2 000), photocopie en gros, y compris jusqu’à 10 exemplaires des transcriptions des comités, et reliures.

 

b) BULLETINS PARLEMENTAIRES

Les bulletins parlementaires sont des documents imprimés envoyés par les députés à leurs électeurs pour les informer des activités et des dossiers parlementaires. Les députés peuvent faire imprimer et expédier jusqu’à quatre bulletins parlementaires par année civile : trois entre le 1er janvier et le 15 octobre et un autre entre le 16 octobre et le 31 décembre. Il doit y avoir un intervalle de 30 jours civils entre les demandes d’impression de bulletins parlementaires soumises entre le 1er janvier et le 15 octobre [non souligné dans l’original]

 

Les bulletins parlementaires non utilisés d’une période ne peuvent être reportés à la période ou à l’année suivante.

 

Pour chaque bulletin parlementaire, la quantité produite aux frais de l’Administration de la Chambre ne peut dépasser le nombre total de foyers ayant une adresse résidentielle ou rurale, d’entreprises et de membres des Forces armées canadiennes qui sont enregistrés comme électeurs dans la circonscription du député. Les députés qui ont besoin d’exemplaires supplémentaires peuvent les faire imprimer et expédier et en imputer le coût à leur budget de bureau du député.

 

L’affranchissement des bulletins parlementaires supplémentaires est assujetti au tarif préférentiel en vrac établi par la Société canadienne des postes et est imputable au budget de bureau du député. Ce tarif préférentiel pour les députés ne s’applique qu’aux bulletins confiés aux Services postaux et de distribution de la Chambre des communes. Les bulletins parlementaires expédiés par l’entremise d’un autre bureau de poste sont affranchis au tarif postal normal. Pour la liste des tarifs en vigueur, voir l’annexe Barème des allocations et taux divers, figurant à la fin du chapitre sur les budgets.

 

Le Bureau de régie interne approuve les couleurs et les formats des bulletins parlementaires. Pour de plus amples renseignements, consulter les Services d’impression.

 

c) DIX‑POUR‑CENT

Les dix‑pour‑cent sont des documents imprimés ou photocopiés reproduits en nombre ne dépassant pas 10 p. 100 du nombre total de foyers se trouvant dans la circonscription d’un député. Tout document reproduit en nombre supérieur à ce pourcentage sera considéré comme un bulletin parlementaire et déduit du nombre de bulletins parlementaires autorisés du député.

 

Chaque dix‑pour‑cent est produit en noir et blanc et doit avoir un contenu textuel qui diffère de moitié à chaque tirage. Chaque document ne peut être imprimé qu’une fois par exercice et doit provenir du député. Le nom du député qui en est l’auteur doit paraître en évidence sur chaque dix‑pour‑cent.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑1329‑05

 

INTITULÉ :                                       JIM PANKIW

c.

LA Commission canadienne des droits de la personne ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               les 26 et 27 juin 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                      le 21 décembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Chaplin et

Melanie J. Mortensen

POUR LE DEMANDEUR ET L’INTERVENANT

 

Philippe Dufresne

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bureau du légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes

POUR LE DEMANDEUR

 

Commission canadienne des droits de la personne

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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