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Date : 20061218

Dossier : DES-4-01

Référence : 2006 CF 1514

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE Layden-Stevenson

 

ENTRE :

MAHMOUD ES-SAYYID JABALLAH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]        Les présents motifs concernent une demande par laquelle M. Jaballah sollicite une exemption constitutionnelle à l’égard du délai de 120 jours prescrit au paragraphe 84(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), et font suite aux motifs que j’ai rendus le 31 octobre 2006 dans la décision Jaballah c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1316. Dans cette décision, j’ai conclu que la Cour n’a pas compétence pour poursuivre le contrôle des motifs de détention prévu à l’article 83 de la LIPR dans le cas où le contrôle a été entrepris mais n’a pas été terminé, lorsque la décision sur le certificat a été rendue en vertu de l’article 80 de la LIPR. Pour les motifs qui suivent, je conclus que M. Jaballah n’a pas établi qu’il y lieu d’accorder une exemption constitutionnelle.

 

Contexte

[2]        M. Jaballah, ressortissant égyptien, est arrivé au Canada le 11 mai 1996 avec sa femme, Husnah Mohammad Al-Mashtouli, et les quatre enfants du couple. Mme Al-Mashtouli et les quatre enfants sont des réfugiés au sens de la Convention; M. Jaballah ne l’est pas. Deux enfants, nés après l’arrivée de la famille au Canada, sont citoyens canadiens.

 

[3]        M. Jaballah est visé par un certificat de sécurité délivré le 13 août 2001. Il est en détention depuis le 14 août 2001. On trouvera ci-dessous, résumés succinctement, les faits cruciaux relatifs à la question soulevée en l’espèce.

•           Le 1er juillet 2002, M. Jaballah a présenté au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration une demande de protection en vertu de l’article 112 de la LIPR.

•           Le 23 mai 2003, le juge MacKay a conclu que le défaut des ministres de statuer sur la demande de protection de M. Jaballah constituait un abus de procédure. Il a conclu que le certificat de sécurité était raisonnable.

•           Le 27 février 2004, le juge MacKay a rejeté la demande de mise en liberté de M. Jaballah présentée en vertu du paragraphe 84(2) de la LIPR.

•           Le 23 juillet 2004, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du juge MacKay en date du 23 mai 2003 au sujet de l’abus de procédure mais a annulé, pour des motifs de compétence, la décision concernant le caractère raisonnable du certificat de sécurité.

•           Au cours du réexamen du caractère raisonnable du certificat de sécurité, M. Jaballah a demandé sa mise en liberté à titre de réparation constitutionnelle eu égard à la durée de sa détention.

•           Le 1er février 2006, le juge MacKay a reconnu le caractère exceptionnel et particulier des circonstances de l’espèce et accordé à M. Jaballah une réparation constitutionnelle en vertu des paragraphes 15(1) et 24(1) de la Charte, soit la présentation d’une demande de mise en liberté. La demande de mise en liberté a été refusée.

•           Entre le 1er février 2006 et le 23 juin 2006, M. Jaballah a présenté diverses requêtes à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale, qu’il n’est pas nécessaire d’exposer en détail en l’espèce.

•           Le 23 août 2006, le juge MacKay a rejeté plusieurs requêtes de M. Jaballah, dont une requête de report des audiences relatives au certificat de sécurité. Ces audiences ont eu lieu au milieu du mois de septembre 2006.

•           Le 18 septembre 2006, j’ai commencé une audience concernant la demande de mise en liberté de M. Jaballah en vertu de l’article 83 de la LIPR. L’audience publique a débuté le 6 octobre.

•           Le 16 octobre, le juge MacKay a conclu au caractère raisonnable du certificat de sécurité délivré par les ministres.

•           Après avoir entendu les observations des avocats le 20 octobre, j’ai rendu la décision suivante dans une ordonnance en date du 31 octobre 2006 :

                        (1)           La Cour n’a pas la compétence d’appliquer le critère prévu au paragraphe 83(3) de la LIPR après qu’une décision a été rendue au sujet du certificat de sécurité;

                                (2)           Le pouvoir de la Cour d’effectuer directement un contrôle des motifs de la détention prévu au paragraphe 84(2) n’existe que si une exemption constitutionnelle du délai de 120 jours (à compter de la date de la décision sur le certificat) est accordée;

                                (3)           À moins d’une demande contraire des parties, auquel cas une téléconférence sera organisée entre les avocats et la Cour, M. Jaballah devra signifier et déposer, au plus tard le 8 novembre 2006, des observations écrites à savoir si l’exemption constitutionnelle du délai de 120 jours prévu au paragraphe 84(2) devrait être accordée. Les ministres devront signifier et déposer des observations en réponse au plus tard le 14 novembre 2006 et M. Jaballah devra signifier et déposer sa propre réponse au plus tard le 17 novembre 2006.

 

•           Le 8 novembre, l’avocat de M. Jaballah a demandé [traduction] « l’organisation d’une téléconférence entre les parties et la Cour sur la question du “renvoi dans un délai raisonnable” à traiter dans les observations qui doivent être soumises à la Cour ». La téléconférence a eu lieu le 10 novembre et, à la demande des avocats, le calendrier des observations écrites a été modifié de la manière suivante :

[traduction]

 

a)            les observations de M. Jaballah doivent être signifiées et produites au plus tard le mardi 14 novembre 2006;

b)            la réponse des ministres doit être signifiée et produite au plus tard le lundi 20 novembre 2006;

c)            la réponse de M. Jaballah à la réponse des ministres doit être signifiée et produite au plus tard le vendredi 24 novembre 2006.

 

Sur tous les autres points, les dispositions de mon ordonnance datée du 31 octobre 2006 demeurent inchangées.

 

•           Les dernières observations ont été produites le 27 novembre.

 

La question en litige

[4]        La seule question à trancher, selon la formulation de M. Jaballah, est la suivante : [traduction] « il s’agit de savoir si M. Jaballah a droit à une exemption constitutionnelle à l’égard du délai d’attente de 120 jours prévu au paragraphe 84(2) de la LIPR de sorte que le contrôle des motifs de détention commencé en vertu de l’article 83 puisse maintenant être poursuivi en vertu du paragraphe 84(2) ».

 

Les dispositions législatives et réglementaires

[5]        Les dispositions législatives applicables sont jointes aux présent motifs à titre d’annexe A. Par souci de commodité, le paragraphe 84(2) de la LIPR est reproduit ci-dessous.

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

L.C. 2001, ch. 27

 

84. (2) Sur demande de l’étranger dont la mesure de renvoi n’a pas été exécutée dans les cent vingt jours suivant la décision sur le certificat, le juge peut, aux conditions qu’il estime indiquées, le mettre en liberté sur preuve que la mesure ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable et que la mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui.

 

Immigration and Refugee Protection Act,

S.C. 2001, c. 27

 

84. (2) A judge may, on application by a foreign national who has not been removed from Canada within

120 days after the Federal Court determines a certificate to be reasonable, order the foreign national’s release from detention, under terms and conditions that the judge considers appropriate, if satisfied that the foreign national will not be removed from Canada within a reasonable time and that the release will not pose a danger to national security or to the safety of any person.

 

 

[6]        Les paragraphes 241(1) et (2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), sont également pertinents :

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés,

DORS/2002-227

 

241. (1) En cas d’exécution forcée, l’étranger est renvoyé vers l’un des pays suivants :

 

a) celui d’où il est arrivé;

 

b) celui où il avait sa résidence permanente avant de venir au Canada;

 

c) celui dont il est le citoyen ou le national;

 

d) son pays natal.

 

(2) Si aucun de ces pays ne veut recevoir l’étranger, le ministre choisit tout autre pays disposé à le recevoir dans un délai raisonnable et l’y renvoie.

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

 

 

241. (1) If a removal order is enforced under section 239, the foreign national shall be removed to

 

(a) the country from which they came to Canada;

(b) the country in which they last permanently resided before coming to Canada;

(c) a country of which they are a national or citizen; or

 

(d) the country of their birth.

 

(2) If none of the countries referred to in subsection (1) is willing to authorize the foreign national to enter, the Minister shall select any country that will authorize entry within a reasonable time and shall remove the foreign national to that country.

 

 

[7]        À l’appui de sa demande de mise en liberté, M. Jaballah invoque les articles 7 et 9 ainsi que le paragraphe 24(1) de la Charte :

Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), partie I, Charte canadienne des droits et libertés

 

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[…]

 

9. Chacun a droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires.

 

24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

[…]

 

Constitution Act, 1982, Schedule B to the Canada Act 1982 (U.K.) 1982, c. 11, Part I, Canadian Charter of Rights and Freedoms

 

 

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

[…]

 

9. Everyone has the right not to be arbitrarily detained or imprisoned.

 

 

24. (1) Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances.

[…]

 

Les paramètres

[8]        Avant d’examiner les observations, il est utile d’exposer les paramètres dans lesquels s’inscrivent ces observations :

•           L’objet du paragraphe 84(2) est d’assurer que les autorités feront preuve de diligence dans le renvoi d’un ressortissant étranger qui a été détenu pour des motifs de sécurité : Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 3 R.C.F. 142 (C.A.) (Almrei).

•           Normalement, le délai de 120 jours prévu au paragraphe 84(2) constitue une garantie contre la détention arbitraire.

•           La période de 120 jours [du paragraphe 84(2)] est calculée à partir de la date à laquelle le certificat des ministres a été jugé raisonnable de sorte que le temps passé en détention avant cette date n’est généralement pas un facteur, et la période de 120 jours, après que le certificat est maintenu, n’est pas prise en considération lors de l’évaluation de la question de savoir si la mise en liberté dans l’avenir n’aura pas lieu dans un délai raisonnable. La période de 120 jours n’est pas une période de temps raisonnable en soi, sauf comme condition nécessaire d’une demande présentée en vertu du paragraphe 84(2). Toutefois, l’historique des événements peut soulever un doute sur la fiabilité de l’affirmation (et de la preuve soumise) selon laquelle le renvoi est imminent ou « certain »: Almrei; Jaballah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 247 F.T.R. 68 (C.F.).

•           M. Jaballah ne conteste pas la constitutionnalité du paragraphe 84(2). Il cherche à être exempté de l’application d’une partie des dispositions visées.

•           M. Jaballah étant en détention, il est incontestable que l’article 7 de la Charte s’applique. Cela ne signifie toutefois pas qu’il y a manquement à l’article 7.

•           La demande antérieure de mise en liberté de M. Jaballah a été rejetée le 1er février 2006.

•           M. Jaballah est détenu parce que deux ministres fédéraux sont d’avis qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’il s’est livré au terrorisme. La Cour a conclu que cette opinion était raisonnable.

•           Faisant référence à sa décision selon laquelle l’avis certifié des ministres est raisonnable, le juge MacKay, a déclaré que « [p]ar déduction, cette opinion signifie que sa présence continue au Canada, sans restrictions, constituerait un danger pour la sécurité du pays ».

•           M. Jaballah concède, en l’espèce, qu’il constitue un « danger pour la sécurité nationale », selon la définition et l’interprétation de la LIPR (les ministres n’allèguent pas qu’il constitue un danger pour la sécurité d’autrui). Néanmoins, il soutient que le « danger » peut être neutralisé par une mise en liberté assortie de conditions rigoureuses.

•           L’ordonnance du juge MacKay du 16 octobre 2006 (statuant que le certificat de sécurité des ministres est raisonnable) interdit au ministre de renvoyer M. Jaballah « vers un pays quelconque où il s’expose à un risque sérieux de torture ou de mort ou de peine cruelle et inusitée ». Dans ses motifs, le juge MacKay mentionne expressément l’Égypte (dans le contexte de l’examen de l’expulsion vers un pays où il s’exposerait à un risque important de torture ou de violation des droits de la personne).

•           Le juge Mackay indique également dans ses motifs que l’interdiction ne signifie pas qu’il est impossible d’expulser M. Jaballah. Il a plutôt conclu, au paragraphe 84 :

Il incombe au [ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration] de l’expulser, dès que cela peut être raisonnablement fait, s’il ne quitte pas le Canada de son plein gré (paragraphe 48(2) de la LIPR) [...] En vertu de la Loi actuelle, le ministre peut s’acquitter de sa responsabilité en expulsant M. Jaballah vers un pays où il ne risque pas d’être torturé. Si cela s’avère impossible dans un délai raisonnable, et si la situation vient à changer, de sorte que l’on puisse juger que le risque sérieux de torture auquel il s’exposerait s’il était renvoyé dans son propre pays a essentiellement disparu, il pourrait dans ce cas être expulsé vers son propre pays ou un autre qui, perçoit‑on, l’expose aujourd’hui à un risque sérieux de torture, ou pire.

 

•           M. Jaballah soutient que l’Égypte est le seul pays vers lequel le ministre a publiquement considéré de le renvoyer. Le ministre ne prétend pas le contraire.

Après avoir exposé le contexte et les paramètres dans lesquels s’inscrit l’argumentation des parties, je passe maintenant à leurs observations.

 

Les positions des parties

M. Jaballah

[9]        M. Jaballah fait valoir qu’en raison des circonstances exceptionnelles et inusitées de sa situation, il est contraire à la Charte de reporter le contrôle judiciaire des motifs justifiant le maintien en détention pour période additionnelle de 120 jours. C’est l’effet anticonstitutionnel du délai de 120 jours qui l’incite à demander, à titre de réparation individuelle en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte, une exemption du délai prescrit.

 

[10]      En ce qui concerne les circonstances particulières de son cas, M. Jaballah rappelle qu’il est détenu depuis plus de cinq ans. La procédure relative au certificat de sécurité est censée être expéditive. Par conséquent, il apparaît que sa détention a duré beaucoup plus longtemps que l’intention ou la volonté du législateur le prévoyait. Cette détention a eu sur lui des effets graves et profonds, tant physiques que psychologiques.

 

[11]      M. Jaballah affirme que la décision du juge MacKay en date du 16 octobre 2006 limite grandement les pouvoirs du ministre de procéder au renvoi. La Cour est largement justifiée de conclure qu’il ne sera vraisemblablement pas renvoyé dans un délai raisonnable. Par conséquent, accorder une exemption constitutionnelle répondrait au principal objectif du paragraphe 84(2) qui est de permettre le contrôle judiciaire des motifs justifiant le maintien en détention dans un cas où le renvoi ne sera vraisemblablement pas exécuté dans un délai raisonnable.

 

[12]      M. Jaballah soutient en outre que l’exemption constitutionnelle permet d’éviter l’inéquité que constituent l’interruption de la procédure de mise en liberté en cours et le report de la décision sur le bien-fondé du maintien en détention. Selon M. Jaballah, en faisant valoir que le contrôle judiciaire de la détention prévu à l’article 83 pouvait se poursuivre après la décision concernant le certificat, les ministres ont accepté implicitement que le contrôle judiciaire des motifs de la détention puisse avoir lieu maintenant.

 

Les ministres

[13]      Les ministres soulignent qu’il incombe à M. Jaballah d’établir les raisons pour lesquelles il devrait être traité différemment de toute autre personne assujettie au délai de 120 jours prévu au paragraphe 84(2) de la LIPR. Ils prétendent que la demande d’exemption constitutionnelle est fondée sur une hypothèse de M. Jaballah (tout de même appuyée sur une vue raisonnable des faits) selon laquelle le délai de 120 jours n’aura aucune fin utile en l’espèce. La Cour n’a pas la latitude voulue pour accorder une réparation constitutionnelle exceptionnelle sur le fondement d’une hypothèse.

 

[14]      De plus, les ministres sont d’avis qu’en accordant l’exemption constitutionnelle, ils iraient à l’encontre de la loi que le Parlement a adoptée et de l’objet de la disposition visée. Il est absurde de suggérer que les ministres devraient être tenus responsables d’un retard dans l’exécution de la mesure de renvoi lorsque le pouvoir de renvoi n’existe qu’à partir du moment où le certificat de sécurité a été jugé raisonnable. Malheureusement, les litiges prolongés et les retards sont la caractéristique de nombreuses affaires concernant des certificats. Cette constatation ne devrait pas permettre à toute personne visée par un certificat de sécurité de faire valoir qu’elle ne devrait pas avoir à attendre 120 jours le contrôle de sa détention en vertu du paragraphe 84(2). Affirmer le contraire engendrerait l’incertitude et de nouveaux litiges sur les demandes d’exemption dans les affaires à venir.

 

[15]      Les ministres se fondent sur la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale confirmant la constitutionnalité des dispositions concernant le certificat de sécurité et maintiennent que la détention de M. Jaballah n’est pas arbitraire. Les arguments de M. Jaballah constituent une demande d’abrégement ou d’exemption du délai prescrit par la loi dans des circonstances inspirant la sympathie où on peut faire l’hypothèse que le résultat sera le même, qu’il y ait ou non un délai.

 

[16]      Bref, les ministres font valoir que la prétention hypothétique de M. Jaballah pose qu’on peut faire abstraction du délai de 120 jours parce que la perspective du renvoi est particulièrement éloignée compte tenu de la décision du juge MacKay au sujet de l’impossibilité du renvoi en présence d’un risque de torture. L’argument de M. Jaballah [traduction] « procède rétrospectivement à partir d’une hypothèse sur l’état de la situation dans 120 jours pour justifier une demande actuelle de réparation ». Les observations de M. Jaballah n’établissent pas les raisons pour lesquelles il devrait être traité différemment de toute autre personne assujettie au délai de 120 jours prévu au paragraphe 84(2). M. Jaballah est un individu soupçonné de terrorisme, maintenu en détention jusqu’à son renvoi, et il devrait être traité comme tel. Il ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir qu’il devait être traité différemment et sa demande doit être rejetée.

 

Analyse

[17]      M. Jaballah est un étranger qui est interdit de séjour au Canada pour raison de sécurité du fait qu’il s’est livré au terrorisme et qu’il est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme (alinéas 34(1)c) et 34(1)f) de la LIPR) : Jaballah (Re), 2006 CF 1230 (Décision sur le certificat Jaballah). Le juge MacKay, en sa qualité de juge désigné, a conclu que l’opinion des ministres repose sur un fondement raisonnable, à savoir :

que M. Jaballah s’est livré à des activités terroristes en Égypte dans les années 1980 et, après son départ de ce pays en 1991, à des activités terroristes internationales d’AJ et d’Al‑Qaïda, notamment en tant qu’élément de communication entre diverses cellules terroristes après son arrivée au Canada; de plus

 

que M. Jaballah, par déduction de la position qu’il occupait au sein d’AJ et d’autres réseaux terroristes de personnes avec lesquelles il a eu des contacts après son arrivée au Canada, était membre du réseau d’AJ et d’Al‑Qaïda, au sein duquel il occupait un rang supérieur en tant qu’élément de communication entre diverses cellules terroristes et personnes faisant partie de ce réseau.

 

[18]      Suivant l’article 81 de la LIPR, la décision du juge MacKay constitue une mesure de renvoi en vigueur et sans appel, sans qu’il soit nécessaire de procéder au contrôle ou à l’enquête. La mesure de renvoi, en vertu du paragraphe 49(1) de la LIPR, a pris effet le 16 octobre 2006.

 

[19]      La décision judiciaire concernant le caractère raisonnable du certificat des ministres ouvre droit (à l’expiration des 120 jours et sur demande de M. Jaballah) au contrôle judiciaire de la détention (paragraphe 84(2) de la LIPR).

 

[20]      À ce stade de l’analyse, il est utile de rappeler, de manière précise, la réparation que demande M. Jaballah. À cette fin, je me reporte de nouveau à l’arrêt Almrei où la Cour d’appel fédérale a conclu, au paragraphe 41, que la personne qui demande sa mise en liberté en vertu du paragraphe 84(2) doit établir quatre éléments :

a)                   qu’elle n’a pas été renvoyée du Canada;

b)                   qu’au moins 120 jours se sont écoulés depuis que la Cour fédérale s’est prononcée sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité;

 

c)                   qu’elle ne sera pas renvoyée du Canada dans un délai raisonnable;

 

d)                   que sa mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui.

 

[21]      M. Jaballah cherche à être exempté de la condition b). En d’autres termes, il cherche à obtenir une exemption du délai légal de 120 jours. Il soutient que lui imposer d’attendre l’expiration des 120 jours a pour effet de porter atteinte aux droits constitutionnels qui lui sont garantis par les articles 7 et 9 de la Charte.

 

[22]      L’article 7 de la Charte assure la protection du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et du droit à ce qu’il ne puisse être porté atteinte à ces droits qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. De l’avis de M. Jaballah, la question n’est pas de savoir s’il devrait être détenu, mais plutôt de savoir, eu égard aux circonstances inusitées de sa situation, si le report du contrôle des motifs du maintien en détention pendant une période de 120 jours suivant la décision sur le certificat a pour effet de porter atteinte au droit à la liberté et à la sécurité de sa personne que lui confère la Charte.

 

[23]      Deux arguments principaux sont avancés à l’appui de la réparation recherchée. Premièrement, M. Jaballah fait valoir que la durée de sa détention et l’interdiction faite par le juge MacKay d’un renvoi dans un pays où il s’expose à la torture vont à l’encontre du paragraphe 84(2) parce qu’il ne sera pas renvoyé dans un délai de 120 jours. Par conséquent, lui imposer une attente de 120 jours avant le contrôle des motifs de détention a pour effet anticonstitutionnel de porter atteinte à son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Deuxièmement, il soutient que le délai de 120 jours prévu au paragraphe 84(2) a une portée excessive et est arbitraire. Par conséquent, ce délai ne respecte pas les principes de justice fondamentale.

 

[24]      Je traiterai chacun des arguments de M. Jaballah dans l’ordre. Mais auparavant, je renvoie aux motifs de ma décision du 31 octobre, précisément au paragraphe 31, où j’ai déclaré que « le point d’ancrage de ces dispositions sur la mise en liberté est la décision sur le certificat ». Il y a des différences importantes entre les dispositions visant la mise en liberté avant le certificat et après le certificat. Ces différences ont été examinées en détail dans mes motifs antérieurs et je n’ai pas à les répéter ici. Qu’il suffise de dire que l’élément central, l’objet et le critère à appliquer à l’égard des ces dispositions respectives sont différents.

 

[25]      Dans l’arrêt Almrei, la Cour d’appel fédérale a préconisé une interprétation élargie et axée sur l’objet du paragraphe 84(2), celui-ci étant d’assurer le contrôle judiciaire des motifs de la détention et la protection judiciaire contre toute détention de durée indéterminée ou indéfinie (paragraphes 36 et 52). Je conviens avec M. Jaballah que le législateur a voulu que la procédure du certificat de sécurité soit expéditive et que la durée de sa détention peut indiquer que le législateur n’envisageait pas des circonstances telles que les siennes. Je conviens également que la suite des événements dans le cas de M. Jaballah n’encourage pas à penser que la procédure sans formalisme et expéditive voulue par le législateur a été respectée. Dans le cas de M. Jaballah, l’affaire a été d’une complexité et d’une longueur extrêmes. Une multitude de raisons expliquent cette situation et il a fallu beaucoup de temps « essentiellement pour garantir l’équité de la procédure, qui a été introduite principalement par M. Jaballah, comme il en avait le droit »: Jaballah (Re), [2006] 4 R.C.F. 193 (C.F.), au paragraphe 71.

 

[26]      Malgré la durée de la détention de M. Jaballah jusqu’ici, j’ai du mal à accepter, pour diverses raisons, son argument selon lequel l’objet du délai de 120 jours n’est pas respecté et sa détention est devenue indéterminée ou indéfinie.

 

[27]      La première de ces raisons est la nature du contrôle. Le contrôle visé au paragraphe 84(2) est orienté vers l’avenir en ce sens que la notion de « renvoi dans un délai raisonnable » exige qu’un certain temps se soit écoulé depuis le moment où le certificat a été jugé raisonnable et l’appréciation de la question de savoir si le délai est tel qu’il faut conclure que le renvoi n’aura pas lieu dans un délai raisonnable. Les préoccupations concernant une violation possible de l’exigence relative au « délai raisonnable » surviennent après les 120 jours mentionnés au paragraphe 84(2), lorsque le renvoi n’a pas encore eu lieu : Almrei, au paragraphe 55.

 

[28]      La deuxième raison est que, lorsque la loi prévoit un contrôle des motifs de détention et y donne droit, il est impossible d’affirmer que la détention sera d’une durée future indéterminée.

 

[29]      La troisième raison est que le juge MacKay n’a pas interdit au ministre d’expulser M. Jaballah. Il a interdit son expulsion vers un pays « où il s’expose à un risque sérieux de torture ou de mort ou de peine cruelle et inusitée ». Il convient de citer de nouveau le paragraphe 84 des motifs du juge MacKay dans la Décision sur le certificat Jaballah :

Il incombe au [ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration] de l’expulser, dès que cela peut être raisonnablement fait, s’il ne quitte pas le Canada de son plein gré (paragraphe 48(2) de la LIPR) [...] En vertu de la Loi actuelle, le ministre peut s’acquitter de sa responsabilité en expulsant M. Jaballah vers un pays où il ne risque pas d’être torturé. Si cela s’avère impossible dans un délai raisonnable, et si la situation vient à changer, de sorte que l’on puisse juger que le risque sérieux de torture auquel il s’exposerait s’il était renvoyé dans son propre pays a essentiellement disparu, il pourrait dans ce cas être expulsé vers son propre pays ou un autre qui, perçoit‑on, l’expose aujourd’hui à un risque sérieux de torture, ou pire.

 

 

Le paragraphe 241(2) du Règlement, reproduit au paragraphe 6 des présents motifs, confère au ministre le pouvoir de choisir (pour le renvoi) tout pays qui est disposé à recevoir l’étranger.

 

[30]      La quatrième raison est que je suis sensible à la frustration que cause à M. Jaballah le silence du ministre quant à son examen du renvoi dans un pays tiers ou son intention en ce sens. La communication de certains renseignements sur le sujet aurait sans doute fait épargner du temps et des efforts considérables tant à M. Jaballah qu’à la Cour. Toutefois, le ministre n’est aucunement tenu de communiquer ses intentions sur le renvoi de M. Jaballah avant le moment où il exécute la mesure de renvoi ou celui où il doit répondre aux éléments de preuve produits par M. Jaballah dans le cours de l’enquête prévue au paragraphe 84(2). À défaut d’une exemption constitutionnelle à l’égard du délai de 120 jours prescrit au paragraphe 84(2), rien n’interdit au ministre de garder le secret sur ses intentions ou ses efforts. On peut soutenir, compte tenu de l’interdiction faite par le juge MacKay d’un renvoi exposant au risque de torture, que le ministre peut fort bien avoir besoin du délai prescrit pour explorer, vérifier et évaluer la faisabilité du renvoi dans un pays tiers. En pareilles circonstances, il n’est pas possible de conclure quoi que ce soit du silence du ministre.

 

[31]      Pour les raisons qui viennent d’être exposées, je n’accepte pas les observations de M. Jaballah selon lesquelles, à ce stade-ci de la procédure, l’objet du délai d’attente de 120 jours prévu au paragraphe 84(2) n’est pas respecté et ne sert aucune fin utile. Son allégation concernant la détention indéfinie ou indéterminée est prématurée. Je ne veux pas dire pour autant que ces facteurs ne sont pas pertinents. Ils sont en fait d’une grande pertinence pour le contrôle prévu au paragraphe 84(2). Lorsque le renvoi d’un étranger est reporté de manière à ce que l’exigence du « délai raisonnable » entre en jeu, le juge doit tenir compte du délai et en examiner les causes, notamment le délai occasionné par les parties ainsi que le délai institutionnel qui fait partie intégrante de l’obtention d’une réparation : Almrei, au paragraphe 80.

 

[32]      Je passe maintenant à l’observation concernant la portée excessive du paragraphe 84(2). M. Jaballah renvoie à l’arrêt R. c. Heyword, [1994] 3 R.C.S. 761, et affirme que la Cour doit se demander si « les moyens choisis sont nécessaires pour atteindre l’objectif de l’État ». Selon lui, si, dans un but légitime, l’État utilise des moyens excessifs pour atteindre cet objectif, il y aura violation des principes de justice fondamentale parce que les droits de la personne auront été restreints sans motif.

 

[33]      Ma première observation consiste à répéter ce que je viens de dire, car les observations de M. Jaballah à l’appui de cet argument reprennent pour l’essentiel ce qu’il a dit au sujet de son premier argument.

 

[34]      Toutefois, l’observation de M. Jaballah comporte une faiblesse fondamentale additionnelle. Il demande, en se fondant sur le paragraphe 24(1) de la Charte, une exemption constitutionnelle à l’égard de l’application du délai de 120 jours prévu au paragraphe 84(2). Il reconnaît la constitutionnalité de cette disposition. Il fait référence à deux types d’exemptions constitutionnelles.

 

[35]      La première sert à protéger les intérêts d’une partie qui a réussi à faire déclarer inconstitutionnelle une disposition législative lorsque la déclaration d’invalidité a été suspendue : Corbière c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 203, au paragraphe 22 (Corbière); Rodriguez c. Colombie‑Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519, aux paragraphes 51 à 57, le juge en chef Lamer (dissident et le juge Cory étant également dissident) (Rodriguez).

 

[36]      Le second type d’exemption constitutionnelle peut être accordé à l’égard d’une loi par ailleurs valide à des personnes en particulier parce que la loi, tout en étant généralement valide, entraîne des effets inconstitutionnels et donne lieu à une réparation, comme le laisse entendre l’arrêt R. c. Seaboyer, [1991] 2 R.C.S. 577, aux paragraphes 82 à 87 (Seaboyer). M. Jaballah demande l’exemption du second type.

 

[37]      Dans l’arrêt Seaboyer, la Cour suprême a laissé ouvert le recours possible à l’exemption constitutionnelle comme solution dans un cas approprié. Si la réparation demandée dans les circonstances de l’espèce est exceptionnelle, elle n’est pas absurde, comme les ministres le laissent entendre.

 

[38]      J’estime que l’argument de M. Jaballah sur la portée excessive est entaché d’une incohérence interne avec sa position sur la constitutionnalité du paragraphe 84(2). Soutenir que le paragraphe 84(2) a une portée excessive revient à attaquer la constitutionnalité de cette disposition. Il s’agit, essentiellement, d’un argument fondé sur le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle. Comme le souligne M. Jaballah, au paragraphe 14 de ses observations en réponse, il y a rarement lieu à une réparation individuelle en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte en même temps qu’une attaque fondée sur le paragraphe 52(1).

 

[39]      En ce qui concerne le type d’exemption constitutionnelle visé dans l’arrêt Seaboyer, comme je l’ai mentionné, les arguments de M. Jaballah à l’appui de l’exemption (l’objet de la disposition n’est pas respecté et la détention est indéterminée ou indéfinie) ont été rejetés et, par conséquent, n’établissent pas que la disposition a pour effet de porter atteinte à ses droits constitutionnels.

[40]      Cependant, même si on suppose que le paragraphe 84(2) porte atteinte au droit de M. Jaballah à la liberté et à la sécurité de sa personne, la question en suspens est de savoir si la privation qui en résulte va à l’encontre des principes de justice fondamentale. En d’autres termes, la disposition attaquée prive-t-elle M. Jaballah du droit à un contrôle des motifs de sa détention d’une manière qui n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale garantis par l’article 7? Je reviendrai plus loin dans les présents motifs sur cet aspect de l’analyse.

 

[41]      Les observations relatives à l’article 9 sont schématiques à l’excès et sont mêlées aux observations concernant l’article 7. À mon avis, l’argument concernant l’article 9 est sans valeur. Une abondante jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, à partir de la décision de la juge Gillis dans l’affaire Ahani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 3 C.F. 669, conf. par (1996), 201 N.R. 233 (C.A.F.), autorisation d’appel rejetée, [1997] 2 R.C.S.v. (Ahani), établit que les dispositions sur la détention applicables aux certificats de sécurité ne sont pas arbitraires.

 

[42]      La détention de personnes en vertu d’un certificat de sécurité est expressément autorisée par la loi et n’a lieu qu’après que deux ministres ont respectivement décidé qu’une personne qui n’est ni citoyen canadien ni résident permanent a des antécédents ou des penchants terroristes : Ahani (C.F. 1re inst.). Le régime prévoit le contrôle judiciaire du caractère raisonnable de ces opinions; les dispositions visées sont préventives, elles ne sont pas arbitraires : Ahani (C.A.F.). Ces commentaires ont été jugés appropriés dans le cadre de la législation actuelle : Charkaoui (Re), [2005] 2 R.C.F. 299 (C.A.) (Charkaoui).

 

[43]      De plus, M. Jaballah a déjà bénéficié d’un contrôle des motifs de détention. Les opinions des ministres ont été jugées raisonnables. Ces facteurs, entre autres, distinguent les circonstances de l’espèce de celles de l’arrêt R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933. La détention de M. Jaballah est licite et prescrite par la loi. La condition relative au délai de 120 jours au paragraphe 84(2) n’est pas arbitraire, sauf si elle n’est pas utile. L’objet de la disposition a été examiné dans le cadre de mon analyse de l’article 7. M. Jaballah n’a pas établi que l’application de cette disposition est arbitraire. Il s’ensuit que le délai de 120 jours ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits constitutionnels de M. Jaballah en vertu de l’article 9 de la Charte.

 

[44]      Je reviens maintenant à la question des principes de justice fondamentale. Aucun argument, mis à part ceux dont j’ai déjà traités, n’a été avancé au soutien de cet aspect de l’analyse.

 

[45]      Les principes de justice fondamentale touchent non seulement au droit de la personne qui soutient que sa liberté a été limitée, mais également à la protection de la société. La justice fondamentale exige un juste équilibre entre ces droits, tant du point de vue du fond que de celui de la forme : Rodriguez, au paragraphe 146.

 

[46]      Le principe le plus fondamental du droit de l’immigration veut que les non-citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer au Canada ou d’y demeurer : Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, à la page 733 (Chiarelli). Ce principe a été récemment réaffirmé dans l’arrêt Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 539 (Medovarski). Au paragraphe 10 de l’arrêt Medovarski, le Juge en chef du Canada a déclaré que les objectifs explicites de la LIPR révèlent une intention de donner la priorité à la sécurité et traduisent la ferme volonté de traiter les criminels et les menaces à la sécurité avec moins de clémence. Suivant l’alinéa 3(1)h) de la LIPR, l’un des objets de la Loi est « de garantir leur sécurité ». Le texte anglais porte « to maintain the security of Canadian society ».

 

[47]      Dans l’arrêt Charkaoui, le juge en chef Richard s’est prononcé sur l’intérêt légitime et impérieux du Canada de protéger la sécurité nationale. Il a dit que le défi que doit relever le gouvernement consiste à « atteindre le mieux possible un équilibre entre les préceptes de la sécurité nationale et les droits civils ». La tâche du droit consiste « à trouver des manières d’assurer la sécurité nationale sans porter indûment atteinte aux libertés individuelles ». Le législateur a relevé ce défi en insérant « des dispositions dans la Loi qui exigent l’examen judiciaire du caractère raisonnable du certificat émis par les ministres ».

 

[48]      Selon la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, le certificat de sécurité et les dispositions sur la détention de la LIPR sont constitutionnels et respectent les principes de justice fondamentale. La Cour suprême du Canada a réservé son jugement sur la question de la constitutionnalité de ces dispositions depuis juin 2006. Tant que la Cour suprême ne statue pas autrement, ces dispositions sont constitutionnelles.

 

[49]      Pour ce qui est des circonstances exceptionnelles de M. Jaballah, ce dernier a eu droit au contrôle judiciaire des motifs de sa détention et sa demande a été rejetée plus tôt cette année. Le certificat de sécurité des ministres qui le concerne a été jugé raisonnable. Par conséquent, M. Jaballah est assujetti aux paramètres du paragraphe 84(2) de la LIPR. J’ai examiné chacune des observations de M. Jaballah au sujet de l’abrègement du délai de 120 jours prévu au paragraphe 84(2). Ainsi que je l’ai dit plus haut, M. Jaballah n’a pas avancé d’arguments, outre ceux qui ont été examinés, qui portent spécifiquement sur la question des principes de justice fondamentale. Il ne m’appartient pas de faire des hypothèses sur le contenu éventuel de ces arguments.

 

[50]      Compte tenu des observations dont j’ai été saisie et pour les motifs que j’ai exposés, la demande de M. Jaballah, présentée en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte, visant à obtenir une exemption constitutionnelle à l’égard du délai d’attente de 120 jours prescrit par la LIPR doit être rejetée.

 

[51]      Je me reporte de nouveau à la décision du juge MacKay selon laquelle le ministre est tenu de procéder au renvoi de M. Jaballah, dès que les circonstances le permettent, dans un pays où il ne s’expose pas à la de torture. Si, dans les 120 jours suivant le 16 octobre 2006 (délai dont la moitié est maintenant écoulée), M. Jaballah n’a pas été renvoyé, la LIPR lui garantit la possibilité d’un contrôle des motifs de sa détention.

 

[52]      Dans l’arrêt Harkat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2006), 351 N.R. 155 (C.A.F.), le juge Décary a dit, au paragraphe 20 (renvois omis) :

… [L’]objectif qui sous‑tend le paragraphe 84(2) de la Loi est « d’assurer le contrôle judiciaire des motifs de la détention et la protection judiciaire contre toute détention de durée indéterminée ou indéfinie » (au paragraphe 36). La mise en liberté éventuelle, quoique sous des conditions très rigoureuses et pour une période temporaire, d’un étranger qui est détenu sans déclaration de culpabilité criminelle sur le fondement d’un certificat de sécurité qui a été déclaré raisonnable par un juge, est un aspect important du régime législatif mis en place pour faire face au terrorisme dans un contexte non criminel. C’est la mesure de redressement choisie par le Parlement pour prévenir la détention de durée indéterminée ou indéfinie, un concept qui n’est tout simplement pas conforme à nos valeurs démocratiques, même lorsqu’il est appliqué à des personnes dont on a conclu, sur des motifs raisonnables, qu’elles s’étaient livrées à des activités terroristes.

 

 

[53]      S’il n’est pas renvoyé dans un délai de 120 jours, M. Jaballah peut demander que les éléments de preuve des audiences publiques qui ont commencé le 6 octobre soient versés au dossier du contrôle prévu au paragraphe 84(2). Au cas où le contrôle des motifs de la détention prévu au paragraphe 84(2) serait nécessaire, je renvoie immédiatement le dossier au bureau du juge en chef pour qu’il soit traité en priorité.

 

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE QUE la demande d’exemption constitutionnelle à l’égard du délai d’attente de 120 jours prescrit au paragraphe 84(2) de la LIPR soit rejetée.

 

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 

 

 


ANNEXE A

des

Motifs de l’ordonnance datés du 18 décembre 2006

dans la décision

MAHMOUD ES-SAYYID JABALLAH

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

DES-4-01

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

L.C. 2001, ch. 27

 

76. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section.

« juge » Le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de cette juridiction désigné par celui-ci.

 

« renseignements » Les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d’un État étranger, d’une organisation internationale mise sur pied par des États ou de l’un de leurs organismes.

 

 

77. (1) Le ministre et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile déposent à la Cour fédérale le certificat attestant qu’un résident permanent ou qu’un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée pour qu’il en soit disposé au titre de l’article 80.

 

(2) Il ne peut être procédé à aucune instance visant le résident permanent ou l’étranger au titre de la présente loi tant qu’il n’a pas été statué sur le certificat; n’est pas visée la demande de protection prévue au paragraphe 112(1).

 

 

78. Les règles suivantes s’appliquent à l’affaire :

 

a) le juge entend l’affaire;

 

b) le juge est tenu de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve qui pourraient lui être communiqués et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

c) il procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive;

 

d) il examine, dans les sept jours suivant le dépôt du certificat et à huis clos, les renseignements et autres éléments de preuve;

 

e) à chaque demande d’un ministre, il examine, en l’absence du résident permanent ou de l’étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

 

 

 

 

f) ces renseignements ou éléments de preuve doivent être remis aux ministres et ne peuvent servir de fondement à l’affaire soit si le juge décide qu’ils ne sont pas pertinents ou, l’étant, devraient faire partie du résumé, soit en cas de retrait de la demande;

 

 

 

g) si le juge décide qu’ils sont pertinents, mais que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui, ils ne peuvent faire partie du résumé, mais peuvent servir de fondement à l’affaire;

 

 

 

h) le juge fournit au résident permanent ou à l’étranger, afin de lui permettre d’être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat, un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

 

i) il donne au résident permanent ou à l’étranger la possibilité d’être entendu sur l’interdiction de territoire le visant;

 

j) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime utile – même inadmissible en justice – et peut fonder sa décision sur celui-ci.

 

 

79. (1) Le juge suspend l’affaire, à la demande du résident permanent, de l’étranger ou du ministre, pour permettre à ce dernier de disposer d’une demande de protection visée au paragraphe 112(1).

 

 

(2) Le ministre notifie sa décision sur la demande de protection au résident permanent ou à l’étranger et au juge, lequel reprend l’affaire et contrôle la légalité de la décision, compte tenu des motifs visés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

 

 

 

 

80. (1) Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision du ministre, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose.

 

(2) Il annule le certificat dont il ne peut conclure qu’il est raisonnable; si l’annulation ne vise que la décision du ministre il suspend l’affaire pour permettre au ministre de statuer sur celle-ci.

 

 

 

 

 

(3) La décision du juge est définitive et n’est pas susceptible d’appel ou de contrôle judiciaire.

 

 

81. Le certificat jugé raisonnable fait foi de l’interdiction de territoire et constitue une mesure de renvoi en vigueur et sans appel, sans qu’il soit nécessaire de procéder au contrôle ou à l’enquête; la personne visée ne peut dès lors demander la protection au titre du paragraphe 112(1).

 

 

 

 

 

 

82. (1) Le ministre et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile peuvent lancer un mandat pour l’arrestation et la mise en détention du résident permanent visé au certificat dont ils ont des motifs raisonnables de croire qu’il constitue un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui ou qu’il se soustraira vraisemblablement à la procédure ou au renvoi.

 

(2) L’étranger nommé au certificat est mis en détention sans nécessité de mandat.

 

 

 

83. (1) Dans les quarante-huit heures suivant le début de la détention du résident permanent, le juge entreprend le contrôle des motifs justifiant le maintien en détention, l’article 78 s’appliquant, avec les adaptations nécessaires, au contrôle.

 

 

 

(2) Tant qu’il n’est pas statué sur le certificat, l’intéressé comparaît au moins une fois dans les six mois suivant chaque contrôle, ou sur autorisation du juge.

 

 

 

(3) L’intéressé est maintenu en détention sur preuve qu’il constitue toujours un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui ou qu’il se soustraira vraisemblablement à la procédure ou au renvoi.

 

 

84. (1) Le ministre peut, sur demande, mettre le résident permanent ou l’étranger en liberté s’il veut quitter le Canada.

 

(2) Sur demande de l’étranger dont la mesure de renvoi n’a pas été exécutée dans les cent vingt jours suivant la décision sur le certificat, le juge peut, aux conditions qu’il estime indiquées, le mettre en liberté sur preuve que la mesure ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable et que la mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui.

 

 

 

85. Les articles 82 à 84 l’emportent sur les dispositions incompatibles de la section 6.

Immigration and Refugee Protection Act,

S.C. 2001, c. 27

 

 

76. The definitions in this section apply in this Division.

“information” means security or criminal intelligence information and information that is obtained in confidence from a source in Canada, from the government of a foreign state, from an international organization of states or from an institution of either of them.

 

“judge” means the Chief Justice of the Federal Court or a judge of that Court designated by the Chief Justice.

 

 

77. (1) The Minister and the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness shall sign a certificate stating that a permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality and refer it to the Federal Court, which shall make a determination under section 80.

 

(2) When the certificate is referred, a proceeding under this Act respecting the person named in the certificate, other than an application under subsection 112(1), may not be commenced and, if commenced, must be adjourned, until the judge makes the determination.

 

78. The following provisions govern the determination:

(a) the judge shall hear the matter;

(b) the judge shall ensure the confidentiality of the information on which the certificate is based and of any other evidence that may be provided to the judge if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

(c) the judge shall deal with all matters as informally and expeditiously as the circumstances and considerations of fairness and natural justice permit;

 

 

(d) the judge shall examine the information and any other evidence in private within seven days after the referral of the certificate for determination;

(e) on each request of the Minister or the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness made at any time during the proceedings, the judge shall hear all or part of the information or evidence in the absence of the permanent resident or the foreign national named in the certificate and their counsel if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

(f) the information or evidence described in paragraph ( e) shall be returned to the Minister and the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness and shall not be considered by the judge in deciding whether the certificate is reasonable if either the matter is withdrawn or if the judge determines that the information or evidence is not relevant or, if it is relevant, that it should be part of the summary;

(g) the information or evidence described in paragraph (e) shall not be included in the summary but may be considered by the judge in deciding whether the certificate is reasonable if the judge determines that the information or evidence is relevant but that its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

(h) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with a summary of the information or evidence that enables them to be reasonably informed of the circumstances giving rise to the certificate, but that does not include anything that in the opinion of the judge would be injurious to national security or to the safety of any person if disclosed;

(i) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with an opportunity to be heard regarding their inadmissibility; and

(j) the judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is appropriate, even if it is inadmissible in a court of law, and may base the decision on that evidence.

 

 

79. (1) On the request of the Minister, the permanent resident or the foreign national, a judge shall suspend a proceeding with respect to a certificate in order for the Minister to decide an application for protection made under subsection 112(1).

 

(2) If a proceeding is suspended under subsection (1) and the application for protection is decided, the Minister shall give notice of the decision to the permanent resident or the foreign national and to the judge, the judge shall resume the proceeding and the judge shall review the lawfulness of the decision of the Minister, taking into account the grounds referred to in subsection 18.1(4) of the Federal Courts Act.

 

 

80. (1) The judge shall, on the basis of the information and evidence available, determine whether the certificate is reasonable and whether the decision on the application for protection, if any, is lawfully made.

 

(2) The judge shall quash a certificate if the judge is of the opinion that it is not reasonable. If the judge does not quash the certificate but determines that the decision on the application for protection is not lawfully made, the judge shall quash the decision and suspend the proceeding to allow the Minister to make a decision on the application for protection.

 

(3) The determination of the judge is final and may not be appealed or judicially reviewed.

 

 

81. If a certificate is determined to be reasonable under subsection 80(1),

(a) it is conclusive proof that the permanent resident or the foreign national named in it is inadmissible;

(b) it is a removal order that may not be appealed against and that is in force without the necessity of holding or continuing an examination or an admissibility hearing; and

(c) the person named in it may not apply for protection under subsection 112(1).

 

 

82. (1) The Minister and the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness may issue a warrant for the arrest and detention of a permanent resident who is named in a certificate described in subsection 77(1) if they have reasonable grounds to believe that the permanent resident is a danger to national security or to the safety of any person or is unlikely to appear at a proceeding or for removal.

 

(2) A foreign national who is named in a certificate described in subsection 77(1) shall be detained without the issue of a warrant.

 

 

83. (1) Not later than 48 hours after the beginning of detention of a permanent resident under section 82, a judge shall commence a review of the reasons for the continued detention. Section 78 applies with respect to the review, with any modifications that the circumstances require.

 

 

(2) The permanent resident must, until a determination is made under subsection 80(1), be brought back before a judge at least once in the six-month period following each preceding review and at any other times that the judge may authorize.

 

(3) A judge shall order the detention to be continued if satisfied that the permanent resident continues to be a danger to national security or to the safety of any person, or is unlikely to appear at a proceeding or for removal

 

 

84. (1) The Minister may, on application by a permanent resident or a foreign national, order their release from detention to permit their departure from Canada.

(2) A judge may, on application by a foreign national who has not been removed from Canada within 120 days after the Federal Court determines a certificate to be reasonable, order the foreign national’s release from detention, under terms and conditions that the judge considers appropriate, if satisfied that the foreign national will not be removed from Canada within a reasonable time and that the release will not pose a danger to national security or to the safety of any person.

 

85. In the case of an inconsistency between sections 82 to 84 and the provisions of Division 6, sections 82 to 84 prevail to the extent of the inconsistency.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        DES-4-01

 

INTITULÉ :                                       MAHMOUD ES-SAYYID JABALLAH

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

LIEUX DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

                                                            Ottawa (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             Les 18, 19 et 28 septembre 2006

                                                            Les 2, 3, 4, 5 et 6 octobre 2006

                                                            Les 10, 11, 12 et 13 octobre 2006

                                                            Les 17, 18, 19, 20, 23 et 26 octobre 2006

            Observations écrites : les 14, 20 et 27 novembre 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 décembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

Paul Copeland

John Norris

 

Donald MacIntosh

David Tyndale

Mielka Visnic

Michael William Dale

Marcel Larouche

 

 

 

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

Ruby, Edwardh

Toronto (Ontario)

 

Copeland, Duncan

Toronto (Ontario)

 

 

 

 

 

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

 

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