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Date : 20061220

Dossier : IMM-2924-06

Référence : 2006 CF 1519

ENTRE :

ISRAEL BARRIONUEVO

 

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT

 

Le juge Pinard

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) rendue le 1er mai 2006, statuant que le demandeur n’est pas un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.

 

[2]          Israel Barrionuevo (le demandeur) est un citoyen argentin qui prétend appartenir à une famille dont certains membres ont été tués par la police.

[3]          La CISR a accepté comme vraisemblables les incidents qu’aurait fait subir la police au demandeur et aux membres de sa famille, jugeant ces incidents comme représailles aux activités de la mère du demandeur qui aurait dénoncé publiquement les agissements des policiers.

 

[4]          Toutefois, la CISR a conclu que le demandeur n’était pas un « réfugié » ni une « personne à protéger » en raison de l’existence d’une possibilité de refuge interne. À cet égard, le tribunal a exprimé ce qui suit :

     Le tribunal est d’avis que le demandeur dispose d’un refuge interne en Argentine pour les raisons suivantes.

 

a)         Les incidents qu’il a connus sont localisés à Mar del Plata.

b)                  Il n’est pas recherché par la police, comme il l’a confirmé lui-même à l’audience du 7 avril 2006.

c)                  Il est libre de ses mouvements. En effet, il a déclaré avoir quitté l’aéroport pour se rendre au Canada, sans être inquiété.

d)                  Le tribunal lui a cité la ville de Buenos Aires, avec plus de 12 millions d’habitants, à plus de 500 km de Mar del Plata, la ville de Rosario et de Tucuman.

Interrogé sur cette possibilité il a prétendu qu’il est sur une liste noire. Le tribunal ne peut se satisfaire de pareille réponse qui ne peut expliquer comment cette liste n’existerait que dans la ville de Buenos Aires, et non pas dans un endroit stratégique comme l’aéroport, où il est passé sans problèmes.

e)                  Les citoyens argentins sont libres de s’établir où ils veulent à l’intérieur des frontières de leur pays.

 

     [. . .]

 

     Notons que durant sa délibération, le tribunal a reçu la pièce P-12 sur les conditions dans les prisons argentines marquées par la violence, les rebellions, la torture et les assassinats. Après avoir analysé ce document, le tribunal en arrive à la conclusion que le demandeur n’étant pas recherché par la police, il ne croit pas qu’on le jetterait en prison pour qu’il subisse le sort décrit dans P-12.

 

 

 

* * * * * * * *

[5]          La norme de contrôle appropriée pour la conclusion de la CISR relativement à l’existence d’un refuge interne est celle de la décision manifestement déraisonnable (voir, entre autres, Chorny c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CF 999 et Ramachanthran c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CFPI 673) et la norme de contrôle applicable pour la question de savoir si la CISR a bien appliqué les principes établis par la jurisprudence en matière de refuge interne est la norme de la décision correcte (Ezemba c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1023).

 

[6]          En l’espèce, les arguments du demandeur portent essentiellement sur l’appréciation des faits ayant conduit à la conclusion de l’existence d’un refuge interne. L’application des principes énoncés dans Rasaratnam c. Canada (M.E.I.), [1991] A.C.F. no 1256 (C.A.F) (QL) et Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.), n’est pas contestée.

 

[7]          C’est au demandeur qu’incombe le fardeau de démontrer qu’il risque sérieusement d’être persécuté sur tout le territoire de l’Argentine, conformément au principe bien énoncé par la Cour d’appel fédérale dans Thirunavukkarasu, ci-dessus, à la page 595 :

     D'une part, pour établir le bien-fondé de sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, le demandeur, comme je l'ai dit plus haut, doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il risque sérieusement d'être persécuté dans son pays. Si la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est soulevée, il doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il risque sérieusement d'être persécuté dans cette partie de son pays qui offre prétendument une possibilité de refuge. . . .

 

 

 

[8]          Ici, le demandeur plaide fondamentalement que le corps de police qui le harcèle se trouve sur l’ensemble du territoire, qu’il ne peut donc se réfugier nulle part en Argentine.

[9]          À cela, le défendeur répond, s’appuyant sur Thirunavukkarasu, ci-dessus, que si les agents de persécution sont des agents d’État, il appartient au demandeur de démontrer qu’il n’était pas victime d’éléments purement locaux, que la police de l’Argentine dans son ensemble le persécutait, y compris la police fédérale de Buenos Aires.

 

[10]      Le défendeur réfère en outre à la preuve documentaire qui indique bien que chaque province en Argentine a son propre corps de police (U.S. Department of State, Argentina, Country Reports on Human Rights Practices – 2004, à la page 93 du dossier du tribunal). En outre, le défendeur souligne avec raison que le demandeur n’a produit aucune preuve pour étayer son allégation voulant que la police dans son ensemble le persécute. Dans Ranganathan c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 2118 (QL), au paragraphe 11, la Cour d’appel fédérale a énoncé que « [l]e défaut d’un revendicateur de satisfaire à ses obligations quant au fardeau de la preuve ne peut être imputé à la Commission et se transformer en faute de la Commission ».

 

[11]      Dans les circonstances, donc, étant d’accord avec le défendeur que le demandeur a fait défaut de démontrer qu’il était manifestement déraisonnable pour la CISR de conclure comme elle l’a fait à l’existence d’un refuge interne, l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 20 décembre 2006

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2924-06

 

INTITULÉ :                                       ISRAEL BARRIONUEVO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 novembre 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT :             Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 décembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stewart Istvanffy                            POUR LE DEMANDEUR

 

Me Marie Nicole Moreau                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Istvanffy Vallières et Associés                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 


 

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