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Date : 20061218

Dossier : T-1000-06

Référence : 2006 CF 1492

ENTRE :

VIDÉOTRON LTÉE,

Demanderesse

et

 

ONTARIO EDUCATIONAL COMMUNICATIONS AUTHORITY,

et

REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

 

Défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT

 

Le juge Pinard

 

[1]               Il s’agit d’un appel de Vidéotron Ltée (la demanderesse), en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, (la Loi) à l’encontre d’une décision de Jean Carrière, membre de la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission), datée du 28 mars 2006. Cette décision a repoussé la demande d’enregistrement de la demanderesse pour la marque de commerce CANAL VOX (la marque).

 

* * * * * * * * * *

[2]               Un prédécesseur de la demanderesse a déposé la demande d’enregistrement no 1,025,997 en date du 16 août 1999 pour l’enregistrement de la marque CANAL VOX en relation avec des services de production d’émissions de télévision pour la diffusion ou l’enregistrement et l’émission d’information et de services à la communauté par l’entremise de la télévision.

 

[3]               La défenderesse Ontario Educational Communications Authority (la défenderesse) a déposé sa déclaration d’opposition à ladite demande en date du 30 janvier 2001, alléguant que :

a)                  en vertu des dispositions contenues aux alinéas 38(2)b) et 12(1)e) de la Loi, la marque n’est pas enregistrable car il s’agit d’une marque prohibée par le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, l’opposante étant propriétaire de la marque officielle VOX par laquelle un avis public d’adoption a été donné par le Registraire le 23 août 2000;

b)                  en vertu des dispositions contenues à l’alinéa 38(2)d) et à l’article 2 de la Loi, la marque ne serait pas distinctive de la requérante car elle ne distingue pas les services et marchandises de l’opposante incluant les services de production de programmes de télévision pour diffusion ou enregistrement produits en liaison avec les marques officielles VOX.

 

[4]               Dans sa contre-déclaration d’opposition, la demanderesse a nié les allégués contenus dans la déclaration d’opposition de la défenderesse. Les parties n’ont pas requis d’audition.

 

[5]               Par décision datée du 28 mars 2006 et envoyée le 19 avril 2006, Me Jean Carrière, membre de la Commission des oppositions des marques de commerce, a accepté l’opposition de la défenderesse. Notamment, il a conclu que la demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver, selon la balance des probabilités, que la marque était apte à distinguer les services offerts par la défenderesse en liaison avec sa marque VOX.

 

[6]               Par ailleurs, il a rejeté le motif d’appel basé sur la marque officielle et en particulier le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.

 

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[7]               Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

2.

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

« marque de commerce » Selon le cas :

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres;

b) marque de certification;

c) signe distinctif;

d) marque de commerce projetée.

 

    38. (2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

[…]

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

    (8) Après avoir examiné la preuve et les observations des parties, le registraire repousse la demande ou rejette l’opposition et notifie aux parties sa décision ainsi que ses motifs.

    56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

[…]

    (5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 

2.

“distinctive”, in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

“trade-mark” means

(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,

(b) a certification mark,

(c) a distinguishing guise, or

(d) a proposed trade-mark;

 

 

    38. (2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

[…]

(d) that the trade-mark is not distinctive.

    (8) After considering the evidence and representations of the opponent and the applicant, the Registrar shall refuse the application or reject the opposition and notify the parties of the decision and the reasons for the decision.

    56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

[…]

    (5) On appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

* * * * * * * * * *

 

[8]               Dans le cadre du présent appel, la demanderesse a déposé une preuve additionnelle conformément au paragraphe 56(5) de la Loi. Il s’agit d’une preuve émanant de l’affidavit de Yvan Gingras dont il importe de reproduire les paragraphes 11 et 12 :

11.              Suite au dépôt des prétentions écrites de Vidéotron, la demanderesse et la défenderesse ont négocié une entente visant à mettre fin aux procédures d’opposition. Une copie de cette entente fut acheminée à Vidéotron en juin 2004. Pour des raisons que j’ignore, ce n’est qu’en octobre 2005 que l’entente fut acceptée par Vidéotron. Une version finale de cette entente fut acheminée le 23 novembre 2005 à Vidéotron par les avocats de la défenderesse, et ce n’est qu’en avril 2006 que cette entente fut signée par le soussigné et par Robert Dépatie, le président et chef de la direction de Vidéotron Ltée.

 

12.              Finalement, ce n’est que le 26 avril 2006 que le représentant de l’Ontario Educational Communications Authority, Monsieur Chapelle signa à son tour l’entente au nom de la défenderesse. Une copie de cette entente est annexée à la présente sous la cote YG-4.

 

[9]               Cette preuve n’est contredite d’aucune façon. De fait, le 10 juillet 2006, l’avocate de la défenderesse a fait parvenir à l’administrateur de la Cour une lettre l’informant que la défenderesse ne prenait aucune position en regard de l’appel et qu’elle n’entendait agir d’aucune façon en regard de la poursuite et de l’audition de l’appel.

 

[10]           S’agissant ici d’une matière commerciale, il peut être correctement retenu de cette preuve additionnelle que l’accord des parties est intervenu vers le 23 novembre 2005, soit avant la signature formelle de l’entente, le 26 avril 2006, et avant la décision en cause de la Commission, en date du 28 mars 2006. Si la Commission avait pu prendre connaissance de cette preuve, elle n’aurait pu maintenir une opposition que la défenderesse désirait retirer.

 

[11]           De plus, je considère que la Commission a erré en trouvant que la marque VOX de la défenderesse avait un caractère distinctif inhérent parce qu’elle était comprise d’un mot qui n’est pas un mot anglais ou français. Cependant, le mot VOX n’est pas un mot inventé; c’est un mot latin dont le sens est bien connu. Je suis d’accord avec la demanderesse qu’un mot d’origine latine défini au dictionnaire ne bénéficie pas du caractère inhérent que lui attribue la Commission (voir Illico Communication Inc. c. Vidéotron Ltée, [2004] R.J.Q. 2579).

 

[12]           Ainsi, la marque VOX est une marque faible qui ne doit pas se voir accorder beaucoup de protection. Dans Compulife Software Inc. c. CompuOffice Software Inc., 2001 CFPI 559, mon collègue le juge Muldoon a exprimé ce qui suit au paragraphe 20 :

. . . En revanche, la marque de commerce qui ne possède pas ces qualités a un caractère distinctif inhérent moindre et est considérée comme une marque plus faible. La protection accordée à une marque faible est beaucoup moins étendue que celle qui est accordée à une marque forte, et l'enregistrement d'autres marques contenant des différences relativement petites peut être permis (Man and His Home Ltd. c. Mansoor Electronics Ltd., (1999), 87 C.P.R. (3d) 218, à la page 224 (C.F. 1re inst.)).

 

[13]           Dans les circonstances, je suis d’avis que même si l’ajout du mot « CANAL » est suggestif des services de la demanderesse, il n’en demeure pas moins que ce mot, dont la demanderesse s’est désistée au droit à l’usage exclusif en dehors de la marque, peut servir à distinguer ses services de ceux de la défenderesse offerts en liaison avec la marque VOX.

 

[14]           C’est donc par erreur que la Commission a conclu que l’ajout du mot « CANAL » ne pouvait servir à distinguer les services de la demanderesse des services de la défenderesse.

 

[15]           Dans ce contexte, le fait que la demanderesse ait débuté l’emploi de sa marque vers le 10 septembre 1999, alors que la défenderesse a débuté l’emploi de la sienne vers le mois de juin 2000, comme le souligne la Commission elle-même, revêt, à mon sens, une importance accrue en faveur de la demanderesse.

[16]           Pour toutes ces raisons, l’appel de la demanderesse est accordé, la décision de la Commission, datée du 28 mars 2006, maintenant l’opposition de la défenderesse est annulée, et il est ordonné au Registraire des marques de commerce du Canada de ne pas refuser la demande d’enregistrement no 1,025,997 sur la base de cette opposition.

 

[17]           Il n’y a pas d’adjudication de dépens, la demanderesse n’en demandant pas en l’absence de contestation.

 

 

 

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 18 décembre 2006

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1000-06

 

INTITULÉ :                                       VIDÉOTRON LTÉE c. ONTARIO EDUCATIONAL COMMUNICATIONS AUTHORITY et REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 novembre 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT :             Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 décembre 2006

 

 

COMPARUTION :

 

 

Me Daniel A. Artola

 

POUR LA DEMANDERESSE

Aucune

 

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR, ONTARIO EDUCATIONAL COMMUNICATIONS AUTHORITY

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

OGILVY RENAULT

Montréal (Québec)

 

MILLER LAW

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

POUR LE DÉFENDEUR, ONTARIO

EDUCATIONAL COMMUNICATIONS

 AUTHORITY

 

 

 

 


 

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