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Date : 20061212

Dossier : IMM-1987-06

Référence : 2006 CF 1483

Ottawa (Ontario) le 12 décembre 2006

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

Kwassi Wobuibe KLUTSE

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

1.         Introduction

[1]               La présente porte sur une demande de contrôle judiciaire, déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (ci-après la LIPR), d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (ci-après la Commission), rendue le 21 mars 2006. Dans cette décision, le demandeur, Kwassi Wobuibe Klutse, s’est vu refuser le statut de réfugié, tel que défini à l’article 96 de la LIPR, et de personne à protéger telle que définie à l’article 97 de la LIPR.

 

[2]               Le demandeur réclame de cette Cour qu’elle casse la décision de la Commission et qu’elle renvoie le dossier pour audience devant un tribunal autrement constitué.

 

2.         Contexte factuel

[3]               Le demandeur, un citoyen du Togo, est arrivé au Canada le 7 janvier 1998 en tant qu’étudiant étranger et a demandé la protection du Canada le 6 septembre 2005. Sa demande se fonde principalement sur une crainte que les autorités togolaises n’attentent à sa vie dans l’éventualité où il retournerait au Togo. L’audition de la demande a eu lieu à Montréal le 26 janvier 2006.

 

[4]               Le père du demandeur, Kwassi Klutsé, a été premier ministre du Togo pendant le régime de transition. Il avait préalablement occupé le poste de ministre de l’Aménagement et du territoire pendant le mandat de M. Edem Kodjo et a été nommé premier ministre en 1996 par le Général Eyadema, poste qu’il a occupé jusqu’en mai 1999. Par la suite, il aurait continué d’occuper son poste de simple député au sein du parti.

 

[5]               Lors des élections de 2003, alors que le président Eyadema avait manifesté son intention de ne pas se représenter au poste de président, le père du demandeur ainsi que deux autres personnes ont été proposés par le parti au pouvoir pour occuper ce poste. Alors que les deux autres candidats pressentis ont décliné cette offre, le père du demandeur l’a accepté. Le Président Eyadema aurait finalement décidé de se représenter aux élections. Le demandeur explique que cette proposition du parti n’était en fait qu’une ruse pour connaître les ambitions politiques de son père.

 

[6]               M. Klutsé père a été victime d’une tentative d’assassinat le 6 mai 2003 par le fils du Président Eyadema, alors colonel dans l’armée. À ce moment, le père du demandeur aurait été blessé par balle à la jambe, à l’épaule et à l’abdomen. Le demandeur, qui ne se trouvait pas au Togo à cette époque, mais au Canada où il poursuivait des études, explique que cette tentative d’assassinat a été camouflée. Par ailleurs, la Commission a noté qu’il n’existait aucune preuve documentaire confirmant que cet événement avait bel et bien eu lieu.

 

[7]               À la suite de cet événement, le père du demandeur a passé plus de six mois à l’hôpital et, quatre jours après son arrivée, des militaires ont encerclé l’endroit pour pouvoir exercer une surveillance.

 

[8]               À sa sortie de l’hôpital, M. Klutsé père a été assigné à résidence et a été mis sous surveillance constante.

 

[9]               À la suite de la mort du Général Eyadema, un de ses fils, Faure Gnasingbe, est devenu président de la République et un autre, Kpatcha Gnasingbe, ministre de la Défense nationale. M. Klutsé est toujours considéré comme un adversaire redoutable par les fils de l’ancien dictateur.

 

[10]           Le demandeur prétend craindre d’être emprisonné et tué par les autorités togolaises s’il retournait au Togo. Le demandeur a expliqué que les autorités voient sa mort comme un moyen d’éviter de futurs affrontements politiques et de blesser M. Klutsé père. Dans cette optique, la famille d’Eyadema aurait affirmé qu’elle n’hésiterait pas à éliminer toute la famille Klutsé pour empêcher qu’il ne tente de faire un coup d’État.

 

[11]           Le demandeur prétend également que tous les supporteurs de l’opposition risquent l’emprisonnement, la torture et même la mort, et que son cousin Sebastien Klutsé a d’ailleurs été tabassé pour cette raison.

 

[12]           En mars 2004, un ami d’enfance du demandeur a été interpellé par Kpatcha Gnasingbe, lequel lui aurait dit que si le demandeur retournait au pays il paierait parce que son père avait tenté de remplacer le Général Eyadema.

 

[13]           Le demandeur allègue que plusieurs membres de sa famille se sont réfugiés au Benin, au Ghana, en France et en Hollande, et que deux de ses frères habitent le Québec. Son jeune frère, Fabrice, demeurant dans la ville de Québec et avec lequel il n’entretient que peu de relations, a également fait une demande d’asile, ce que le demandeur ignorait.

 

[14]           Le demandeur justifie le long délai entre son arrivée au Canada et sa demande d’asile par sa peur de représailles de la part des autorités togolaises dans l’éventualité d’un retour au Togo.

 

 

3.         Décision contestée

[15]           La Commission a décidé le 24 mars 2006 que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de l’article 96 de la LIPR ni la qualité de personne à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

 

[16]           La Commission a jugé que le demandeur n’était pas crédible et que son comportement ne démontrait aucune crainte subjective.  Pour ces raisons, elle est d’avis que le demandeur ne serait pas en danger advenant un retour au Togo, et ce, même s’il a sollicité l’asile au Canada. De plus, elle estime raisonnable de croire que les autorités le protégeront.

 

[17]           La Commission justifie tout d’abord sa conclusion, selon laquelle le demandeur ne serait pas crédible, en identifiant une incohérence qu’elle qualifie de significative entre le témoignage du demandeur et le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de son frère :

-                     son frère déclare que son père a escaladé le mur lors de la fusillade pour se réfugier chez des voisins, alors que le demandeur allègue plutôt que les voisins se seraient précipités pour venir en aide à son père lorsqu’ils ont entendu les coups de feu; et

-                     son frère semble ignorer l’identité des personnes qui ont tenté d’assassiner leur père, alors que le demandeur identifie le fils de l’ancien dictateur.

 

À ce sujet, la Commission rejette l’explication du demandeur à l’effet que son frère n’avait peut-être pas jugé nécessaire de fournir tous les détails dans son FRP et qu’une même réalité peut être perçue de façon différente par deux personnes.

 

[18]           La Commission soulève également le fait que la preuve documentaire pourtant volumineuse, déposée par l’Agent de la protection de l’immigration, est muette sur la tentative d’assassinat de l’ex-premier ministre du pays. Elle rejette l’explication du demandeur voulant que cette lacune dans la preuve documentaire résulte du fait que M. Klutsé père s’était retiré de la scène politique au motif que ce dernier faisait alors campagne pour la présidence du pays. La Commission ajoute qu’elle trouve négligent le fait que le demandeur n’ait pas conservé une copie de l’article qu’il avait lu sur le sujet en ligne. La procureure du demandeur aurait allégué que ce document de même qu’une lettre, envoyée par l’ancien chef de la sécurité de M. Klutsé père, seraient en possession d’Immigration Québec, mais qu’elle n’avait pas ces documents compte tenu du délai très court (2 mois) qui se serait écoulé entre le dépôt du FRP et l’audience. Sur cet élément, la Commission reconnaît tout d’abord que la crédibilité du demandeur ne peut pas être entachée par l’absence de preuve corroborante, mais que, compte tenu du fait que la crédibilité du demandeur était entachée, une telle preuve aurait été utile et que cette lacune est surprenante, voire négligente, étant donné la notoriété du père du demandeur. Elle tire une inférence négative de cette lacune dans la preuve documentaire, et déclare croire que cet événement et les menaces proférées par Kpatcha n’ont jamais eu lieu.

 

[19]           Ensuite, la Commission considère que le témoignage du demandeur est dénué de toute crédibilité sur la question de la candidature de son père à la présidence en 2003. Elle détermine que rien n’indique dans la preuve documentaire que ce dernier se serait effectivement présenté aux élections et que cette dernière indique plutôt que le Général Eyadema a toujours eu l’intention de se représenter. La Commission rejette ainsi l’explication du demandeur à l’effet que la mise en candidature de son père n’avait été qu’un moyen pour les membres du parti de connaître ses ambitions, qu’elle n’avait pas été médiatisée et que l’offre du parti avait été révoquée.

 

[20]           La Commission considère également que le demandeur n’avait pas de crainte subjective, puisqu’il était sans statut depuis le 1er octobre 2004 et qu’il n’a demandé l’asile qu’en septembre 2006. Ainsi, la Commission rejette l’explication du demandeur voulant qu’il ait entre temps tenté de régulariser sa situation en demandant un Certificat d’acceptation du Québec, puisqu’il ne remplissait pas les conditions financières pour obtenir ce document. Elle ne retient pas non plus l’explication à l’effet que le demandeur aurait cru que la mort du Président Eyadema signifiait la délivrance du Togo, et donc qu’il n’avait nul besoin de la protection du Canada. Finalement, la Commission rejette aussi son explication selon laquelle il n’aurait pas voulu faire une demande d’asile par peur de nuire à son père, dans la mesure où les demandes d’asiles sont confidentielles.

 

4.         Question en litige

[21]           La question à trancher par la Cour fédérale dans cette présente affaire se résume essentiellement à savoir si la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant en l’absence de crédibilité du demandeur.

 

5.         La norme de contrôle

[22]           Il est de jurisprudence constante que la norme applicable à la révision des conclusions relatives à la crédibilité des témoins est celle de la décision manifestement déraisonnable. Voir les décisions : Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. nº 732 (QL). R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [2003] A.C.F. nº 162 (QL) et Khaira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 C.F. 62. Une décision est manifestement déraisonnable lorsque, compte tenu des circonstances, elle est clairement abusive, manifestement injuste, contraire au sens commun ou sans fondement en droit ou en faits.

 

6.         Analyse

[23]           Le demandeur soutient que la Commission a erré dans son évaluation de sa crédibilité. Il argumente ainsi que la Commission s’est servie du témoignage d’une tierce partie, soit son frère, pour évaluer sa crédibilité. Il explique ces divergences par le fait que son frère a quitté le Togo après lui, ce qui implique qu’il a vécu des événements que le demandeur n’a pas lui-même vécu; et par le fait qu’un même événement peut être perçu et relaté de façon différente par deux personnes. Il ajoute que la Commission ne pouvait fonder sa conclusion sur la crédibilité du témoignage de son frère, puisque cette preuve n’est pas une preuve digne de foi. Ainsi, il est d’avis que si le décideur a des doutes sur une partie d’un témoignage, il doit disposer de preuve contraire digne de foi ou juger cette partie incohérente ou suspecte pour la rejeter.

 

[24]           Le défendeur prétend plutôt que la Commission pouvait utiliser le FRP du frère du demandeur pour évaluer sa crédibilité dans la mesure où il y avait des incohérences entre les deux récits.

 

[25]           Le demandeur prétend également que la Commission n’aurait pas dû exiger une preuve documentaire corroborante dans la mesure où elle n’avait aucune raison de douter de son témoignage.

 

[26]           Le défendeur est plutôt d’avis que la conclusion de la Commission, à l’effet que la tentative d’assassinat n’a jamais eu lieu en raison du silence de la preuve documentaire, et donc que le demandeur n’a jamais fait l’objet de menace, est bien fondé.

 

[27]           Le demandeur conteste également la conclusion de la Commission selon laquelle son témoignage contredisait la preuve testamentaire relativement au fait que le Président Eyadema s’est présenté aux élections en 2003, alors qu’il a plutôt témoigné que son père avait accepté de se porter candidat à la présidence en croyant que le Président se retirait de la course. Le défendeur soutient essentiellement la position contraire.

 

[28]           Le demandeur prétend finalement que la Commission a ignoré une partie de la preuve dans sa décision. Sur ce dernier point, le défendeur soutient que, compte tenu du fait que la Commission ne croit pas l’histoire du demandeur, elle n’avait nul besoin d’examiner cette preuve.

 

[29]           On retrouve dans la jurisprudence un principe bien établi à savoir qu’un tribunal administratif est dans une position avantageuse pour évaluer la crédibilité des témoins, ce qui implique que la Cour doit faire preuve de déférence lorsqu’elle révise ce genre de conclusions. Ce principe est ainsi exprimé dans la décision R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. nº 162 (QL) au paragraphe ??? :

L'évaluation de la crédibilité d'un demandeur constitue l'essentiel de la compétence de la Commission. La Cour a statué que la Commission a une expertise bien établie pour statuer sur des questions de fait, et plus particulièrement pour évaluer la crédibilité et la crainte subjective de persécution d'un demandeur. (Références omises)

 

En outre, il a été reconnu et confirmé qu'en ce qui concerne la crédibilité et l'appréciation de la preuve, la Cour ne peut pas substituer sa décision à celle de la Commission si le demandeur n'a pas réussi à établir que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erroné, tiré de façon abusive ou arbitraire ou sans qu'il soit tenu compte des éléments dont elle disposait. (Références omises)

 

Normalement, la Commission peut à bon droit conclure que le demandeur n'est pas crédible à cause d'invraisemblances contenues dans la preuve qu'il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés "en termes clairs et explicites. (Références omises) 

 

[30]           La Cour reconnaît qu’elle doit faire preuve de déférence lorsqu’elle révise des conclusions qui portent sur la crédibilité des témoins. Il n’en demeure pas moins qu’elle a le pouvoir d’intervenir sur les questions de crédibilité lorsqu’elle est en présence d’erreurs manifestement déraisonnables. Le principe, selon lequel les allégations faites par un demandeur sous serment sont présumées être vraies à moins qu’il n’existe des raisons valables d’en douter, a été réitéré à maintes reprises par la Cour fédérale d’Appel (Moldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302, 305; Sathanandan c. M.E.I., [1991] A.C.F. nº 1016 (QL); Villarroel c. M.E.I., [1979] A.C.F. nº 210 (QL). Par ailleurs, les inférences relatives à la crédibilité doivent être étayées par la preuve (Frimpong c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. nº 441 (QL)).

 

[31]           La lecture du jugement de la Commission permet de conclure qu’une grande partie de sa conclusion, quant à la crédibilité du demandeur, repose sur des contradictions entre le récit du demandeur et le FRP de son frère, Fabrice. Sur cet élément, la Commission a « estim[é] que tant d’incohérences aussi significatives entre deux scénarios de la même histoire, sur un événement touchant le cœur de la demande d’asile du demandeur entache irrémédiablement la crédibilité de cet événement. »

 

[32]           Je suis en accord avec la détermination de la Commission voulant que cet élément, notamment les circonstances qui entourent la tentative d’assassinat du père du demandeur, soit au cœur de sa demande d’asile. Mais je suis en désaccord avec celle voulant que les divergences entre les déclarations du demandeur et de son frère enlèvent irrémédiablement toute crédibilité à cet événement.  Il est vrai que, dans son témoignage et dans son FPR, le demandeur déclare que ce sont les voisins qui sont venus secourir son père et non pas, comme son frère mentionne, que son père serait lui-même allé se réfugier chez les voisins; et que le frère du demandeur ne fait aucune mention du nom de l’agresseur de son père. Toutefois, il ressort de la preuve que le demandeur de même que son frère n’étaient pas présents au Togo au moment où ces événements sont survenus, ce qui implique que leurs connaissances résultent uniquement du témoignage qu’en ont fait des tierces personnes. Ainsi, dans la mesure où rien n’indique qu’ils aient obtenu leurs informations auprès des mêmes sources, il n’y a rien de surprenant dans le fait que leurs récits respectifs divergent. Les éléments déterminants à retenir à des fins de comparaison consistent en la source de leur crainte, laquelle est la tentative d’assassinat dont leur père aurait été victime; et en la source des ennuis de ce dernier, soit sa décision de se présenter aux élections présidentielles en 2003.

 

[33]           Qui plus est, bien que cette Cour reconnaisse que les actions posées par des tiers puissent avoir une certaine influence sur la vraisemblance d’un récit, elle ne peut admettre que le témoignage écrit d’un tiers, fait dans une autre instance et qui ne peut donc être l’objet d’un contre-interrogatoire, vienne enlever toute crédibilité au demandeur sur un élément important de son récit. De plus, compte tenu de la preuve donc elle disposait, la Commission ne pouvait se prononcer sur la crédibilité du frère du demandeur en l’instance. Le FRP du frère du demandeur ne constitue pas, en l’espèce, une preuve valable de nature à permettre de renverser la présomption de crédibilité qui s’attache au témoignage fait sous serment par le demandeur. Dans la mesure où le procès-verbal de l’audience et la décision de la Commission ne font pas état d’autres raisons de douter de la crédibilité du demandeur sur cette partie du récit, il y a lieu de constater l’absence de fondement en droit et en faits de cette conclusion. Je suis donc d’avis que la Commission a erré en déterminant que les divergences entre les déclarations du demandeur et celle de son frère enlèvent irrémédiablement toute crédibilité à cet événement, l’événement au cœur même de la demande d’asile.

 

[34]           Le défendeur a soumis à cette Cour que le juge Michel Beaudry, dans la décision Liu c. M.C.I., [2006] A.C.F. no 889 (QL), au paragraphe 39, a décidé que le FPR d’autres demandeurs d’asile pouvaient être utilisé pour évaluer la crédibilité d’un demandeur. Sans remettre en cause la justesse de cette décision, je ne puis appliquer le raisonnement utilisé par le juge Beaudry dans les présentes circonstances. Dans Liu, la Cour a déterminé que l’histoire du demandeur était une histoire type, fabriquée de toutes pièces, qu’elle présentait des similarités importantes entre le récit de six demandeurs d’asile qui avaient tous fait affaire avec le même conseiller et le même traducteur. Dans le cas qui nous occupe, la Commission utilise plutôt un FPR pour identifier des contradictions dans le récit du demandeur même si rien n’indique que le récit du frère du demandeur est davantage digne de foi que celui du demandeur.

 

[35]           La décision de la Commission repose également sur l’absence de preuve documentaire corroborante. La jurisprudence établit que la Commission ne peut pas rejeter la preuve du demandeur pour ce seul motif. (Ahortor c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. nº 705 (QL), Attakora c. Canada (M.E.I.), [1989] A.C.F. nº 444 (QL)). En l’espèce la Commission conclut ainsi puisqu’elle juge le demandeur non crédible,  comme le démontre le passage suivant de la décision :

Bien que le tribunal ne puisse pas inférer des conclusions négatives lorsqu’un demandeur ne produit pas de document de corroboration, un tel document aurait été utile, dans les circonstances particulières du présent dossier, puisque la crédibilité du demandeur est entachée. Considérant la notoriété du père du demandeur, le tribunal pouvait raisonnablement s’attendre à avoir une telle corroboration. […] En l’espèce, le père du demandeur est un personnage important du Togo puisqu’il fut premier ministre du pays durant quatre ans. Selon le témoignage du demandeur, son père était toujours un député du RPT au moment où on aurait prétendument voulu l’assassiner. (Je souligne.)

 

[36]           A la lecture des motifs de décision de la Commission, il est évident que la conclusion erronée en ce qui a trait la crédibilité de l’élément central de la demande d’asile entache l’ensemble de la décision de la Commission. Je suis donc d’avis que l’erreur est déterminante en soi, et qu’elle justifie l’intervention de la Cour.

 

[37]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision de la Commission sera cassée et le dossier sera renvoyé pour audience devant un tribunal autrement constitué.

 

[38]           Les parties n’ont pas proposé la certification d’une question grave de portée générale telle qu’envisagée à l’alinéa 74(d) de la LIPR. Je suis satisfait qu’une telle question ne soit soulevée en l’espèce. Aucune question ne sera donc certifiée.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire soit accueillie.

 

2.         La décision de la Commission sera cassée et le dossier sera renvoyé pour audience devant un tribunal autrement constitué.

 

3.         Aucune question n’ait certifiée.

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-1987-06

 

INTITULÉ :                                       Kwassi Wobuibe Klutse c. MC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 14 novembre 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE : le juge Blanchard

 

DATE :                                               le 12 décembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Chantal Ianniciello                                                   POUR LE DEMANDEUR

 

Me Patricia Nobl                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Chantal Ianniciello                                                  POUR LE DEMANDEUR

514-344-0333

Montréal (Québec)

 

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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