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Date : 20061212

Dossiers : IMM-6382-06

IMM-6439-06

 

Référence : 2006 CF 1486

Toronto (Ontario), le 12 décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

 

Dossier : IMM-6382-06

ENTRE :

BERNADINE DAVID

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

Dossier : IMM-6439-06

ET ENTRE :

BERNADINE DAVID

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s'agit d'une demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi devant être exécutée le 17 décembre 2006.

 

[2]               La demanderesse est citoyenne de la Barbade et de Sainte‑Lucie. Elle est arrivée au Canada à titre de visiteur le 19 novembre 2001 et elle a demandé l'asile le 14 septembre 2004. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande d'asile le 21 mars 2005 et aucune demande de contrôle judiciaire de cette décision n'a été présentée.

 

[3]               La demanderesse a présenté une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire le 2 août 2005; cette demande est encore en instance.

 

[4]               Le 26 juillet 2005, la demanderesse a été arrêtée et détenue. Elle a présenté une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) le 10 août 2006. Cette demande a été rejetée le 18 octobre 2000; la décision a été remise à la demanderesse le 16 novembre 2006 pendant qu'elle était en détention. On a également intimé à la demanderesse de se présenter pour son renvoi le 17 décembre 2006. Une demande de report du renvoi a été rejetée le 6 décembre 2005.

 

[5]               La demanderesse a présenté une demande d'autorisation de solliciter le contrôle judiciaire des deux décisions : (1) la décision défavorable rendue à la suite de l'ERAR le 18 octobre 2006 et (2) le refus le 6 décembre 2006 de reporter le renvoi.

 

[6]               Selon le critère conjonctif comportant trois volets qui a été énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), la demanderesse doit établir :

i)                    l'existence d'une question sérieuse;

ii)                   l'existence d'un préjudice irréparable;

iii)                 la prépondérance des inconvénients.

 

[7]               Je ne suis pas convaincu, pour les motifs énoncés ci‑après, que la demanderesse a établi l'existence d'un préjudice irréparable.

 

[8]               À l'appui de sa position au sujet du préjudice irréparable, la demanderesse fait plusieurs assertions qui peuvent être résumées comme suit :

i)                    la crainte d'être persécutée par son ancien ami et l'absence de protection de la part des autorités de l'État à la Barbade;

ii)                   la crainte d'être incapable de travailler dans l'industrie alimentaire parce qu'elle est séropositive et que le gouvernement soumettrait à des tests les personnes qui travaillent dans cette industrie afin de protéger l'industrie touristique;

iii)                 la crainte d'être stigmatisée parce qu'elle est séropositive;

iv)                 le besoin de soins médicaux parce qu'elle est séropositive.

 

[9]               Il est bien établi que la preuve relative au préjudice irréparable doit comporter plus qu'une simple suite de possibilités. Elle ne peut pas être fondée sur des conjectures ou sur de vagues généralités (voir Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 427, 330 N.R. 300, au paragraphe 14). De plus, il ne doit pas simplement s'agir des conséquences habituelles que comporte l'expulsion. Ces conséquences ont été décrites d'une façon concise par le juge Pelletier dans la décision Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2000), 188 F.T.R. 39, au paragraphe 21 :

Mais pour que l'expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au‑delà de ce qui est inhérent à la notion même d'expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L'expulsion s'accompagne de séparations forcées et de coeurs brisés.

 

[10]           De même, le juge Evans a dit ce qui suit dans l'arrêt Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 261, au paragraphe 13 :

Le renvoi de personnes qui sont demeurées au Canada sans statut bouleversera toujours le mode de vie qu'elles se sont donné ici. Ce sera le cas en particulier de jeunes enfants qui n'ont aucun souvenir du pays qu'ils ont quitté. Néanmoins, les difficultés qu'entraîne généralement un renvoi ne peuvent à mon avis constituer un préjudice irréparable au regard du critère exposé dans l'arrêt Toth, car autrement il faudrait accorder un sursis d'exécution dans la plupart des cas dès lors qu'il y aura une question sérieuse à trancher.

 

[11]           En l'espèce, la preuve comporte des points qui ont déjà été examinés dans des instances antérieures ou elle est conjecturale et vague.

 

[12]           Le point i) a déjà été examiné par la SPR et par l'agent chargé de l'ERAR et il n'a pas été retenu. La demanderesse ne présente pas de nouveaux éléments de preuve à cet égard; elle se contente de réitérer les affirmations qui ont déjà été faites devant ces deux décideurs. Pour satisfaire au critère énoncé dans l'arrêt Toth, il ne suffit pas de simplement reprendre les affirmations qui ont été faites dans des instances antérieures (voir Nalliah c. Canada (S.G.), 2004 CF 1649, au paragraphe 27).

 

[13]           Le point ii) n'a pas été établi. Mis à part l'affidavit de la demanderesse, aucun élément de preuve se rapportant aux présumés tests n'a été présenté. Deuxièmement, même si c'est vrai, cela veut simplement dire que la demanderesse perd un emploi dans un secteur de l'économie, c'est‑à‑dire qu'elle n'aura peut‑être pas d'emploi dans le domaine de son choix. Il est bien établi que la perte d'emploi est l'une des conséquences malheureuses d’un renvoi mais ne constitue pas pour autant un préjudice irréparable.

 

[14]           Quant au point iii), il est vraiment vague et conjectural. Aucun élément de preuve autre que les déclarations générales figurant dans l'affidavit n'a été présenté. En l'absence d'une preuve additionnelle, la Cour n'est pas en mesure d'examiner ce point.

 

[15]           Quant au point iv), la demanderesse ne reçoit aucun traitement à l'heure actuelle. Elle est simplement surveillée étant donné que le traitement initial a réussi. Encore une fois, les affirmations de la demanderesse ne constituent que de simples conjectures.

 

[16]           Par conséquent, étant donné que le volet « préjudice irréparable » du critère énoncé dans l'arrêt Toth n'a pas été établi, la demande doit être rejetée.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

 

                                                                                                       « Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  IMM-6382-06 et IMM-6439-06

 

INTITULÉ :                                                   BERNADINE DAVID

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

                                                                        BERNADINE DAVID

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                                        ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 11 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE von FINCKENSTEIN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 12 DÉCEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Melinda Gayda

POUR LA DEMANDERESSE

 

David Cranton

 

 

POUR LE DÉFENDEUR (MCI et MSPPC)

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

REFUGEE LAW OFFICE

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR (MCI et MSPPC)

 

 

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