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Date : 20061215

Dossier : IMM-1327-06

Référence : 2006 CF 1480

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

BOON LIM VONG

demandeur

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre d'une décision datée du 23 février 2006 par laquelle la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'a pas respecté l'obligation de résidence prévue à l'article 28 de la Loi au cours de la période quinquennale précédant le 2 août 2004.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[2]               La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit en ce qui a trait aux facteurs d'ordre humanitaire?

 

[3]               En arrivant à sa décision, la Commission a‑t‑elle tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable?

 

[4]               Pour les motifs énoncés ci‑après, il faut répondre à la première question par la négative et à la seconde question par l'affirmative. La demande doit être accueillie.

 

LES FAITS

[5]               Le demandeur, qui est d'ascendance chinoise, est né à Melaka, en Malaisie, le 6 juillet 1967. Il parle cantonnais et doit avoir recours à un interprète.

 

[6]               Le demandeur est d'abord arrivé au Canada en janvier 1992 et le statut de réfugié lui a été reconnu le 9 juin 1993. Il a obtenu la résidence permanente ou le droit d'établissement au Canada le 15 janvier 1994 et non le 26 janvier 1994, comme l’a dit la Commission au paragraphe 4 de sa décision (voir le dossier certifié du tribunal (le dossier), volume 2 de 2, page 214, et le dossier du demandeur, page 21).

 

[7]               Les problèmes du demandeur ont commencé lorsqu'il est retourné chez lui, en Malaisie, le jour de son anniversaire, soit le 6 juillet 2004, pour prendre les cendres de sa mère et les faire enterrer près des restes de son père. Une fois sa mission accomplie, le demandeur s'est rendu au haut‑commissariat du Canada à Kuala Lumpur, le 26 juillet 2004; il a rempli un formulaire de demande de titre de voyage (résident canadien à l'extérieur) pour revenir au Canada. Dans cette demande, il a déclaré avoir été présent au Canada de juillet 1999 à juillet 2004. Pourtant, lors d'une entrevue ayant eu lieu le même jour en présence d'un interprète, l'agent a cru comprendre que le demandeur disait s'être rendu au Canada environ quatre fois au cours des cinq dernières années, pour une période d'environ deux semaines chaque fois (c'est‑à‑dire moins de 60 jours en tout) (voir les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), dossier, volume 2 de 2, page 207).

 

[8]               Cette période de 60 jours est bien loin de satisfaire aux obligations de résidence d'un résident permanent qui doit effectivement résider au Canada pendant au moins deux ans au cours de chaque période quinquennale afin de maintenir son statut de résident permanent.

 

[9]               Par conséquent, on a demandé au demandeur de se présenter de nouveau au haut‑commissariat du Canada dix jours plus tard et de fournir des documents justificatifs, notamment son ancien passeport, une lettre de son employeur et un avis de cotisation pour les trois dernières années au Canada.

 

[10]           Le demandeur s'est conformé aux trois exigences. Premièrement, il a produit son ancien passeport. Toutefois, même si le passeport avait été délivré en Malaisie le 10 février 2000 et était valide jusqu'au 10 février 2005, il ne renfermait aucun timbre d'un point d'entrée au Canada. Les notes du STIDI contiennent ce qui suit (dossier du demandeur, volume 2 de 2, page 208) :

[traduction] L'ANCIEN PASSEPORT A ÉTÉ DÉLIVRÉ EN MALAISIE LE 12 FÉV. 2000 AUCUN TIMBRE D'ENTRÉE AU CANADA N'Y EST APPOSÉ. LE NOUVEAU PASSEPORT A ÉGALEMENT ÉTÉ DÉLIVRÉ EN MALAISIE; IL NE CONTIENT LUI NON PLUS AUCUN TIMBRE D'ENTRÉE AU CANADA. L'ANCIEN PASSEPORT INDIQUE QUE LE DEMANDEUR A QUITTÉ LA MALAISIE LE 17 FÉV. 2000, S'EST RENDU EN ALLEMAGNE EN OCT. 2001, EST ENTRÉ À HONG KONG LE 29 OCT. 2001, EN EST SORTI LE 14 NOV. 2001. HABITUELLEMENT, LES PASSEPORTS MALAISIENS NE CONTIENNENT HABITUELLEMENT PAS DE TIMBRE D'ENTRÉE EN MALAISIE OU DE SORTIE DE LA MALAISIE. IL EST CLAIR QUE RIEN NE MONTRE QUE LE DEMANDEUR EST ENTRÉ AU CANADA DEPUIS 2000.

 

[11]           Deuxièmement, le 28 juillet 2004, l'employeur du demandeur a télécopié une lettre indiquant que le demandeur avait travaillé comme entrepreneur indépendant en fournissant des services intermittents à titre de promoteur du Athens Cultural Club auprès de la communauté asiatique. Toutefois, ce n'est pas ce que le demandeur avait indiqué. Lors de l'entrevue, le demandeur a déclaré travailler comme cuisinier à Richmond (Colombie‑Britannique).

 

[12]           Troisièmement, en ce qui concerne les cotisations d'impôt sur le revenu, le demandeur a remis un état de compte daté d'octobre 2003 de Développement des ressources humaines Canada (DRHC) indiquant qu'il avait versé des cotisations au Régime de pensions du Canada et au Régime de rentes du Québec pour les années 1995, 1996, 1997, 1998 et 2002. Le demandeur a également soumis un feuillet T4 pour l'année 2002, en date du 14 avril 2003, ainsi qu'une lettre datée du 29 septembre 2003 de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, Centre fiscal de Surrey, concernant les cotisations des années 2001 et 2002.

 

[13]           En plus de ces cotisations d'impôt sur le revenu, le demandeur a produit la preuve de résidence suivante :

a)      Régime d'assurance‑maladie de la Colombie‑Britannique Avis de facturation de la prime en date du 3 août 2003;

b)      Lettre de la Colombie‑Britannique en date du 28 octobre 2003, adressée au demandeur, concernant la demande de renseignements faite au sujet d'une dette impayée envers le ministère des Ressources humaines de la Colombie‑Britannique (le MRH);

c)      Lettre de la Colombie‑Britannique en date du 13 novembre 2003, adressée au demandeur, concernant la demande de subvention qu'il avait faite aux fins du paiement de la prime.

 

[14]           Malgré ces documents, l'agent au haut‑commissariat du Canada à Kuala Lumpur a refusé de délivrer un titre de voyage au demandeur et a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour justifier le maintien du statut de résident permanent. En particulier, les notes du STIDI contiennent ce qui suit :

[traduction] LA LETTRE D'EMPLOI MONTRE QUE LE DEMANDEUR TRAVAILLE COMME PROMOTEUR AU ATHENS CULTURAL CLUB CE N'EST PAS CE QU’IL M'A DIT IL A DÉCLARÉ TRAVAILLER COMME CUISINIER À RICHMOND (C.‑B.).

 

L'ÉTAT DE COMPTE DU RPC DE DRHC MONTRE QU'AUCUNE COTISATION N'A ÉTÉ VERSÉE EN 1999, EN 2000 ET EN 2001. POURTANT, LE DEMANDEUR M'A DIT QU'IL TRAVAILLAIT COMME CHEF CUISINIER À RICHMOND.

 

LE REVENU TOTAL EN 2002 ÉTAIT DE 4 660 $.

 

LA LETTRE DE REMBOURSEMENT DE LA TPS, DATÉE DU 3 JUIN 2002, INDIQUE, COMME ADRESSE, LE 1‑2395, 45e AVENUE EST, VANCOUVER. POURTANT, LE BUREAU DE FACTURATION DES PRIMES DU RÉGIME D'ASSURANCE‑MALADIE DE LA C.‑B. INDIQUE LE 1978, 39e AVENUE EST, VANCOUVER (EN DATE D’AOÛT 2003), ET L'ADRESSE ACTUELLE, SELON LE FORMULAIRE DE DEMANDE, EST LE 2395, 45e AVENUE EST. POURQUOI L'ADRESSE ÉTAIT‑ELLE DIFFÉRENTE EN 2003?

 

IL FAUT DEMANDER AU DEMANDEUR DE REVENIR LES RENSEIGNEMENTS SONT INCOMPATIBLES AVEC SA PROPRE DÉCLARATION. IL SEMBLE QUE LE DEMANDEUR N'ÉTAIT PAS AU CANADA ET QU'IL A PEUT‑ÊTRE FRAUDÉ LE CANADA.

 

SELON CANADA 411, VONG, BOON L. RÉSIDE AU 1978, 39e RUE EST.

 

le deMANDEUR a soumis des lettres, des relevés bancaires et aInsi de suite, PORTANT une adresse AU CANADA, mais cela n'indique pas qu'il était effectivement présent au canada.

 

LA demande ne me convainc pas. elle est refusée.

 

le deMANDEUR a été informé de ses droits d'appel il interjettera appel des formulaires LUI ont été remis.

 

le deMANDEUR m'a montré un permis de conduire de la c.‑b. qui vient d'être délivré, en date du 22 juin 2004.

 

d'accord il a été une fois au canada au cours des cinq dernières années. le deMANDEUR peut interjeter appel du refus en personne.

 

d'accord visa délivré.

 

 

[15]           Le demandeur a interjeté appel de cette décision et, lors de procédures de novo devant la Commission, il a produit de nouveaux éléments de preuve à l'appui de la prétention selon laquelle il remplissait la condition de résidence de deux ans. Ces nouveaux éléments de preuve étaient notamment les suivants :

a)      des factures MasterCard adressées au demandeur au 1‑2395, 45e Avenue Est, Vancouver (C.‑B.), pour la période du 13‑09‑01 au 15‑12‑02;

b)      une facture MasterCard adressée au demandeur au 1‑600, rue de la Gauchetière Ouest, Montréal (Québec), en date du 13‑01‑03;

c)      des factures MasterCard adressées au demandeur au 1978, 39e Avenue Est, Vancouver (C.‑B.), pour la période du 13‑01‑03 au 13‑08‑03;

d)      des factures MasterCard adressées au demandeur au 1‑2395, 45e Avenue, Vancouver (C.‑B.), pour la période du 14‑09‑03 au 13‑01‑04;

e)      une recherche relative au dossier de conduite du demandeur en Colombie‑Britannique, de l'Insurance Corporation of British Columbia, adressée au 1‑2395, 45e Avenue Est, Vancouver (C.‑B.), en date du 13 décembre 2005, indiquant que le demandeur détenait un permis de conduire de la Colombie‑Britannique dont la date initiale était le 20 décembre 2002 et la date d'expiration le 6 juillet 2007;

f)        des documents d'ATLAS ANIMAL (VANCOUVER) se rapportant aux visites que le demandeur a effectuées chez le vétérinaire avec son chihuahua, GiGi. La seule adresse indiquée est le 1‑2395, 45e Rue Est. Les dates indiquées pour les visites sont les suivantes :

i)        15‑06-02 16‑06-02

ii)       09‑06-02

iii)     14‑06-02

iv)     15‑06-02

v)      21‑06-02

vi)     04-03‑02

vii)   12-05-04

 

g)      des états de compte de Shaw Cable au 13 décembre 2005, adressés au demandeur au BSMTW‑2538, 42e Avenue Est, Vancouver (C.‑B.). L’état couvre la période du 3 décembre 2003 au 13 décembre 2005;

h)      des relevés de Telus adressés au demandeur au BSMT 1978, 39e Avenue Est, Vancouver (C.‑B.), pour la période du 14 décembre 2002 au 14 octobre 2003;

i)        un affidavit établi le 19 décembre 2005 dans lequel Kam Wun Siem déclare connaître personnellement le demandeur depuis le 15 septembre 2003, date à laquelle le demandeur s'est installé comme locataire au 2538, 45e Avenue, Vancouver (C.‑B.);

j)        des relevés RBC de la Banque Royale concernant le demandeur pour la période du 31 décembre 1999 au 31 décembre 2004, adressés au demandeur à l'appartement no 1, 2395, 45e Avenue Est, Vancouver (C.‑B.).

 

[16]           Malgré ces nouveaux éléments de preuve étayant les allégations selon lesquelles le demandeur remplissait les conditions de résidence, la Commission n'a pas jugé la preuve crédible et elle a rejeté l'appel. La présente demande de contrôle judiciaire concerne le rejet de l'appel.

 

DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[17]           En plus des éléments dont l'agent d'immigration disposait, la Commission a été saisie de nouveaux éléments de preuve, notamment les éléments susmentionnés, ainsi que les témoignages du demandeur et de son témoin, M. Brian Xu, qui était l'ancien propriétaire du demandeur pendant la période de novembre 2000 à juin 2003, au 1978, 39e Avenue Est.

 

[18]           À l'audience, l'avocat du demandeur a déclaré que son client ne contestait pas la validité en droit de la décision rendue par l'agent d'immigration parce que l'agent s'était fondé, dans sa décision, sur les renseignements que son client avait fournis. Toutefois, l'avocat a dit que le demandeur était déconcerté lorsqu'il a fourni les renseignements et qu'il n'avait pas été en mesure de fournir d'autres documents demandés par l'agent d'immigration.

 

[19]           À l'audience tenue devant la Commission, le demandeur a renoncé à son droit de demander la prise de mesures spéciales en vertu de l'alinéa 67(1)c) de la Loi (les motifs d'ordre humanitaire). Il a plutôt cherché à fournir des éléments de preuve établissant qu'il remplissait les conditions de résidence.

 

[20]           La crédibilité est au coeur de la décision de la Commission, dans laquelle les préoccupations suivantes sont exprimées (décision, paragraphe 12) :

D'après les notes du STIDI, l'appelant a déclaré à l'agent d'immigration qu'il était venu au Canada quatre fois durant la période quinquennale, passant chaque fois deux semaines au Canada; à ce sujet, il a soutenu qu'il s'agissait d'un malentendu découlant de sa mauvaise maîtrise de l'anglais et de l'absence d'un interprète. Il pensait avoir voulu dire qu'il s'était rendu en Malaisie quatre fois au cours de la période quinquennale, passant deux semaines en Malaisie à chacun de ses voyages. Toutefois, les notes du STIDI indiquent qu'un interprète était disponible à l'entrevue pour assurer la traduction en cantonais. Par conséquent, le tribunal conclut que son explication n'est pas valable.

 

[21]           Même s'il a déclaré dans sa demande avoir passé toute la période quinquennale au Canada, le demandeur a dit avoir effectué les voyages suivants à l'extérieur du Canada :

a)      en Allemagne, en 2002, pour une semaine;

b)      à Hong Kong, en 2001, pour trois semaines;

c)      à Las Vegas, en 2000, pour cinq jours;

d)      en Malaisie, à trois reprises : en 1999 pour un mois, en 2002 pour trois semaines et en 2004 pour 26 jours.

 

[22]           La Commission n'avait pas à sa disposition une copie du passeport qui avait été délivré au demandeur en février 1990. Toutefois, elle avait la copie du passeport délivré à Melaka, en Malaisie, le 10 février 2000, ainsi qu'une copie du passeport délivré par le même bureau le 23 juillet 2004. Les timbres apposés dans le passeport délivré en 2000 confirmaient que le demandeur s'était rendu à Hong Kong en 2001. Toutefois, en ce qui concerne son présumé séjour d'une semaine en Allemagne en 2002, le timbre apposé dans le passeport est daté du mois d'octobre 2001 et non de 2002 comme le demandeur l'a déclaré dans son témoignage.

 

[23]           En outre, il n’y a dans le passeport de 2000 aucun timbre indiquant que le demandeur est passé par un point d'entrée canadien en utilisant ce passeport. La Commission ne disposait d'aucun élément de preuve indiquant si le demandeur était revenu au Canada entre les voyages qu'il a effectués en Allemagne et à Hong Kong. La Commission fait également remarquer que le passeport de 2004 contient le visa pour une entrée unique au Canada délivré par l'agent canadien des visas à Kuala Lumpur et un timbre d'entrée au Canada en date du 3 août 2004. La Commission a conclu que, même si elle ne disposait d'aucun élément de preuve au sujet des trois ou quatre occasions, pendant la période de validité du passeport délivré en 2000, où le demandeur est peut‑être revenu au Canada, elle n'avait aucune preuve qu'Immigration Canada estampille toujours les passeports des résidents permanents qui entrent au Canada ou qui quittent le Canada. Toutefois, la Commission a conclu ce qui suit (décision, paragraphe 25) :

[...] compte tenu de la présence d'un timbre d'entrée canadien dans son passeport de 2004, le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'est pas crédible que, si l'appelant était passé trois ou quatre fois par un point d'entrée canadien sur une période de deux ans avec son passeport de 2000, aucun timbre d'entrée n'aurait été apposé dans son passeport au moment de ses entrées ou sorties.

 

C'est ce qui a amené la Commission à conclure que le témoignage du demandeur n'était pas crédible.

 

[24]           De plus, le demandeur n'a pas mentionné un séjour effectué en Malaisie en 2000; pourtant, son passeport de 2000 contient un timbre indiquant que le demandeur était en Malaisie en février 2000. Lorsqu'elle lui a posé des questions au sujet de cette omission, le demandeur a informé la Commission qu'il ne se rappelait pas ce voyage parce qu'au moment où il a témoigné, il était pressé.

 

[25]           La Commission a dit qu’à l’audience, le demandeur avait répondu aux questions de « façon plutôt négligente », en ce sens qu'il a été incapable de fournir, avec un certain degré de certitude, de renseignements au sujet de ses voyages en Malaisie.

 

[26]           La Commission a également conclu que le demandeur était « pour le moins peu conscient de ce que supposait son appel ». L'appel devait être entendu le 12 décembre 2005, mais le demandeur n'avait pas produit de documents à l'appui de son appel. L'avocat a informé la Commission que le demandeur n'était pas prêt sur le plan émotif pour l'audition de son appel et qu'il avait mal compris les demandes qui lui avaient été faites par écrit au sujet du mandat de représentation ainsi que les documents que lui avait envoyés l'avocat.

 

[27]           En outre, même si le demandeur a fourni des documents justificatifs avant la nouvelle date limite du 31 décembre 2005, à l'audience, l'avocat a cherché à faire admettre 240 pages de documents additionnels contenant des relevés de téléphone cellulaire de Rogers, ce que la Commission a refusé non seulement à cause de la taille de la documentation et du moment où elle a été produite, mais aussi parce que le demandeur aurait amplement eu le temps de produire ces documents s'il avait fait preuve de diligence raisonnable.

 

[28]           En ce qui concerne les relevés d'emploi qui peuvent être utilisés pour établir la résidence, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas fourni de documents confirmant son emploi de cuisinier, ainsi qu'il l'avait allégué devant l'agent d'immigration à Kuala Lumpur. La Commission a souligné qu'elle avait devant elle une lettre datée du 28 juillet 2004 du Athens Club, à Vancouver, indiquant que le demandeur avait travaillé au Club de manière intermittente au cours de l'année qui venait de s'écouler. Enfin, la Commission a conclu ce qui suit au sujet de la nature des autres activités professionnelles du demandeur (décision, paragraphe 27) :

[…] Interrogé sur ses autres activités professionnelles, l'appelant a décrit le travail qu'il fait et a convenu avec le conseil du ministre qu'on pourrait dire de lui qu'il travaille comme [traduction] « usurier ». Ainsi, a-t-il indiqué, il touche souvent des paiements au comptant qu'il ne déclare pas aux autorités fiscales canadiennes. Manifestement, il ne s'agit pas d'une façon responsable de faire face à ses obligations civiques et cela prive l'appelant de documents qu'il pourrait présenter pour confirmer sa résidence au Canada pendant la période quinquennale en cause […]

 

[29]           La Commission a examiné les relevés mensuels de MasterCard envoyés au demandeur à ses adresses, 45e Avenue Est, et 39e Rue, lesquels faisaient état de transactions effectuées au Canada, notamment à Vancouver, Toronto et Niagara Falls. Toutefois, la Commission a statué qu'étant donné que le demandeur avait déclaré qu'il arrivait que son amie utilise cette carte de crédit pour effectuer des achats, il était impossible de conclure, selon la prépondérance de la preuve, que les inscriptions figurant sur les relevés indiquaient que le demandeur était la personne qui utilisait la carte au Canada.

 

[30]           La Commission a également examiné les relevés de téléphone que le demandeur a reçus de Telus et qui ont été envoyés à l'adresse de la 39e Rue. La Commission a conclu que les dates de ces relevés chevauchaient les dates des relevés de MasterCard qui avaient été envoyés au demandeur à l'adresse de la 45e Avenue Est, ce qui était, selon le témoignage du demandeur, l'adresse de la mère de son amie. La Commission a donc conclu que ces relevés ne confirmaient pas nécessairement que le demandeur vivait à cet endroit au cours de la période pertinente. « [ Ils ] signifient seulement que l'appelant a utilisé ces adresses. »

 

[31]           La Commission a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité au sujet des relevés bancaires de RBC visant la période de janvier 2000 à décembre 2004. Le demandeur a déclaré que les relevés indiquent d'importantes transactions que seul le titulaire du compte pouvait effectuer en personne à la succursale. Il a également déclaré que son amie n'utilisait pas sa carte bancaire. Toutefois, étant donné qu'il s'était également rétracté relativement à sa déclaration selon laquelle son amie n'avait jamais utilisé sa MasterCard, la Commission n'a pas cru non plus que le demandeur était digne de foi sur ce point.

[32]           En l'absence de documents justificatifs provenant du témoin du demandeur, le propriétaire Brian Xu, et compte tenu de la preuve dans son ensemble, la Commission a conclu, selon la prépondérance de la preuve, que le demandeur n'était pas non plus digne de foi sur ce point.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[33]           Les dispositions pertinentes de la Loi, et notamment l'article 28 et l'alinéa 67(1)c), sont reproduites ci‑dessous :

Obligation de résidence

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

 

Application

 (2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

 

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

 

(i) il est effectivement présent au Canada,

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

 

 

 

 

 

c) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle.

 

 

Fondement de l’appel

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

 [. . .] 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

Residency obligation

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

 

Application

 (2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

(i) physically present in Canada,

 

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

 

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

 

Appeal allowed

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

 [. . .] or

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassion-ate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

ANALYSE

Question préliminaire : Preuve irrecevable contenue dans le dossier du demandeur

[34]           Le défendeur s'oppose à l’admissibilité d'éléments de preuve contenus dans le dossier du demandeur et dont la Commission ne disposait pas. En particulier, le défendeur attire l'attention de la Cour sur les documents suivants :

a)      l'affidavit d'Ong, Phuong Luom, établi le 5 avril 2006, figurant aux pages 10 à 12 du dossier du demandeur, lequel traite exclusivement de la preuve relative aux facteurs d'ordre humanitaire présentée par l'amie du demandeur, preuve qui n'a jamais été demandée et n'a jamais été soumise à la Commission;

 

b)      l'affidavit du demandeur, établi le 5 avril 2006, figurant aux pages 6 à 9 du dossier du demandeur, dans lequel le demandeur donne des explications ou invite la Cour à soupeser les explications qu'il donne au sujet de la renonciation aux motifs d'ordre humanitaire ou au sujet de l'absence de renonciation;

 

c)      l'affidavit de David Matas, pièce B, établi le 10 avril 2006, lequel comprend les documents suivants qui n'ont pas été produits devant la Commission :

i)        l'historique des réclamations faites à Insurance Corporation of British‑Columbia (ICBC), figurant aux pages 148 et 149;

ii)       le certificat de décès, accompagné d'une photo, aux pages 150 et 151;

iii)     les relevés de téléphone de Rogers, du 6 mai 2000 au 3 décembre 2004, aux pages 152 à 252.

 

[35]           Il est bien établi en droit, ainsi que l'a fait remarquer mon collègue le juge Frederick Gibson au paragraphe 4 de la décision Lemiecha (Tuteur d'instance) c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 24 Imm. L.R. (2d) 95, [1993] A.C.F. no 1333 (C.F. 1re inst.) (QL), que le contrôle judiciaire d'une décision que rend un office fédéral « doit être fondé sur les éléments de preuve dont le décisionnaire était saisi ». (Voir également le juge Richard Mosley dans la décision Alabadleh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 716, [2006] A.C.F. no 913 (C.F.) (QL), au paragraphe 6.)

[36]           De même, la Cour fédérale a statué que le contenu d'un affidavit qui est produit à l'appui du contrôle judiciaire et dont ne disposait pas le décideur n'est admissible que dans des circonstances restreintes. Dans la décision Mazuryk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 257, [2002] A.C.F. no 334 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 22, la juge Eleanor Dawson a dit ce qui suit :

[…] Il faut aussi se rappeler, lorsqu'on examine le contenu d'un affidavit au soutien d'une demande de contrôle judiciaire, que la preuve qui n'était pas devant le décideur n'est recevable que dans des circonstances très restreintes, par exemple lorsqu'elle est nécessaire pour établir un manquement aux principes de justice naturelle.

 

Or, il n'existe aucune circonstance de ce genre en l'espèce.

 

 

i)          Affidavit d'Ong, Phuong Luom

[37]           J'ai minutieusement examiné le dossier certifié du tribunal ainsi que le dossier du demandeur et je constate que Mme Ong, Phuong Luom n'a pas témoigné à l'audience. De plus, puisque l'affidavit a été déposé après l'audience, son contenu se rapporte à des facteurs d'ordre humanitaire sur lesquels Mme Ong, Phuong Luom aurait témoigné si elle avait été citée par le demandeur devant la Commission.

 

[38]           Cela soulève deux points. En premier lieu, le contrôle judiciaire d'une décision administrative ne constitue pas une nouvelle audition d'une affaire dont la Commission était saisie. Le rôle de la cour saisie du contrôle judiciaire n'est pas de rouvrir le processus, de recevoir de nouveaux éléments de preuve et peut‑être de tirer une conclusion différente, mais plutôt d'examiner si la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle, qu'il s'agisse d'une erreur de fait, d'une erreur mixte de fait et de droit ou d'une erreur de droit, compte tenu de la preuve dont elle disposait. Accepter l'affidavit de l'amie du demandeur reviendrait à nier cet objectif véritable de la procédure de contrôle judiciaire et ne servirait qu'à entraîner une avalanche de propositions similaires concernant des éléments de preuve soumis après coup.

 

[39]           En second lieu, le demandeur était représenté par un avocat. Il a eu amplement la possibilité de présenter sa preuve, notamment en faisant entendre des témoins, ce qu'il a fait. La procédure est maintenant terminée pour ce qui est de la présentation de nouveaux éléments de preuve, à moins que le demandeur ne puisse démontrer qu'il y a eu manquement à l'équité procédurale ou aux principes de justice naturelle. Or, cet argument n'est pas invoqué en l'espèce,.

 

[40]           En fait, le demandeur semble maintenant soutenir que son avocat l'a mal servi en renonçant à l'examen par la Commission des facteurs d'ordre humanitaire. Quoi qu’il en soit, la Commission n'était pas tenue d'intervenir quant au choix de l'avocat effectué par le demandeur. Sur ce point, je me reporterai aux remarques de mon collègue le juge Simon Noël dans la décision Angeles c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1257, [2004] A.C.F. no 1515 (C.F.) (QL), au paragraphe 15 :

[…] je ne trouve aucun élément de preuve me permettant de conclure que le demandeur ou sa représentante ont montré à la SAI qu'ils se posaient quelque question que ce soit quant à savoir si les services d'un conseil compétent devaient être retenus. Cela étant dit, je me fonde sur les commentaires suivants du juge Rothstein dans la décision Huynh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 65 F.T.R. 11, [1993] A.C.F. n642 (C.F. 1re inst.) (QL), et je suis d'accord avec le défendeur pour dire que la conduite du conseil ne pose aucun problème quant au respect par le tribunal administratif des principes de justice naturelle :

 

[...] Le fait que l'histoire du requérant n'ait pas été racontée ou ne se soit pas fait jour peut avoir été une faute de la part de l'avocat, ou il se peut que le requérant n'ait pas donné à l'avocat l'information appropriée. Selon mon interprétation des faits, le requérant a librement choisi son avocat. Si l'avocat ne représentait pas adéquatement son client, c'est une affaire entre le client et l'avocat.

 

Je conclus donc que la SAI n'était pas tenue d'intervenir relativement au conseil choisi par le demandeur et qu'en l'espèce, la « compétence du conseil » n’est pas un argument qui justifierait une conclusion suivant laquelle la SAI a manqué aux principes de justice naturelle.

 

 

[41]           Je retiendrai donc l'objection relative à la recevabilité de l'affidavit de Mme Ong, Phuong Luom. L'affidavit est radié du dossier de la Cour.

 

ii)        Affidavit du demandeur

[42]           Le défendeur soutient que l'affidavit du demandeur, établi le 5 avril 2006, comporte des éléments de preuve dont ne disposait pas la Commission. Je suis d'accord avec cet argument. Le contenu de cet affidavit constitue un effort ultime de la part du demandeur pour présenter sa preuve devant la Cour. Il n'est pas nécessairement mauvais de le faire. Toutefois, l'affidavit comprend des renseignements dont la Commission ne disposait pas, bien que le demandeur ait eu amplement la possibilité de les fournir avant l'audience et lorsqu'il a témoigné à l'audience. Cela étant, je conclus que l'affidavit du demandeur, établi le 5 avril 2006, n'est pas recevable en preuve dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

 

iii)       Irrecevabilité partielle de la pièce B, affidavit de David Matas

[43]           À l'audience, le représentant du demandeur a concédé que les pages 148 à 252 contenues dans la pièce B de son affidavit devaient être radiées du dossier.

 

QUESTIONS DE FOND

1.  La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ce qui a trait aux facteurs d'ordre humanitaire?

La norme de contrôle

[44]           Il n'est pas nécessaire d'effectuer l'analyse pragmatique et fonctionnelle habituelle exigée par l'arrêt Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, à l'égard du contrôle judiciaire de décisions rendues par la Section d'appel de l'immigration (la Commission), comme c'est le cas en l'espèce. La Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale ont toutes deux examiné la question dans de nombreuses décisions et ont confirmé que la norme de contrôle à appliquer aux décisions fondées sur des faits rendues par la Commission est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[45]           En d'autres termes, la Cour fédérale fera preuve d'une grande retenue envers la Commission lorsqu'elle examine les décisions que celle‑ci a rendues en se fondant sur les faits. Je m'appuie d'une façon toute particulière sur les décisions suivantes : Jessani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 127, [2001] A.C.F. no 662 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 16; Qiu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 15, 226 F.T.R. 178 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 32; Mand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1637, [2005] A.C.F. no 2016 (C.F.) (QL), au paragraphe 13; Bhalru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 777, [2005] A.C.F. no 981 (C.F.) (QL), au paragraphe 18; Chang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 157, [2006] A.C.F. no 217 (C.F.) (QL), aux paragraphes 20 et 21.

 

[46]           En l'espèce, la Commission devait examiner la décision de l'agent d'immigration, qui avait conclu que le demandeur ne s'était pas conformé aux obligations de résidence énoncées à l'article 28 de la Loi et qu'il n'existait pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour justifier le maintien du statut de résident permanent. Cela étant, la Commission devait examiner des questions mixtes de fait et de droit. En outre, l'application de l'alinéa 67(1)c) aux faits particuliers de l'affaire soulève une question de droit, mais la décision de la Commission est fortement axée sur les faits. Par conséquent, la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

Les facteurs d'ordre humanitaire

[47]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de droit en n'examinant pas les facteurs d'ordre humanitaire, et ce, malgré la renonciation expresse effectuée par l'avocat du demandeur à l'audience. L'avocat du demandeur fait en outre valoir qu'en vertu de la nouvelle loi ou de la loi actuelle, et contrairement à ce qui était le cas en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2 [laquelle a été abrogée], les facteurs d'ordre humanitaire sont immuables. Même si le demandeur renonce au droit à l'examen des facteurs d'ordre humanitaire, la Commission est tenue en droit de trancher la question parce que [traduction] « les offices et les tribunaux judicaires sont tenus d'appliquer la loi, peu importe la position adoptée par les parties ».

 

[48]           À l'appui de ce point de vue, l'avocat du demandeur réfère la Cour à la décision rendue par la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'affaire Walker Ranch Ltd. c. Zuidema Farms Inc., 2003 SKCA 127, [2003] S.J. no 802 (C.A. Sask.). Je ne vois pas en quoi cet arrêt est pertinent pour la décision administrative en cause dans la présente espèce. En effet, non seulement il s'agissait d'une décision concernant deux particuliers se rapportant à un prêt agricole consenti en vertu de la Farm Land Security Act de la Saskatchewan, S.S. 1984‑85‑86, ch. F‑8.01, et de l'article 347 des Queen's Bench Rules de la Saskatchewan, mais la décision n'a pas valeur de précédent devant la Cour fédérale; de plus, elle n'est selon moi ni convaincante ni applicable en l'espèce.

 

[49]           Comme le défendeur l'a proposé, je me fonde plutôt sur la décision rendue en 1995 par la Cour fédérale dans l'affaire Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 98 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 8 à 10, dans laquelle l'avocat du demandeur avait avancé un argument similaire devant le juge suppléant Heald, qui a statué comme suit :

Le dossier étaye la conclusion que la Commission a pris en considération l'ensemble des points débattus devant elle, et que la preuve étaye entièrement la décision qu'elle a prise sur ces points. L'argument de l'inconstitutionnalité porte sur la légalité de l'ordonnance d'expulsion. Cependant, le problème qu'a le requérant est que la légalité de cette ordonnance a été admise au début de la procédure introduite devant la Section d'appel. Elle n'a jamais été en litige devant la Section d'appel. Par conséquent, je ne vois pas comment la question de la légalité peut être soulevée dans le contrôle judiciaire de la procédure intentée devant le tribunal alors qu'il ne s'agissait pas d'un point en litige devant le tribunal lui-même.

L'avocat du requérant, MMatas, a fait valoir que la question de l'inconstitutionnalité ne peut-être abandonnée. Selon moi, cet argument n'est pas convaincant. Le juge Marceau a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Poirier c. Canada (Ministre des Anciens combattants), à la page 247 du recueil : « La Cour ne peut pas se prononcer sur une question qui ne se posait pas à l'autorité administrative, ni ordonner à celle-ci de répondre de telle façon à une question qui ne la concerne pas ». Dans la décision Tétreault-Gadoury, rendue par la Cour Suprême du Canada, le juge La Forest a indiqué ceci :

 

Au moment où l'intimée a soulevé la question constitutionnelle devant le conseil arbitral, la question de la compétence du conseil d'entendre une contestation de ce genre n'était pas réglée. Il est donc compréhensible qu'elle ait été tentée de soulever cette question directement à la Cour d'appel. Il ne faut toutefois pas oublier la nature spéciale des pouvoirs de révision conférés à la Cour d'appel fédérale par l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Ces pouvoirs se limitent à surveiller et à contrôler la légalité des décisions des organes administratifs et à leur demander de reconsidérer l'affaire en leur donnant, le cas échéant, les directives appropriées; voir Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, al. 52d); Poirier c. Canada (Ministre des Affaires des anciens combattants), [1989] 3 C.F. 233, le juge Marceau, à la p. 247. Je suis donc d'avis que, bien que la question de la compétence ait été légitimement soumise à la Cour d'appel, celle-ci n'avait pas compétence pour trancher de façon définitive la question constitutionnelle.

 

Suite à ces décisions, le juge Décary, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a décrété ce qui suit dans l'affaire Toussaint : « ... il est clairement établi que cette Cour, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, ne peut trancher une question qui n'a pas été soulevée devant le tribunal administratif ».

 

 

[50]           L'avocat du demandeur soutient également que, contrairement à ce qui a été le cas pour le bureau des visas, la Commission n'a pas rendu de décision au sujet des motifs d'ordre humanitaire. Je ne suis pas d'accord avec lui. Contrairement à ce que prétend l'avocat, la question n'a pas été passée sous silence sans être tranchée. De fait, la présidente de l'audience s'est penchée sur la question. C'est pourquoi elle a invité l'avocat du demandeur à indiquer si son client voulait invoquer le pouvoir discrétionnaire de la Commission de prendre en considération les facteurs d'ordre humanitaire. La Commission a eu raison de poser la question. Il convient de répondre à cette question par la négative.

 

[51]           Il est intéressant de rappeler les échanges qui ont eu lieu à l'audience sur ce point entre la présidente et l'avocat du demandeur (dossier certifié du tribunal, page 24, lignes 36 à 40, et page 25, lignes 1 à 12) :

[traduction]

 

LA PRÉSIDENTE : Me demandez-vous donc de cesser d'examiner la question et de me fonder sur le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré lorsqu'il s'agit de tenir compte de l'intérêt supérieur d'un enfant ou d'enfants directement touchés par la décision, et de déterminer s'il existe suffisamment de motifs d'ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales? Est‑ce là ce que vous me demandez de faire?

 

Me LEE : Non.

 

LA PRÉSIDENTE : D'accord.

 

Me LEE : Nous ne demandons pas la prise de mesures pour un motif d'ordre humanitaire.

 

LA PRÉSIDENTE : D'accord.

 

Me LEE : Nous allons essayer de présenter des observations afin de prouver que l'obligation de résidence a été respectée parce que M. Vong a commis une ou des erreurs sur le formulaire lorsqu'il a demandé un titre de voyage, en juillet 2004. Nous pouvons lui demander d'expliquer pourquoi les erreurs ont été commises à ce moment‑là.

 

[52]           Si on examine l’affaire sous un angle différent, on constate que si la Commission ne s'était pas du tout penchée sur la question, le demandeur pourrait soutenir qu'il s'agit d'une erreur de droit. Cependant, tel n'est pas le cas en l’espèce. Même si le demandeur veut maintenant faire valoir après coup certains facteurs d'ordre humanitaire qui peuvent être déterminants en l'espèce, cela ne change rien au fait que la Commission s'est acquittée de son obligation de tenir compte des facteurs d'ordre humanitaire. Qu'est‑ce qui pourrait être plus clair que [traduction] « Nous ne demandons pas la prise de mesures pour un motif d'ordre humanitaire? »

 

[53]           Il y a très peu de jurisprudence sur l'obligation de la Commission d'examiner les facteurs d'ordre humanitaire même si le demandeur a expressément affirmé que ces facteurs n'ont pas à être examinés. Je souscris à la position du défendeur, à savoir que même si la Commission est obligée d'examiner les facteurs d'ordre humanitaire malgré le voeu exprimé par le demandeur, il reste que c'est toujours au demandeur qu'il incombe d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles lui permettant de rester au Canada. La Commission n'est pas tenue d'assumer une telle obligation. Je me fonde en outre sur les remarques du juge Noël dans la décision Angeles, précitée, lorsqu'il a dit ce qui suit au paragraphe 14 :

[…] Vu l'argument du conseil du demandeur suivant lequel l'agent d'immigration n'a pas tenu compte des considérations humanitaires avant de prendre sa décision, ce qui a donné lieu à une situation illégale qui a rendu la procédure d'appel illégale en soi, je suis d'accord avec le défendeur pour dire que le demandeur a le fardeau de présenter sa preuve et que l'agent n'a pas une telle obligation à cet égard. (Voir le paragraphe 28(1) et l'alinéa 28(2)c) de la LIPR.)

 

 

[54]           Par conséquent, le demandeur n'a pas réussi à établir que la Commission avait commis une erreur de droit justifiant l'intervention de la Cour en ce qui concerne les facteurs d'ordre humanitaire.

 

2.  La Commission a-t-elle tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable?

Crédibilité de la preuve

La norme de contrôle

[55]           Comme il a été mentionné plus haut, la norme de contrôle des décisions fondées sur des faits, et notamment sur des conclusions quant à la crédibilité, est celle de la décision manifestement déraisonnable. La Cour fera preuve d'énormément de retenue à l’égard des conclusions de fait tirées par la Commission à moins qu'il puisse être démontré que la Commission a manifesté une insouciance totale à l'égard des faits dont elle disposait ou qu'elle a agi ainsi qu’il est indiqué à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 :

18.1 Motifs

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

[…]

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

[…]

18.1 Grounds of review

4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

[…]

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

[…]

 

[56]           Comme l’indique la décision, la crédibilité du demandeur et de la preuve documentaire qu’il a produite est au coeur des conclusions tirées par la Commission. Toutefois, après avoir examiné minutieusement tous les documents, je conclus que l'intervention de la Cour est justifiée pour les motifs énoncés ci‑dessous.

 

[57]           Premièrement, une erreur dans l'interprétation des paroles du demandeur a peut‑être bien été commise lorsque l'interprète a fait remarquer que ce dernier était venu au Canada à peu près quatre fois, pour environ deux semaines, au cours de la période quinquennale précédant son voyage en Malaisie en juillet 2004, et non l'inverse.

 

[58]           Deuxièmement, en ce qui concerne le compte à la Banque Royale, la Commission a statué ce qui suit :

Les relevés bancaires de la RBC présentés par l'appelant ont tous été envoyés à l'adresse où, selon son témoignage, réside la mère de sa copine. Ils visent une période qui s'étend de janvier 2000 à décembre 2004. Ils ont trait au dépôt et au retrait d'importantes sommes d'argent. L'appelant a témoigné que personne d'autre que lui n'aurait pu effectuer ces retraits importants. Ils nécessitaient des arrangements spéciaux avec la banque. Il a affirmé que sa copine n'avait pas utilisé sa carte bancaire. Toutefois, vu qu'en donnant cette réponse, il a également affirmé qu'elle n'avait jamais utilisé sa carte de crédit, affirmation qu'il allait modifier par la suite, le tribunal n'est pas sûr que le témoignage de l'appelant sur cette question soit digne de foi.

 

 

[59]           L'examen minutieux des relevés de la RBC établit que la Commission a bien vite tiré une conclusion défavorable, qui lui a fait fermer yeux sur le contenu de la preuve dont elle disposait. Si la Commission avait examiné attentivement les relevés de RBC, il serait devenu évident que le compte n'était pas un compte conjoint et que le nom de l'amie ne figurait nulle part dans les relevés bancaires. Si la Commission avait également examiné le contenu des relevés de la RBC, elle aurait constaté qu'en plus des diverses transactions concernant d'importantes sommes d'argent, qu'il s'agisse de dépôts ou de retraits, d'autres transactions indiquent les activités de quelqu'un qui était présent au Canada de décembre 1999 à décembre 2004, soit la période visée par les relevés qui énumèrent diverses transactions effectuées à des intervalles réguliers, ce qui donnerait à entendre que le titulaire du compte était présent ou que sa présence était nécessaire. Je ne mentionnerai que quelques‑unes de ces transactions :

a)      les versements trimestriels au gouvernement du Canada du 7 janvier 2000 au 1er octobre 2004;

b)      les retraits mensuels relatifs à 12 paiements effectués pour Autoplan;

c)      l'achat de CPG en décembre 2002 et en janvier 2003, d'un montant de 7 747 $ et de 4 594,20 $ respectivement;

d)      le rachat d'un CPG en janvier 2003, d'un montant de 7 762,28 $;

e)      des chèques compensés par l'entremise du compte, d'un montant de 15 000 $ et de 2 800 $, pour ne mentionner que deux opérations de ce genre.

 

[60]           Troisièmement, il est évident que la Commission n'a pas exercé tout son jugement en tenant compte du fait que le demandeur est un usurier reconnu. La Commission n'a pas tiré à cet égard de conclusions défavorables quant à la crédibilité. Au contraire, elle a retenu le témoignage du demandeur sur ce point et elle a ajouté ce qui suit :

[…] Interrogé sur ses autres activités professionnelles, l'appelant a décrit le travail qu'il fait et a convenu avec le conseil du ministre qu'on pourrait dire de lui qu'il travaille comme [traduction] « usurier ». Ainsi, a-t-il indiqué, il touche souvent des paiements au comptant qu'il ne déclare pas aux autorités fiscales canadiennes. Manifestement, il ne s'agit pas d'une façon responsable de faire face à ses obligations civiques et cela prive l'appelant de documents qu'il pourrait présenter pour confirmer sa résidence au Canada pendant la période quinquennale en cause […]

 

 

[61]           Il est incroyable que la Commission ait conclu que le demandeur est un usurier pour changer ensuite d'idée et conclure que ses documents sont insuffisants. La nature du travail du demandeur veut que celui‑ci n'ait pas de documents relatifs à son emploi. Cependant, ce qui est encore plus important, c'est le fait que la Commission a dépassé les limites de ses attributions et a tenu compte de facteurs non pertinents qui compromettaient la décision qu'elle devait rendre qui me préoccupe. Le demandeur peut être considéré comme un individu qui est bien loin d'être un citoyen exemplaire en ce qui concerne ses responsabilités civiques et la déclaration de ses revenus à Revenu Canada, mais cela n'a aucune importance quant à l'obligation qui incombe à la Commission d'établir s’il a résidé au Canada pendant au moins deux ans au cours de la période quinquennale pertinente. Il existe des recours appropriés pour poursuivre les usuriers et contre lesquels des allégations de fraude fiscale peuvent être fondées. Toutefois, ce n'est pas à la Commission qu'il faut s'adresser. La Cour est d'avis qu'une erreur susceptible de contrôle a été commise dans ce cas‑ci.

 

[62]           Quatrièmement, le demandeur a produit la preuve des visites qu'il a effectuées à la clinique ATLAS ANIMAL, à Vancouver, où GiGi, un chihuahua femelle de six mois, a régulièrement été traité de février 2002 à décembre 2004. Le nom du client, lors de ces visites, était celui du demandeur. Pourtant, la Commission accorde peu ou pas d'importance à ce fait. La Commission relègue cette preuve documentaire à une seule phrase, dans sa décision, sans ajouter de commentaires :

D'autres documents attestent qu'il a eu recours aux services d'un vétérinaire au Canada en 2002.

 

 

[63]           Il ressort d'un examen attentif des rapports de la clinique pour animaux que la petite GiGi a été amenée chez le vétérinaire pour diverses affections et divers examens à six reprises en 2002 et une fois en 2004. Il n'existe aucun document indiquant que des visites similaires ont été effectuées en 2003, mais la Commission semble n'avoir pas tenu compte de l'importance de cette preuve à l'appui de la position du demandeur, à savoir qu'il était au Canada pendant la période quinquennale pertinente. Je ne suis pas convaincu qu'il était raisonnable pour la Commission d'agir ainsi.

 

[64]           Tout bien pesé, je conclus que la Commission a été aveuglée par le mode de vie du demandeur, qui était loin d'être louable, en sa qualité d'usurier, ce qui l'a ensuite amenée à ne pas tenir compte d'éléments pertinents de la preuve documentaire.

 

[65]           Le demandeur soumet les questions suivantes aux fins de leur certification :

1. La Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut du réfugié est elle tenue d'examiner, en vertu de l'alinéa 67(1)c), s'il y a des motifs d'ordre humanitaire dans tous les appels interjetés en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, sauf dans le cas de l'appel du ministre, et ce, peu importe que ces motifs soient invoqués ou non par l'une des parties à l'appel?

 

2. Si la réponse à cette question est négative, la réponse est‑elle différente lorsqu'un résident permanent interjette appel en vertu du paragraphe 63(4) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés?

 

[66]           Le défendeur s'oppose à la certification de ces questions et affirme qu'elles ne sont pas de portée générale et qu'elles ne sont pas déterminantes en l'espèce. Je suis d'accord avec celui-ci.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1327-06

 

INTITULÉ :                                                   BOON LIM VONG

                                                                        c.

                                                                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 6 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 15 DÉCEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

POUR LE DEMANDEUR

 

Dayna Anderson

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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