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Date : 20061207

Dossier : T‑560‑05

Référence : 2006 CF 1471

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

ENTRE :

PFIZER CANADA INC.

et WARNER‑LAMBERT COMPANY, LLC

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

et NOVOPHARM LIMITÉE

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s'agit d'une demande présentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) de 1993, DORS/93‑133 (le Règlement sur les AC), en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer, sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues, R.C.C., ch. 870, un avis de conformité à la défenderesse Novopharm Limitée (Novopharm) à l'égard de l'atorvastatine calcique en comprimés de 10 mg, 20 mg, 40 mg ou 80 mg avant l'expiration du brevet canadien no 2 021 546 (le brevet 546).

 

Le contexte procédural

[2]               Les demanderesses, Pfizer Canada Inc. et Warner‑Lambert Company, LLC (collectivement, Pfizer), fabriquent et vendent un médicament contre le cholestérol sous le nom commercial LIPITOR, médicament qui est visé par le brevet 546. L'ingrédient actif du LIPITOR est un sel, l'atorvastatine calcique.

 

[3]               Le brevet 546 a été déposé au Bureau canadien des brevets le 19 juillet 1990 et publié le 22 janvier 1991. Il est fondé sur le brevet américain antérieur no 384 187, qui a été déposé le 21 juillet 1989, mais abandonné depuis et renouvelé sous le numéro 5 273 995. En conséquence, le brevet 546 relève de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, et la date pertinente pour son interprétation est la date de sa publication, soit le 22 janvier 1991 (Whirlpool Inc. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 56).

 

[4]               Le brevet 546 a été délivré à Warner‑Lambert Company (prédécesseur de la demanderesse Warner‑Lambert Company, LLC) le 29 avril 1997, et il doit expirer le 19 juillet 2010. La seule revendication en litige est la revendication 6.

 

[5]               Novopharm cherche à obtenir un avis de conformité lui permettant de produire une version générique de l'atorvastatine calcique. Dans sa demande d'avis de conformité, elle a signifié à Pfizer, dans une lettre datée du 3 février 2005, un avis d'allégation où elle comparait son médicament au LIPITOR et faisait référence au brevet 546. L'avis d'allégation indique que le brevet 546 est invalide pour trois motifs : l'antériorité, l'évidence et le double brevet. Les passages pertinents de l'avis d'allégation sont joints à la présente en annexe 1.

 

[6]               Pfizer conteste ces allégations et y a répondu en introduisant la présente demande visant à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Novopharm avant l'expiration du brevet 546.

 

Le contexte chimique – les concepts sous-jacents

[7]               Afin de mettre en contexte l'analyse qui suit, j'exposerai brièvement les concepts sous‑jacents au débat et la nature de l'invention.

 

[8]               D'abord, le cholestérol est synthétisé dans la plupart des tissus de l'organisme et est nécessaire au bon fonctionnement du corps. Le cholestérol est transporté dans tout l'organisme par deux types de particules : les lipoprotéines de basse densité (LDL) et les lipoprotéines de haute densité (HDL).

 

[9]               La biosynthèse du cholestérol est le processus de production du cholestérol dans l'organisme. Le cholestérol est synthétisé par une voie biochimique comportant de nombreuses étapes (de 20 à 40).

 

[10]           De nombreuses enzymes différentes (protéines qui régulent les réactions biochimiques) interviennent dans la biosynthèse du cholestérol. L'une des premières étapes de la biosynthèse fait intervenir une enzyme appelée HMG CoA‑réductase. Cette étape est souvent qualifiée d'étape cinétiquement limitante de la voie de biosynthèse.

 

[11]           Les médicaments qui empêchent la HMG CoA‑réductase de jouer son rôle dans la voie de biosynthèse du cholestérol sont appelés des inhibiteurs de la HMG CoA‑réductase. En inhibant la biosynthèse du cholestérol, ces médicaments diminuent la production du cholestérol.

 

[12]           Les statines sont des médicaments qui agissent comme des inhibiteurs de la HMG CoA‑réductase. Il existe deux types de statines : celles qui sont dérivées de produits naturels (statines naturelles) et celles qui sont produites synthétiquement (statines synthétiques). Les statines naturelles sont des produits de la fermentation de champignons. Les composés synthétiques sont produits par des chimistes médicinaux. Le LIPITOR fait partie d'une classe de statines synthétiques.

 

[13]           Pfizer a fait les déclarations suivantes au sujet du LIPITOR :

[Traduction]

Le LIPITOR® est un médicament vedette, mais pas au sens classique du terme : il ne s'agit pas du premier médicament de sa classe. Il s'agit plutôt du cinquième produit à avoir été introduit sur le marché des statines commerciales. Cependant, il s'agit d'un produit unique qui est le premier en son genre : c'est un composé nouveau; c'est la première statine à être formulée sous forme de sel de calcium (les statines précédentes étant formulées sous forme de sels de sodium); c'est la première statine synthétique à avoir été commercialisée sous une forme autre qu'un racémate.

 

Le LIPITOR® est devenu une réussite commerciale en raison des propriétés avantageuses de l'atorvastatine calcique. Il domine le marché : c'est le premier médicament à avoir généré des ventes de plus d'un milliard de dollars la première année, c'est actuellement le médicament qui se vend le plus dans tous les pays où il est sur le marché, et c'est le médicament qui s'est le plus vendu de tout temps.

 

Il ne faut donc pas s'étonner que Novopharm souhaite s'approprier la plus grande part possible du lucratif marché du LIPITOR® en vendant sa propre atorvastatine calcique, un produit générique. Pour ce faire, elle doit faire invalider l'unique revendication du brevet, la revendication 6, relative au sel qui a connu le plus grand succès dans l'histoire de l'industrie pharmaceutique.

 

(Dossier des demanderesses, volume 29, à la page 9940.)

 

 

Brevets antérieurs

[14]           Le brevet 546 est fondé sur l'antériorité du brevet américain no 4 681 893 (le brevet 893). La demande de brevet 893 a été déposée au bureau américain des brevets le 30 mai 1986, et le brevet a été délivré le 21 juillet 1987. Ce brevet décrit une classe de statines, y compris des statines naturelles qui ont été commercialisées sous forme de lactones et de composés. Le brevet 893 concerne des énantiomères individuels et des mélanges, y compris des mélanges racémiques.

 

[15]           Un « énantiomère » est constitué d'une paire d'isomères non superposables qui constituent le reflet l'un de l'autre. L'analogie le plus couramment utilisée pour décrire les énantiomères est celle d'une paire de mains. Un « racémate », aussi connu sous le nom de « mélange racémique », est un mélange en proportions égales d'énantiomères.

 

[16]           L'invention décrite dans le brevet 893 porte sur des composés ayant la formule structurale suivante :

 

            Dans cette formule, X représente –CH2—, --CH2CH2—, --CH2CH2CH2— ou
–CH2CH(CH3)—.

 

[17]           Elle prévoit aussi une liste de substituants pour R1 à R4, y compris des substituants constitutifs du racémate d'atorvastatine.

 

[18]           Donc, le brevet 893 décrit une vaste classe de composés, notamment les composés 4‑hydroxypyran-2-ones et les acides à cycle ouvert correspondants, ainsi que leurs sels pharmaceutiquement acceptables.

 

[19]           En pratique, ces composés sont utilisés sous forme de sels. Le sel le plus couramment utilisé était le sel de sodium, bien qu'un bon nombre de sels puissent être employés. Dans la description d'un « sel métallique pharmaceutiquement acceptable », le brevet 893 énumère les sels suivants : ions de sodium, de potassium, de calcium, de magnésium, d'aluminium, de fer et de zinc, mais sans mentionner particulièrement le sel de calcium.

 

[20]           Le brevet 893 décrit en détail le mélange racémique :

[Traduction]

L'asymétrie donne lieu à quatre isomères possibles : deux sont les isomères R‑cis et S‑cis et les deux autres, les isomères R‑trans et S‑trans. La présente invention ne vise que la forme R‑trans et S‑trans des composés de la formule I ci‑dessus.

 

 

[21]           « Cis » et « trans » sont des termes qui impliquent une stéréochimie relative. Le terme « cis » signifie que deux groupes chimiques d'une molécule sont situés du même côté d'un plan, mais sans préciser de quel côté du plan ils sont situés. Le terme « trans » signifie que deux groupes chimiques d'une molécule sont situés de part et d'autre d'un plan.

 

[22]           Il serait utile de dire quelques mots au sujet de la nomenclature employée en l'espèce pour éviter toute confusion possible. Le composé à partir duquel les énantiomères sont tirés ne porte pas de nom. On l'appelle racémate d'atorvastatine ou mélange racémique d'atorvastatine. L'énantiomère R‑trans du racémate d'atorvastatine est appelé atorvastatine. L'énantiomère S‑trans ne porte pas de nom et est toujours décrit comme l'énantiomère S‑trans. Le LIPITOR renferme le sel de calcium d'atorvastatine (l'énantiomère R‑trans).

 

[23]           Le brevet 893 correspond au brevet canadien no 1 268 768 (le brevet 768). Le brevet 768 a été déposé le 7 mai 1987 et publié le 8 mai 1990.

 

[24]           Les demanderesses ont déposé un autre brevet au Bureau canadien des brevets, un brevet de procédé cette fois, le 7 février 1989, soit environ trois ans après le dépôt du brevet 893. Ce nouveau brevet était le brevet canadien no 1 330 441 (le brevet 441).

 

[25]           Le brevet 441 divulgue et revendique des procédés chimiques pouvant servir à la fabrication de composés chimiques, y compris des procédés employés dans la production de l'atorvastatine.

 

La question en litige

[26]           Les allégations de Novopharm — c'est‑à‑dire que le brevet 546 est invalide pour cause d'antériorité, d'évidence et de double brevet — sont-elles fondées?

 

La jurisprudence applicable

[27]           Il existe une jurisprudence considérable sur les avis de conformité. Le juge Stone en a proposé une excellente récapitulation dans l'arrêt Hoffmann‑La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), no A‑265‑96, (1996), 205 N.R. 331, au paragraphe 8, 70 C.P.R. (3d) 206 (C.A.F.) :

À mon avis, les grands principes de ces décisions, dans la mesure où ils s'appliquent à la présente affaire, peuvent être résumés comme suit :

 

1.         Les demandes présentées en application du paragraphe 6(1) du Règlement sont régies par les règles de procédure énoncées à la partie V.1 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C. 1978, ch. 663], « Règles concernant les demandes de contrôle judiciaire ». Bayer AG, précité, le juge Mahoney, à la page 336 [C.P.R.];

 

2.         C'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6 qui, assumant la conduite de l'instance, a « la charge initiale de la preuve ». C'est une charge difficile, « puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis d'allégation, allégations qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité ». Merck Frosst, précité, le juge Hugessen, à la page 319 [C.P.R.];

 

3.         Cette charge, appelée dans les poursuites civiles le « fardeau de persuasion », oblige le poursuivant à prouver sa cause selon la norme de preuve en matière civile. En revanche, le « fardeau de présentation de la preuve » désigne l'obligation de soulever une question et signifie que la partie doit s'assurer qu'il y a au dossier suffisamment d'éléments de preuve de l'existence ou de l'inexistence d'un fait ou d'une question pour satisfaire au critère préliminaire au sujet de ce fait ou de cette question. Nu‑Pharm, précité, le juge Stone, à la page 197 [N.R.];

 

4.         Lorsque l'avis de conformité d'une deuxième personne allègue la non‑contrefaçon, la Cour devrait présumer que « les allégations de fait contenues dans l'avis d'allégation sont avérées sauf dans la mesure [où] la partie requérante prouve le contraire ». Merck Frosst, précité, le juge Hugessen, à la page 319 [C.P.R.];

 

5.         Pour décider si les allégations sont « fondées », « la Cour doit examiner si, à la lumière de ces faits tels qu'ils sont présumés ou prouvés, ces allégations engageraient en droit à conclure que le brevet en litige ne serait pas contrefait par la partie intimée ». Merck Frosst, précité, le juge Hugessen, à la page 319 [C.P.R.];

 

6.         La décision du ministre quant à la délivrance d'un avis de conformité doit être axée sur la question de savoir si les allégations de la deuxième personne sont « suffisamment bien fondées pour appuyer la conclusion, tirée à des fins administratives, que la mise en marché du produit générique ne violerait pas le brevet du requérant ». Pharmacia (no de greffe A‑332‑94), précité, le juge Strayer, à la page 216 [C.P.R.];

 

7.         Lorsque la deuxième personne omet de déposer un avis d'allégation ou qu'elle dépose un avis incomplet, elle doit en supporter « les conséquences lorsque, dans le cadre d'une demande de prohibition déposée devant la Cour, quelqu'un invoque les lacunes de ces allégations ». Bayer AG (no de greffe A‑669‑93) précité, le juge Strayer, à la page 134 [C.P.R.];

 

8.         Par l'alinéa 5(3)a) du Règlement, qui oblige la deuxième personne à fournir un énoncé détaillé, « il semble que le législateur ait voulu que le breveté soit parfaitement au courant des motifs sur lesquels le requérant se fonde pour prétendre que la délivrance d'un avis de conformité ne donnera pas lieu à la contrefaçon du brevet avant que le breveté décide de présenter ou non une demande au tribunal pour obtenir une décision. Une telle divulgation permettrait de cerner le débat très tôt ». Bayer AG (no de greffe A‑389‑93) précité, le juge Mahoney, aux pages 337 et 338 [C.P.R.];

 

9.         Une vague déclaration de non‑contrefaçon dans un énoncé détaillé sans assertion factuelle au soutien de cette déclaration ne respecte pas les exigences du sous‑alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement. Nu‑Pharm, précité, le juge Stone, à la page 199 [N.R.];

 

10.       La présomption de common law selon laquelle le procédé d'une deuxième personne constitue une contrefaçon du brevet s'applique lorsque cette personne n'a invoqué aucun fait à l'appui de son allégation de non‑contrefaçon, que cette personne est pertinemment au courant des éléments de preuve concernant cette absence de contrefaçon, qu'elle n'a présenté aucun élément de preuve à ce sujet et que la première personne n'a à sa portée aucun autre moyen de prendre connaissance de ces éléments de preuve. Nu‑Pharm, précité, le juge Stone, à la page 200 [N.R.].

 

La charge de la preuve

[28]           Pfizer déclare ce qui suit au paragraphe 122 de son mémoire :

[Traduction]

Les faits exposés dans l'avis d'allégation à l'appui des allégations d'invalidité ne sont pas présumés vrais. La présomption de la vérité des faits exposés dans un avis d'allégation ne vaut que pour les allégations d'absence de contrefaçon. Or, les seules allégations formulées dans la présente espèce sont des allégations d'invalidité. Il s'ensuit qu'aucun des faits exposés par Novopharm dans son avis d'allégation n'est présumé vrai.

 

(Dossier des demanderesses, volume 29, à la page 9972)

 

 

[29]           Ce n'est pas un énoncé exact du droit sur ce point. La Cour a examiné à de nombreuses reprises la question du lien entre le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets et le Règlement sur les avis de conformité (voir Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., no T‑2096‑00, 2002 CFPI 1138, (2002), 22 C.P.R. (4th) 466, aux paragraphes 82 et 83, 225 F.T.R. 1, la juge Dawson; Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1349, (2004), 36 C.P.R. (4th) 437, aux paragraphes 103 à 106, 260 F.T.R. 276, le juge Gibson; conf. par 2005 CAF 250, (2005), 339 N.R. 277; GlaxoSmithKline Inc. c. Genpharm Inc., 2003 CF 1248, (2003), 30 C.P.R. (4th) 360, au paragraphe 45, 241 F.T.R. 42, la juge Heneghan; Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltée, 2004 CF 1631, (2004), 35 C.P.R. (4th) 353, aux paragraphes 13 à 21, 264 F.T.R. 202, le juge Mosley; Sanofi-Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 390, (2005), 39 C.P.R. (4th) 202, à la page 209, 271 F.T.R. 159, le juge Shore).

 

[30]           Toutes ces décisions établissent que le demandeur doit démontrer suivant la prépondérance de la preuve que les allégations d'absence de contrefaçon ou d'invalidité du brevet formulées par le défendeur ne sont pas fondées. Ainsi que l'a expliqué le juge Shore au paragraphe 9 de la décision Sanofi‑Synthelabo, précitée :

Le fardeau ultime de preuve incombe à la demanderesse. Cependant, l'intimée a l'obligation, à titre d'entité ayant formulé les allégations contenues dans l'avis d'allégation, de soulever celles‑ci, c.‑à‑d. de veiller à ce qu'elles soient suffisamment étayées pour qu'elles puissent faire l'objet d'un examen (Eli Lilly & Co. c. Nu‑Pharm Inc. (1996), 69 C.P.R. (3d) 1, [1996] A.C.F. no 904 (C.A.F.) (QL)).

 

[31]           La Cour a donc l'obligation d'examiner chacune des allégations d'invalidité et d'établir si la preuve produite par le défendeur suffit à renverser la présomption légale de validité. Dans l'affirmative, la Cour examine ensuite l'ensemble de la preuve afin d'établir si la demanderesse s'est acquittée de l'obligation lui incombant de réfuter l'allégation d'invalidité du défendeur.

 

Les conclusions nécessaires

[32]           Étant donné la nature et la structure des procédures relatives aux avis de conformité, la Cour ne peut prononcer l'ordonnance d'interdiction demandée que si elle conclut que les allégations de Novopharm ne sont pas fondées. Inversement, la Cour ne peut refuser de prononcer l'ordonnance d'interdiction demandée que si elle conclut à l'invalidité du brevet.

 

Les experts

[33]           Les deux parties ont cité de nombreux témoins experts, dont on trouvera la liste à l'annexe 2. Les témoignages de ces experts diffèrent, en particulier au sujet de ce qu'une personne versée dans l'art aurait su ou présumé. Ces témoignages seront extrêmement utiles pour l'examen des questions de l'antériorité et de l'évidence, questions qu'il appartiendra toutefois à la Cour de trancher, à la lumière desdits témoignages. En conséquence, j'adopterai à l'égard de la preuve d'expert l'attitude définie par le juge Campbell au paragraphe 16 de la décision AB Hassle c. Apotex Inc., 2003 CFPI 771, (2003), 27 C.P.R. (4th) 465 :

16        Dans la présente affaire, tous les experts ont juré avoir rendu un témoignage véridique. Sur ce fondement, la personne qui apprécie la preuve doit présumer que les témoins sont crédibles, à moins qu'on ne démontre clairement le contraire (pour un exemple de ce principe général, voir Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.). Autrement dit, même s'ils défendent, sur un sujet donné, des opinions différentes, on doit présumer que leurs affirmations n'ont pas pour but d'accorder un bénéfice à la partie qui s'appuie sur leur témoignage. Je suis d'avis qu'il est injuste à l'égard des témoins, et donc des parties, de tirer, sous le couvert de conclusions portant sur le poids de la preuve, des conclusions défavorables au sujet de la crédibilité sans avoir vu et entendu chacun des témoins.

 

L'interprétation des brevets

[34]           L'examen de toute affaire relative à un brevet doit commencer par l'interprétation de ce dernier. J'ai l'intention de suivre à cet égard le paragraphe 15 de la décision Biovail Pharmaceuticals Inc c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 2005 CF 9, (2005), 37 C.P.R. (4th) 487, 267 F.T.R. 243, où le juge Harrington a succinctement récapitulé la jurisprudence traitant des règles d'interprétation des brevets :

Pour décider de la validité d'un brevet et se prononcer sur la contrefaçon, il faut, comme condition préalable, prendre en compte le libellé des revendications figurant dans le brevet. Le mieux à faire, dans une instance relative à un avis de conformité, est d'adopter la même approche en gardant à l'esprit l'objet restreint du recours. Dans deux arrêts récents, rendus le même jour, la Cour suprême a grandement clarifié les principes d'interprétation applicables en matière de revendications et largement contribué à leur codification : Free World Trust c. Électro-Santé inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, et Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067. Dans ces deux arrêts les motifs ont été rédigés par le juge Binnie. Les principes suivants sont particulièrement pertinents en l'espèce :

 

1.         Un brevet est considéré comme un marché conclu entre l'inventeur et le public. En contrepartie de la divulgation de l'invention, l'inventeur se voit accorder un monopole temporaire lui permettant d'exploiter l'invention pour une période restreinte.

 

2.         La Loi exige que la demande de brevet renferme un mémoire descriptif « définissant distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ». Le mémoire descriptif doit être rédigé en des termes complets, clairs, concis et exacts « qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention » (Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, et ses modifications, art. 27).

 

3.         Le brevet s'adresse, en théorie, à une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention et doit recevoir l'interprétation que cette personne lui aurait donnée lorsqu'il a été rendu public. (Il sera davantage question de cette personne versée dans l'art plus loin dans ces motifs.)

 

4.         Les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et en fonction de l'objet pour assurer le respect de l'équité et la prévisibilité, et pour cerner les limites du monopole. « [L]'ingéniosité propre à un brevet ne tient pas à la détermination d'un résultat souhaitable, mais bien à l'enseignement d'un moyen particulier d'y parvenir. La portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté d'exercer un monopole sur tout moyen d'obtenir le résultat souhaité » (Free World Trust, par. 31 et 32).

 

5.         La partie du mémoire descriptif dans laquelle figurent les revendications prévaut sur la partie dans laquelle la divulgation est effectuée, c'est‑à‑dire que l'on se servira de la divulgation pour comprendre le sens d'un mot utilisé dans les revendications « mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu'elle [est] écrite et, ainsi, interprétée » (Whirlpool, par. 52).

 

6.         Ce sont seulement les nouvelles caractéristiques que l'inventeur prétend être essentielles qui constituent ce qu'on appelle l'« essence » de la revendication. « L'interprétation téléologique repose donc sur l'identification par la cour, avec l'aide du lecteur versé dans l'art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l'inventeur, constituait les éléments essentiels de son invention » (Whirlpool, par. 45).

 

7.         Certains des éléments de l'invention visée par la demande sont essentiels alors que d'autres ne le sont pas compte tenu des connaissances usuelles que détenaient les personnes oeuvrant dans le domaine concerné à l'époque où le brevet a été publié ou compte tenu de l'intention de l'inventeur, expresse ou inférée des revendications. Ce point est au coeur de la position de Biovail selon laquelle l'allégation de Novopharm portant qu'elle ne contrefera pas le brevet 320 est fausse. Autrement dit, était‑il manifeste à l'époque de la publication que l'emploi d'une variante ferait une différence?

 

8.         Il est fatal de revendiquer plus que nécessaire. Par ailleurs, si les revendications de l'inventeur sont d'une portée trop limitée, le tribunal ne pourra pas accroître l'étendue du monopole en invoquant « l'esprit de l'invention ». Cela se produit souvent, comme c'est le cas en l'espèce, lorsque l'inventeur recourt à différents niveaux de revendications dont les restrictions sont destinées à servir d'éventuels filets protecteurs de sorte que, si une revendication plus large devait être rejetée, le monopole puisse en partie subsister sur la base d'une autre revendication de moins grande portée.

 

9.         Un brevet n'est toutefois pas un écrit ordinaire. Il est visé par la définition de « règlement » qui figure dans la Loi d'interprétation et il faut l'interpréter de manière compatible avec la réalisation de son objet. « [L]'interprétation des revendications est une question de droit qu'il appartient au juge de trancher, et celui‑ci avait parfaitement le droit de donner aux revendications une interprétation différente de celle préconisée par les parties » (Whirlpool, par. 61).

 

L'interprétation du brevet en l'espèce

[35]           Le texte des revendications pertinentes du brevet 546, soit les revendications 1, 2 et 6, est le suivant :

[Traduction]

Revendication 1 :

 

Acide [R-(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-((1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque, ou (2R-trans)-5-(4-fluorophényl)-2-(1-méthyléthyl-N,4-diphényl-1-[2-(tétrahydro-4-hydroxy-6-oxo-2H-pyran-2-yl)éthyl]-1H-pyrrole-3-carboxamide, et leurs sels pharmaceutiquement acceptables.

 

Revendication 2 :

 

Un composé de la revendication 1, l'acide [R-(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-((1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque.

 

Revendication 6 :

 

Le sel d'hémicalcium du composé visé par la revendication 2.

 

Heureusement, ces formules complexes ont reçu des noms plus simples, de façon que les revendications 1, 2 et 6 peuvent se lire plus facilement :

 

[Traduction]

Revendication 1 : atorvastatine sous forme acide ou lactone d'atorvastatine, et les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes.

 

Revendication 2 : atorvastatine sous forme acide.

 

Revendication 6 : sel d'hémicalcium du composé visé par la revendication 2.

 

 

[36]           La seule revendication en litige en l'espèce est la revendication 6. Elle concerne le sel d'hémicalcium d'atorvastatine.

 

[37]           Monsieur Roush, témoignant pour Pfizer, a fait les remarques suivantes au sujet de la personne versée dans l'art :

[Traduction]

57.       Je crois comprendre qu'une personne versée dans l'art est une personne qui possédait les connaissances communes attendues des travailleurs compétents dans le domaine concerné par le brevet 546 en date du 21 juillet 1989. Dans ce cas, l'« art » est celui de la chimie médicinale, une branche importante de la chimie organique dont l'objet est la mise au point de nouveaux médicaments, habituellement par la production de séries de données sur les rapports structure‑activité (RSA) obtenues après un dur labeur et de longues heures au laboratoire.

 

58.       Une personne versée dans l'art serait titulaire d'au moins un baccalauréat ès sciences en chimie organique, en chimie médicinale ou dans une discipline connexe de la chimie, en plus d'avoir plusieurs années d'expérience récente de la synthèse de molécules organiques.

 

(Dossier des demanderesses, volume 3, à la page 441)

 

[38]           Monsieur Heathcock, témoignant pour Novopharm, a déclaré ce qui suit en ce qui concerne la personne versée dans l'art :

[Traduction]

22.       À mon avis, l'une des personnes concernées par le brevet 546 serait un chimiste organicien qui travaille à la mise au point et à la synthèse de molécules organiques complexes, y compris les ingrédients pharmaceutiques actifs.

 

23.       Cette personne serait titulaire d'au moins un baccalauréat ès sciences, et plus probablement d'un diplôme d'études de 2e ou 3e cycle, en chimie organique ou en chimie médicinale et aurait plusieurs années d'expérience de la synthèse de composés organiques.

 

(Dossier des demanderesses, volume 14, à la page 4661)

 

 

[39]           Autrement dit, les deux parties s'entendent généralement pour dire qu'une personne versée dans l'art serait un chimiste organicien ou médicinal, soit une personne titulaire d'au moins un baccalauréat ès sciences et ayant une expérience de la conception, de la création, de la synthèse et de la mise à l'essai de composés destinés à être utilisés comme médicaments.

 

[40]           Les experts appelés à témoigner à titre de personnes versées dans l'art et ayant tenté d'interpréter le brevet étaient M. Roush, M. Spargo et M. Heathcock.

 

[41]           Monsieur Roush, témoin de Pfizer, a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

63.       Le brevet 546 divulgue et revendique expressément l'atorvastatine calcique. Le brevet 546 mentionne expressément que l'atorvastatine a une activité inattendue et surprenante, celle d'inhiber la biosynthèse du cholestérol. En particulier, le brevet 546 indique expressément que l'atorvastatine a une activité inhibitrice (de la biosynthèse du cholestérol) dix fois supérieure à celle d'un mélange racémique d'atorvastatine et de son énantiomère S‑trans correspondant.

 

64.       Cette activité supérieure de l'atorvastatine par rapport à celle du mélange racémique est inattendue et surprenante. Une personne versée dans l'art se serait attendue, au plus, à une activité deux fois supérieure après la séparation des énantiomères du mélange racémique. Cette activité deux fois supérieure présuppose toutefois que toute l'activité du mélange racémique réside dans l'un des énantiomères, l'autre étant totalement inactif. Dans le cas de l'atorvastatine, l'énantiomère S‑trans n'est pas inactif. Les données figurant à la page 8 du brevet 546 démontrent que l'énantiomère S‑trans est actif. Aussi, une personne versée dans l'art se serait‑elle attendue à ce que l'énantiomère le plus actif ait une activité moins de deux fois supérieure à celle du mélange racémique qui le renferme. Dans un tel contexte, l'activité dix fois supérieure est surprenante et pour le moins inattendue.

 

65.       À la page 4, lignes 21 à 24, le brevet 546 identifie l'atorvastatine calcique comme la réalisation privilégiée de l'invention. On peut y lire que : « La réalisation privilégiée de la présente invention est le sel d'hémicalcium de l'acide [R-(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque. »

 

(Dossier des demanderesses, volume 3, à la page 442)

 

[42]           Monsieur Heathcock, témoignant pour Novopharm, est essentiellement du même avis :

 

[Traduction]

94.       Selon le brevet 546, l'isomère 3R,5R (aussi désigné comme l'isomère 3-(R)-trans quand il est sous forme lactonique) a un pouvoir d'inhibition de l'HMG CoA‑réductase dix fois supérieur à celui du racémate d'atorvastatine. On peut aussi y lire que cette « surprenante activité inhibitrice » est « inattendue » et qu'« une personne versée dans l'art pourrait ne pas prévoir le pouvoir inattendu et surprenant d'inhibition de la biosynthèse du cholestérol que possède la présente invention ». À l'appui de ces assertions, on a inclus à la page 8 du brevet 546 le tableau suivant sur les données biologiques :

 

Composé

CI50, μM/litre

[R-(R*R*)] isomère (3R,5R)

0,0044

[S-(R*R*)] isomère (3R,5R)

0,44

Racémate

0,045

 

95.       Comme prévu, l'essai montre que l'énantiomère 3R,5R est celui qui est actif. D'après ces données, la bioactivité de l'énantiomère 3R,5R serait dix fois plus grande que celle du racémate. Une personne versée dans l'art ne se serait normalement attendue qu'à une activité au plus deux fois supérieure de l'énantiomère actif par rapport au racémate correspondant (en présupposant que toute l'activité biologique réside dans l'énantiomère 3R,5R et que l'énantiomère 3R,5R soit totalement inactif).

 

(Dossier des demanderesses, volume 14, à la page 4284)

 

[43]           Par ailleurs, M. Spargo, au nom de Pfizer, affirme que :

[Traduction

30.       Le brevet 546 indique (à la page 3) que l'invention décrit les composés suivants : l'atorvastatine, sa forme lactonique et ses sels pharmaceutiquement acceptables. Il est mentionné à la page 4 du brevet 546 que « la réalisation privilégiée de la présente invention est le sel d'hémicalcium [d'atorvastatine] ».

 

31.       En lisant le brevet 546, une personne versée dans l'art apprendrait que le sel d'hémicalcium d'atorvastatine est privilégié par rapport à tous les autres sels. Le brevet 546 enseigne donc aux personnes versées dans l'art qu'il vaut mieux utiliser l'atorvastatine calcique.

 

32.       Le brevet 546 mentionne que l'énantiomère d'atorvastatine possède une activité inhibitrice environ dix fois supérieure à celle d'un mélange racémique. On s'attendrait à ce que n'importe quel sel d'atorvastatine ait une activité inhibitrice supérieure à celle des sels du mélange racémique. Par conséquent, lorsque le brevet indique que le sel de calcium est la réalisation privilégiée, une personne versée dans l'art comprend que cela indique nécessairement que ce sel a des propriétés physiques supérieures à celles des autres sels d'atorvastatine.

 

(Dossier des demanderesses, volume 8, à la page 2393)

 

[44]           Après avoir lu le brevet et pris en considération l'avis des experts de façon à le lire comme le ferait une personne versée dans l'art, la Cour conclut que la divulgation indique ce qui suit :

- L'atorvastatine sous sa forme lactonique et sous sa forme acide à cycle ouvert correspondante, de même que les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes, sont utiles pour abaisser le taux de cholestérol chez les mammifères, y compris chez l'humain.

 

- L'atorvastatine sous sa forme lactonique et sous sa forme acide à cycle ouvert correspondante, de même que les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes, inhibent de façon inattendue et surprenante la biosynthèse du cholestérol; le résultat inattendu réside dans le fait que l'atorvastatine a une activité inhibitrice dix fois supérieure à celle du mélange racémique. Les données relatives à cette activité dix fois supérieure sont issues d'un essai d'inhibition de la synthèse du cholestérol (essai ISC), qui est divulgué dans le brevet 893. Tous les composés utilisés pour l'essai ISC ont été préparés de la façon indiquée dans le brevet 893.

 

- La réalisation privilégiée de l'invention décrite dans le brevet 546 est le sel d'hémicalcium de la forme acide de l'atorvastatine.

 

- Les composés de la forme lactonique et de la forme acide à cycle ouvert correspondante, de même que leurs sels pharmaceutiquement acceptables, ont tous une utilité équivalente en général.

 

Le brevet de sélection

[45]           Pfizer prétend que le brevet 546 est un brevet de sélection. Plus précisément, elle affirme ce qui suit dans son mémoire :

[Traduction]

2.         La revendication en litige en l'espèce est une revendication à l'égard d'une invention de sélection. La revendication relative à l'atorvastatine calcique (aussi appelée sel d'hémicalcium d'atorvastatine) constitue une sélection d'un composé ayant des propriétés avantageuses par rapport à une vaste classe de milliers de composés et de sels décrits dans un brevet antérieur de Pfizer (brevet canadien no 1 268 768 (le brevet 768)). L'invention consiste en la sélection d'un composé en particulier, l'atorvastatine calcique, à partir d'une vaste classe de composés et en la reconnaissance des propriétés physiques principales et de l'activité inattendue et surprenante de ce composé.

 

21.       Une personne versée dans l'art lirait et comprendrait que le brevet 546 explique que l'atorvastatine calcique est la forme saline particulière présentant une activité inhibitrice inattendue et surprenante de la biosynthèse du cholestérol et possédant les propriétés physiques privilégiées. En ce qui concerne la formulation, les personnes versées dans l'art comprendraient que les « propriétés privilégiées » sont celles de la forme saline possédant la meilleure combinaison de propriétés physiques, notamment la solubilité, l'hygroscopicité, la stabilité et la transformabilité.

 

37.       [...] Par conséquent, l'atorvastatine calcique possède non seulement une activité biologique surprenante et inattendue, mais également la meilleure combinaison de propriétés physiques, ce qui était aussi surprenant et inattendu. En fait, c'est la sélection du sel calcique qui a fait pour la première fois de l'atorvastatine un produit commercialisable.

 

(Dossier des demanderesses, volume 29, aux pages 9940, 9945, 9950

[non souligné dans l'original])

 

[46]           Selon Pfizer, le brevet 546 révèle deux avantages particuliers du sel d'hémicalcium de la forme acide de l'atorvastatine par rapport au reste du groupe (dans le cas présent, le mélange racémique de l'atorvastatine et l'énantiomère S‑trans de l'atorvastatine), c'est‑à‑dire :

a.         une activité dix fois supérieure, alors qu'une personne versée dans l'art ne se serait attendue qu'à une activité deux fois supérieure,

 

b.         la meilleure combinaison de propriétés physiques de ce sel, notamment la solubilité, l'hygroscopicité, la stabilité et la transformabilité, par rapport à tous les autres sels mentionnés dans le brevet 893.

 

[47]           Novopharm conteste ces deux revendications. Elle allègue que les données concernant le premier avantage, soit l'activité dix fois supérieure, ne sont pas fiables (nous y reviendrons) et qu'aucun avantage spécial concernant le sel d'hémicalcium d'atorvastatine n'est mentionné dans le brevet 546.

 

[48]           Les règles qui régissent les brevets de sélection sont bien connues et tirent leur origine de la décision I.G. Farbenindustrie A.G.'s Patents (1930), 47 R.P.C. 289, page 322 (H.C. Ch.), où le juge Maugham a dit ce qui suit :

[Traduction]

À mon avis, trois affirmations générales peuvent être considérées comme exactes. Premièrement, pour être valide, un brevet de sélection doit se fonder sur un avantage important tiré de l'utilisation des membres sélectionnés. (Cela s'entend aussi d'un inconvénient important qui peut être éliminé.) Deuxièmement, la totalité des membres sélectionnés doit posséder l'avantage en question. Troisièmement, la sélection doit être faite en fonction d'une qualité ou d'un caractère spécial qui peut raisonnablement être attribué au groupe sélectionné.

 

[49]           La justification d'une telle politique se trouve dans l'observation faite par lord Glaisdale dans l'arrêt E.I. du Pont de Nemours & Co. (Witsiepe's) Application, [1982] F.S.R. 303, page 313 (Ch. des lords) [non souligné dans l'original] :

[Traduction]

Le type d'invention que le droit sur les brevets de sélection vise à protéger a été décrit par mon noble et savant confrère, lord Diplock, dans l'arrêt Beecham Group Ltd. v. Bristol Laboratories International S.A., [1978] R.P.C. 521, à la page 579 :

 

L'étape inventive dans un brevet de sélection consiste en la découverte qu'un ou plusieurs éléments d'une catégorie de produits antérieurement connue offre certains avantages spéciaux à une fin particulière, lesquels n'auraient pu être prévus avant que cette découverte ne soit faite (In re I.G. Farbenindustrie A.G.'s Patents, (1930) 47 R.P.C. 283, le juge Maugham, aux pages 322‑323). En contrepartie du monopole qui lui est accordé, l'inventeur doit divulguer au public dans son mémoire descriptif les avantages spéciaux que procurent les éléments de la catégorie qu'il a choisis.

 

 

[50]           Je propose d'aborder ces propositions en procédant à rebours. À la lumière de la jurisprudence susmentionnée, il m'est difficile d'être d'accord avec la deuxième proposition selon laquelle le brevet 546 sélectionne le sel d'hémicalcium de la forme acide de l'atorvastatine parmi tous les autres sels pharmaceutiquement acceptables. Comme il a été reconnu, le brevet 546 mentionne à la page 4, lignes 21 à 24, que :

[Traduction]

La réalisation privilégiée de la présente invention est le sel d'hémicalcium de l'acide [R‑(R*,R*)]-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque.

 

[51]           Monsieur Spargo souligne qu'une personne versée dans l'art saurait que cette divulgation concerne [Traduction] « les propriétés physiques supérieures de ce sel par rapport aux autres sels d'atorvastatine » (dossier des demanderesses, volume 8, à la page 2394).

 

[52]           Même M. Adelstein, témoin de Novopharm, a admis ce point lors du contre‑interrogatoire.

 

[Traduction]

Q. Vous apprenez ainsi que parmi tous les aspects de l'invention divulgués dans le brevet 546, la réalisation privilégiée est le sel d'hémicalcium d'atorvastatine, n'est-ce pas?

 

A. Oui.

 

Q. Vous convenez donc qu'à la lecture du brevet 546, une personne versée dans l'art saurait que l'atorvastatine calcique est la réalisation privilégiée de cette invention?

 

A. Oui.

 

(Dossier des demanderesses, volume 16, à la page 5066)

 

 

[53]           Selon le témoignage des différents experts, il semble évident qu'habituellement, les propriétés privilégiées d'un sel sont une faible hygroscopicité, une bonne dissolution et un bon compactage. Cependant, le brevet 546 n'indique pas de quelle façon les propriétés du sel d'hémicalcium sont, de façon inattendue, supérieures à celles des autres sels pharmaceutiquement acceptables. Autrement dit, le brevet ne divulgue pas l'avantage spécial propre au sel d'hémicalcium qui était auparavant inconnu et a été révélé dans le brevet 546.

 

[54]            Je n'ai aucune raison de rejeter les explications de M. Spargo et de M. Adelstein (qu'une personne versée dans l'art sait que la « réalisation privilégiée » concerne les propriétés physiques supérieures de ce sel par rapport aux autres sels d'atorvastatine). Toutefois, ce n'est pas suffisant pour un brevet de sélection; la divulgation est insuffisante étant donné que les caractéristiques spéciales du sel d'hémicalcium ne sont ni identifiées ni mesurées. La seule affirmation que le sel d'hémicalcium d'atorvastatine est la réalisation privilégiée de l'invention ne satisfait pas aux exigences d'un brevet de sélection. Comme l'a dit expressément le juge Maughan dans la décision I.G. Farbenindustrie, précitée, à la page 323 [non souligné dans l'original] :

[Traduction]

Je dois ajouter quelques mots au sujet de la rédaction du mémoire descriptif d'un tel brevet. Il devrait être évident, après ce que j'ai dit au sujet de l'essence de l'étape inventive, qu'il est nécessaire pour le titulaire du brevet de définir en termes clairs la nature de la caractéristique que, selon ses allégations, possède la sélection pour laquelle il revendique un monopole. Il n'a en réalité divulgué aucune invention s'il affirme simplement que le groupe sélectionné possède des avantages. Indépendamment de la question de la suffisance, il doit divulguer une invention, ce qu'il ne fait pas, dans le cas d'une sélection de caractéristiques spéciales, s'il ne définit pas adéquatement ces caractéristiques. Les mises en garde exprimées de façon répétée à la Chambre des lords en ce qui a trait à l'ambiguïté ont, je crois, un poids spécial en ce qui concerne les brevets de sélection. (Natural Colour etc. Ld. c. Bioschemes Ld., (1915) 39 R.P.C. 256, à la page 266, et voir British Ore etc. Ld. c. Minerals Separation Ld., (1910) 27 R.P.C. 33, à la page 47.)

 

[55]           Ainsi que le montre l'analyse qui précède, le brevet 546 ne remplit pas les conditions de validité applicables aux revendications d'un brevet de sélection pour ce qui concerne la sélection d'un sel.

 

L'importance du brevet de sélection

[56]           L'affaire repose entièrement sur la question du brevet de sélection et, plus précisément, sur l'activité dix fois supérieure d'un des énantiomères par rapport au racémate. Si le brevet 546 est un brevet de sélection valide, c'est une réponse complète aux allégations d'antériorité, d'évidence et de double brevet. Aucun des témoins de Novopharm n'a allégué :

a.         qu'une activité dix fois supérieure était anticipée d'après le brevet 893;

 

b.         qu'il était évident pour une personne versée dans l'art que la résolution du racémate d'atorvastatine se traduirait par une activité dix fois supérieure de l'énantiomère; au contraire, ils ont allégué qu'une activité deux fois plus élevée était prévue;

 

c.         que le brevet 441 ou le brevet 768 divulguent ou revendiquent un énantiomère d'atorvastatine dont l'activité est dix fois plus élevée que celle du racémate.

 

[57]           Dans sa première proposition, Pfizer fait valoir que le brevet 546 est un brevet de sélection qui sélectionne l'atorvastatine sous sa forme lactonique et sa forme acide à cycle ouvert correspondante, ainsi que les sels pharmaceutiquement acceptables de ces formes, à partir de la gamme des composés décrits dans le brevet 893. Selon Pfizer, le brevet 546 divulgue un avantage inattendu qui était donc inconnu auparavant : une activité dix fois supérieure au lieu de l'activité deux fois supérieure qui était prévue. Par conséquent, la question essentielle est de savoir si Novopharm peut effectivement contester le brevet 546 en tant que brevet de sélection, c'est‑à‑dire contester la revendication relative à l'activité dix fois supérieure. À mon avis, la contestation est impossible pour les motifs suivants.

 

I. L'insuffisance de l'avis d'allégation

[58]           Novopharm formule dans son avis d'allégation des allégations d'invalidité fondées sur l'antériorité, l'évidence et le double brevet. Il n'y est absolument pas question de brevets de sélection ou de l'inutilité. Il n'y est également pas fait mention du fait que les données sur lesquelles s'appuie le brevet de sélection seraient douteuses, peu fiables ou non étayées.

 

[59]           Novopharm soutient que l'avis d'allégation n'est pas insuffisant. Elle fait valoir que l'allégation selon laquelle le brevet 546 n'est pas un brevet de sélection est implicite dans les allégations d'antériorité, d'évidence et de double brevet. Le brevet de sélection en question est fondé sur l'avantage allégué consistant en une activité dix fois supérieure. L'établissement de cet avantage dépend des données de l'essai ISC 118 qui figurent dans la divulgation du brevet. Par conséquent, Novopharm affirme que, bien qu'il n'en soit pas fait mention dans l'avis d'allégation, les questions du brevet de sélection et des données défectueuses sont implicitement « soulevées » du fait des allégations d'antériorité, d'évidence et de double brevet.

 

[60]           Novopharm fait en outre valoir qu'elle ignorait, avant de recevoir les affidavits de Pfizer et de contre‑interroger leurs auteurs, que la question des brevets de sélection serait soulevée et que les données en cause étaient si peu étayées.

 

[61]           Enfin, Novopharm fait valoir que Pfizer n'était en rien embrouillée, ne s'est jamais plainte de l'imprécision de l'avis d'allégation et n'a jamais présenté de requête en ce sens. Par conséquent, Novopharm soutient qu'il lui est permis, lors de la production de sa preuve, de contester la valeur des données de l'essai ISC 118.

 

[62]           Il s'ensuit que le fer de lance de l'argumentation de Novopharm consiste en une preuve d'expert considérable touchant les essais. Ses experts critiquent en particulier l'essai ISC 118, sur lequel repose la revendication du décuplement d'activité dont fait état le tableau figurant dans la divulgation du brevet 546. La thèse de Novopharm est que cet essai est tout à fait sujet à caution, qu'il n'a jamais été répété et qu'on ne devrait pas s'y fier pour diverses raisons. Cette question sera examinée de manière plus détaillée ci‑dessous, sous le titre « La contestation infructueuse de l'essai ISC 118 ».

 

[63]           La jurisprudence relative aux avis d'allégation est claire et solidement établie. Le juge Strayer a défini comme suit la nature des avis d'allégation dans la décision Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), no A‑669‑93, (1995), 179 N.R. 122, au paragraphe 13, 60 C.P.R. (3d) 129 (C.A.F.) [non souligné dans l'original] :

Précisons que dans l'affaire Pharmacia Inc. et Farmatalia Carlo Erba S.R.C. c. David Bull Laboratories (Canada) Inc. et le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social [no A‑410‑94, 19 octobre 1994], la Cour a déclaré que :

 

Il nous semble que même si l'avis d'allégation joue un rôle important dans l'issue finale d'un litige de cette nature, ce n'est pas un document au moyen duquel la demande de contrôle judiciaire peut être introduite conformément à l'article 6 du règlement. Ce document a été présenté en guise de preuve par les appelantes; il a pour point de départ la demande déposée auprès du ministre. Parce que ce n'est pas un document qui a été déposé auprès de la Cour, mais auprès du ministre, à notre sens l'avis d'allégation échappe à la compétence de la Cour dans une procédure de contrôle judiciaire. Cela étant, la Cour, selon nous, n'a pas la compétence nécessaire pour radier l'avis d'allégation.

 

Cela veut dire, à l'évidence, que la Cour n'a pas la compétence nécessaire pour rendre des ordonnances touchant le dépôt des avis d'allégation ou pour exiger que ces avis soient améliorés à tel ou tel égard. Le principe est que, selon les dispositions mêmes du Règlement, l'avis d'allégation précède le dépôt d'une demande de prohibition devant la Cour. L'avis d'allégation appartient au substrat d'une telle procédure, ce qu'on pourrait peut-être considérer comme une partie constitutive de la « cause d'action ». Une cour de justice ne peut pas ordonner la création d'une cause d'action, ou ordonner que celle‑ci soit créée dans tel ou tel délai ou de telle ou telle manière. La Cour ne peut en connaître qu'une fois que celle‑ci existe, ou à partir du moment où l'on prétend qu'elle existe. Ceux qui omettraient de déposer un avis d'allégation, ou qui déposeraient un avis incomplet, en supporteront les conséquences lorsque, dans le cadre d'une demande de prohibition déposée devant la Cour, quelqu'un invoque les lacunes de ces allégations.

 

 

[64]           Le juge Rothstein (tel était alors son titre) a ajouté les observations suivantes dans l'arrêt Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada c. Canada (Ministre de la Santé), 2002 CAF 290, [2003] 1 C.F. 402, au paragraphe 22, 216 D.L.R. (4th) 376 (C.A.F.) [non souligné dans l'original] :

22        Toutefois, les avis d'allégation et l'énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels ils se fondent doivent fournir tous les faits que le fabricant de génériques entend invoquer dans d'éventuelles procédures en interdiction. Il ne peut invoquer d'autres faits que ceux décrits dans son énoncé détaillé. Voir Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), (2001), 12 C.P.R. (4th) 447 (C.A.), au paragraphe 19, le juge Stone, J.C.A.

 

 

[65]           Novopharm cite à l'appui de son affirmation de l'absence de surprise les remarques suivantes formulées par la juge Sharlow dans l'arrêt Pharmascience Inc. c. Sanofi-Aventis Canada Inc., 2006 CAF 229, 352 N.R. 99, aux paragraphes 23 et 24 [non souligné dans l'original] :

23        [...] Il y a deux manières de dire qu'un avis d'allégation est « défectueux » ou « insuffisant ». Dans les présents motifs, j'utilise ces mots tels qu'ils sont employés dans AstraZeneca AB c. Apotex Inc., 2005 CAF 183 (et une longue suite de décisions antérieures), afin de décrire une décision judiciaire consistant à déterminer si la personne à qui est signifié l'avis d'allégation a suffisamment d'information pour décider s'il y a lieu de demander une ordonnance d'interdiction.

 

24        Les mêmes mots sont parfois employés dans ce que j'appellerais leur « sens secondaire », pour décrire une situation où une allégation de non-contrefaçon n'est pas fondée parce qu'elle passe sous silence une revendication pertinente d'un brevet ou parce qu'elle ne permet pas d'établir la non-contrefaçon (par exemple, lorsqu'elle se fonde sur une mauvaise interprétation d'une revendication). Un avis d'allégation ne peut pas être déclaré défectueux ou insuffisant dans ce sens secondaire sans que l'allégation ne soit examinée au fond. [...]

 

[66]           Je ne pense pas que cette affaire étaye la thèse de Novopharm. S'il est de droit constant que le fabricant de médicaments génériques n'a pas à prévoir tous les moyens de défense que le fabricant de médicaments de marque pourrait invoquer (Pfizer Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2005 CAF 270, 341 N.R. 330, au paragraphe 16, 42 C.P.R. (4th) 97), il doit néanmoins exposer dans son avis d'allégation le droit et les faits sur lesquels repose son allégation. L'affirmation selon laquelle seraient défectueuses les données visant à établir le décuplement d'activité qui est revendiqué dans le brevet 546 s'inscrit dans ce que le juge Strayer a décrit comme « une partie constitutive de la « cause d'action » ». Novopharm doit soutenir dans son avis d'allégation que ces données sont défectueuses pour que la Cour puisse examiner cette question.

 

[67]           Ce n'est pas une réponse acceptable de la part de Novopharm que de dire qu'elle ne savait pas jusqu'à quel point les données étaient douteuses avant de voir les affidavits de Pfizer et de contre-interroger leurs auteurs. Novopharm a l'intention de commercialiser un bioéquivalent de l'atorvastatine. Le brevet en cause est à première vue un brevet de sélection du brevet 893 et il ne peut tenir que s'il remplit les critères du brevet de sélection exposés plus haut. L'avantage spécial est évidemment un critère essentiel et il dépend du décuplement de l'activité. Il est donc difficile de croire que Novopharm ne savait pas que les données censées établir cet avantage d'une activité dix fois supérieure seraient en litige.

 

[68]           Interrogé à l'audience sur ce point, c'est‑à‑dire celui de savoir pourquoi Novopharm n'avait pas soulevé dans l'avis d'allégation la question des brevets de sélection et des données étayant la sélection, l'avocat de Novopharm, de manière révélatrice, a répondu ce qui suit :

[Traduction

LA COUR : [...] Vous avez entendu Me Shaughnessy, lorsque je lui ai demandé « Le brevet 546 n'est‑il pas un brevet de sélection? », me répondre carrément par l'affirmative. C'était là votre position, MShaughnessy; vous ai‑je bien compris?

 

Me SHAUGHNESSY : C'est exact, Monsieur le juge. Maîtres Wilcox et Block et moi-même avons adopté la position que le brevet est à première vue un brevet de sélection.

 

LA COUR : Bien. Alors, vous dites au fond que le brevet n'est pas un brevet de sélection.

 

Me STAINSBY : Non, nous ne disons pas cela. Je dis que ce fait n'était pas manifeste au vu du brevet au moment où ils ont signifié l'avis d'allégation.

 

LA COUR : Et que par conséquent vous n'auriez pas pu intégrer cela dans l'avis d'allégation?

 

Me STAINSBY : Eh bien, je suppose que nous aurions pu le faire. Nous aurions pu aussi y écrire que le brevet péchait par absence de prédiction valable et par insuffisance de la divulgation. Nous aurions pu y mettre bien des choses, mais nous ne l'avons pas fait, parce que ce n'étaient pas là des arguments que nous aurions manifestement à faire valoir [...]

 

(Version préliminaire, 3e journée, transcription, à la page 64.)

           

 

[69]           Maître Stainsby déclare plus tard en réponse à une autre question :

[Traduction]

Il n'y a pas eu l'ombre d'un préjudice. Tout ce qui est en question ici, c'est un argument formel, que j'estime erroné en droit, comme quoi Novopharm, parce qu'elle n'a pas affirmé dans son avis d'allégation que le brevet 546 est un brevet de sélection invalide, ne pourrait pas contester la preuve produite par Pfizer.

 

Or le principal moyen de contester cette preuve n'apparaît qu'une fois que nous avons pris connaissance de celle‑ci, étant donné que le brevet contient à première vue des données censées démontrer une activité dix fois supérieure du R‑trans par rapport au racémate [...]

 

(Version préliminaire, 3e journée, transcription, à la page 66.)

 

[70]           Ce n'est pas là, à mon sens, la bonne façon de faire. Novopharm ne peut pas d'abord alléguer l'antériorité, l'évidence et le double brevet, puis, en réponse à la preuve produite par Pfizer, contester le brevet en invoquant des motifs fondés sur l'absence d'utilité ou de prédiction valable. Le brevet 546 est à première vue un brevet de sélection. Les témoins experts des deux côtés n'ont pas hésité à le définir ainsi. Si Novopharm pense que la sélection est fondée sur des données défectueuses, il lui fallait invoquer ce fait dès le départ.

 

[71]           Je répéterai ici l'observation formulée par le juge Strayer dans l'arrêt Bayer AG, précité :

[O]n pourrait peut-être considérer [l'avis d'allégation] comme une partie constitutive de la « cause d'action ». Une cour de justice ne peut pas ordonner la création d'une cause d'action, ou ordonner que celle‑ci soit créée dans tel ou tel délai ou de telle ou telle manière. La Cour ne peut en connaître qu'une fois que celle‑ci existe, ou à partir du moment où l'on prétend qu'elle existe.

 

[72]           Comme les données censées démontrer le décuplement de l'activité n'ont pas été contestées dans l'avis d'allégation, elles ne font pas partie de la « cause d'action ». La Cour considérera que ces données ont été prouvées. Elle ne prendra en considération aucun élément de la preuve ou des prétentions qui mettrait en question l'exactitude, la solidité ou la fiabilité de ces données.

 

[73]           Pour les raisons exposées au paragraphe 56 ci‑dessus, cette conclusion de la Cour décide l'issue de la présente espèce. Cependant, pour le cas où la Cour d'appel verrait les choses autrement, j'examinerai brièvement la contestation par Novopharm des données censées établir le décuplement d'activité.

 

II. La contestation infructueuse de l'essai ISC 118

[74]           Si la Cour acceptait l'argumentation de Novopharm concernant le caractère suffisant de l'avis d'allégation, résumée au paragraphe 59 ci‑dessus (ce qu'elle refuse explicitement de faire), elle devrait examiner les données censées établir le décuplement d'activité. Or, ces données proviennent de l'essai ISC 118. Avant d'examiner l'essai ISC 118, il ne serait peut-être pas inutile de dire quelques mots sur le contexte des essais en général.

 

Les essais

[75]           Dans n'importe quelle entreprise pharmaceutique, durant le processus de mise au point d'un médicament, on évalue les composés intéressants pour déterminer s'ils ont des effets biologiques. Habituellement, ces composés sont évalués au moyen d'essais.

 

[76]           Les essais, qu'on nomme aussi « tris », sont des expériences menées sur des composés d'essai pour déterminer s'ils possèdent une caractéristique particulièrement souhaitable. Un essai permet de déterminer à quel point un composé donné peut inhiber une activité enzymatique ou un processus enzymatique (biosynthèse du cholestérol) par la mesure de son activité in vitro ou in vivo. Les essais in vitro s'effectuent dans des éprouvettes, des boîtes de Pétri ou ailleurs à l'extérieur d'un organisme vivant. Les essais in vivo s'effectuent chez des organismes vivants.

 

[77]           L'invention en cause vise des enzymes, qui jouent un rôle dans la conversion de composés en d'autres composés. Elles agissent comme des catalyseurs biologiques qui accélèrent la vitesse d'une réaction chimique.

 

[78]           La HMG CoA‑réductase est une enzyme qui catalyse la conversion de la HMG‑CoA et du NADPH en acide mévalonique (mévalonate). L'un des essais qui peut être utilisé pour évaluer l'activité d'un inhibiteur possible de la HMG CoA‑réductase consiste à placer ce dernier dans un milieu contenant entre autres de la HMG‑CoA, du NADPH et de la HMG CoA‑réductase, puis à évaluer la capacité de l'inhibiteur à stopper ou à ralentir la conversion de la HMG‑CoA en acide mévalonique (comparativement à la même réaction sans l'inhibiteur). Ce type d'essai est aussi connu sous le nom d'essai de cortisol. L'objet de l'essai de cortisol est de mesurer l'effet d'une statine sur une seule enzyme, la HMG CoA‑réductase.

 

[79]           Un autre type d'essai pouvant être utilisé est celui de l'inhibition de la synthèse du cholestérol (ISC). Cet essai sert à mesurer l'effet d'un composé d'essai sur l'incorporation d'un acétate radiomarqué dans des lipides non saponifiables. On mesure ainsi l'activité inhibitrice du composé d'essai sur toute la voie de biosynthèse du cholestérol. Autrement dit, l'essai permet de mesurer l'effet d'un composé d'essai, une « statine », sur toute la voie de biosynthèse du cholestérol.

 

[80]           Pour les essais in vitro faisant appel à des enzymes, le pouvoir d'inhiber la réaction visée s'exprime habituellement comme la concentration inhibitrice 50 % (CI50). La CI50 représente la concentration d'un inhibiteur requise pour une inhibition de 50 % de l'enzyme pendant l'essai in vitro. La réaction témoin mesure la quantité de cholestérol (essai ISC) ou d'acide mévalonique (essai de cortisol) produite en l'absence d'un composé d'essai. Plus la CI50 est faible, plus le composé est puissant, étant donné qu'il faut moins de composé pour causer une inhibition de 50 %.

 

[81]           Pfizer a utilisé ces deux essais in vitro, l'essai de cortisol et l'essai ISC, pour évaluer ses « statines » et pour déterminer si ses inhibiteurs possibles de la HMG CoA‑réductase étaient actifs. Lorsqu'un composé d'essai affichait une activité inhibitrice suffisante pour ce qui est de la biosynthèse du cholestérol, il était soumis à l'essai de cortisol.

 

[82]           Initialement, Pfizer s'est servie à la fois de l'essai de cortisol et de l'essai ISC pour appuyer le brevet 546. Toutefois, en raison du litige, Pfizer a réexaminé les données de l'essai de cortisol et a découvert que :

a.         Les données n'étaient pas bien représentées graphiquement.

 

b.         Les valeurs de CI50 étaient calculées en prenant l'antilogarithme des concentrations, ce qui constituait une erreur de calcul.

 

c.         Dans le cas de l'essai de cortisol 111, une erreur a été faite lors de la préparation des solutions mères du sel calcique racémique.

 

(Voir M. Newton, dossier des demanderesses, volume 29, aux pages 9778‑9779; Dr Dietschy, dossier des demanderesses, volume 29, aux pages 9781‑9782)

 

[83]           Par suite de ces erreurs concrètes, Pfizer a abandonné les essais de cortisol et ne les a plus utilisés à l'appui du brevet 546.

 

[84]           Toutefois, Pfizer s'appuie toujours sur l'essai ISC. Novopharm prétend qu'il ne faudrait pas s'y fier non plus.

 

[85]           La contestation par Novopharm de l'essai ISC 118 comporte les allégations suivantes :

a.         l'essai 118 est un essai unique, et rien ne prouve qu'il a été reproduit; par conséquent, on ne devrait pas s'y fier;

 

b.         les notes de laboratoire pour l'essai ISC 118 comportent des lacunes et ne sont pas tenues d'une manière scientifiquement acceptable;

 

c.         les techniciens de laboratoire n'ont pas été appelés à témoigner, même s'ils étaient disponibles. L'un des techniciens travaille encore pour Pfizer, et l'autre habite au Michigan;

 

d.         aucune marge d'erreur n'a été établie pour l'essai ISC 118, bien qu'il s'agisse d'une pratique standard pour les tests scientifiques;

 

e.         on ne peut pas se fier à l'essai ISC 118 étant donné que les composés d'essai ne se sont pas dissous complètement dans les solutions tampons et que les concentrations des composés en solution n'ont pas été mesurées.

 

[86]           Un examen des affidavits et des contre‑interrogatoires des experts de Pfizer a révélé que les essais n'étaient pas des modèles d'analyse scientifique. Toutefois, les critiques formulées par les experts de Novopharm se limitent à la méthode employée. Les experts de Novopharm estiment qu'une méthode d'essai différente et plus rigoureuse aurait dû être employée et que les résultats auraient alors été différents.

 

[87]           Étonnamment, Novopharm, qui veut vendre un produit bioéquivalent au LIPITOR, n'a fourni aucun élément de preuve en ce qui concerne la solubilité ou l'activité supérieure. Elle n'a fourni aucune donnée produite par elle‑même qui pourrait être comparée à celles obtenues au moyen de l'essai ISC 118. Par conséquent, les seuls éléments de preuve dont dispose la Cour sont les données fournies par Pfizer, les affidavits renfermant des commentaires sur les données et les contre-interrogatoires sur ces affidavits. Il n'existe donc aucune contre‑preuve.

 

[88]           La critique la plus sévère formulée par les experts de Novopharm concerne la dissolution du composé dans les solutions tampons.

 

[89]           Les experts de Novopharm affirment ce qui suit :

[Traduction]

a.          M. Heathcock (dossier des demanderesses, volume 14, à la page 4297) :

 

113.     Comme il a été mentionné auparavant, pour obtenir des valeurs de CI50 exactes, il faut connaître la concentration des solutions d'essai. Comme l'a reconnu M. Newton dans son affidavit, Pfizer n'a pas déterminé les concentrations de ses solutions d'essai. Cela est particulièrement troublant si l'on considère que les carnets de laboratoire de Pfizer pour l'essai ISC 118 (annexe J de l'affidavit de M. Newton) indiquent que certains des composés d'essai étaient insolubles dans la solution utilisée pour mener l'essai (solution mère).

 

114.     Plus particulièrement, les carnets de laboratoire indiquent que les solutions mères d'atorvastatine calcique, d'énantiomère 3S,5S et de racémate d'atorvastatine calcique étaient toutes insolubles et que la solution mère de racémate d'atorvastatine sodique n'était que « partiellement soluble ». On n'a pas déterminé quelle quantité de chaque composé d'essai était dissoute dans chacune des solutions mères. La solution mère sert à la préparation des solutions d'essai (c.‑à‑d. que des aliquotes de la solution mère sont retirées, placées dans un tube, puis diluées de nouveau pour obtenir la solution d'essai). Pour connaître la concentration de la solution d'essai, il faut savoir quelle quantité du composé a été retirée de la solution mère et est contenue dans la solution d'essai. Si tous les composés se dissolvent dans la solution mère, il est facile d'effectuer une mesure exacte. Toutefois, si le composé ne s'est pas totalement dissous, on doit mesurer la concentration de la solution d'essai pour la connaître exactement. Comme Pfizer ne mesure pas les concentrations de chaque solution d'essai, on ne peut pas les connaître exactement.

 

116.     Par conséquent, sans information exacte au sujet de la concentration des solutions utilisées dans l'essai ISC 118, on ne devrait pas se fier aux valeurs de CI50 obtenues au moyen de l'essai ISC 118 pour confirmer une activité dix fois supérieure de l'atorvastatine par rapport au racémate.

 

b.          M. Alberts a déclaré ce qui suit (dossier des demanderesses, volume 15, à la page 4587) :

 

55.       Pour qu'un composé puisse inhiber une enzyme, il doit être en solution. D'après les carnets de laboratoire de Pfizer, il n'est pas possible de savoir avec certitude si tous les composés soumis à des essais par Pfizer étaient complètement dissous dans la solution d'essai. Si le composé n'est pas totalement dissous, cela a des répercussions sur la concentration du composé et, par conséquent, sur la CI50. Autrement dit, si les concentrations signalées sont inexactes, les CI50 le sont aussi.

 

56.       Il est clair, d'après les carnets de laboratoire de Pfizer, que les composés n'étaient pas totalement dissous dans la solution mère. Ainsi, pour l'essai CSI 118, on a indiqué que les composés en solution étaient insolubles et qu'une sonication était nécessaire. La solution mère est utilisée pour préparer des solutions d'essai (une petite quantité de la solution mère est retirée et diluée pour la préparation des solutions d'essai). Donc, si le composé n'est pas totalement dissous dans la solution mère, il est difficile de déterminer qu'on a transféré la quantité correcte de composé pour préparer les solutions d'essai. La concentration des solutions d'essai est déterminante si l'on veut obtenir des valeurs de CI50 exactes. À la suite de mon examen des résultats des essais de Pfizer, je me demande s'ils ont transféré la quantité exacte de composé dans chaque solution d'essai.

 

71(vi).  Il n'est pas non plus certain que la concentration déclarée des solutions d'essai était exacte. Je remarque que les solutions mère pour le racémate d'atorvastatine calcique, l'atorvastatine calcique et le sel calcique de l'énantiomère S sont décrites comme insolubles. Il n'est indiqué nulle part si la totalité des composés était dissoute dans les solutions d'essai. Ici aussi, pour un essai si important, je me serais attendu à ce que Pfizer confirme que les concentrations de la solution d'essai étaient exactes [...]

 

74.       De même, selon moi, le Dr Dietschy ne devrait pas présumer que, pour l'essai ISC 118, on a utilisé des suspensions uniformes simplement parce que le carnet de laboratoire ne contenait aucune note concernant la présence ou non d'amas non dissous dans la solution mère. Je m'interroge sur l'exactitude et la fiabilité des notes vu les erreurs apparentes dans les essais de Pfizer et les techniques de laboratoire employées. Par ailleurs, les notes relatives à l'essai ISC 118 n'indiquent pas qu'une « suspension uniforme » a été obtenue. Bien qu'une suspension homogène puisse être acceptable lorsqu'on veut déterminer si un composé est actif, à mon point de vue, on ne devrait pas s'y fier pour une analyse quantitative (c.‑à‑d. pour distinguer une activité deux fois supérieure d'une activité dix fois supérieure). Pour une analyse quantitative, un ou des solvants devraient être utilisés pour dissoudre complètement le composé.

 

c.          M. Weinstock (dossier des demanderesses, volume 16, à la page 5101) :

101.     [...] Pour inhiber une réaction enzymatique, le médicament doit atteindre l'enzyme, et le seul moyen fiable pour que cela se produise est de placer le médicament et l'enzyme dans une même solution et d'utiliser une solution dans laquelle le médicament est totalement dissous.

 

103.     [...] Le protocole de dissolution du médicament ne mentionnait pas que le médicament devait être broyé avant l'utilisation, ni combien de temps les efforts pour le dissoudre devaient se poursuivre. J'en conclus donc qu'une grande variation dans la quantité de médicament dissous a pu se produire durant la préparation des « solutions » médicamenteuses employées pour les essais [...]

 

104.     [...] On s'attendrait donc à ce que les valeurs de CI50 soient les mêmes pour les sels de sodium et de calcium, étant donné qu'ils seraient tous deux des sels de potassium dans la solution. Cela n'a toutefois pas été observé, et je m'interroge donc sur la fiabilité des résultats d'essais obtenus par Pfizer.

 

108.     Il faut noter que le racémate d'atorvastatine calcique, l'atorvastatine calcique et l'énantiomère S de calcium sont tous insolubles à l'étape no 1 et que le racémate d'atorvastatine sodique est laiteux et n'est que partiellement soluble à l'étape no 2. Si l'on présume que la totalité du médicament est dissoute, si toute l'activité du composé racémique réside dans l'atorvastatine, la CI50 de l'atorvastatine sodique serait de 4,72 nM, ce qui représente une activité cinq fois plus grande que celle de l'atorvastatine calcique. Étant donné que, dans les conditions de l'expérience, tous les sels solubles existent sous forme de mélange d'équilibre de tous les différents sels présents dans la solution d'essai (ce qui a déjà été expliqué), l'atorvastatine sera active dans la même mesure quelle que soit la forme saline dans laquelle elle a été dosée. On peut donc en déduire que, dans cette expérience, seul un cinquième de l'atorvastatine était dissous sous forme d'atorvastatine calcique et pouvait inhiber l'enzyme. Comme il s'agit là des données sur lesquelles on s'appuie pour affirmer que l'atorvastatine a une activité dix fois supérieure à celle de la forme racémique, cette revendication n'est pas fondée.

 

d.         M. Ness (dossier des demanderesses, volume 17, à la page 4587) :

41.       Il faut noter que la solubilité des diverses préparations d'atorvastatine (y compris les préparations du racémate d'atorvastatine) semble constituer un problème important dans les essais de Pfizer. Bon nombre de ces composés d'essai sont très lipophiles et ne sont pas hydrosolubles. D'après le paragraphe 58 de l'affidavit de M. Newton, Pfizer semblait se satisfaire de préparations de suspensions dispersées (c.‑à‑d. des solutions dans lesquelles le composé d'essai n'était pas totalement dispersé). Toutefois, l'emploi de suspensions non homogènes pourrait entraîner des variations de la concentration du composé dans les solutions d'essai et, en conséquence, de grandes variations dans les résultats obtenus.

 

42.       Les carnets de laboratoire de Pfizer ne fournissent pas assez d'information pour que je puisse déterminer si les solutions de Pfizer étaient homogènes ou non. En outre, si j'alléguais qu'un énantiomère est dix fois plus actif que le racémate, je m'assurerais qu'un solvant ait été utilisé qui puisse dissoudre complètement le composé. Sans cela, je ne considérerais pas les résultats de l'essai comme fiables.

 

 

[90]           L'expert témoignant pour Pfizer réplique ainsi à ces critiques :

[Traduction]

a.          M. Newton (dossier des demanderesses, volume 4, à la page 746) :

 

58.       Les tentatives de solubilisation des composés d'essai visaient l'obtention d'une solution claire. S'il était impossible d'obtenir une telle solution, on tentait alors de préparer une suspension du composé le plus finement dispersée possible. Une telle suspension était acceptable pour les essais. L'emploi d'une suspension ne serait inacceptable que si celle‑ci contenait des « morceaux » du composé d'essai.

 

61.       La concentration des composés d'essai dans la solution mère ou dans les dilutions en série n'était pas déterminée avant les essais ISC ou les essais de cortisol. Le coût aurait été élevé et la tâche, lourde. De plus, il ne s'agissait pas d'une étape habituelle du processus de découverte de médicaments chez Warner‑Lambert ni chez d'autres entreprises pharmaceutiques.

 

b.          M. Newton (dossier des demanderesses, volume 7, à la page 1970) :

 

17.       Nous n'avons pas mesuré la concentration de chaque sel de chacun des composés d'essai parce qu'il aurait fallu beaucoup de temps et qu'il ne s'agissait pas à l'époque d'une étape habituelle du processus de découverte de médicaments. De nos jours, il existe des techniques automatisées auxquelles on peut avoir recours pour de telles mesures; cependant, au milieu des années 1980, nous ne disposions pas de telles techniques. De toute façon, il n'était pas nécessaire de connaître la concentration précise de la solution d'essai pour déterminer les valeurs de CI50 et pour comparer ces valeurs lors d'un essai comparatif direct effectué le même jour. La raison pour laquelle cela n'était pas nécessaire est que nous n'étions intéressés que par les valeurs relatives de CI50 et non pas par les valeurs absolues.

 

29e).    Monsieur Alberts affirme au sous‑alinéa 71(vi) qu'il se serait attendu à ce que les scientifiques de Warner‑Lambert confirment que les concentrations des solutions d'essai étaient exactes. Comme il a déjà été mentionné, vu la nature du programme de découverte de médicaments et l'importance d'un criblage rapide, nous n'avons pas confirmé les concentrations pour tous les essais. À l'époque, il ne s'agissait pas d'une étape habituelle, et la tâche était difficile.

 

c.          Le Dr Dietschy (dossier des demanderesses, volume 17, aux pages 2096‑2098) :

 

58.       En plus d'ouvrir le cycle lactonique (si nécessaire) avant l'essai, il fallait solubiliser les composés d'essai de façon à obtenir une solution ou une suspension (les composés étant fournis par les chimistes sous forme de poudre). Les statines sont difficiles à dissoudre dans de nombreux solvants courants, et même si les techniques de solubilisation de ces composés étaient bien connues à l'époque, je me serais attendu à observer des variations dans la quantité de composé d'essai solubilisée selon les techniques et les solvants utilisés.

 

59.       Comme les statines sont des molécules relativement insolubles, les problèmes liés à la solubilité étaient très fréquents. On ne peut cependant pas en conclure que tous les résultats des essais menés sur les statines sont invalides. Au contraire, toute personne qui a travaillé avec des statines au cours des 30 dernières années a dû faire face à des problèmes de solubilité, et c'était (et c'est encore) chose courante que d'utiliser des agents de solubilisation (p. ex. PEG, détergents, albumine) pour obtenir une dispersion uniforme des statines dans un solvant précis.

 

60.       Pour tester une statine au moyen d'un de ces essais, il faut que le composé soit dans un état uniforme de sorte que la quantité de composé introduite dans chaque tube d'essai soit connue. C'est essentiel pour l'analyse des données comparatives, et il y a différents moyens d'y parvenir.

 

61.       Le mieux est que le composé soit complètement dissous afin de donner une solution mère claire. Cependant, il arrive souvent que la dissolution ne s'effectue pas spontanément en raison de la faible solubilité des statines. Le technicien qui prépare la solution mère peut alors avoir recours à la sonication ou à un mouvement tourbillonnaire pour obtenir une dispersion uniforme en phase aqueuse. Les solutions mères préparées de cette façon sont légèrement opalescentes ou laiteuses, mais on n'y trouve pas de gros amas. Ces solutions mères sont acceptables. Le pire des cas serait qu'après utilisation de toutes les techniques de solubilisation courantes, il reste de gros amas dans la solution mère. Une telle solution serait inacceptable.

 

62.       Je crois comprendre que les techniciens de Warner‑Lambert qui ont préparé les solutions mères n'ont pas mesuré la concentration des solutions après avoir solubilisé les composés médicamenteux candidats. À mon point de vue, il s'agit là de la façon de faire habituelle. Je ne connais personne, ni dans l'industrie ni dans les laboratoires universitaires, qui effectue systématiquement une telle procédure. De toute façon, il n'est pas nécessaire que la concentration des composés dans la solution mère soit mesurée. Si la solution se présente sous forme d'une suspension uniforme, chaque aliquote fournira une quantité très précise et constante du composé dans un volume connu, et ce, tant pour les essais in vitro que pour les essais in vivo. Une fois qu'une aliquote de statine est employée dans un essai, elle subit une certaine dilution, ce qui permet à la plus grande partie de la statine de se dissoudre.

 

63.       En outre, il serait incroyablement coûteux et difficile de mesurer la concentration des composés d'essai dans chacun des centaines d'essais réalisés. Ces techniques auraient été extrêmement fastidieuses et difficiles d'un point de vue pratique de découverte de médicaments et auraient ralenti de plusieurs mois le processus dans son entier.

 

d.         Le Dr Dietschy (dossier des demanderesses, volume 17, à la page 2242) :

 

21.       Monsieur Alberts déclare aux paragraphes 55 à 59 que les composés d'essai n'étaient pas assez solubles pour qu'on puisse se fier aux données et, par ailleurs, que d'autres solvants auraient dû être utilisés. Je ne suis pas d'accord avec lui. Les données montrent que les composés d'essai étaient assez solubles dans les solvants utilisés dans le protocole de Warner‑Lambert pour causer une inhibition de l'enzyme. À cet égard, je souligne le commentaire de M. Weinstock, au paragraphe 101 de son affidavit, où il affirme que pour qu'un médicament inhibe une enzyme, tout le médicament doit être dissous dans la solution. Il y a là exagération. De toute évidence, une certaine quantité de médicament doit être dissoute pour que ce dernier puisse atteindre l'enzyme et l'inhiber, mais il n'est pas nécessaire que tout le médicament soit dissous. Comme la solubilité des sels calciques de l'énantiomère R‑(R*,R*), de l'énantiomère S‑(R*,R*) et du mélange racémique est la même, l'activité inhibitrice de ces composés pouvait être comparée de façon valable.

 

 

[91]           L'avocat de Pfizer a dit de la contestation par Novopharm de l'essai ISC 118 qu'il s'agissait d'une tentative de trouver des lacunes. Cette description est assez juste. Les allégations de Novopharm remettent certainement en question la rigueur scientifique de l'essai ISC 118. Cependant, elles ne vont pas jusqu'à discréditer totalement l'essai ni établir qu'il n'est pas valable.

 

[92]           Comme le démontre l'exemple de la dissolution du composé dans la solution tampon, les témoignages des experts sont contradictoires. En l'absence de tout élément de preuve qui leur soit propre, les experts de Novopharm ne peuvent avancer que les éléments suivants :

[Traduction

-           L'emploi de suspensions non homogènes pourrait entraîner des variations de la concentration du composé dans les solutions d'essai et, en conséquence, de grandes variations dans les résultats obtenus. (M. Ness, dossier des demanderesses, volume 17, à la page 5400)

 

-           Le protocole scientifique inadéquat utilisé par Pfizer témoigne d'un manque général de rigueur dans son laboratoire, ce qui m'amène donc à mettre en doute ses résultats. Je suis persuadé de ne pas être le seul à avoir une telle opinion. (M. Alberts, dossier des demanderesses, volume 15, à la page 4716)

 

-           Après avoir examiné la contre‑preuve de Pfizer, je crois toujours qu'on ne peut pas se fier aux résultats d'essai de Pfizer pour mesurer quantitativement l'activité d'un composé par rapport à un autre. Au mieux, les résultats des essais de Pfizer pourraient servir à déterminer si un composé a une activité, mais pas s'il a une activité deux fois, trois fois ou dix fois supérieure à celle d'un autre composé. (M. Heathcock, dossier des demanderesses, volume 14, à la page 4319)

 

(Non souligné dans l'original.)

 

[93]           Si l'on prend du recul et qu'on examine la situation dans son ensemble, le tableau suivant se dessine. Pfizer a produit le composé, l'a mis à l'essai en laboratoire, a produit des données, a interprété les données et a fait certaines découvertes, c'est‑à‑dire une activité dix fois supérieure de l'énantiomère R-trans. Il n'existe aucun élément de preuve indiquant que Novopharm a produit le composé, l'a mis à l'essai, a recueilli des données ou les a interprétées. Tout ce qu'elle a fait est de demander à ses experts d'examiner les données ainsi que la méthode utilisée pour les obtenir. Les experts de Novopharm ont critiqué la méthode employée par Pfizer et ont fait des suppositions, des conjectures et des extrapolations, qu'ils ont assorties de conclusions. L'essentiel de ces conclusions est que l'emploi de données scientifiques plus rigoureuses aurait révélé une activité au plus deux fois supérieure.

 

[94]           Devant, d'une part, les essais de laboratoire, les données issues de ces essais, l'interprétation des données fournie par les experts et la défense par les experts de la méthode employée et, d'autre part, l'absence d'essais et de données opposées alliée aux seules critiques de la méthode employée et aux conjectures relativement aux résultats qui auraient été obtenus si on avait eu recours à une autre méthode, la Cour en arrive à la conclusion que, selon la prépondérance de la preuve, les données de Pfizer (bien qu'elles ne soient pas parfaites), conjuguées à l'interprétation de ses experts, infirment les allégations de Novopharm (qui ne sont appuyées par aucune donnée de laboratoire).

 

[95]           Donc, subsidiairement, même si l'avis d'allégation est suffisant, le brevet 546 demeure un brevet de sélection valide, étant donné que les allégations de Novopharm remettant en cause la validité des données relatives à une activité dix fois supérieure ne peuvent pas être retenues.

 

Les conclusions concernant l'antériorité et l'évidence

[96]           Ainsi qu'il a été mentionné plus haut, le brevet 546 est un brevet de sélection revendiquant un avantage, soit une activité dix fois supérieure de l'atorvastatine calcique (l'énantiomère R‑trans) par rapport au racémate d'atorvastatine calcique. Il s'agit de l'avantage surprenant et inattendu que possède l'énantiomère par rapport aux autres membres de sa classe. Pour les raisons susmentionnées (que ce soit l'incapacité de prouver toute allégation concernant les brevets de sélection et les données non fiables contenues dans l'avis d'allégation ou l'absence de contre-preuve infirmant la revendication de Pfizer concernant l'activité dix fois supérieure), il n'y a pas lieu d'examiner plus en détail les allégations d'antériorité ou d'évidence. Novopharm n'a présenté aucune preuve selon laquelle l'activité dix fois supérieure était :

1.         soit anticipée dans le brevet 893;

 

2.         soit évidente selon l'état de la technique en juillet 1989.

 

 

 

Le double brevet

[97]           Il me faut ajouter quelques mots sur la question du double brevet. Novopharm allègue que le brevet 546 est invalide pour cause de double brevet. Elle fait valoir en particulier ce qui suit au sujet du brevet 441 :

[Traduction

161.     La demande de brevet 441 a été déposée le 7 février 1989 et revendique une priorité au 1er février 1989 (près de 6 mois avant le dépôt de la demande de brevet 546). Elle décrit un processus prétendument nouveau de fabrication de l'atorvastatine. À la lecture du brevet 441, une personne versée dans l'art apprend que :

a.         l'énantiomère privilégié est l'acide 3R,5R-dihydroxique;

b.         les composés peuvent être sous leur forme lactonique, sous leur forme d'acide 3R,5R-dihydroxique ou sous forme de sel d'addition basique de l'acide;

c.         la forme acide peut être obtenue par l'arrêt de la réaction avant que la lactone ne se forme;

d.         la forme acide peut aussi être obtenue par l'hydrolyse classique de la lactone;

e.         l'acide 3R,5R-dihydroxique peut réagir et former des sels avec des cations métalliques et aminés pharmaceutiquement acceptables;

f.          la formation de sels pharmaceutiquement acceptables s'effectue par des moyens classiques;

g.         le terme « sel métallique pharmaceutiquement acceptable » renvoie aux sels formés avec les ions de calcium, de sodium, de potassium, de magnésium, d'aluminium, de fer et de zinc.

 

164.     Comme les procédés divulgués dans le brevet 441 servent inévitablement à fabriquer de l'atorvastatine, le fait que ce brevet ne comporte que des revendications de procédés n'est pas pertinent. Le brevet 441 renferme des revendications précises à l'égard d'un procédé utilisé pour la fabrication d'atorvastatine, mais pas d'autres composés. La détermination de la forme d'atorvastatine à utiliser ne requiert aucun esprit inventif, elle nécessite uniquement l'application d'une méthode.

(Dossier de la défenderesse, aux pages 54-55)

 

[98]           En ce qui concerne le brevet 768, Novopharm allègue ce qui suit :

[Traduction

165.     Compte tenu de la position de Pfizer, qui affirme que le brevet 768 revendique le racémate d'atorvastatine ainsi que l'atorvastatine et ses sels pharmaceutiquement acceptables, le brevet 546 constitue une revendication à perpétuité mal fondée des revendications du brevet 768.

166.     Pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles le brevet 546 est visé par une antériorité en raison du brevet 893, il constitue un double brevet inadmissible de la même invention que celle visée par le brevet 768.

167.     Pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles il n'y a rien dans le brevet 546 qui constitue un élément inventif par rapport au brevet 893, le brevet 546 est invalide pour cause de double brevet relatif à une évidence de la même invention que celle visée par le brevet 768.

(Dossier de la défenderesse, à la page 56)

 

[99]           On distingue deux catégories de double brevet, selon qu'il s'agit de la même invention ou d'une évidence. (Voir Whirlpool, précité, aux paragraphes 63 à 70.)

 

[100]       Pour qu'il y ait double brevet relatif à la même invention, il faut qu'il y ait identité des revendications. Or, comme le brevet 441 est un brevet de procédé, il ne porte évidemment pas sur la même invention que le brevet 546, qui revendique un composé. De plus, étant donné que le brevet 546 porte sur une sélection à partir du groupe de composés divulgué par le brevet 768 (l'équivalent canadien du brevet américain 893), ses revendications ne sont manifestement pas identiques à celles du brevet 768.

 

[101]       Pour ce qui est du double brevet relatif à une évidence, les revendications ou la divulgation du second brevet doivent présenter le caractère de la nouveauté ou de l'ingéniosité pour qu'il soit valide (voir Sanofi-Synthelabo Canada Inc., précitée, au paragraphe 86).

 

[102]       La Cour ayant conclu qu'il constitue un brevet de sélection, le brevet 546 présente par définition le caractère de la nouveauté et de l'aspect inattendu. Il ne peut donc être invalide au motif du double brevet relatif à une évidence.

 

Conclusion d'ensemble

[103]       Pour les motifs susmentionnés, les allégations de Novopharm ont été réfutées et l'ordonnance d'interdiction demandée sera accordée.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         Il est interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Novopharm à l'égard de ses comprimés projetés pour administration orale d'atorvastatine calcique de 10 mg, 20 mg, 40 mg et 80 mg, avant l'expiration du brevet canadien no 2 021 546.

 

2.         Novopharm paiera à Pfizer les dépens afférents à la présente demande.

 

 

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


Annexe 1

 

[TRADUCTION]

2.         Le brevet 546 n'est pas valide.

 

Les revendications du brevet 546 ne sont pas valides pour les raisons suivantes :

 

1.         Les revendications sont visées par une antériorité.

2.         Les revendications sont évidentes.

3.         Les revendications font l'objet d'un double brevet.

 

2.1       Antériorité

 

Dans le brevet américain no 4 681 893 (le brevet 893), délivré le 21 juillet 1987, on divulgue certaines trans-6-[2-([3- ou 4-carboxamidopyrrol-1-yl)alkyl)]-4-hydroxypyran-2-ones et leurs acides à cycle ouvert correspondants. Le brevet 893 a été inscrit par Pfizer dans le Orange Book des États‑Unis pour le LIPITOR. Au Canada, l'équivalent du brevet 893 est le brevet canadien no 1 268 768 (le brevet 768), qui est inscrit dans le Registre canadien des brevets pour le LIPITOR. En inscrivant le brevet 768 dans le Registre canadien des brevets et le brevet 893 dans le Orange Book, vous avez soutenu que les brevets 768 et 893 revendiquent tous les deux l'atorvastatine calcique comme un produit distinct des mélanges des énantiomères trans‑RR et trans‑SS.

 

Spécifiquement, à la colonne 2 du brevet 893, on fournit la structure suivante pour les composés revendiqués dans le brevet 893 :

 

Ainsi que l'exige le droit américain, le brevet 893 divulgue également des méthodes pour synthétiser ces composés et leurs formes acides à cycle ouvert correspondantes, avec assez de détails pour permettre à une personne versée dans l'art de les produire, à la date à laquelle le brevet 983 est devenu accessible au public. Dans la mesure où certaines étapes n'auraient pas été explicitement décrites, toute personne versée dans l'art les aurait bien connues. Pour cette raison, puisque vous avez indiqué que le brevet 893 est relatif à l'atorvastatine calcique, votre position doit être qu'une personne versée dans l'art aurait été en mesure de produire de l'atorvastatine calcique, ainsi que le mélange racémique d'atorvastatine calcique et son énantiomère trans‑SS, à cette date.

 

Dans le tableau 1 du brevet 893, on divulgue un certain nombre d'exemples représentatifs des composés visés par ce brevet. Le composé 1 du tableau 1 est décrit comme ayant la structure suivante :

Ainsi qu'il est mentionné plus haut, le brevet 893 divulgue et revendique divers composés sous leur forme de cycle de lactone (forme à cycle fermé), ainsi que leurs acides à cycle ouvert correspondants (forme à cycle ouvert). Le brevet 893 divulgue aussi comment préparer les deux formes de ces composés.

 

Le brevet 893 divulgue également que les acides à cycle ouvert correspondant aux formes lactoniques des composés de l'invention peuvent être utilisés sous forme de leurs sels acceptables d'un point de vue pharmaceutique et, plus spécifiquement, sous forme de sels aminés ou métalliques. Le brevet 893 divulgue que le sel métallique peut être un sel de sodium, de potassium, de calcium, de magnésium, d'aluminium, de fer ou de zinc, et que le sel aminé peut être formé à partir de bases azotées ammoniaques ou organiques assez fortes pour pouvoir former des sels avec des acides carboxyliques. Le brevet 893 divulgue aussi comment préparer les sels métalliques. Par exemple, dans l'exemple 2 on décrit un procédé pour préparer le sel de sodium de l'acide 2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque.

 

Le brevet 893 divulgue aussi que les composés qu'il vise :

 

1.         sont des inhibiteurs efficaces de la biosynthèse du cholestérol grâce à leur capacité à inhiber l'enzyme 3-hydroxy-3-méthylglutaryl-coenzyme A réductase (HMG CoA‑réductase)[1];

 

2.         peuvent être utilisés comme agents hypolipimiants ou hypocholestérolémiques dans des compositions pharmaceutiques contenant une quantité efficace du composé en combinaison avec un excipient pharmaceutiquement acceptable;

 

3.         peuvent être utilisés pour inhiber la biosynthèse du cholestérol chez un patient nécessitant un tel traitement, en administrant une quantité efficace d'une composition pharmaceutique contenant ces composés.

 

Ainsi qu'il est mentionné plus haut, puisque vous soutenez que le brevet 893 revendique et divulgue l'atorvastatine calcique, ce brevet aurait une antériorité sur les revendications 1, 2, 6, 11 et 12 du brevet 546. De même, dans la mesure où les revendications 3 à 5 et 7 à 10 sont pertinentes et qu'il est allégué qu'elles sont contrefaites, elles sont aussi invalides, car le brevet 983 a une antériorité pour des raisons identiques à celles susmentionnées.

 

2.2       Évidence

 

Nous alléguons aussi que chacune des revendications 1, 2, 6, 11 et 12 du brevet 546 (et les revendications 3 à 5 et 7 à 10 si elles sont pertinentes et qu'il est allégué qu'elles sont contrefaites) sont invalides pour cause d'évidence. Avant la date pertinente pour le brevet 546 :

 

1.         Le trans-5-(4-fluorophényl)-2-(1-méthyléthyl)-N,4-diphényl-1-[2-(tétrahydro-4-hydroxy-6-oxo-2H-pyran-2-yl)éthyl]-pyrrole-3-carboxamide (la forme lactonique à cycle fermé de l'acide trans-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque et le racémate des formes RR et SS) était connu, ayant été préparé dans l'exemple 1 du brevet 893.

 

2.         La forme à cycle ouvert était aussi connue, puisqu'elle était décrite dans le brevet 893, tout comme le procédé pour le produire.

 

3.         Ainsi qu'il est mentionné plus haut, étant donné que vous soutenez que le brevet 893 divulgue l'acide RR-trans-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque (c.‑à‑d. l'atorvastatine), l'atorvastatine était connue.

 

4.         L'utilisation de l'acide trans-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque et, selon votre position précédemment mentionnée, de l'atorvastatine, sous forme de leurs sels pharmaceutiquement acceptables, était connue, ayant été divulguée dans le brevet 893. Spécifiquement, le brevet 893 a divulgué les sels de sodium, de potassium, de calcium, de magnésium, d'aluminium, de fer et de zinc. Le choix de la forme à utiliser (c.‑à‑d. la forme à cycle fermé ou le sel de sodium ou de calcium) est basé sur des déterminations de routine bien connues d'une personne versée dans l'art.

 

5.         L'utilisation de l'acide trans-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque ou de ses sels pharmaceutiquement acceptables comme agent hypocholestérolémique avait été divulguée dans le brevet 893.

 

6.         L'utilisation de l'acide trans-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque ou de ses sels pharmaceutiquement acceptables dans une composition pharmaceutique avait été divulguée dans le brevet 893.

 

7.         L'utilisation de l'acide trans-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque ou de ses sels pharmaceutiquement acceptables comme inhibiteur de la synthèse du cholestérol chez des personnes souffrant d'hypercholestérolémie avait été divulguée dans le brevet 893.

 

8.         Plus spécifiquement, étant donné que vous soutenez que le brevet 893 divulgue l'atorvastatine calcique, l'utilisation de ce composé comme agent hypocholestérolémique dans une composition pharmaceutique pour inhiber la synthèse du cholestérol chez les personnes souffrant d'hypercholestérolémie avait été divulguée dans ce brevet.

 

9.         Il est bien connu des personnes versées dans l'art comment préparer de l'acide trans-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque dans sa forme à cycle ouvert et dans sa forme lactonique à cycle fermé et ses sels pharmaceutiquement acceptables, ainsi que l'atorvastatine et ses sels pharmaceutiquement acceptables, en s'appuyant sur votre position selon laquelle le brevet 893 divulgue l'atorvastatine calcique.

 

10.       Enfin, la stéréochimie de la chaîne latérale de l'acide dihydroxyheptanoïque nécessaire pour obtenir l'effet biologique de la classe de composés dont l'atorvastatine fait partie était bien connue des personnes versées dans l'art. Spécifiquement, il était bien connu que le β‑hydroxyle du cycle lactonique (encore nommé groupe hydroxyle 4 ou groupe hydroxyle 3) devait être dans la configuration R. Il était aussi connu que les deux groupes hydroxyles du cycle lactonique devaient être dans la configuration trans. Par exemple, le brevet américain no 4 474 971 indique :

 

Le procédé de la présente invention permet d'obtenir des dérivés de la 2H-pyran-2-one exclusivement dans la configuration 4R,6S des composés d'origine naturelle (c'est‑à‑dire compactine), sans produire aucun des isomères optiques ou stéréo‑isomères non désirés .

 

De même, le brevet américain no 4 375 475 indique :

 

Cependant, on a trouvé que les énantiomères 4R des racémates trans correspondant à la formule I inhibent spécifiquement avec une grande efficacité l'activité du 3-hydroxy-3-méthylglutaryl-coenzyme A réductase, qui est connu pour être l'enzyme participant à l'étape limitant la vitesse du procédé de biosynthèse du cholestérol.

 

Il était également bien connu que les autres inhibiteurs du HMG‑CoA de la même classe de composés que l'atorvastatine, comme la lovastatine, la simvastatine, la pravastatine et la compactine, tous connus avant la date de dépôt de la demande de priorité du brevet 546, avaient tous leur groupe β‑hydroxyle dans la configuration R et les deux groupes hydroxyles en position trans l'un par rapport à l'autre.

 

Compte tenu de ce qui précède, une personne versée dans l'art aurait été directement amenée, et sans difficulté, vers la forme trans‑RR de l'acide 2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque (atorvastatine) et ses sels, dont le sel de calcium, plutôt que vers la forme trans‑SS et ses sels. Ainsi, les revendications 1, 2, 6, 11 et 12 sont évidentes si on tient compte des connaissances antérieures et des connaissances générales d'une personne versée dans l'art (tel que représenté par les connaissances indiquées dans l'annexe A). De plus, dans la mesure où elles sont pertinentes et qu'il est allégué qu'elles sont contrefaites, les revendications 3 à 5 et 7 à 10 sont, pour les raisons susmentionnées, également évidentes si on tient compte des connaissances antérieures et des connaissances générales d'une personne versée dans l'art.

 

2.3       Double brevet

 

Les revendications du brevet 546 sont invalides pour cause de double brevet en raison du brevet canadien no 1 330 441 (le brevet 441). Le brevet 441 revendique un procédé pour la production d'atorvastatine sous la forme à cycle fermé et la forme à cycle ouvert et sous la forme de ses sels pharmaceutiquement acceptables. Par exemple, dans la revendication 14, on revendique un procédé pour la production d'atorvastatine sous la forme à cycle fermé. Ainsi, dans la revendication et dans la divulgation du brevet 441, on divulgue l'atorvastatine et ses sels pharmaceutiquement acceptables, y compris le sel de calcium. Le brevet 546 est donc invalide pour cause de double brevet relatif à une évidence.

 

Les revendications du brevet 546 sont aussi invalides pour cause de double brevet en raison du brevet 768. La demande pour le brevet 768 a été déposée au Canada le 7 mai 1987, et le brevet a été délivré le 8 mai 1990. En raison de votre position, qui est décrite ci‑dessus, le brevet 768 divulgue et revendique l'acide trans-2-(4-fluorophényl)-β,δ-dihydroxy-5-(1-méthyléthyl)-3-phényl-4-[(phénylamino)-carbonyl]-1H-pyrrole-1-heptanoïque et ses sels pharmaceutiquement acceptables, y compris le racémate (un mélange des formes trans‑SS et trans‑RR) et chacun des énantiomères (c.‑à‑d. les énantiomères trans-RR et trans-SS). Puisque le brevet 768 revendique l'atorvastatine et ses sels pharmaceutiquement acceptables, le brevet 546 est aussi invalide pour cause de double brevet identique.

 

De même, les revendications du brevet 546 sont invalides pour cause de double brevet relatif à une évidence en raison du brevet 768. Une personne versée dans l'art aurait su que la forme trans‑RR est la forme préférée en raison des données divulguées dans l'annexe A. Ainsi, une personne versée dans l'art aurait été amenée directement, et sans difficulté, aux revendications du brevet 546, avec comme résultat que les revendications du brevet 546 ayant trait à l'atorvastatine, à ses sels et à la forme lactonique à cycle fermé ne sont pas suffisamment distinctes des revendications du brevet 768 pour être brevetables.


Annexe 2

 

Pour Pfizer

 

Bruce D. Roth : Monsieur Roth est l'inventeur du brevet relatif au LIPITOR. Il occupe actuellement le poste de vice-président, chimie, pour Pfizer Global Research and Development. Il travaille pour Pfizer depuis 1999, année où l'entreprise a fait l'acquisition de Warner‑Lambert Company. Auparavant, il travaillait depuis 1982 pour Warner‑Lambert Company. Il est titulaire d'un doctorat en chimie organique de l'Université d'État de l'Iowa. Il est coauteur de huit exposés de synthèse et d'environ 50 articles scientifiques. Il a également présenté de nombreux exposés et de nombreuses conférences dans des universités et des congrès aux États‑Unis et au Canada. Il a également reçu nombre de prix, notamment le Warner‑Lambert Chairman's Distinguished Scientific Achievement Award, qu'il partage avec M. Roger Newton. En 1999, il a été nommé inventeur de l'année par la New York Intellectual Property Law Association.

 

Roger S. Newton : Le domaine d'expertise de M. Newton est la biochimie des lipides. Il est titulaire d'un doctorat en métabolisme des lipides de l'Université de la Californie. Durant sa formation postdoctorale, il a travaillé avec la compactine. De 1981 à 1998, il a occupé un poste chez Parke‑Davis, la division de la recherche pharmaceutique de Warner‑Lambert Company, au service de la pharmacologie de l'athérosclérose. Son mandat consistait à établir et à diriger le programme de découverte de médicaments, qui visait la découverte d'un composé chimique pouvant être commercialisé comme médicament hypocholestérolémiant. Tout comme M. Bruce Roth, il a reçu le Warner‑Lambert Chairman's Distinguished Scientific Achievement Award.

 

William R. Roush : Monsieur Roush est un chimiste possédant 30 ans d'expérience en chimie organique et en chimie médicinale. Il est actuellement directeur exécutif, chimie médicinale au Scripps Research Institute. Il est également doyen associé de la Kellogg Graduate School du Scripps Research Institute. Il est titulaire d'un doctorat en chimie de l'Université Harvard. De 1978 à 1987, il a été professeur adjoint de chimie et chercheur au Massachusetts Institute of Technology. Par la suite, il a été nommé professeur émérite de chimie à l'Université de l'Indiana, où il a lancé un programme de recherche sur la conception et la synthèse d'inhibiteurs des protéases à cystéine. Il a donné de nombreuses conférences dans des universités et des entreprises pharmaceutiques. Il a en outre publié plus de 225 articles scientifiques et publications connexes dans les domaines de la synthèse organique et de la chimie médicinale. Il est rédacteur adjoint du Journal of the American Chemical Society.

 

Michael P. Doyle : Monsieur Doyle est professeur et directeur du Département de chimie et de biochimie de l'Université du Maryland, College Park. Il est professeur de chimie depuis 1968. Il est titulaire d'un doctorat en chimie organique de l'Université d'État de l'Iowa. Il a aussi été pendant treize ans professeur émérite de chimie à l'Université Trinity. Il est par la suite devenu professeur de chimie à l'Université de l'Arizona. Il est aussi auteur ou coauteur de dix livres, dont Basic Organic Stereochemistry (publié par John Wiley and Sons, New York, 2001). Il a publié plus de 250 articles scientifiques et a fait partie du comité de rédaction d'un certain nombre de publications. Pendant sa carrière, il a reçu de nombreux prix.

 

Dr John M. Dietschy : Le Dr Dietschy est médecin et professeur de médecine interne au Southwestern Medical Center de l'Université du Texas. Il est titulaire de la chaire H. Ben and Isabel T. Decherd en médecine interne à l'Université du Texas. Il mène depuis plus de 40 ans des recherches sur les substances médicinales qui inhibent la biosynthèse du cholestérol, y compris les statines. Pendant cette période, il a travaillé avec l'atorvastatine, la simvastatine, la mévinoline et la fluvastatine. Il a publié 230 articles scientifiques, la plupart portant sur la biosynthèse ou le métabolisme du cholestérol. Il s'est vu décerner un certain nombre de distinctions professionnelles et de prix prestigieux pour ses travaux sur la maîtrise du métabolisme et de la régulation du cholestérol chez les animaux.

 

Peter Lionel Spargo : Monsieur Spargo a obtenu un baccalauréat ès sciences naturelles en chimie avec très grande distinction de l'Université Cambridge en 1983, puis un doctorat en chimie organique synthétique en 1986, également de l'Université Cambridge. Il a commencé à travailler pour Pfizer Ltd. en 1988, à titre de chimiste médicinal. Deux ans plus tard, il a occupé un poste au service de la recherche et du développement des procédés (maintenant de la chimie), où il a d'abord été chef d'équipe de laboratoire, puis chef de section, gestionnaire, directeur et, enfin, chef du service. Au cours des années pendant lesquelles il a travaillé pour Pfizer, il a conçu, mis au point et mis à l'échelle des procédés de fabrication de nouveaux médicaments candidats. Il a dirigé des équipes en sciences pharmaceutiques, qui travaillaient à la mise au point de formulations optimales de composés. La sélection de sels et de formes solides a été un élément clé de presque chaque projet auquel il a participé. En 2003, il est devenu directeur scientifique pour Scientific Update LLP, dont il a étendu les services de consultation.

 

Dr Peter Howard Jones : Le Dr Jones est médecin et professeur agrégé de médecine au Baylor College of Medicine, section de l'athérosclérose et de la recherche sur les lipides. Il est directeur médical du Methodist Wellness Services Weight Management Center et codirecteur de la Lipid Metabolism and Atherosclerosis Clinic. Il a obtenu en 1974 un baccalauréat ès sciences en chimie de l'Université Washington and Lee. En 1974, il a obtenu son doctorat en médecine du Baylor College of Medicine, où il était le meilleur étudiant de sa promotion. Son exercice de la médecine est axé sur la cardiologie préventive et le traitement de l'obésité. Il possède une vaste expérience du diagnostic et de la prise en charge des troubles lipidiques, ainsi que du traitement pharmacologique par des agents hypocholestérolémiants, dont les inhibiteurs de la HMG CoA‑réductase. Il possède une expérience particulière dans le traitement de l'hyperlipidémie et dans l'utilisation en clinique des statines, dont le LIPITOR. Il a été chercheur principal ou cochercheur dans au moins 30 essais cliniques portant sur des statines. Il a aussi fait partie de nombreux comités scientifiques et a publié 80 articles scientifiques et plus de 20 résumés, dont la plupart portaient sur des essais cliniques avec des statines.

 

Christopher Bokhart : Monsieur Bokhart est vice-président de CRA International, société internationale d'experts-conseils qui offre à ses clients et à des avocats des conseils dans les domaines de l'évaluation d'entreprises, des licences et des services de soutien en contentieux. Lors de ses fonctions à CRA, il a agi à titre d'expert-conseil auprès de clients et d'avocats en ce qui concerne l'évaluation d'entreprises, les licences, la technologie, la commercialisation et le transfert ainsi que l'évaluation de marché. Avant d'occuper le poste de vice‑président de CRA, il était consultant de direction chez Peterson & Co. Consulting, après quoi il est devenu administrateur délégué pour InteCap. Il a été l'un des fondateurs d'IPC Groups, LLC, société remplacée par InteCap.

 

Sam Gourdji : Monsieur Gourdji est titulaire d'un baccalauréat ès sciences de l'Université McGill. En 1982, il a obtenu une maîtrise en administration des affaires avec spécialisation en marketing de l'Université McGill. Il occupe à la compagnie Pfizer Canada Inc. le poste de vice‑président, planification stratégique et développement de nouveaux produits. De 1994 à 2000, il a travaillé pour Parke‑Davis, division de Warner‑Lambert Company, LLC, comme directeur du marketing. Dans ses fonctions, il a supervisé la mise en marché du LIPITOR/atorvastatine calcique et a apporté une contribution canadienne au développement mondial du LIPITOR. En sa qualité de directeur du marketing, il était responsable de l'examen et de l'approbation de l'information concernant la commercialisation et le succès commercial du LIPITOR au Canada. Pendant la période où il a occupé ce poste, il était aussi membre du comité opérationnel mixte canadien sur le LIPITOR. En 1994, il a accepté un poste de développement croisé aux affaires gouvernementales‑affaires extérieures. Son rôle consistait à favoriser l'inscription des médicaments de Parke‑Davis sur les formulaires des médicaments des gouvernements.

 

Pour Novopharm

 

Clayton H. Heathcock : Monsieur Heathcock est un chimiste possédant plus de 40 ans d'expérience en chimie organique et en chimie médicinale. Il est actuellement professeur à la Graduate School de l'Université de la Californie à Berkeley, en plus d'agir comme expert‑conseil pour plusieurs sociétés pharmaceutiques et entreprises de biotechnologie. Il est également chercheur en chef de la division Berkeley du California Institute for Quantitative Biomedical Research. Il est titulaire d'un doctorat en chimie organique de l'Université du Colorado. Il a synthétisé un certain nombre d'analogues structuraux de la compactine et évalué leur activité biologique. En 1985, en collaboration avec Terry Rosen, il a réussi à synthétiser de la compactine et a publié les résultats sous forme de communication préliminaire. Ces deux collaborateurs ont aussi synthétisé d'autres stéréo‑isomères de la compactine et publié leurs résultats finaux en 1987. Ils ont obtenu un brevet pour leur découverte d'une méthode stéréosélective de synthèse de divers composés dans cette série. Il a depuis lors reçu des prix pour ses travaux en chimie organique.

 

Alfred Alberts : Monsieur Alberts est consultant indépendant dans les domaines pharmaceutique et scientifique et conseiller en matière de recherche sur les médicaments et de conception de médicaments. Il possède plus de 45 ans d'expérience dans les domaines de la biochimie et de la découverte de médicaments. De 1975 à 1995, il a occupé des postes de plus en plus importants sur le plan des responsabilités aux Merck Research Laboratories, y compris ceux de chercheur principal émérite, de vice‑président, biochimie, et de directeur, découverte de produits naturels. Pendant 15 ans, il a dirigé le programme sur l'athérosclérose de Merck, où ont été mis au point les inhibiteurs de la HMG CoA‑réductase, classe de médicaments utilisés pour abaisser le taux de cholestérol sanguin. Il a aussi découvert la lovastatine (ou mévinoline) et en est l'inventeur désigné. Il a reçu de nombreux prix pour ses recherches sur les inhibiteurs de la HMG CoA‑réductase et sur la lovastatine, notamment le prix « Inventor of the Year » accordé par Intellectual Property Owners, Inc.

 

Gilbert W. Adelstein : Monsieur Adelstein est un chimiste médicinal ayant plus de 21 ans d'expérience dans le domaine de la conception et de la synthèse de nouveaux ingrédients pharmaceutiques actifs. Il est titulaire d'un baccalauréat ès sciences en pharmacie de l'Université de l'Illinois ainsi que d'une maîtrise ès sciences et d'un doctorat en chimie médicinale de l'Université du Michigan. Il a commencé sa carrière chez G.D. Searle & Co., où il a travaillé de 1968 à 1990. Il a d'abord été embauché comme chercheur de laboratoire, puis a gravi les échelons pour finalement accéder au poste de directeur adjoint aux affaires réglementaires. Ses travaux chez G.D. Searle & Co. portaient notamment sur la synthèse de nouvelles entités chimiques pour la recherche sur les maladies gastro‑intestinales et cardiovasculaires et sur les maladies du système nerveux central. Plus tard, il a été responsable de la conception et de la mise en oeuvre de plans de recherche. De 1990 à 1995, il a été directeur, chimie, à la société Ohmeda, Inc., division des produits pharmaceutiques, où il a supervisé la recherche et le développement de nouveaux anesthésiques et analgésiques. De 1995 à 2003, il a occupé le poste de directeur adjoint, affaires réglementaires pour Sanofi Pharmaceuticals Inc., celui de directeur, affaires réglementaires et services techniques de qualité aux Forest Laboratories et celui de consultant de projet pour Reliant Pharmaceuticals. Depuis 2003, il agit comme consultant indépendant auprès d'entreprises pharmaceutiques et d'autres organisations sur des questions de développement de produits pharmaceutiques et de chimie médicinale.

 

Joseph Weinstock : Monsieur Weinstock est un consultant indépendant qui possède une expérience industrielle de 45 ans dans les domaines de la chimie médicinale et de la conception et synthèse de médicaments. Il a obtenu un baccalauréat ès sciences de l'Université Rutgers en 1949, puis un doctorat en chimie organique de l'Université de Rochester en 1952. De 1954 à 1956, il a été maître assistant au Département de chimie de l'Université Northwestern, où il a enseigné la chimie générale et la chimie organique. De 1956 à 2002, il a travaillé pour Smith Kline & French, entreprise qui a plus tard pris le nom de GlaxoSmithKline (collectivement, SmithKline). Il a d'abord occupé le poste de chimiste médicinal principal et occupait, au moment de son départ à la retraite, celui de directeur, chimie médicinale. Lorsqu'il était au service de SmithKline, il a été responsable d'un certain nombre de projets de recherche majeurs et a aussi contribué à certains projets d'envergure, notamment des projets de conception et de synthèse de trois médicaments qui ont été commercialisés. Récemment, il a agi comme consultant pour le groupe de chimie médicinale de Glaxo dans le domaine de la recherche sur le cancer. Il est l'auteur ou le coauteur d'au moins 143 publications, dont la plupart portent sur la synthèse et la conception de nouveaux composés pharmaceutiques. Il est aussi l'inventeur d'au moins 112 découvertes brevetées aux États‑Unis et de nombreuses autres découvertes brevetées dans d'autres pays.

 

Gene C. Ness : Monsieur Ness est depuis 1986 professeur au Département de biochimie et de biologie moléculaire du College of Medecine de l'Université du Sud de la Floride. Il a obtenu, en 1966, un baccalauréat ès sciences en chimie de l'Université d'État de Bemidji et, en 1971, un doctorat en biochimie de l'Université du Dakota du Nord. Ses recherches actuelles sont axées sur les mécanismes moléculaires par lesquels les facteurs physiologiques, notamment l'insuline, les hormones thyroïdiennes et le cholestérol alimentaire, régulent l'expression de la HMG CoA‑réductase. Il a été chercheur principal, recherche et développement en chimie clinique, de la division Dade d'American Hospital Supply. Il est l'auteur ou le coauteur de plus de 90 articles parus dans des revues dotées d'un comité de lecture, de quatre recensions sollicitées et de plus de 80 résumés publiés. Il a en outre reçu environ 60 invitations à présenter des exposés ou à participer à des séminaires. Il s'est vu décerner au moins huit prix pour ses réalisations en matière de recherche, en particulier pour ses travaux sur la régulation de la biosynthèse du cholestérol.

 

Peter Loewen : M. Loewen a obtenu en 1996 un doctorat post‑baccalauréat en pharmacie spécialisé en pharmacothérapeutique de l'Université de la Colombie‑Britannique (UBC). Il a obtenu son baccalauréat en pharmacie de la UBC en 1993. Il occupe depuis neuf ans le poste de pharmacien clinique spécialisé dans la prise en charge pharmacothérapeutique des patients adultes des services de médecine interne pour l'autorité sanitaire de la côte de Vancouver, en plus d'être professeur agrégé de pharmacologie à l'Université de la Colombie‑Britannique. Depuis 2001, il est également coordonnateur des services de pharmacie clinique au UBC Hospital. De 2001 à 2005, il a aussi été coordonnateur du programme de résidence en pharmacie hospitalière du Vancouver Hospital & Health Sciences Centre. L'une des responsabilités associées à ce poste était de siéger au comité des médicaments et des traitements. Ce comité évalue quels médicaments il convient de faire figurer sur le formulaire de l'hôpital. Par ailleurs, depuis 1996, il a aussi occupé les postes de professeur adjoint de clinique, de professeur agrégé de clinique et de professeur agrégé à la Faculté des sciences pharmaceutiques de la UBC. Il a publié nombre d'articles et de résumés revus par les pairs et présenté des exposés, à titre de conférencier invité, lors de nombreuses conférences, notamment sur le sujet des statines et du cholestérol.

 

Lea Prevel Katsanis : Madame Katsanis est professeur agrégé au Département de marketing à l'École de gestion John Molson de l'Université Concordia, où elle enseigne la publicité, les politiques du marketing et la vente personnelle aux étudiants du premier cycle ainsi que le marketing pharmaceutique et la gestion des ventes aux étudiants diplômés. Elle a obtenu un baccalauréat en science économique du Vassar College en 1976 et a participé à un programme de gestion internationale à la London Business School en 1978. En 1979, elle a obtenu une maîtrise en administration des affaires de la Stern School of Business de l'Université de New York. Elle a aussi obtenu un doctorat en administration des affaires du Département de marketing de l'Université George Washington. De 1979 à 1981, elle a travaillé pour Merck Sharp and Dohme en tant qu'analyste des études de marché, puis a été nommée spécialiste principale des produits, division cardiovasculaire, puis chef adjointe des produits, division ophtalmique. De 1981 à 1984, elle a aussi travaillé pour The Schering Plough Corporation à titre d'adjointe à la gestion, puis à titre de chef de produit. En 1985, elle a occupé le poste de chef de produit à la société Rhône‑Poulenc Pharmaceuticals.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑560‑05

 

INTITULÉ :                                       PFIZER CANADA INC. et al.

                                                            c.

                                                            NOVOPHARM et al.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATES DE L'AUDIENCE :             DU 10 AU 17 NOVEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 7 DÉCEMBRE 2006

 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sheila Block

Andrew W. Shaughnessy

Peter R. Wilcox

W. Grant Worden

POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Jonathan Stainsby

Mark Edward Davis

William P. Mayo

Lesley Caswell

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM LIMITÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Torys LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM LIMITÉE

 

 



[1] Les composés qui inhibent la HMG CoA‑réductase sont appelés inhibiteurs de la HMG CoA‑réductase.

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