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Date : 20061127

Dossier : IMM‑2398‑06

Référence : 2006 CF 1434

Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

EDUARDO VILLANEUVA PEREZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Cette procédure de contrôle judiciaire introduite contre une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), par laquelle le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour raisons de grande criminalité, porte sur le refus de la Commission de consentir un ajournement. Ce refus constitue‑t‑il un manquement à l’équité procédurale?

 


II.         LE CONTEXTE

[2]               Le demandeur, de nationalité mexicaine, a été déclaré coupable aux États‑Unis de complot en vue de distribuer de la méthamphétamine, infraction prévue par le Title 21 USC 846, de possession de méthamphétamine avec intention de la distribuer, infraction prévue par le Title 21 USC 841(a)(1), de fraude postale ainsi que de complicité.

 

[3]               Il est arrivé au Canada à la faveur d’un permis de travail délivré par erreur, pour ensuite être annulé. Il a alors été déféré devant la Commission pour y être entendu, conformément au paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés :

44. (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

 

44. (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

 

[4]               Avant l’audience, le défendeur a remis au demandeur le rapport prévu par le paragraphe 44(1). On peut lire dans la partie principale du rapport que le demandeur :

[TRADUCTION] … a été déclaré coupable sous le nom de Eduardo Villaneuva Perez, devant la Cour de district des États‑Unis, district sud de la Californie, de l’infraction de complot en vue de distribuer de la méthamphétamine, contrevenant ainsi au Title 21 du United States Code, sections 846 et 841(A)(1). Une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, constituerait l’infraction de possession en vue de trafic, selon ce que prévoit le paragraphe 5(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, un acte criminel punissable d’un emprisonnement maximal de dix ans.

 

(Non souligné dans l’original)

 

[5]               À l’audience, l’avocat du demandeur et la Commission se sont demandé si le rapport prévu par l’article 44 faisait état uniquement de l’infraction de complot en vue d’une distribution et si le défendeur pouvait aussi aller de l’avant en alléguant la possession en vue de trafic.

 

[6]               Comme le défendeur entendait aller de l’avant en alléguant les deux accusations, l’avocat du demandeur s’y est opposé et a sollicité un ajournement afin de pouvoir se préparer pour les questions se rapportant à la « possession avec intention de distribuer ». L’ajournement a été refusé.

 

[7]               La Commission a conclu que le demandeur était interdit de territoire. Cette décision s’appuyait principalement sur les questions de possession.

 

[8]               Le demandeur a soulevé à la fois la question de l’équité procédurale et l’erreur de droit afférente à l’interdiction de territoire prononcée contre lui, mais la présente affaire peut être tranchée sur la question de l’équité procédurale.

 

III.       ANALYSE

[9]               La question de l’équité procédurale porte en réalité sur la qualification de la demande d’ajournement : le refus de la demande était‑il fondé sur le fait que juridiquement avis n’avait pas été donné, ou résultait‑il de l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire?

 

[10]           Le rapport prévu par l’article 44, un rapport qui se réfère à deux sections du United States Code, mentionne expressément l’unique infraction de complot en vue de distribuer de la méthamphétamine. Il répète cette unique infraction dans la phrase suivante de la portion pertinente du rapport – « Une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, constituerait l’infraction de possession en vue de trafic, selon ce que prévoit le paragraphe 5(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, un acte criminel punissable d’un emprisonnement maximal de dix ans ».

 

[11]           L’avocat du demandeur a prétendu avoir été amené à croire, à la lecture du rapport, que le défendeur ne se fondait que sur l’infraction de complot, aux fins de l’analyse de l’équivalence entre les dispositions pénales canadiennes et américaines.

 

[12]           Son argument, outre le fait qu’il s’exprimait en qualité d’auxiliaire de la justice, et j’accepte sa parole, est appuyé par le recueil de précédents qu’il avait préparé, et qui portait intégralement sur la notion de complot.

 

[13]           Puisque le malentendu était authentique, il faut alors se demander s’il était raisonnable. À mon avis, le texte du rapport prévu par l’article 44 était suffisamment imprécis pour donner prise à l’affirmation de l’avocat du demandeur selon laquelle son client n’a pas eu un avis suffisant des points sur lesquels il devait s’exprimer.

 

[14]           La question eût‑elle porté sur un ajournement plutôt que sur la qualité de l’avis, alors la décision de la Commission appellerait une retenue considérable. Sa décision de refuser au demandeur l’ajournement qu’il sollicitait afin de permettre l’intervention d’un avocat plus expérimenté est tout à fait le genre de décision qui commande une retenue judiciaire.

 

[15]           Le défendeur soutient que, compte tenu du plaidoyer de culpabilité enregistré par le demandeur, le résultat de toute audience de la Commission est couru d’avance, et l’affaire ne devrait donc pas être renvoyée à la Commission. Sans doute le défendeur a‑t‑il raison sur la décision ultime, mais il n’y a aucune certitude sur cette conclusion, et le demandeur a le droit de pouvoir s’exprimer sur tous les points soulevés.

 

[16]           La demande de contrôle judiciaire sera donc accordée, la décision de la Commission sera annulée et l’affaire sera renvoyée à une autre formation de la Commission pour nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE : La demande de contrôle judiciaire est accordée, la décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée à une autre formation de la Commission pour nouvelle décision.

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑2398‑06

 

 

INTITULÉ :                                       EDUARDO VILLANEUVA PEREZ

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 21 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      le 27 novembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shane Molyneaux

 

                         POUR LE DEMANDEUR

Peter Bell

 

                         POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ELGIN, CANNON ET ASSOCIÉS

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

                         POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

                         POUR LE DÉFENDEUR

 

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