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Date : 20061120

Dossier : T‑1548‑06

Référence : 2006 CF 1405

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

LES LABORATOIRES SERVIER, ADIR,

ORIL INDUSTRIES, SERVIER CANADA INC.,

SERVIER LABORATORIES (AUSTRALIA) PTY LTD

et

SERVIER LABORATORIES LIMITED

demanderesses

et

 

APOTEX INC.

et

APOTEX PHARMACHEM INC.

défenderesses

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Protonotaire Morneau

[1]               La Cour est saisie d’une requête déposée par les demanderesses en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité en vertu de l’article 151 des Règles des Cours fédérales (les Règles), afin d’assurer la préservation de la confidentialité de certains renseignements et documents devant être échangés entre les parties pendant le processus de découverte d’une action complète en contrefaçon de brevet.

[2]               Voici des motifs pour lesquels j’estime qu’il était approprié d’accueillir la requête des demanderesses et de rendre aujourd’hui une ordonnance de confidentialité sous pli séparé, conformément aux modalités présentées par les demanderesses dans l’ordonnance provisoire jointe à leur dossier de requête.

[3]               À l’appui de leur requête, les demanderesses ont déposé un affidavit provenant du Directeur des brevets de la demanderesse Les Laboratoires Servier (l’affidavit de Mme Sylvie Jaguelin‑Guinamant), dans lequel Mme Guinamant indique, selon moi, de manière suffisante, que les documents à protéger sont de nature confidentielle, qu’ils étaient et sont traités comme tel pendant toute la période pertinente et les demanderesses subiraient un préjudice grave si l’ordonnance de confidentialité demandée n’était pas délivrée. En tant que preuve supplémentaire de la nature des éléments de preuve à divulguer, les demanderesses ont également porté à l’attention de la Cour l’affidavit de M. Sumpter (un des trois affidavits qui doivent, selon ma compréhension, être invoqués à l’appui d’une requête en injonction interlocutoire).

[4]               Je crois qu’en l’espèce, la preuve des demanderesses (composée de l’affidavit de Mme Guinamant avec l’aide de l’affidavit de M. Sumpter) répond aux considérations pertinentes reconnues en 2005 par la Cour dans Merck & Co. c. Brantford Chemicals Inc. (2005), 43 C.P.R. (4e) 233 où, au paragraphe [14], la Cour mentionne les principes formulés par le juge Mackay dans Apotex Inc c. Wellcome Foundation Ltd (1993), 51 C.P.R. (3d) 305, à la page 311.

[5]               La preuve des demanderesses répond également, dans la mesure où on les juge applicables, aux directives de la Cour suprême énoncées dans Sierra Club of Canada c. Canada (Ministre des Finances), [2002] 2 R.C.S. 522.

[6]               Dans Sierra Club, la Cour examinait une requête visant à obtenir une ordonnance de confidentialité en vertu de l’article 151 des Règles dans une situation qui diffère beaucoup de la nôtre. La Cour suprême énonce, au paragraphe 84 de ses motifs, le contexte du droit public qu’elle étudiait, comme suit :

[84] La requête est liée à une demande de contrôle judiciaire d’une décision du gouvernement de financer un projet d’énergie nucléaire. La demande est clairement de nature publique, puisqu’elle a trait à la distribution de fonds publics en rapport avec une question dont l’intérêt public a été démontré. De plus, comme le souligne le juge Evans, la transparence du processus et la participation du public ont une importance fondamentale sous le régime de la LCÉE. En effet, par leur nature même, les questions environnementales ont une portée publique considérable, et la transparence des débats judiciaires sur les questions environnementales mérite généralement un degré élevé de protection. À cet égard, je suis d’accord avec le juge Evans pour conclure que l’intérêt public est en l’espèce plus engagé que s’il s’agissait d’un litige entre personnes privées à l’égard d’intérêts purement privés.

[Non souligné dans l’original.]

[7]               L’espèce, comme cela a été mentionné antérieurement, concerne des contrefaçons supposées et l’invalidité d’un brevet. Par conséquent, le litige ressemble plus à un litige « entre personnes privées à l’égard d’intérêts purement privés ». De plus, en l’espèce, les demanderesses ont demandé à la Cour de rendre une ordonnance de confidentialité qui ne visait pas à restreindre l’accès aux avocats uniquement.

[8]               Au paragraphe 53 de ses motifs dans Sierra Club, la Cour suprême a énoncé le critère à deux volets suivant pour régler la situation dont elle était saisie :

[53] Pour appliquer aux droits et intérêts en jeu en l’espèce l’analyse de Dagenais et des arrêts subséquents précités, il convient d’énoncer de la façon suivante les conditions applicables à une ordonnance de confidentialité dans un cas comme l’espèce :

Une ordonnance de confidentialité en vertu de la règle 151 ne doit être rendue que si :

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

 

[9]               En ce qui concerne le premier volet du critère, soit la nécessité, l’affidavit de Mme Guinamant renvoie, mis à part les aspects confidentiels déjà mentionnés, à l’existence d’engagements de confidentialité réciproques dans des litiges parallèles à l’étranger entre les mêmes parties. Mme Guinamant n’a pas été contre‑interrogée quant à son affidavit et Apotex n’a pas déposé un élément de preuve contraire. Je suis donc convaincu que la preuve des demanderesses démontre l’existence d’une question de portée commerciale générale ou d’intérêt important.

[10]           En ce qui concerne la possibilité de solutions de rechange raisonnables plutôt que la demande d’une ordonnance en confidentialité, je suis convaincu qu’en l’espèce, il n’existe aucune autre solution de rechange raisonnable que de rendre l’ordonnance demandée.

[11]           En ce qui concerne le reste du critère énoncé dans Sierra Club, je suis convaincu que les conséquences avantageuses de la demande d’une ordonnance de confidentialité l’emportent sur ses conséquences préjudiciables.

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

MONTRÉAL (Québec)

LE 20 NOVEMBRE 2006

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                      T‑1548‑06

 

INTITULÉ :                             LES LABORATOIRES SERVIER, ADIR,

ORIL INDUSTRIES, SERVIER CANADA INC.,

SERVIER LABORATORIES (AUSTRALIA) PTY LTD

et

SERVIER LABORATORIES LIMITED

demanderesses

et

 

APOTEX INC.

et

APOTEX PHARMACHEM INC.

défenderesses

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            le 20 novembre 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

 

DATE DES MOTIFS :                                   le 20 novembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Me Joanne Chriqui

Me Louis Gratton

POUR LES DEMANDERESSES

Me David Sherman

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans, s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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