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Date : 20061019

Dossier : T-1833-05

Référence : 2006 CF 1251

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

ENTRE :

1373997 ONTARIO INC.

 

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LA DEMANDE

 

[1]               La présente affaire a débuté en tant que demande de contrôle judiciaire d’une décision prise au deuxième palier par l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), laquelle a été communiquée à la demanderesse par M. Gerald Travis le 6 octobre 2005 (la décision).

 

[2]               La décision indiquait que l’ARC renoncerait aux intérêts pour une période additionnelle de 16 semaines.

 

[3]               Les intérêts ont été exigés dans un avis de nouvelle cotisation daté du 14 juin 2004 pour l’année d’imposition allant du 31 août 1999 au 30 août 2000.

 

[4]               La demanderesse a sollicité une ordonnance annulant la décision et adjugeant les dépens en sa faveur ainsi que le renvoi de l’affaire à un autre décideur, avec des directives appropriées.

 

L’AUDIENCE

 

[5]               L’audition de la demande a eu lieu devant moi le 12 juillet 2006, à Halifax (Nouvelle‑Écosse).

 

[6]               L’avocat de la demanderesse a sollicité l’ajournement de l’audience le 12 juillet 2006, en vue d’avoir le temps d’arriver à un règlement au sujet de la nouvelle cotisation fiscale sous‑jacente. J’ai refusé d’accorder l’ajournement et j’ai entendu l’argumentation au complet. Toutefois, j’ai également consenti à différer le jugement afin de permettre aux parties de régler le litige. Les parties devaient faire rapport à la Cour au sujet des progrès accomplis à cet égard.

 

[7]               Avant que j’aie pu rendre des motifs et une ordonnance au sujet de la demande, le défendeur a reçu des instructions : il devait consentir à ce que la décision soit renvoyée pour nouvelle décision par un décideur différent; le défendeur a informé la Cour de ce consentement.

 

[8]               Le défendeur consent également au renvoi de l’affaire pour nouvelle décision à condition que la question de la renonciation aux intérêts pour une période de 16 semaines ne soit pas réexaminée dans le cadre d’un nouvel examen.

 

[9]               La demanderesse ne voulait pas consentir au renvoi de l’affaire pour nouvelle décision; elle a indiqué qu’elle voulait que la Cour statue sur la demande et prononce des motifs au fond.

 

LA REQUÊTE

 

[10]           Étant donné que la demanderesse ne voulait pas consentir au renvoi de la demande pour nouvelle décision par un décideur différent, le défendeur a présenté une requête par écrit, le 8 septembre 2006, (la requête) conformément aux articles 3 et 392 des Règles de la Cour fédérale (1998) ainsi qu’aux paragraphes 18(1) et 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales en vue de demander à la Cour d’ordonner que la demande que la demanderesse avait présentée le 19 octobre 2005 soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée pour réexamen.

 

[11]           La demanderesse s’est opposée à la requête; elle veut que la Cour la rejette et qu’elle statue ensuite sur la demande et prononce des motifs susceptibles d’être utilisés lorsque l’affaire sera présentée pour réexamen.

 

ANALYSE

 

[12]           La Cour examinera la demande et la requête ensemble.

 

[13]           Il ressort des documents relatifs à la requête que la demanderesse s’oppose à la requête pour les motifs suivants :

a)                  Il n’est pas fait mention dans la requête des dépens sollicités par la demanderesse dans la demande;

b)                  Il n’est pas fait mention dans la requête des motifs pour lesquels la décision est renvoyée pour réexamen, de sorte que le nouveau décideur ne saura pas ce qui a déclenché la demande de contrôle judiciaire.

 

[14]           En particulier, la demanderesse semble être préoccupée par le fait que, bien qu’il ait décelé dans la décision deux erreurs possibles justifiant son consentement à un réexamen, le défendeur n’a pas traité des allégations que la demanderesse a faites au sujet d’une crainte raisonnable de partialité.

 

[15]           La demanderesse résume ses objections comme suit :

[traduction] Si le défendeur, dans une demande de contrôle judiciaire, pouvait choisir d’éviter que des motifs de jugement qui risquent d’être défavorables soient prononcés en acceptant simplement, après la présentation de la demande, que l’affaire soit renvoyée pour qu’un nouveau choix puisse être effectué, cela réduirait à néant les attentes et le droit de la partie lésée qui cherche à obtenir réparation auprès de la Cour au moyen de cette demande. Une telle pratique ne comporte aucune supervision judiciaire réelle.

 

[16]           La demanderesse s’estime lésée en l’espèce parce que [traduction] « le défendeur a eu une révélation sur le chemin de Damas à la suite de la présentation d’arguments écrits et oraux exhaustifs par les deux parties ».

 

[17]           La situation est plutôt étrange puisque j’ai consenti à différer le jugement après l’audience afin de permettre aux parties de régler le différend qui les oppose. Normalement, si les parties étaient arrivées à un règlement en temps opportun, la demande aurait été rejetée sur consentement et les parties auraient progressé conformément au règlement.

 

[18]           La Cour ne comprend pas exactement pourquoi un règlement s’est avéré impossible, et je crois devoir maintenant statuer sur la demande et sur la requête compte tenu du fait que la détermination de ces questions ne peut pas être incorporée dans un règlement général.

 

[19]           Toutefois, je ne crois pas que la Cour puisse tout simplement omettre de tenir compte du fait que le défendeur a consenti à la demande et a convenu que la décision devait être renvoyée pour réexamen. Cette possibilité n’a pas été expressément étudiée lors de l’audition de la demande, lorsque j’ai accepté de différer le jugement, mais il s’agissait certes d’une éventualité dont il n’était pas entièrement possible d’omettre de tenir compte.

 

[20]           Dans sa réponse à la requête, la demanderesse ne précise pas clairement si elle est prête à accepter le rejet de la demande dans le cas où la Cour examinerait maintenant pleinement la demande et prononcerait des motifs de jugement. Toutefois, il me semble que tel pourrait être le résultat si l’on se fondait sur les arguments avancés par la demanderesse dans la requête.

 

[21]           La chose risquerait d’entraîner une situation bizarre, la Cour rejetant la demande même si le défendeur a indiqué qu’il y consentait.

 

[22]           Il me semble que la demanderesse suppose simplement que la Cour accueillera la demande. Cependant, contrairement à ce qu’elle a affirmé, la demanderesse n’est pas encore en fait une partie lésée puisque la Cour n’a pas encore rendu la décision au fond sur la demande.

 

[23]           Dans des procédures de contrôle judiciaire, il est tout à fait normal que la Cour reconnaisse un consentement sans en examiner le bien‑fondé et qu’elle se fonde sur ce consentement. Le consentement indique simplement que le défendeur convient que l’affaire devrait être réexaminée. En somme, telle est la réparation sollicitée par la demanderesse. Il pourrait également y avoir des directives et des conditions imposées par la Cour, et ce, même si en l’espèce les parties ne se sont pas formellement entendues sur ce que pourraient être ces directives.

 

[24]           Cependant, si j’examine les motifs invoqués par la demanderesse dans la demande ainsi que les documents qui ont été déposés avec la requête, il semble clair à mes yeux que le défendeur concède que la Cour pourrait conclure que la décision a été rendue sans qu’il soit tenu compte des dispositions de la Loi relatives à la renonciation permettant de reporter la date limite, et que le décideur ne s’est pas penché sur l’offre que la demanderesse avait faite de renoncer au délai prévu par la loi. C’est le fait qu’il n’est pas fait mention du motif fondé sur la crainte de partialité qui semble inquiéter la demanderesse.

 

[25]           Je considère la question des dépens comme tout à fait distincte, et le fait que le défendeur consente à la demande à une date si tardive peut de toute évidence être pris en compte dans le cadre de l’adjudication des dépens.

 

[26]           J’ai examiné les questions de crainte de partialité que la demanderesse a soulevées dans sa demande initiale. La demanderesse n’a pas réussi à me convaincre qu’il existe un nombre suffisant d’éléments de preuve pour répondre à la jurisprudence sur ce point. Si le libellé cité par la demanderesse est considéré compte tenu de l’ensemble du contexte, je ne puis conclure qu’une personne raisonnable, qui est parfaitement au courant de ce contexte, craindrait la partialité. Je ne crois donc pas qu’il soit nécessaire de me pencher sur la question de la partialité à l’intention de tout décideur futur.

 

[27]           Quant aux autres erreurs possibles, je crois que les difficultés ont déjà été suffisamment reconnues dans les documents du défendeur pour permettre au futur décideur de noter pleinement les problèmes qui se sont posés en l’espèce et de les éviter à l’avenir. Je ne crois pas qu’une analyse formelle des motifs susceptibles d’aller à l’encontre des concessions déjà faites par le défendeur constitue une utilisation prudente et judicieuse du temps dont dispose la Cour.

 

[28]           Je crois donc que la façon la plus juste, la plus efficace et la plus économique de statuer sur la demande et sur la requête consiste à considérer que, par la requête, le défendeur reconnaît et convient que la décision devrait être renvoyée pour réexamen à condition que la question de la renonciation aux intérêts pour une période de 16 semaines ne soit pas réexaminée et que les questions soulevées par la demanderesse dans la demande soient pleinement examinées et prises en compte dans tout réexamen et dans toute nouvelle décision, sauf pour la question de la partialité. Je crois que ce résultat répond aux préoccupations des deux parties.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La requête fondée sur l’article 369 est rejetée, sans que les dépens soient adjugés à l’une ou l’autre partie;

2.                  La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée au directeur d’un autre bureau des services fiscaux de l’Agence du revenu du Canada pour un réexamen dans le cadre duquel :

a)      le fait qu’une date limite imposée par la Loi peut être reportée sera examiné;

b)      toute renonciation au délai prévu par la loi qui a été faite par la demanderesse sera examinée;

c)      la renonciation aux intérêts pour une période de 16 semaines déjà faite par le ministre ne sera pas réexaminée.

3.                  La demanderesse a droit aux frais de la demande.

 

 

   « James Russell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1833-05

 

INTITULÉ :                                                   1373997 ONTARIO INC.

                                                                        c.

                                                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 12 JUILLET 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

DE LA COUR :                                              LE 19 OCTOBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bruce S. Russell, c.r.

POUR LA DEMANDERESSE

 

John J. Ashley

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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