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Date : 20061012

Dossier : IMM-7330-05

Référence : 2006 CF 1212

Toronto (Ontario), le 12 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

 

ENTRE :

LLOYD MHAKA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 15 novembre 2005 par Jiti Singh Grewal, un commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), qui a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[2]               Le demandeur est citoyen du Zimbabwe. Il prétend craindre avec raison d’être persécuté par le gouvernement actuel, dirigé par la ZANU‑PF, en raison des opinions politiques qu’on lui aurait attribuées en tant que membre du parti d’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (Movement for Democratic Change – MDC), ainsi qu’en raison de son appartenance à un groupe social, c’est‑à‑dire les personnes dont certains membres de la famille sont actifs au sein du MDC.  

 

[3]               En particulier, le demandeur a témoigné devant la Commission être un membre actif du MDC et craindre d’être pris pour cible par la ZANU‑PF s’il retournait au Zimbabwe. Il a présenté un courriel daté du 16 septembre 2005 provenant de M. Andrew M. Manyevere, qui occupe le poste de secrétaire général de l’aile du MDC établie à Dallas, à l’appui de sa prétention voulant qu’il se soit joint à l’aile du MDC établie à Dallas. Le demandeur a également soumis une lettre datée du 25 novembre 2003 provenant du [traduction] « Bureau du ministre parallèle du gouvernement local » signée par M. Gabriel Chaibva, député. Ces deux lettres d’appui étayent l’affirmation du demandeur selon laquelle il est membre du MDC et les auteurs recommandent que le demandeur s’abstienne de retourner au Zimbabwe jusqu’à ce que la situation politique soit plus démocratique et propice à la libre expression. Le demandeur a également soumis deux cartes de membre du MDC.

 

[4]               La Commission n’a accordé aucune valeur au courriel et à la lettre signés par les représentants officiels du MDC et a jugé qu’elles avaient été obtenues « frauduleusement ». Le motif principal soutenant cette dernière conclusion est que, selon la preuve documentaire citée par la Commission, le MDC n’a pas comme politique d’aider les demandeurs d’asile, de manière officielle ou non (pièce R-5, ZZZ38535.E, 28 février 2002). La conclusion selon laquelle le demandeur a obtenu « frauduleusement » les deux documents en question, dans les mots de la Commission, a « une incidence sur [la] crédibilité [du demandeur] » et, « à la lumière des préoccupations […] concernant la crédibilité », la Commission « n’accorde aucun poids » aux deux cartes de membre du MDC soumises par le demandeur à titre de preuve directe de son appartenance au MDC. 

 

[5]               Rien ne prouve que le demandeur ait eu l’intention de tromper la Commission et la conclusion de la Commission selon laquelle les deux lettres d’appui mentionnées ci‑dessus ont été obtenues « frauduleusement » est manifestement déraisonnable. En tirant cette conclusion, la Commission a omis de prendre en compte des preuves contradictoires pertinentes ou a sinon interprété de manière sélective la preuve documentaire, qui révèle également que [traduction] « les membres du comité exécutif du parti écrivent parfois des lettres de recommandation pour un membre du parti » (pièce R-1, Cartable de documentation de la SPR de novembre 2004, ZWE38381.E, 19 avril 2002, dossier certifié du tribunal, page 73). De plus, en l’espèce, il est clair que les auteurs des deux lettres d’appui mentionnées ci‑dessus ne prétendent pas parler au nom du MDC en tant que parti, mais à titre personnel, en tant qu’individus connaissant l’engagement personnel du demandeur auprès du MDC.  

 

[6]               En outre, la Commission a imposé un fardeau excessif au demandeur en s’attendant à ce qu’il explique certaines inscriptions des représentants officiels du MDC, particulièrement en ce qui concerne la place des signatures dans le tableau des cotisations apparaissant sur la carte du MDC délivrée à Dallas. Puisque la Commission ne disposait d’aucune preuve concernant le contenu et la forme des cartes de membre du MDC, elle a eu tort de contester la carte du MDC délivrée à Harare pour le motif que la carte en question ne faisait aucune mention de la date à laquelle elle avait été délivrée ou à laquelle le demandeur l’avait obtenue (Adaramasha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1529).

 

[7]               Les erreurs mentionnées ci‑dessus sont considérables et influent sur la décision de la Commission selon laquelle le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Par conséquent, il ne sera pas nécessaire d’examiner la validité des autres conclusions tirées par la Commission au sujet de l’absence de crainte subjective et de l’absence d’une preuve crédible établissant que les membres de la famille du demandeur, particulièrement son frère, font partie du MDC.

 

[8]               En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Je conviens avec les avocats des parties qu’il n’y a pas lieu de certifier une question en l’espèce.

 

 

 

 

 


 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

2.         La décision rendue le 15 novembre 2005 par la Section de la protection des réfugiés, laquelle conclut que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, est annulée et l’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés pour qu’un tribunal différemment constitué statue à nouveau sur l’affaire.

 

3.         Il n’y a aucune question à certifier.

 

     « Luc Martineau »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-7330-05  

 

INTITULÉ :                                                              LLOYD MHAKA

                                                                                    c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION 

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE 10 OCTOBRE 2006

                                                      

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 12 OCTOBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :                 

 

Kingsley Jesuorobo                                                      POUR LE DEMANDEUR

 

David Joseph                                                                POUR LE DÉFENDEUR

     

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kingsley Jesuorobo                                                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                                                                                            

                                                                                                

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                                                              

 

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