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Date : 20060919

Dossier : IMM-5973-05

Référence : 2006 CF 1109

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

CHENG BIN LI

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

APERÇU

[1]               L'obligation d'agir avec équité oblige celui qui est appelé à rendre une décision à respecter les principes d'équité procédurale. Si la Cour détermine qu'un manquement à l'équité procédurale s'est produit, elle doit retourner la décision à l'organe décisionnel de première instance pour qu'il rende une nouvelle décision.

 

 

CONTEXTE

[2]               La Cour est saisie d'une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), en vue d'obtenir le contrôle judiciaire d'une décision en date du 27 juillet 2005 par laquelle une agente des visas a estimé que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences prescrites pour pouvoir obtenir un visa de résident permanent parce qu'il n'était pas considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial au sens de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Dans cette même décision, l'agente des visas a également conclu qu'il n'existait pas de motifs d'ordre humanitaire suffisants pour octroyer au demandeur le statut de résident permanent en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR.

 

HISTORIQUE

[3]               Le demandeur, M. Cheng Bin Li, est un ressortissant chinois âgé de 19 ans dont la demande visant à obtenir que sa demande de résidence permanente au Canada soit parrainée par son père a été rejetée au motif qu'il n'était pas déclaré dans la demande d'établissement de son père.

 

[4]               Le père de M. Li, Fu Lin Li, est arrivé au Canada en février 1999 et il a présenté une demande de résidence permanente en 2000. Il a divorcé de sa femme en 1991. À l'époque, le père de M. Li a conservé la garde de leur fille, Dan Li, née en 1983, tandis que son ex-femme a conservé la garde de leur fils, alors âgé de quatre ans.

 

[5]               Dans sa demande d'établissement, le père de M. Li n'a déclaré que sa fille, qui vivait alors toujours en Chine. Il n'a pas déclaré son fils, M. Li. Plus tard, il a parrainé la demande de sa fille, qui a obtenu le droit d'établissement au Canada en janvier 2002.

 

[6]               En raison des difficultés économiques avec lesquelles sa mère était aux prises, la garde de M. Li a été confiée à son père aux termes d'une ordonnance du tribunal populaire du district de Qingyang, à Chengdu, le 6 septembre 2001.

 

[7]               Le père de M. Li  a attendu jusqu'en 2002 avant de soumettre une demande de parrainage de son fils. Cette demande a été refusée au motif que M. Li ne faisait pas partie de la catégorie du regroupement familial étant donné que son père ne l'avait pas déclaré dans sa demande d'établissement. L'agente des visas s'est fondée sur l'alinéa 117(9)d) du Règlement, qui exclut les membres de la famille du répondant qui n'ont pas fait l'objet d'un contrôle à l'époque où le répondant a présenté sa demande d'établissement.

 

[8]               Le père de M. Li a par la suite présenté en novembre 2004 une demande d'exemption pour considérations humanitaires relativement à l'exclusion de la catégorie du regroupement familial.

 

DÉCISION À L'EXAMEN

[9]               À la suite de l'entrevue qu'elle a menée en juin 2005, l'agente des visas a rejeté la demande d'établissement en se fondant sur l'alinéa 117(9)d) du Règlement et sur l'insuffisance des motifs d'ordre humanitaire.

 

[10]           L'agente des visas a conclu qu'outre le fait qu'il n'avait pas déclaré son fils dans sa demande d'établissement, le père de M. Li n'avait pas soumis de preuve pour démontrer qu'il avait un fils en Chine en produisant par exemple un acte de divorce, contrairement aux prétentions de M. Li. Comme l'acte de divorce invoqué par M. Li à l'entrevue portait la date du 21 septembre 2004, l'agente des visas avait conclu que les fonctionnaires de l'immigration ne pouvaient l'avoir en mains au moment de la demande d'établissement de son père. L'agente des visas n'a pas accepté non plus l'explication de M. Li suivant laquelle le document original avait été égaré ou avait été conservé par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), car tous les originaux leur avaient été retournés.

 

[11]           Pour ce qui est des raisons d'ordre humanitaire, l'agente des visas a examiné les observations de M. Li mais elle a estimé que les raisons invoquées n'étaient pas suffisantes pour justifier d'octroyer une dispense de l'application des exigences de la LIPR.

 

[12]           Aucun appel n'a été interjeté devant la Section d'appel de l'immigration de la première ou de la seconde décision défavorable relative au parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[13]           Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

  1. L'agente des visas a-t-elle insuffisamment motivé sa décision?
  2. L'agente des visas a-t-elle commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 25(1) de la LIPR, qui permet de tenir compte de facteurs d'ordre humanitaire?
  3. L'agente des visas a-t-elle manqué au devoir d'agir avec équité auquel elle était tenue envers M. Li en rejetant la demande de ce dernier avant qu'il ait pu lui soumettre les éléments de preuve complémentaires qu'elle avait elle-même réclamés?

 

ANALYSE

            Régime législatif

[14]           Paragraphe 11(1) de la LIPR :

11.      (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

11.      (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[15]           Paragraphe 13(1) de la LIPR :

13.      (1) Tout citoyen canadien et tout résident permanent peuvent, sous réserve des règlements, parrainer l’étranger de la catégorie « regroupement familial ».

13.      (1) A Canadian citizen or permanent resident may, subject to the regulations, sponsor a foreign national who is a member of the family class.

 

[16]           Paragraphe 25(1) de la LIPR :

25.      (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – ou l’intérêt public le justifient.

25.      (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

[17]           Article 117 du Règlement :

117.      (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relations qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants  :

 

[…]

 

b) ses enfants à charge;

 

 

[…]

 

(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

 

[…]

 

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

 

(10) Sous réserve du paragraphe (11), l’alinéa (9)d) ne s’applique pas à l’étranger qui y est visé et qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’un agent a décidé que le contrôle n’était pas exigé par la Loi ou l’ancienne loi, selon le cas.

117.      (1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

 

 

 

(b) a dependent child of the sponsor;

 

 

(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

 

 

 

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

 

(10) Subject to subsection (11), paragraph (9)(d) does not apply in respect of a foreign national referred to in that paragraph who was not examined because an officer determined that they were not required by the Act or the former Act, as applicable, to be examined.

 

Norme de contrôle

[18]           Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, [1999] A.C.F. no 39 (QL), aux paragraphes 57 à 62, il a été jugé, en appliquant l'analyse pragmatique et fonctionnelle, que la norme appropriée, dans le cas des demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire, est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[19]           En ce qui concerne les questions d'équité procédurale, notre Cour doit examiner les circonstances particulières de l'affaire pour déterminer si l'auteur de la décision a respecté les principes d'équité procédurale applicables. Si elle arrive à la conclusion qu'il y a eu manquement à l'équité procédurale, notre Cour doit renvoyer la décision à l'organe décisionnel de première instance pour qu'il rende une nouvelle décision (Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 16, [2006] A.C.F. no 8 (QL), au paragraphe 15; Demirovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1284, [2005] A.C.F. no 1560 (QL), au paragraphe 5; Trujillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 414, [2006] A.C.F. no 8 595 (QL), au paragraphe 11; Bankole c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1581, [2005] A.C.F. no 1942 (QL), au paragraphe 7).

 

Question préliminaire - la compétence

[20]           En tant que répondant, le père de M. Li a le droit d'interjeter appel, devant la Section d'appel de l'immigration, du rejet de la demande de résidence permanente de son fils, M. Li. Or, en l'espèce, le père de M. Li n'a pas épuisé les droits d'appel que lui confère le paragraphe 63(1) de la LIPR.

 

[21]           L'article 72 de la LIPR porte sur les demandes de contrôle judiciaire. Le paragraphe 72(1) dispose qu'aucune demande ne peut être présentée tant que les voies d'appel prévues par la Loi ne sont pas épuisées :

72.      (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure – décision, ordonnance, question ou affaire – prise dans le cadre de la présente loi est subordonnée au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

 

 

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent à la demande d’autorisation :

 

 

a) elle ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées;

 

 

[…]

72.      (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter – a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised – under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

(2) The following provisions govern an application under subsection (1):

 

(a) the application may not be made until any right of appeal that may be provided by this Act is exhausted;

 

[22]           En conséquence, seule la décision défavorable rendue à l'issue d'une demande fondée sur les raisons d'ordre humanitaire prévues au paragraphe 25(1) de la LIPR peut, pour le moment, être contestée par voie de contrôle judiciaire.

 

Motifs suffisants

[23]           Dans le jugement Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1046, [2005] A.C.F. no 1294 (QL), au paragraphe 21, le juge Frederick Gibson a abondé dans le sens de la Cour fédérale qui, dans l'arrêt Via Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.F.), [2000] A.C.F. no 1685 (QL), avait elle-même fait sien le raisonnement suivi par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker, précité :

L'obligation de produire des motifs est salutaire. Les motifs visent plusieurs fins utiles, dont celle de concentrer l'attention du décideur sur les facteurs et les éléments de preuve pertinents. Pour reprendre les termes de la Cour suprême du Canada :

On a soutenu que la rédaction de motifs favorise une meilleure prise de décision en ce qu'elle exige une bonne formulation des questions et du raisonnement et, en conséquence, une analyse plus rigoureuse. Le processus de rédaction des motifs d'une décision peut en lui-même garantir une meilleure décision.

Les motifs garantissent aussi aux parties que leurs observations ont été prises en considération.

De plus, les motifs permettent aux parties de faire valoir tout droit d'appel ou de contrôle judiciaire à leur disposition. Ils servent de point de départ à une évaluation des moyens d'appel ou de contrôle possibles. Ils permettent à l'organisme d'appel ou de révision d'établir si le décideur a commis une erreur et si cette erreur le rend justiciable devant cet organisme. Cet aspect est particulièrement important lorsque la décision est assujettie à une norme d'examen fondée sur la retenue.

 

 

 

[24]           Dans le jugement Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 687, [2004] A.C.F. no 846 (QL), la juge Eleanor Dawson écrit, au paragraphe 4 :

En ce qui concerne ce qui, aux dires de la demanderesse, constituerait la première erreur, il faut que les motifs soient suffisamment clairs, précis et intelligibles pour que le demandeur puisse savoir pourquoi sa demande a été rejetée et décider s'il doit demander le contrôle judiciaire. Voir : Mehterian c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 545 (C.A.F.).

 

 

[25]           Dans le cas qui nous occupe, bien que l'agente des visas a motivé son refus de la demande de résidence permanente de M. Li fondée sur le parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial, elle n'a pas invoqué de motifs dans la lettre de refus qu'elle a fait parvenir à M. Li en réponse à sa demande fondée sur les raisons d'ordre humanitaire.

 

[26]           Qui plus est, dans ses notes STIDI, l'agente des visas s'est contentée de dire que les raisons d'ordre humanitaire invoquées étaient insuffisantes, étant donné que M. Li habitait avec sa mère et que cette dernière avait toujours pu s'occuper de lui.

 

[27]           Les motifs exposés par l'agente des visas dans ses notes STIDI sont insuffisants, parce qu'ils ne renferment pas de conclusions de fait au sujet de la preuve soumise par M. Li. D'ailleurs, les notes STIDI ne mentionnent pas les rapports de M. Li avec son père, les besoins de M. Li et les raisons pour lesquelles il voulait être avec son père, la vie que M. Li pouvait s'attendre à vivre au Canada, ses rapports avec sa soeur (qui se trouve maintenant au Canada) et le fait que le père aide financièrement M. Li.

 

[28]           Dans sa décision, l'agente des visas n'effleure même pas la question de la complexité de l'interaction entre l'alinéa 117(9)d) du Règlement et le paragraphe 25(1) de la LIPR. Sa décision ne permet pas de penser qu'elle a analysé les facteurs qui militaient en faveur et à l'encontre de l'octroi d'une dispense de l'application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement et, partant, qu'elle a pondéré les facteurs applicables pour déterminer si, eu égard à la situation particulière de M. Li, il existait des raisons d'ordre humanitaire justifiant d'écarter l'application de l'alinéa 117(9)d).

 

[29]           Dans sa décision, l'agente des visas ne parle pas non plus de l'intérêt supérieur de l'enfant visé par la décision.

 

[30]           Ainsi que la Cour d'appel l'explique, dans l'arrêt Via Rail, précité, au paragraphe 22 :

On ne s'acquitte pas de l'obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des facteurs pertinents.

 

 

[31]           L'agente des visas n'a exposé ni ses conclusions de fait ni les principaux éléments de preuve. Elle ne s'est pas penchée sur les principaux facteurs applicables et elle n'a pas suivi un raisonnement cohérent.

 

Interprétation du paragraphe 25(1) de la LIPR

[32]           Bien qu'en vertu du paragraphe 63(1) de la LIPR, le père de M. Li ait le droit d'interjeter appel devant la Section d'appel de la décision par laquelle la demande de résidence permanente de M. Li a été rejetée, l'article 65 de la LIPR empêche la Section de prendre en considération des motifs d’ordre humanitaire parce qu'il a été décidé que M. Li n'appartient pas à la catégorie du regroupement familial (en raison de l'alinéa 117(9)d) du Règlement).

 

[33]           L'alinéa 117(9)d) du Règlement a fait l'objet de nombreuses contestations et sa validité a été confirmée dans de nombreuses décisions récentes, dans lesquelles il a été confirmé que la Section d'appel de l'immigration n'a pas compétence pour prendre en considération des motifs d’ordre humanitaire en pareil cas. En fait, dans la plupart des cas, notre Cour a conclu que le demandeur devait invoquer l'article 25 de la LIPR pour demander que l'on prenne en considération des motifs d’ordre humanitaire au lieu d'interjeter un appel fondé sur le parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial (voir, par exemple De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1276, [2004] A.C.F. no  1557 (QL); Phan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 184, [2005] A.C.F. no  239 (QL); Flores c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 854, [2005] A.C.F. no  1073 (QL)).

 

[34]           Le fait d'invoquer le paragraphe 25(1) et de demander que l'on prenne en considération des motifs d’ordre humanitaire a permis à M. Li d'être reçu en entrevue. Au cours de cette entrevue, l'agente des visas a cité à plusieurs reprises l'alinéa 117(9)d) et a répété qu'il incombait à son père d'indiquer son nom dans sa demande de résidence permanente.

 

[35]           M. Li a invoqué dans sa demande plusieurs motifs pour justifier la prise en considération de motifs d’ordre humanitaire et il a produit des pièces à l'appui. Or, l'agente n'en fait aucune mention dans sa décision ou dans ses notes STIDI. Elle n'a pas procédé dans sa décision ou dans ses notes à un examen méthodique de la question ou à une analyse des « facteurs équitables ».

 

Obligation d'agir avec équité

[36]           Lors de son entrevue, M. Li a expliqué que sa mère avait informé l'agente des visas que comme, malgré leurs démarches, ils n'avaient pas réussi à retrouver le certificat original de divorce, ils avaient obtenu une nouvelle copie du même certificat de divorce. L'agente des visas a précisé qu'elle tenait à voir le premier certificat de divorce en déclarant : [traduction] « SI LE RÉPONDANT EN A UNE COPIE, DEMANDEZ-LUI DE LA SOUMETTRE » (notes STIDI, dossier du Tribunal, à la page 6), mais elle a ensuite refusé la demande le même jour, sans réclamer de copie.

 

[37]           L'agente des visas n'a pas expliqué pourquoi le certificat de divorce nouvellement délivré ne la satisfaisait pas. Elle n'a pas dit qu'elle mettait en doute la crédibilité de M. Li ou celle de ses parents.

 

[38]           Par ailleurs, l'avocate de M. Li a, peu de temps après l'entrevue, écrit une lettre invitant l'agente des visas à examiner le dossier du père de M. Li et celui de sa soeur, étant donné que tous les deux contenaient des copies du certificat de divorce original. D'ailleurs, le dossier de la demande renferme une copie du certificat original de divorce délivré le 17 mai 1991 (dossier de la demande du demandeur, à la page 156).

 

[39]           L'équité exigeait que l'agente des visas offre à M. Li la possibilité d'obtenir l'original du certificat de divorce ou de vérifier les dossiers de CIC au sujet des demandes du père et de la soeur de M. Li avant de prendre une décision en l'espèce. Le certificat de divorce est important parce qu'il pourrait indiquer que le premier agent était au courant que le père avait mentionné l'existence de son fils, M. Li, dans sa demande de résidence permanente.

 

[40]           L'agente des visas a par conséquent manqué à l'obligation d'agir avec équité à laquelle elle était tenue envers M. Li en ne lui accordant pas la possibilité d'obtenir le document réclamé avant de prendre sa décision.

 

CONCLUSION

[41]           Bien qu'il n'y ait aucun doute qu'il y a un père et un fils et que le père était au courant de l'existence de son fils, il n'en demeure pas moins qu'au moment de sa demande de résidence permanente, il ne s'agissait pas d'un enfant qu'il était en mesure d'élever seul. Le père a donc commis consciemment ou inconsciemment une erreur en n'indiquant pas le nom de son fils dans sa demande. Quoi qu'il en soit, devrait-on priver le père de la possibilité d'être avec son fils si les dispositions relatives à la garde de ce dernier − aux termes desquelles il n'avait pas à l'époque la garde de son fils − ne sont plus en vigueur? Il y a lieu de signaler que l'acte de divorce qui a été soumis au fonctionnaire précédent parlait non seulement de la fille mais aussi du fils, qui était expressément nommé dans ce document. Le père n'a jamais tenté de dissimuler l'existence de son fils, et les faits de l'espèce, eu égard à la situation particulière du père par rapport à son fils, laquelle constitue en elle-même un cas d’espèce, justifient un examen plus approfondi pour s'assurer que l'on examine la question en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR, en tenant compte de la fragilité de la condition humaine dont il est fait état dans ce paragraphe.

 

[42]           La présente demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie et la décision est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il rende une nouvelle décision.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la décision soit renvoyée à la Commission pour être examinée de nouveau par un autre agent des visas.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5973-05

 

INTITULÉ :                                       CHENG BIN LI

                                                            c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 12 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 19 SEPTEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Nancy Myles Elliott

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Linda Chen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

NANCY MYLES ELLIOTT

Avocate

Markham (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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