Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20060915

Dossier : T-2140-05

Référence : 2006 CF 1102

ENTRE :

PARRISH & HEIMBECKER LIMITED

demanderesse

 

et

 

HER MAJESTY THE QUEEN,

in Right of Canada as Represented by the

MINISTER OF AGRICULTURE AND AGRI-FOOD,

THE ATTORNEY GENERAL OF CANADA

and

 THE CANADIAN FOOD INSPECTION AGENCY

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE PROTONOTAIRE MORNEAU :

 

 

Introduction

 

[1]               L’action en dommages intentée par la demanderesse en décembre 2005 contre les défendeurs implique-t-elle une contestation indirecte des décisions du ministre responsable prises en décembre 2002 de révoquer des permis d’importation de blé et d’émettre à la demanderesse près d’un mois plus tard un nouveau permis assorti de conditions nouvelles?

[2]               Si tel est le cas, les défendeurs auront essentiellement gain de cause sur leur requête et l’action de la demanderesse ne saura pour l’instant se poursuivre et devra être soit radiée, soit suspendue le temps que lesdites décisions de décembre 2002 soient possiblement déclarées nulles ou illégales par le truchement d’une demande de contrôle judiciaire à être intentée par la demanderesse si cette dernière obtient une prorogation du délai nécessaire à cet effet.

La requête à l'étude et le contexte factuel pertinent

 

            La requête

 

[3]               Il s’agit donc en l’espèce d’une requête des défendeurs en radiation de la déclaration d’action de la demanderesse (la déclaration) et en rejet de l’action à leur égard en vertu de l’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales (les règles) au motif que cette Cour n’a pas juridiction pour entendre contre eux ladite action, et que, partant, la déclaration doit être vue comme ne présentant aucune cause raisonnable d’action.

[4]               Quant aux critères en matière de radiation, l’extrait suivant de l’arrêt Hodgson et al. v. Ermineskin Indian Band et al. (2000), 180 F.T.R. 285, page 289 (confirmé en appel : 267 N.R. 143; autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée : 276 N.R. 193) établit qu’une approche soulevant une question de juridiction ou d’absence de cause d’action sous cet alinéa se doit d’être claire et évidente pour que la Cour l’accueille. Cet extrait rappelle également que sous l’aspect de juridiction, des éléments de preuve sont admissibles.

[9]        I agree that a motion to strike under rule 221(1)(a) [previously rule 419(1)(a)] on the ground that the Court lacks jurisdiction is different from other motions to strike under that subrule. In the case of a motion to strike because of lack of jurisdiction, an applicant may adduce evidence to support the claimed lack of jurisdiction. In other cases, an applicant must accept everything that is pleaded as being true (see MIL Davie Inc. v. Société d’exploitation et de développement d’Hibernie ltée (1998), 226 N.R. 369 (F.C.A.), discussed in Sgayias, Kinnear, Rennie, Saunders, Federal Court Practice 2000, at pages 506-507).

[10]      [...] The “plain and obvious” test applies to the striking out of pleadings for lack of jurisdiction in the same manner as it applies to the striking out of any pleading on the ground that it evinces no reasonable cause of action. The lack of jurisdiction must be “plain and obvious” to justify a striking out of pleadings at this preliminary stage. 

[5]               Il n’y a donc pas de difficulté à ce que l’affidavit du 15 mai 2006 de Casey McCawley, un des dirigeants de la demanderesse, demeure au dossier de réponse de la demanderesse sur la requête à l’étude. Cet affidavit, du reste, ne change pas à mon avis la dynamique de base à l’étude.

            Contexte factuel

 

[6]               La demanderesse était en tout temps pertinent une commerçante en grains.

[7]               La défenderesse Sa Majesté la Reine (la Reine) est représentée en les présentes par le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire (le Ministre). Ce dernier, via l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’Agence ou CFIA selon son acronyme anglais), est responsable de l’administration et de l’exécution des dispositions de la Loi sur la protection des végétaux, L.C. 1990, ch. 22 et du Règlement sur la protection des végétaux, DORS/95-212 (le Règlement) et en particulier des dispositions à ces textes qui traitent de la propagation de parasites au Canada.

[8]               Le 24 octobre 2002, l’Agence émit à la demanderesse deux permis d’importation pour du blé en provenance d’Ukraine.

[9]               Le 17 novembre 2002, le navire M/V "Nobility" quitta donc l’Ukraine à destination d’Halifax avec une cargaison de blé à son bord.

[10]           Le ou vers le 5 décembre 2002, alors que le navire approchait de son point de destination, l’Agence révoqua, sur la base apparemment de l’article 34 du Règlement, les permis d’importation émis le 24 octobre 2002. De plus, la Cour comprend que cette même décision a eu comme conséquence d’imposer à la demanderesse un interdit de procéder au déchargement de la cargaison de blé à bord du navire Nobility.

[11]           En raison de cette décision du 5 décembre 2002 et de son maintien dans les jours subséquents, le navire Nobility resta amarré au port d’Halifax pendant tout le mois de décembre 2002 et l’Agence, aux dires de la demanderesse, refusa sans raison une foule de mesures que la demanderesse aurait alors proposées pour faire débloquer les choses. Voici un résumé acceptable de cette période que proposent les défendeurs au paragraphe 5 de leurs représentations écrites :

5.         Consequently, from the time of its arrival in Halifax, on December 6, 2002 and the remainder of December, 2002, the M/V “Nobility” was moored in Halifax and not permitted to offload its cargo of wheat. During this time, the Plaintiff states that it made numerous inquiries of the CFIA as to why the Permits to Import were revoked. The Plaintiff also states that the CFIA refused to test the wheat, refused to provide a report or other documents suggesting the wheat on board the M/V “Nobility” was contaminated, “refused” to allow the discharge of the vessel, refused to issue new import permits or confirm that the prior permits were in fact valid and in effect.

(Citations omises.)

[12]           Le 31 décembre 2002, l’Agence aurait pris la décision d’émettre à la demanderesse un nouveau permis d’importation qui incluait, entre autres conditions, que le blé subisse un traitement particulier, soit que « ... the wheat had to be pelletized and that it had to be offloaded in Quebec and Montreal ». De guerre lasse, la demanderesse se serait soumise aux conditions de ce nouveau permis.

[13]           La décision de l’Agence de révoquer les permis le 5 décembre 2002 et sa décision le 31 décembre 2002 d’émettre un nouveau permis assorti de conditions n’ont pas fait alors l’objet d’une demande de contrôle judiciaire.

[14]           À l’égard de la révocation des permis, le demandeur indique au paragraphe 13 de la déclaration que des considérations de temps faisaient qu’il n’était pas pratique d’attaquer cette révocation par contrôle judiciaire. Le demandeur s’exprime comme suit :

Further as known to the Defendants, time considerations meant it was entirely impractical for Parrish & Heimbecker to address the purported revocation of the import permits through the judicial review process.

[15]           Aux paragraphes 11 et 12 de son affidavit, Casey McCawley élabore comme suit sur cette décision de ne pas entreprendre un contrôle judiciaire :

11.       That in January, 2003, it was decided by Parrish & Heimbecker Ltd. to refrain from seeking judicial review of the decision of the Canadian Food Inspection Agency to cancel the Import Permit on December 5, 2003 [plutôt 2002], as Parrish & Heimbecker could not wait for the legal proceedings to work their way through. We had to stop the ongoing charges with respect to the overtime use of the M/V “Nobility”, and fulfill our existing contractual commitments to our customers through other means. In hind sight, it does appear, based upon the facts as set out above that the damages suffered by Parrish & Heimbecker Limited as a result of the actions of the Canadian Food Inspection Agency were crystallized and complete for the most part in January, 2003, and finalized in April, 2003 with the completion of Parrish & Heimbecker’s ongoing obligations to its customers;

12.       That this Affidavit is being put forward to fairly set forth the circumstances which led to the decision not to seek a judicial review in January, 2003 of the decision to cancel the Import Permit and, further, the basis for my ongoing opinion that that process would have been on no utility in reducing the loss suffered by Parrish & Heimbecker Limited. This Affidavit is not intended to provide a complete and detailed history of the dealings between Parrish & Heimbecker Limited and the Canadian Food Inspection Agency between December 5, 2003 [2002] and April, 2003; nor is it intended to provide support in all material respects, of the allegations in the Statement of Claim on file herein.

[16]           Le 2 décembre 2005, la demanderesse entreprit l’action en dommages sous attaque.

Analyse

 

[17]           La façon dont la demanderesse a structuré la déclaration et l’arrivée à celle-ci des paragraphes 13 à 18 indiquent clairement que ce sont d’une part la révocation des permis d’importation le 5 décembre 2002 et le refus de déchargement l’accompagnant, et, d’autre part, l’émission le 31 décembre 2002 d’un permis conditionnel à un traitement particulier de la cargaison qui sont les gestes ou actions (pour reprendre pour l’instant des termes de responsabilité civile plus près de ceux utilisés par la demanderesse) qui forment l’assise, la pierre angulaire, des reproches ou délits adressés par la demanderesse à ces paragraphes 13 à 18.

[18]           Dans cet ordre d’idées, on note qu’au paragraphe 13 de la déclaration la demanderesse indique que :

... the purported revocation of the import permits on December 5, 2005 [plutôt 2002] and the refusal of the Defendants to allow the discharge of the “Nobility” was illegal.

(Je souligne.)

[19]           Au paragraphe 14 de la déclaration, la demanderesse réitère ceci :

... the purported revocation of the original import permits, the ongoing refusal to allow the discharge of the cargo ex “Nobility”, and on December 31, 2002 the imposition of the condition that the Ukrainian wheat must undergo a pelletization treatment acceptable to the CFIA was illegal and/or entirely unreasonable.

(Je souligne.)

[20]           Ayant dénoncé l’illégalité ou le caractère déraisonnable de ces actions, la demanderesse aux paragraphes 15 à 18 de la déclaration allègue essentiellement que ces gestes sont à la base également d’une série de délits, plus particulièrement, si on résume, que ces gestes ou actions :

a)         were “an unlawful interference with economic relations” between the Plaintiff and its customers (paragraphe 15 de la déclaration);

b)         were “a misfeasance of public office” (paragraphe 16 de la déclaration);

c)         negated their own representations and that “said representations were known or ought to have been known as false” (paragraphe 17 de la déclaration);

d)         were “negligent and/or failed to act in a manner consistent with the duty owed” by them to the Plaintiff (paragraphe 18 de la déclaration).

[21]           Arrive ensuite le paragraphe 19 de la déclaration où la demanderesse réclame en conséquence des dommages généraux, spéciaux et punitifs à une hauteur non précisée à la déclaration.

[22]           Toutefois cette série de délits et les divers dommages y reliés qui forment le remède ultime recherché par la demanderesse sont tous dépendants dans une très large mesure du caractère nul ou illégal – tel que le laissent entrevoir les extraits cités ci-dessus des paragraphes 13 et 14 de la déclaration – de la révocation des permis et de l’émission du nouveau permis. Il est clair à mon avis que la nullité ou l’illégalité de ces décisions sont au coeur des dommages recherchés. (Pour des exemples où les cours ont conclu à une même dynamique dans des actions en dommages intérêts, voir la décision de la Cour d’appel du Québec dans Canada c. Capobianco, [2005] J.Q. no 1155 et celle de cette Cour dans Dhalla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 132.)

[23]           Il est vrai, tel que le soutient avec force la demanderesse, que l’établissement des divers chefs de dommages dont font état les paragraphes 15 à 18 de la déclaration va requérir de la demanderesse plus qu’une déclaration de nullité ou d’illégalité des décisions pertinentes. Toutefois, il est très difficile de concevoir que cette mise à l’écart des décisions n’est pas le point de départ ou un élément essentiel de toute réflexion menant à l’établissement des chefs de dommages allégués.

[24]           À cet égard, il est intéressant de noter, comme l’a fait la Cour d’appel dans l’arrêt La Reine c. Grenier, 2005 CAF 348 (l’arrêt Grenier), au paragraphe 39, qu’à l’intérieur de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. (1985), ch. F-7, telle que modifiée (la Loi), et plus précisément au paragraphe 18.1(4), la Loi dispose des motifs d’intervention à l’égard d’une décision; motifs qui ne peuvent qu’être d’intérêt dans l’analyse éventuelle au mérite d’une action en dommages telle celle en l’espèce. Les propos de la Cour d’appel sont les suivants :

[39]      En matière de contrôle judiciaire, le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, et plus particulièrement les alinéas c) et d), énoncent que le juge siégeant en révision judiciaire peut déclarer nulle ou illégale une décision entachée d'une erreur de droit ou, entre autres choses, une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire. Je reproduis les paragraphes 18.1(1) à (4) :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

 

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

 

 

 

 

 

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

 

 

(Je souligne.)

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

 

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

 

[25]           Il ne fait pas de doute également que la révocation des permis et l’émission du nouveau permis sont des « décisions » (ci-après les Décisions) prises par le Ministre qui agissait comme « office fédéral » au sens des articles 2 et 18 de la Loi.

[26]           Ces dernières constatations font ressortir que l’action en dommages de la demanderesse même si elle n’en réclame pas expressément l’abolition recèle, équivaut néanmoins à une attaque collatérale ou indirecte contre les Décisions.

[27]           Or, tel que l’a indiqué très clairement la Cour d’appel fédérale en avril 2004 dans l’arrêt Canada c. Tremblay, [2004] 4 R.C.F. 165 (demande d’autorisation de pourvoi en Cour suprême rejetée avec dépens le 16 décembre 2004 [2004] C.S.C.R. no 307) (l’arrêt Tremblay), puis en octobre 2005 dans l’arrêt Grenier, une telle attaque, c’est-à-dire une déclaration de nullité ou d’illégalité, doit venir directement en premier lieu en cette Cour via la procédure exclusive d’une demande de contrôle judiciaire.

[28]           Cet étapisme ne peut plus être ignoré au nom d’une approche utilitaire et pragmatique qui a pu être reconnue expressément ou implicitement par le passé vu, tel que le mentionne la Cour d’appel fédérale aux paragraphes 18 et 19 dans l’arrêt Grenier, qu’une décision continue de produire des effets matériels et juridiques tant qu’elle n’a pas été invalidée. Or, le bon fonctionnement du système judiciaire (voir l’arrêt Tremblay, au paragraphe 22) et la finalité des décisions (voir l’arrêt Grenier aux paragraphes 20 et suivants), entre autres principes, font que l’on ne peut ignorer une décision d’un office fédéral et laisser s’écouler sans agir le délai statutaire imparti pour ensuite, souvent quelques années plus tard comme c’est le cas en l’espèce et dans les arrêt Tremblay et Grenier, la dénoncer dans une action en dommages contre la couronne en vertu de l’article 17 de la Loi.

[29]           Un tel procédé constitue, selon les enseignements récents de la Cour d’appel fédérale, un déguisement d’un contrôle judiciaire en une action, c’est-à-dire une attaque collatérale ou indirecte contre la décision.

[30]           C’est exactement ce que cherche à accomplir à mon avis la demanderesse par son action. Cette action de par la déclaration constitue de façon claire et évidente avant tout une contestation indirecte des Décisions.

[31]           La nullité ou l’illégalité (voir l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi qui emploie ces expressions) des Décisions devra être recherchée avant tout par le biais d’une demande de contrôle judiciaire après bien sûr que la demanderesse aura obtenu une prorogation du délai statutaire pour ce faire. Cette étape de contrôle judiciaire est d’autant plus nécessaire puisque comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale au paragraphe 61 de l’arrêt Grenier, non seulement l’illégalité d’une décision ne conduit pas en soi et nécessairement à une conclusion de faute ou de négligence mais la légalité en retour d’une telle décision « exclut la possibilité d’une conclusion de négligence ».

[32]           Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la demanderesse, je ne pense pas que cet étapisme établi par les arrêts Tremblay et Grenier équivaille ou puisse être décrit comme un rideau de protection additionnelle à l’encontre d’une conclusion en responsabilité civile contre la couronne fédérale. Lorsque proprement engagée, toute action en responsabilité civile contre la couronne continuera à répondre au mérite aux même principes de responsabilité qu’auparavant.

[33]           D’autre part, je ne pense pas également que l’on doive écarter les enseignements de la Cour d’appel fédérale et permettre ici l’action et l’attaque indirecte qu’elle contient au motif qu’une demande de contrôle judiciaire logée dans les jours suivants le 5 décembre 2002 n’aurait rien apporter à la demanderesse de concret sur le terrain. À cet égard, il faut noter que cette Cour peut agir très rapidement lorsque les circonstances le requièrent. Deuxièmement, le fait qu’une décision puisse voir son caractère opérant disparaître rapidement, comme ce fut possiblement le cas en l’espèce, n’est plus une raison pour éviter de l’attaquer par contrôle judiciaire.

[34]           Quant au sort finalement de l’action en dommages de la demanderesse, il m’apparaît que la voie à suivre est celle tracée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tremblay, au paragraphe 34, et de reconnaître que l’action de la demanderesse ne saurait à ce stade-ci être radiée tant et aussi longtemps que la demanderesse n’aura pas épuisé, si telle est son intention, le recours du paragraphe 18.1(2) de la Loi à l’égard des Décisions, soit une demande de prorogation de délai, et ensuite celui de l’article 18 de la Loi, soit la demande de contrôle judiciaire, si elle y est autorisée. Si elle devait réussir dans ces deux procédures, la demanderesse pourrait alors poursuivre l’action en dommages-intérêts qu’elle a déjà intentée. Son action en dommages-intérêts devrait donc être suspendue de façon à lui permettre d’exercer, si possible, son droit à une réclamation monétaire en temps utile. Si, par ailleurs, la demanderesse échoue dans sa demande de prorogation de délai ou qu’elle réussisse mais échoue par la suite dans sa demande de contrôle judiciaire, elle ne pourra poursuivre son action. La radiation devrait prendre effet, sans autre procédure ou formalité, lors du rejet de la demande de prorogation de délai ou, si elle est accordée, lors du rejet de la demande de contrôle judiciaire par jugement final.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

Montréal (Québec)

le 15 septembre 2006


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2140-05

 

INTITULÉ :                                       PARRISH & HEIMBECKER LIMITED

 

                                                            et

 

                                                            HER MAJESTY THE QUEEN,

                                                            in Right of Canada as Represented by the

                                                            MINISTER OF AGRICULTURE AND AGRI-FOOD,

                                                            THE ATTORNEY GENERAL OF CANADA

                                                            and

                                                            THE CANADIAN FOOD INSPECTION AGENCY

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               23 août 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      15 septembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter D. Darling

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

M. Kathleen McManus

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Huestis Ritch

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

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