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Date : 20060913

Dossier : IMM-6900-05

Référence : 2006 CF 1093

Toronto (Ontario), le 13 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

ENTRE :

COLIN ALEXANDER RODGERS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur est un citoyen de la Jamaïque âgé de 50 ans. Il est entré au Canada le 8 janvier 1990 et a obtenu un permis de séjour temporaire de trois mois à titre de visiteur, mais il est resté au Canada depuis ce temps.

 

[2]               Le 24 septembre 1996, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire en alléguant qu’il souffrait de diabète mais qu’il ne pouvait pas se faire traiter en Jamaïque. On a constaté que le demandeur n’avait pas dit la vérité et sa demande a été refusée le 28 mai 1998. Une mesure de renvoi a été prise contre le demandeur en février 1999, mais vers le mois de mars 1999, il a revendiqué le statut de réfugié. Sa demande a été rejetée en octobre 1999 parce qu’il a été jugé qu’il n’était pas crédible. L’appel du demandeur a par la suite été rejeté en mai 2000.

 

[3]               En octobre 2002, le demandeur a présenté une autre demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et, le 11 octobre 2002, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a dispensé le demandeur de l’application du paragraphe 11(1). Toutefois, le 5 novembre 2004, la demande de résidence permanente du demandeur a été refusée conformément à l’article 42 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), parce que l’un des fils du demandeur était atteint d’autisme et de déficience mentale modérée. Il a été déclaré que l’état de santé du fils risquait d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé et qu’il était donc interdit de territoire en vertu de l’alinéa 38(1)c) de la LIPR. À l’heure actuelle, les deux fils du demandeur résident en Jamaïque.

 

[4]               Le demandeur a ensuite demandé un permis de séjour temporaire (le PST) le 27 septembre 2005, permis qui a été refusé. Le demandeur sollicite maintenant l’annulation de cette décision.

 

[5]               L’agente d’immigration de CIC a donné deux raisons à l’appui de sa décision défavorable. Elle a dit :

[Traduction] L’avocat demande un PST en vue d’éviter une éventuelle mesure de renvoi.

Remarques :

Il affirme que le permis devrait être accordé étant donné qu’il séjourne depuis longtemps au Canada et qu’il s’est intégré.

S’il a vécu si longtemps au Canada, c’est uniquement parce qu’il y séjourne illégalement et qu’il a retardé son renvoi en revendiquant sans motif légitime le statut de réfugié, en interjetant appel de la décision défavorable qui a été rendue et en présentant des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. Ces procédures lui ont permis de rester au Canada et il invoque maintenant le fait qu’il est resté au Canada pour demander un PST. Il a bénéficié de toutes les mesures juridiques possibles et il pourra encore se prévaloir de l’examen des risques avant renvoi avant que son dossier soit clos (15 ans plus tard) – à l’heure actuelle, la délivrance d’un PST minerait l’intégrité de l’ensemble de la procédure.

 

[6]               Dans la décision Easton c. Canada (M.C.I.), [2006] A.C.F. no 494, la juge Heneghan a statué, après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, que la norme de contrôle applicable aux décideurs administratifs qui exercent un pouvoir discrétionnaire prévu par la loi, comme c’est le cas pour les agents d’immigration qui délivrent des PST, était celle de la décision raisonnable simpliciter. Je ne vois pas pourquoi je ne devrais pas adopter la conclusion que la juge a tirée.

 

[7]               Les articles 24 et 25 de la LIPR prévoient ce qui suit :

24. (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire – titre révocable en tout temps.

 

(2) L’étranger visé au paragraphe (1) à qui l’agent délivre hors du Canada un permis de séjour temporaire ne devient résident temporaire qu’après s’être soumis au contrôle à son arrivée au Canada.

 

(3) L’agent est tenu de se conformer aux instructions que le ministre peut donner pour l’application du paragraphe (1).

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – ou l’intérêt public le justifient.

 

Critères provinciaux

 

(2) Le statut ne peut toutefois être octroyé à l’étranger visé au paragraphe 9(1) qui ne répond pas aux critères de sélection de la province en cause qui lui sont applicables.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[8]               Le demandeur affirme que la décision est déraisonnable pour les motifs suivants :

[traduction

 

a) Il n’est pas clair comment on peut considérer qu’un PST qui peut être délivré conformément aux dispositions de la LIPR « minerait l’intégrité de l’ensemble de la procédure ». Si ce permis est prévu par la LIPR, il peut être utilisé. Par définition, son utilisation ne peut pas miner la procédure.

 

b) L’agente a uniquement tenu compte de la durée du séjour et des moyens dilatoires, mais elle n’a pas tenu compte de deux autres arguments pertinents, à savoir les liens avec la famille au Canada et l’incapacité de subvenir aux besoins des enfants depuis la Jamaïque.

 

 

[9]               Je ne peux pas souscrire à ces prétentions. Premièrement, la délivrance d’un PST en vertu de l’article 24 est clairement discrétionnaire. Selon les circonstances, la délivrance d’un PST peut être justifiée ou non. Le simple fait qu’une disposition prévoit l’octroi d’un PST ne veut pas pour autant dire qu’il ne peut pas y avoir de circonstances où la délivrance d’un PST minerait toute la procédure à laquelle les demandeurs sont soumis en vertu de la LIPR.

 

[10]           Deuxièmement, les considérations prévues à l’article 24 ont uniquement à être justifiées eu égard aux circonstances. Il ne s’agit pas de l’étude approfondie des circonstances d’ordre humanitaire que prévoit l’article 25. La décision doit être justifiée eu égard aux circonstances. Étant donné les antécédents du demandeur en matière d’immigration, je ne peux pas conclure que la décision de l’agente d’immigration était déraisonnable. Le demandeur est entré illégalement au Canada et, en ayant recours à tous les moyens possibles, notamment en alléguant faussement être atteint de diabète et en revendiquant sans motif légitime le statut de réfugié, il a réussi à séjourner pendant 15 ans au Canada. Dans ces conditions, on ne saurait dire que le refus de délivrer un PST est déraisonnable.

 

[11]           Étant donné qu’il ne s’agissait pas d’une étude approfondie des circonstances d’ordre humanitaire ainsi qu’il est prévu à l’article 25, il n’était pas nécessaire d’examiner chaque prétention du demandeur. Les motifs que l’agente d’immigration a donnés pour justifier le refus de délivrer le PST n’étaient pas déraisonnables. L’agente ne s’est de toute évidence pas laissée influencer par le fait que le demandeur entretenait des liens étroits avec sa famille au Canada et qu’il ne serait pas en mesure, selon lui, de subvenir aux besoins de ses enfants s’il retournait en Jamaïque. L’omission de mentionner ces considérations ne rend pas sa décision déraisonnable.

 

[12]           Par conséquent, la demande ne peut pas être accueillie.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

 

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-6900-05

 

INTITULÉ :                                                   COLIN ALEXANDER RODGERS

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 12 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE von FINCKENSTEIN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 13 SEPTEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

MICHAEL KORMAN

POUR LE DEMANDEUR

 

JUDY MICHAELY

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

OTIS & KORMAN

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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