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Date : 20060913

Dossier : IMM-7286-05

Référence : 2006 CF 1092

Toronto (Ontario), le 13 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

ENTRE :

JAVED MUSTAFA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le répondant, Nayyar Mustafa, est né en Inde et il a obtenu le droit d’établissement au Canada en mars 1998. Le 30 août 2001, il a présenté une demande de parrainage pour sa mère, Quaisar Zaidi, qui est veuve, pour son frère, Javed Mustafa, et pour sa soeur, Tahsin Askari, afin qu’ils puissent quitter l’Inde pour s’installer au Canada.

 

[2]               Se fondant sur l’analyse du dossier, le défendeur a décidé le 19 août 2002 qu’une entrevue s’imposait. L’entrevue a eu lieu le 9 septembre 2005 et une décision a été rendue le 22 septembre 2005. L’agent d’immigration du Haut‑commissariat du Canada (le HCC) a conclu que Javed Mustafa et Tahsin Askari n’étaient pas des enfants à la charge de leur mère et ils ont donc été exclus de la demande de résidence permanente de cette dernière.

 

[3]               Javed Mustafa a été exclu pour le motif qu’il n’avait pas été inscrit à un établissement d’enseignement d’avril 2003 à avril 2004. Cela constituait une interruption des études et, par conséquent, Javed avait cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire et de fréquenter pareil établissement.

 

[4]               Tahsin Askari s’est mariée en 2003; en vertu de l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 1991, ch. 24 (le RIPR), elle n’est donc pas un enfant à charge.

 

[5]               Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision d’exclure Javed Mustafa. Il affirme que Javed Mustafa est interdit de territoire à cause du temps qu’il a fallu pour traiter la demande. Lorsque la demande a été présentée, Javed était encore inscrit à plein temps dans une université et il était donc un enfant à charge en vertu de l’article 2 du RIPR. Le demandeur soutient que, dans ces conditions et compte tenu du retard causé par l’arriéré du défendeur, l’agent d’immigration était tenu de lui signaler qu’il pouvait présenter une demande en vertu de l’article 25 de la LIPR. L’équité procédurale exige que l’agent informe le demandeur de cette possibilité, à défaut de quoi une erreur susceptible de révision est commise.

 

[6]               Il m’est difficile de souscrire à cet argument. Je me rends bien compte que l’un des objectifs de la LIPR est la réunification des familles [alinéa 3(1)d]. Toutefois, suivant l’alinéa 1(3)b) du RIPR, un « membre de la famille » est a) l’époux ou le conjoint de fait, b) tout enfant qui est à la charge d’une personne ou à la charge de son époux ou conjoint de fait, c) l’enfant à charge d’un enfant à charge. L’expression « enfant à charge » est clairement définie comme suit à l’article 2 du RIPR :

« enfant à charge » L’enfant qui :

 

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre des ses parents :

 

                (i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

 

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

 

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

 

                (i) il est âgé de moins de vingt‑deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

 

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

 

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui‑ci,

 

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

 

                (iii) il est âgé de vingt‑deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental. (dependent child)

 

 

[7]               Javed Mustafa avait cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire. De son propre aveu, il a interrompu ses études entre avril 2003 et avril 2004. L’agent d’immigration a donc eu raison de l’exclure de la liste des personnes à charge parrainées. Javed ne peut plus être considéré comme un membre de la famille au sens de la LIPR, mais il est plutôt un adulte indépendant qui doit présenter sa propre demande en vue d’immigrer.

 

[8]               À vrai dire, l’article 25 prévoit que le cas de Javed Mustafa pourrait néanmoins être examiné pour des motifs d’ordre humanitaire. Cette disposition est libellée comme suit :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – ou l’intérêt public le justifient.

 

 

[9]               L’article 66 du RIPR indique la procédure permettant d’invoquer l’article 25. Il prévoit ce qui suit :

66. La demande faite par un étranger en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi doit être faite par écrit et accompagnée d’une demande de séjour à titre de résident permanent ou, dans le cas de l’étranger qui se trouve hors du Canada, d’une demande de visa de résident permanent.

 

 

[10]           Le demandeur n’a pas suivi cette procédure. Il n’a jamais invoqué l’article 25 devant l’agent d’immigration. Par conséquent, aucun facteur d’ordre humanitaire n’a été pris en considération.

 

[11]           Le demandeur invoque le paragraphe 11 de l’arrêt Hamid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 217, où le juge Evans dit ce qui suit :

¶ 11        En septembre 2004, M. Hamid a reçu de l’agente des visas une lettre l’informant que, puisqu’Ali et Bilal avaient plus de 22 ans au moment où il avait présenté sa demande de visa, ceux‑ci ne pouvaient se voir délivrer un visa parce qu’ils n’étaient plus étudiants à temps plein. Ils avaient de la sorte cessé d’être des enfants à charge au sens du Règlement, et n’étaient donc plus admissibles à des visas en tant que membres de la famille accompagnant M. Hamid. S’ils désiraient être réunis aux autres membres de leur famille au Canada, il leur faudrait demander des visas à titre de demandeurs indépendants ou demander, en application du paragraphe 25(1) de la LIPR, que soient levés les critères de sélection habituels pour des circonstances d’ordre humanitaire.

 

 

[12]           À mon avis, cette citation n’est pas utile. Elle décrit simplement ce qui est arrivé dans cette affaire; elle ne donne aucunement à entendre que l’agent a l’obligation d’informer le demandeur dans tous les cas, même si l’agent des visas l’a fait dans cette affaire.

 

[13]           Je ne vois rien dans la Loi ou dans les règlements qui oblige l’agent d’immigration, en cas d’interdiction de territoire, d’informer le demandeur de la voie de redressement prévue à l’article 25. Cela aurait été utile, mais il n’était pas obligatoire de le faire.

 

[14]           Je ne vois pas non plus pourquoi la Cour devrait interpréter la LIPR comme si elle contenait cette obligation implicite. Le simple fait qu’il existe, en vertu de l’article 25, une possibilité de présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne veut pas dire que l’agent d’immigration doit en informer le demandeur.

 

[15]           Le juge Rothstein a brièvement décrit l’obligation de l’agent d’immigration dans la décision Umeda c. Canada (M.C.I.), [1996] A.C.F. no 1603, au paragraphe 3 :

Il n'est pas question de méconnaissance d'éléments de preuve. L'agente des visas ne disposait pas de preuve sur cette question. La véritable plainte de la requérante est que l'agente des visas n'a pas posé de questions pour obtenir des renseignements qui auraient pu l'aider. L'agente des visas n'est nullement tenue à une telle obligation. Dans l'affaire Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) et autres, [1989] 2 C.F. 79, à la page 83, (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 222, à la page 227, le juge en chef adjoint s'est prononcé en ces termes :

 

 

Il incombe donc clairement au requérant de présenter toutes les données pertinentes pouvant être utiles à sa demande. La mesure dans laquelle les agents d'immigration voudront offrir de l'aide ou des conseils pourra dépendre de leurs préférences individuelles ou même faire l'objet de politiques si le ministère le juge opportun, mais une telle obligation n'est pas de celles imposées aux agents par la Loi ou le Règlement.

 

[16]           Il est regrettable que l’on ait tardé à traiter les demandes de visa, mais cela ne donne pas naissance à une obligation fondée sur l’équité procédurale d’informer les demandeurs de tous les recours possibles. Au contraire, la création d’une telle obligation ralentirait encore plus l’administration de la LIPR et pourrait peut‑être même avoir pour effet de la paralyser. Par conséquent, la présente demande ne peut pas être accueillie.

 

Certification d’une question

[17]           Le demandeur propose la certification de la question suivante :

[traduction] Le défendeur, qui dicte le délai de traitement des demandes, doit‑il, par souci d’équité procédurale, donner expressément au demandeur (qui était initialement visé par la définition d’« enfant à charge » figurant au sous‑alinéa 2b)(ii) du RIPR et qui faisait partie de la catégorie du regroupement familial mais qui n’en fait plus partie au moment où une décision finale est rendue sur la demande), la possibilité de soumettre des motifs d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 de la LIPR?

 

[18]           La question constitue un résumé concis de l’argument du demandeur en l’espèce. Le demandeur n’a mentionné aucun précédent à l’appui de cette thèse nouvelle et il n’a pas non plus avancé d’argument au sujet de la raison pour laquelle le fonctionnement de la LIPR serait miné ou entravé si cette question n’était pas certifiée. Par conséquent, je ne vois pas en quoi la question proposée constitue une question grave de portée générale. En ce qui concerne la présente espèce, les motifs fournis ci‑dessus répondent aux prétentions du demandeur.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

 

 

 

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-7286-05

 

INTITULÉ :                                                   JAVED MUSTAFA

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 12 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 13 SEPTEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

POUR LE DEMANDEUR

 

Mary Matthews

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LEE & COMPANY

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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