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Date : 20251010


Dossier : IMM-12530-24

Référence : 2025 CF 1681

Montréal (Québec), le 10 octobre 2025

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

MD ABU SYED TITO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Md Abu Syed Tito, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent d’immigration du Haut-commissariat du Canada à Singapour [Agent] en date du 2 juillet 2024 relativement à sa demande de résidence permanente [Décision]. Dans la Décision, l’Agent a refusé la demande de résidence permanente dans la catégorie des investisseurs du Québec [Demande] que M. Tito avait présentée en vertu des paragraphes 11(1) et 12(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] et l’article 90 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR], car il n’était pas convaincu que M. Tito cherchait effectivement à s’établir dans la province de Québec.

[2] M. Tito demande l’annulation de la Décision et le renvoi de sa Demande à un nouvel agent pour réexamen. Il soutient que la Décision est déraisonnable au regard de la preuve soumise quant à son intention de chercher à s’établir dans la province de Québec. Il affirme également que la Décision a été prise en violation des exigences d’équité procédurale puisque l’Agent avait un biais négatif et aurait refusé, lors de l’entrevue, que M. Tito lui présente des éléments de preuve pertinents apparemment contenus dans son téléphone cellulaire.

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de M. Tito sera rejetée. Après un examen de la preuve dont disposait l’Agent et du droit applicable, la Cour est d’avis que l’Agent a adéquatement expliqué les raisons pour lesquelles la Demande a été rejetée. La Décision est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles l’Agent était assujetti. En outre, M. Tito n’a pas rempli son fardeau de démontrer que la Décision avait été prise en violation des exigences d’équité procédurale. Par conséquent, rien ne justifie l’intervention de la Cour.

I. Contexte factuel

[4] M. Tito est un citoyen du Bangladesh et y réside actuellement. Né en 1974, il est marié et a deux enfants.

[5] Au Bangladesh, M. Tito est un homme d’affaires et directeur de plusieurs entreprises, dont l’une est spécialisée dans la conception, la fabrication et l’exportation de produits de cuir, notamment les chaussures. L’un des clients de cette entreprise serait Steve Madden, situé à Montréal. M. Tito souhaite s’établir à Montréal principalement afin d’y étendre ses activités commerciales. L’entreprise envisagée par M. Tito serait située plus spécifiquement dans le quartier de Parc-Extension. Il prévoit employer quatre (4) personnes et investir de 800 000 $ à 900 000 $ dans le démarrage de son entreprise.

[6] En mars 2020, M. Tito et sa famille reçoivent chacun leur Certificat de sélection du Québec [CSQ] délivré par le gouvernement québécois dans le cadre du programme des investisseurs. Par la suite, M. Tito présente au défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [Ministre], sa Demande dans la catégorie des investisseurs du Québec. L’épouse ainsi que les deux enfants de M. Tito sont inclus dans sa Demande à titre de personnes à charge.

[7] En octobre 2023, le Ministre demande à M. Tito de mettre à jour certains de ses formulaires et de fournir des documents supplémentaires, notamment un aperçu des étapes accomplies en vue de son déménagement au Québec, un plan d’établissement pour son arrivée au Québec et un plan détaillé expliquant ses projets d’emploi et/ou d’affaires après son installation au Québec. M. Tito répond au Ministre le 24 novembre 2023.

[8] En mai 2024, M. Tito est convoqué à une entrevue au Haut-commissariat du Canada au Bangladesh. Cette entrevue se tient le 13 juin 2024. Environ deux semaines plus tard, le 2 juillet 2024, M. Tito est informé que sa Demande est refusée au motif que l’Agent n’est pas satisfait qu’il cherche à s’établir dans la province de Québec, tel que requis par l’alinéa 90(2)(a) du RIPR.

II. La Décision

[9] Comme cela est pratique courante, la Décision elle-même est brève, générique et ne compte que quelques lignes. Cependant, les notes de l’Agent entrées dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC], lesquelles forment les motifs de la Décision, apportent un éclairage supplémentaire sur l’analyse effectuée par l’Agent et sur les motifs du refus de la Demande de M. Tito. L’Agent y a identifié plusieurs préoccupations qui, selon lui, soulevaient des doutes quant à l’intention de M. Tito de chercher à s’établir au Québec.

[10] D’abord, en ce qui a trait au plan d’affaires de M. Tito, l’Agent le qualifie de rudimentaire car, à son avis, il omet plusieurs détails significatifs et pertinents, notamment en lien avec la viabilité financière de l’entreprise envisagée. L’Agent indique notamment que le plan d’affaires de M. Tito fournit peu de détails quant à la façon dont il prévoit établir son entreprise au Québec, sur les caractéristiques du marché québécois, sur les coûts et la concurrence anticipés et sur les revenus projetés de l’entreprise. L’Agent note également que même si l’entreprise de M. Tito semble déjà expédier ses produits au Canada, l’exportation de produits dans un pays est une activité bien différente de la mise sur pied d’une entreprise indépendante dans ce même pays.

[11] L’Agent observe aussi que, lorsque questionné quant à ses préparatifs en lien avec son établissement envisagé au Québec, M. Tito se contente de réciter des informations facilement mémorisables sur le quartier de Parc-Extension, comme la démographie du quartier, et sur le Québec plus généralement, comme les exigences liées à l’incorporation, aux permis requis, aux taxes applicables, au salaire minimum et aux assurances. L’Agent souligne que ces informations ont été régulièrement mentionnées lors d’entrevues avec d’autres candidats à la résidence permanente dans la même catégorie que M. Tito et qui avaient fait appel aux mêmes représentants autorisés.

[12] Quant aux liens de M. Tito avec la province de Québec, l’Agent retient que M. Tito n’a pas fourni de lettre de soutien de la part de son cousin qui y vivrait, et ce, même si la demande d’informations supplémentaires d’octobre 2023 indiquait pourtant que ce type de document était pertinent. L’Agent mentionne également qu’un des enfants de M. Tito a étudié au Canada, mais en Ontario plutôt qu’au Québec. L’Agent ajoute que M. Tito n’a pas suivi de cours de français et que seule son épouse a suivi de tels cours pour une période de trois mois en 2021. L’Agent souligne enfin que M. Tito n’a fourni qu’une carte d’affaires d’un agent immobilier situé au Québec comme preuve de ses efforts de recherche en lien avec un logement. Après examen de tous les éléments de preuve et des informations présentés par M. Tito au soutien de sa Demande, l’Agent n’est pas convaincu que M. Tito cherche à s’établir dans la province de Québec et rejette sa Demande, d’où la présente demande de contrôle judiciaire.

III. Norme de contrôle

[13] Le cadre d’analyse relatif au contrôle judiciaire du mérite d’une décision administrative est maintenant celui établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] (Pepa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2025 CSC 21 au para 35 [Pepa]; Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 7 [Mason]). Ce cadre d’analyse repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit désormais la norme applicable à la révision des décisions administratives, à moins que l’une des exceptions trouve application (Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Entertainment Software Association, 2022 CSC 30 au para 28; Vavilov aux para 33–64, 69–72).

[14] Les parties conviennent que les décisions des agents de visas relatives à la résidence permanente sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Kawser Masud c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2025 CF 1602 au para 32 [Kawser Masud]; Sony c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2025 CF 1603 au para 28 [Sony]; Fatema v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 772 au para 9 [Fatema]; Fu v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 1720 au para 30; Quan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 576 au para 14 [Quan]; Tran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 721 au para 16 [Tran]).

[15] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Pepa au para 46; Mason au para 64; Vavilov au para 85). La cour de révision doit donc se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » (Vavilov au para 99, citant notamment Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 47, 74).

[16] Dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, la cour de révision doit adopter une méthode qui « s’intéresse avant tout aux motifs de la décision », examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse » et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion (Pepa aux para 46–47; Mason aux para 58, 60; Vavilov au para 84). La cour de révision doit adopter une attitude de retenue et n’intervenir que « lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif » (Vavilov au para 13). La norme de la décision raisonnable, la Cour le souligne, tire toujours son origine du principe de la retenue judiciaire et de la déférence et exige que les cours de révision fassent preuve de respect envers le rôle distinct que le législateur a choisi de conférer aux décideurs administratifs plutôt qu’aux cours de justice (Mason au para 57; Vavilov aux para 13, 46, 75). En d’autres termes, l’approche que doit suivre la cour de révision appelle la retenue, surtout à l’endroit des conclusions de fait et de la pondération de la preuve. En l’absence de circonstances exceptionnelles, la cour de révision ne modifiera pas les conclusions factuelles d’un décideur administratif (Vavilov aux para 125–126).

[17] En ce qui concerne la question de l’équité procédurale, l’approche à adopter n’a pas changé depuis l’arrêt Vavilov (Vavilov au para 23). Il a fréquemment été établi que la norme de la décision correcte est la norme de contrôle applicable pour déterminer si un décideur s’est conformé à l’obligation d’équité procédurale et aux principes de justice fondamentale (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43).

[18] Cependant, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les questions d’équité procédurale n’étaient pas réellement soumises à une norme de contrôle particulière. Il s’agit plutôt d’une question juridique que la cour de révision doit trancher et celle-ci doit être convaincue que la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Algoma Steel Inc. c Canada (Procureur général), 2023 CAF 164 au para 22; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35, permission d’en appeler à la Cour suprême rejetée, no 39522 (5 août 2021); Lipskaia c Canada (Procureur général), 2019 CAF 267 au para 14; Canadian Airport Workers Union c Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, 2019 CAF 263 aux para 24–25; Perez c Hull, 2019 CAF 238 au para 18; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [CFCP]).

[19] Par conséquent, lorsqu’une demande de contrôle judiciaire porte sur l’obligation d’équité procédurale et sur des allégations de manquements aux principes de justice fondamentale, la question fondamentale consiste à déterminer si, compte tenu du contexte particulier et des circonstances de l’espèce, le processus suivi par le décideur administratif était équitable et a donné aux parties concernées le droit d’être entendues ainsi que la possibilité complète et équitable d’être informées de la preuve à réfuter et d’y répondre (CFCP au para 56; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 940 aux para 51–54). Il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers le décideur sur des questions d’équité procédurale.

IV. Analyse

A. Question préliminaire : l’admissibilité de nouveaux documents

[20] M. Tito soumet au soutien de sa demande de contrôle judiciaire quatre affidavits signés par de tierces personnes et qui sont postérieurs à la Décision. Or, il est bien établi que sauf exception, seuls les éléments de preuve qui étaient devant le décideur sont admissibles dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 19 [Access Copyright]).

[21] La Cour souscrit aux arguments du Ministre selon lesquels ces affidavits sont présentés dans le but de bonifier la preuve de M. Tito quant à son intention de chercher à s’établir au Québec. Puisque ces documents n’entrent dans aucune des exceptions énoncées par la Cour d’appel fédérale dans Access Copyright, ils sont inadmissibles et n’ont pas été considérés dans le cadre de la présente décision. Ceux-ci auraient plutôt dû être administrés devant le décideur administratif afin que celui-ci puisse en tirer ses propres conclusions.

B. La Décision est raisonnable

(1) La catégorie des investisseurs du Québec

[22] Un agent d’immigration qui accorde un visa doit généralement être convaincu que le demandeur satisfait aux exigences de la LIPR (paragraphe 11(1) de la LIPR). L’immigration permanente au Canada comporte de nombreuses catégories, dont l’immigration économique, auquel cas la sélection des étrangers se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada (paragraphe 12(2) de la LIPR). Les différents programmes d’immigration économique ainsi que leurs critères de sélection sont prévus à la partie 6 du RIPR. Pour plusieurs de ces programmes, une partie du processus de sélection est délégué à certaines provinces (Qiao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 247 au para 12 [Qiao]). Toutefois, le gouvernemental fédéral est celui qui détient l’autorité exclusive d’accorder des visas de résident permanent et d’ainsi admettre les étrangers sur le territoire canadien. Pour faire partie de la catégorie des investisseurs (Québec), un demandeur doit satisfaire deux critères : 1) être visé par un CSQ; et 2) chercher à s’établir dans la province (paragraphe 90(2) du RIPR). La catégorie des investisseurs (Québec) n’impose aucune autre exigence.

[23] Dans le présent cas, il n’est pas contesté que M. Tito et sa famille ont obtenu leur CSQ. Toutefois, et contrairement à ses prétentions, M. Tito ne pouvait légitimement avoir « une attente raisonnable » d’obtenir du Ministre un visa de résidence permanente suivant l’obtention de son CSQ. En effet, aux termes du paragraphe 90(2) du RIPR, l’intention de chercher à s’établir au Québec est une condition tout à fait distincte de celle d’être visé par un CSQ émis par le Québec. Tel que l’enseigne la jurisprudence, les agents des visas doivent procéder à leur propre évaluation de l’intention d’un demandeur de chercher à s’établir au Québec, et ce, nonobstant la sélection du demandeur par cette province (Liu v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 1392 au para 16 [Liu]; Khan v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 104 au para 6 [Khan]; You c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1675 au para 18; Qiao au para 14; Rabbani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 257 au para 42 [Rabbani]; Ransanz c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CF 1109 au para 27).

[24] De plus, l’exercice visant à déterminer l’intention d’un demandeur est nécessairement empreint de subjectivité. Il est établi en jurisprudence qu’un agent des visas dispose d’un haut degré de discrétion lorsqu’il détermine l’intention d’un demandeur de chercher à s’établir dans une province donnée, puisqu’il peut tenir compte de tous les indices dont il dispose, y compris le comportement antérieur, les circonstances présentes et les plans futurs du demandeur (Kawser Masud au para 36; Sony au para 32; Liu au para 57; Fatema au para 29; Khan au para 21; Kabir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1123 au para 27; Quan au para 24; Qiao au para 15; Tran au para 33; Yaman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 584 au para 29 [Yaman]; Rabbani au para 43; Dhaliwal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 131 au para 31).

(2) La raisonnabilité de la Décision

[25] M. Tito soutient d’abord que l’Agent aurait erré en exigeant qu’il soit « fin prêt » à ouvrir une entreprise dès son arrivée à Montréal, alors que cela n’est pas une exigence du programme, ni au palier provincial ni au palier fédéral. Bien qu’il convienne que son plan d’affaires ne comportait pas ces informations, M. Tito maintient avoir expliqué lors de l’entrevue avec l’Agent, les pertes et revenus anticipés de son entreprise au Québec. Il dit avoir complété son plan d’affaires écrit par son témoignage lors de l’entrevue, mais que son témoignage « n’a pas été considéré à sa juste valeur » par l’Agent.

[26] La Cour ne partage pas l’avis de M. Tito. Il est raisonnable pour un agent d’immigration, dans l’évaluation de l’intention de résider dans la province, de prendre en compte les éléments de preuve en lien avec les projets déclarés d’emploi ou d’affaires après l’arrivée au Québec, et ce, même dans la catégorie des investisseurs (Kawser Masud au para 37; Sony au para 33; Awal v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 1024 au para 29 [Awal]; Fatema aux para 30–33; Khan au para 19; Quan aux para 6, 9, 29). Ensuite, rien n’indique que l’Agent ait indûment écarté le témoignage de M. Tito quant à l’établissement de son entreprise au Québec. L’Agent a considéré les informations données par M. Tito lors de son entrevue en lien avec l’entreprise envisagée, mais a conclu que ces informations étaient génériques. Il s’agissait là d’une conclusion qui s’offrait à l’Agent en regard de la preuve lui ayant été soumise.

[27] M. Tito soutient également que rien dans son dossier ne permettait à l’Agent de conclure à une intention de chercher à résider ailleurs qu’au Québec une fois la résidence permanente obtenue. Il précise que ses pôles d’attraction au Canada pointent uniquement vers le Québec, puisque ses proches sont établis dans la région de Montréal. S’appuyant sur Yaman, il ajoute que le fait que sa fille ait réalisé des études universitaires en Ontario n’aurait pas dû avoir un impact négatif sur sa Demande.

[28] Avec égards, la Cour n’est pas convaincue que l’Agent ait tiré une conclusion négative du fait que la fille de M. Tito ait étudié dans une autre province. De façon similaire, la Cour n’est pas convaincue que l’Agent ait conclu que M. Tito avait plus de liens avec les autres provinces ou territoires que le Québec. Sa conclusion porte davantage sur le fait qu’il n’était simplement pas convaincu de l’intention de M. Tito de chercher à s’établir au Québec. Par ailleurs, sur ce point, pour reprendre les propos du juge Grammond dans Qiao, au paragraphe 23, « [l]’absence de « facteurs d’attraction » qui démontrent que les demandeurs sont attirés par une autre province ou un autre territoire ne les dégage pas du fardeau de démontrer qu’ils entendent s’établir au Québec ». À la lumière du dossier, l’Agent pouvait raisonnablement être d’avis que M. Tito ne s’était pas déchargé de ce fardeau.

[29] La Cour comprend que M. Tito reproche à l’Agent de ne pas avoir considéré l’entrée en vigueur de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens, LC 2022, c 10 et son impact sur sa recherche de logement en prévision de son arrivée au Québec. Il prétend avoir témoigné à ce sujet lors de l’entrevue. Avec égards, cela n’est pas supporté par la preuve. La transcription de l’entrevue indique plutôt que M. Tito et son épouse ont indiqué à l’Agent que certains sites Internet étaient bloqués sur leur ordinateur de sorte qu’il leur était difficile de rechercher un logement au Québec. Dans ces circonstances, la Cour ne peut reprocher à l’Agent de n’avoir pas explicitement considéré l’impact de cette loi dans son analyse du dossier de M. Tito et sa famille.

[30] M. Tito reproche également à l’Agent de ne pas avoir considéré les voyages effectués au Québec par M. Tito et l’impact de la pandémie de la COVID-19 sur leur capacité à effectuer davantage de voyages dans la province, ainsi que de ne pas avoir fait référence dans sa Décision aux documents additionnels soumis en juin 2024. Or, il est établi dans la jurisprudence que le fait qu’un décideur administratif ne mentionne pas un élément de preuve particulier ne rend pas nécessairement la décision déraisonnable (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1554 au para 35 [Singh]; Valencia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 386 au para 25; Khir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 160 au para 48; Aghaalikhani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1080 au para 24). Le principe voulant que les décideurs administratifs soient présumés avoir pesé et considéré toute la preuve dont ils étaient saisis, sauf preuve du contraire, est bien établi (Kanagendren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 86 au para 36, permission d’en appeler à la Cour suprême rejetée, no 36508 (19 novembre 2015); Singh au para 35). De même, le fait que des motifs ne fassent pas référence à tel ou tel élément de preuve ne signifie pas que le décideur n’en a pas tenu compte (Pepa au para 47; Vavilov au para 91; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 16; Singh au para 35).

[31] Il appartenait à l’Agent d’évaluer, à la lumière de l’ensemble de la preuve et des informations soumises par M. Tito, incluant ses déclarations à l’effet qu’il cherchait effectivement à s’établir au Québec, si le critère de l’intention était satisfait. En l’espèce, les notes de l’Agent dans le SMGC sont détaillées et reflètent le fait qu’il a tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve fournis par M. Tito. Le fait que l’épouse de M. Tito ait suivi des cours de français pendant trois mois, en 2021, n’est pas indicatif de l’intention de M. Tito de s’établir au Québec (Qiao au para 22). La preuve était également mince quant aux efforts de M. Tito en lien avec la recherche de logement en prévision de son arrivée au Québec.

[32] De plus, bien que la présence de liens familiaux dans la province soit certes une considération pertinente, l’Agent pouvait raisonnablement conclure que cela ne suffisait pas en soi à démontrer l’intention du demandeur de s’établir au Québec, surtout en l’absence de preuve quant à la nature et la teneur de ces liens. Bien que la Cour soit consciente que M. Tito ait tenté – bien que sans succès, tel que précédemment discuté – de faire cette preuve dans le cadre du présent contrôle judiciaire, cette preuve aurait plutôt dû être administrée devant le décideur administratif pour lui permettre d’en tirer ses propres conclusions.

[33] Somme toute, l’Agent a identifié pas moins de neuf (9) lacunes dans le dossier de M. Tito qui ont chacune contribué à sa conclusion qu’il n’était pas convaincu que ce dernier cherchait à s’établir dans la province de Québec.

[34] Bien qu’il soit compréhensible que M. Tito aurait préféré une décision différente, la Cour est d’avis que l’Agent a raisonnablement examiné la preuve dont il disposait et a expliqué de manière satisfaisante et complète pourquoi il n’était pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Tito avait l’intention de chercher à s’établir dans la province de Québec. Tel que le Ministre le souligne, lors d’un contrôle judiciaire, le rôle de cette Cour n’est pas de réévaluer la preuve au dossier ni de substituer ses propres conclusions à celles des agents des visas. De plus, les agents des visas disposent d’une large discrétion lorsqu’ils prennent des décisions en vertu de la LIPR et du RIPR, et leurs décisions ont droit à un haut degré de déférence de la part de la Cour compte tenu de leur expertise spécialisée (Quan au para 30; Sharma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 381 [Sharma] aux para 21–22).

C. Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale

(1) Le degré d’équité procédurale applicable

[35] Les décideurs administratifs ont certes un devoir d’agir équitablement envers les personnes directement visées par leurs décisions, mais le contenu et l’intensité de ce devoir varient selon le contexte de la décision. Dans le cas d’un agent traitant une demande de résidence permanente dans la catégorie des investisseurs du Québec, cette Cour a maintes fois réitéré que le devoir d’agir équitablement est peu rigoureux et est facile à satisfaire « en l’absence d’un droit à la résidence permanente reconnu par la loi, du fait qu’il revient [au demandeur] d’établir son admissibilité et du fait des conséquences moins graves sur [celui]-ci [qu’a] en général la décision, en comparaison de la suppression d’un avantage[,] et de la nécessité pour l’État de maîtriser les coûts de l’administration » (Fargoodarzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 90 au para 12; voir aussi Awal au para 26; Fatema au para 16; Khan au para 11; Quan aux para 31, 34, 40). En effet, en ce qui concerne le traitement des demandes de visa, le devoir d’équité est plus restreint et « la Cour doit se garder d’imposer un niveau de formalité procédurale qui risque de nuire indûment à une bonne administration, étant donné le volume des demandes que les agents des visas doivent traiter » (Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), 2001 CAF 345 aux para 30–32; voir aussi Shahbazian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1556 au para 11; Sharma au para 32).

(2) L’opportunité de présenter toute la preuve pertinente à l’Agent

[36] En l’espèce, M. Tito soutient d’abord que lors de son entrevue, l’Agent ne lui aurait pas donné l’opportunité de montrer ses échanges avec un courtier immobilier qui se trouvaient dans l’application WhatsApp de son téléphone cellulaire, bien qu’il ait exprimé à l’Agent l’existence de cette preuve. Il note que la lettre de convocation à l’entrevue ne mentionne pas que les téléphones cellulaires ne sont pas autorisés dans la salle d’entrevue. M. Tito soutient que s’il avait eu l’opportunité de présenter cette preuve à l’Agent, cela aurait pu faire « pencher la balance » en sa faveur quant à son intention de chercher à s’établir au Québec.

[37] L’argument de M. Tito se heurte à une embûche majeure puisqu’aucune preuve de l’existence de ces échanges WhatsApp avec un courtier immobilier n’a été présentée devant la Cour. Les seuls échanges WhatsApp soumis par M. Tito au soutien de sa demande de contrôle judiciaire relatent une discussion avec un proche résidant au Québec et le contenu de ces échanges se limite à des appels vocaux dont la Cour ignore la teneur. Rien dans la preuve fournie ne permet de conclure que ces échanges concerneraient un courtier immobilier. La Cour note également que lors de son entrevue, M. Tito a indiqué à l’Agent qu’il pouvait lui envoyer ses échanges avec un courtier ultérieurement si cela était nécessaire, mais que cela ne semble pas avoir été fait. La Décision a été rendue plus de deux semaines après l’entrevue de sorte qu’il aurait aussi été possible pour M. Tito de transmettre cette preuve à l’Agent pendant cet intervalle. M. Tito aurait pu également soumettre ces documents en réponse à la lettre d’octobre 2023.

[38] Il serait hautement spéculatif pour la Cour de reprocher à l’Agent de n’avoir pas permis à M. Tito de présenter toute la preuve pertinente, soit les échanges WhatsApp avec un courtier immobilier, sans avoir eu le bénéfice de constater que cette preuve existe réellement. Il est de ce simple fait impossible pour la Cour de conclure comme le voudrait M. Tito « qu’une preuve essentielle a été écartée » et que cela constitue un manquement à l’équité procédurale. De plus, M. Tito a eu amplement l’opportunité de transmettre ces échanges à l’Agent par d’autres moyens avant la Décision, mais il ne l’a pas fait.

[39] La Cour est d’avis que le processus suivi par l’Agent a atteint le niveau d’équité procédurale requis par les circonstances et qu’il n’y a eu aucun manquement à l’obligation d’équité procédurale. M. Tito a eu l’opportunité de soumettre des documents additionnels au soutien de sa Demande suite à la lettre d’octobre 2023, suite à l’avis de convocation à une entrevue de mai 2024 et lors de l’entrevue de juin 2024 avec l’Agent. Lors de cette entrevue, l’Agent a énoncé ses préoccupations particulières et a donné à M. Tito et son épouse l’occasion de répondre à chacune d’elles et de dissiper ses réserves. M. Tito et son épouse ont eu l’opportunité de participer au processus décisionnel et l’ont effectivement fait de façon significative. Les informations soumises et leurs réponses n’ont tout simplement pas été suffisantes pour convaincre l’Agent.

[40] M. Tito reproche également au Ministre le fait que la lettre de convocation à l’entrevue soit selon lui « générale » et ne fasse aucunement référence à des préoccupations en lien avec l’intention de chercher à s’établir au Québec. Avec égards, la lettre de convocation à l’entrevue mentionne plutôt explicitement ce qui suit : « The purpose of this interview is to help an officer decide if you meet the eligibility criteria for the category you have applied in, and this is likely to focus on your intent to reside in the province of Quebec. » [en anglais dans l’original; notre emphase.] Il est donc inexact de prétendre que c’est seulement lors de l’entrevue que M. Tito a été mis au courant des préoccupations de l’Agent. Il s’ensuit que contrairement à ses prétentions, M. Tito a eu « l’opportunité de se préparer adéquatement à l’entrevue et de dissiper les doutes de l’agent ».

[41] Au surplus, la Cour a déterminé à plusieurs reprises que les agents d’immigration n’avaient pas l’obligation de faire part de leurs préoccupations concernant la preuve présentée à l’appui d’une demande de résidence permanente lorsque ces préoccupations découlent directement de l’une des exigences des lois et des règlements (Quan au para 32; Naboulsi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1651 au para 92; Zeeshan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 248 aux para 33, 46; Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284 au para 23). Dans le cas de M. Tito, le paragraphe 90(2) du RIPR n’exige que deux éléments d’une personne qui aspire à faire partie de la catégorie des investisseurs (Québec) : 1) posséder un CSQ; et 2) chercher à s’établir dans la province. Puisque M. Tito avait obtenu son CSQ, il en résulte logiquement qu’il devait savoir que les préoccupations de l’Agent portaient sur le deuxième élément.

[42] L’équité procédurale n’exige pas que les demandeurs de visa aient la possibilité de répondre à des préoccupations concernant les renseignements qu’ils connaissent et qu’ils ont fournis eux-mêmes. En l’espèce, les motifs qu’a donnés l’Agent dans la Décision n’étaient pas fondés sur des éléments de preuve extrinsèques, mais plutôt sur des préoccupations au sujet des renseignements que M. Tito avait lui-même fournis. Plus généralement, il est bien reconnu que les agents des visas n’ont pas le devoir ou l’obligation juridique de demander des précisions au sujet d’une demande incomplète, de chercher à établir le bien‑fondé de la demande, d’informer le demandeur de leurs préoccupations concernant le respect des exigences législatives ou réglementaires, de fournir au demandeur un résultat provisoire à chaque étape du processus de demande, ou encore de lui offrir d’autres possibilités de répondre à des doutes ou de corriger des lacunes persistantes (Quan au para 34; Sharma au para 32; Lv au para 23). Imposer une telle obligation reviendrait à donner un préavis d’une décision défavorable, une obligation que la Cour a expressément rejetée à de nombreuses reprises.

[43] M. Tito prétend que s’il avait été mis au courant des préoccupations de l’Agent, il aurait pu « facilement produire davantage de documents ou compléter la documentation déjà soumise ». Or, il revient aux demandeurs de visa de présenter des demandes qui sont convaincantes, de prévoir les inférences défavorables qui peuvent être tirées des éléments de preuve et de répondre à celles‑ci et de démontrer qu’ils ont le droit d’entrer au Canada (Fatema au para 19; Quan au para 35). Une question d’équité procédurale n’est pas soulevée chaque fois qu’un agent a des préoccupations qu’un demandeur ne pouvait raisonnablement pas avoir prévues (Fatema au para 19; Quan au para 35; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 526 au para 52).

(3) La crainte raisonnable de partialité

[44] M. Tito soutient également que l’Agent avait un biais négatif lorsqu’il a entamé l’entrevue avec lui et qu’il a analysé les faits au travers d’un prisme négatif. Il conclut ainsi en se basant sur des notes du SMGC antérieures à l’entrevue selon lesquelles les documents soumis au soutien de la Demande de M. Tito sont « presque identiques » à ceux soumis au soutien d’une autre demande de résidence permanente traitée par le même bureau.

[45] La Cour n’est pas convaincue par les arguments de M. Tito.

[46] Le critère qu’il convient d’appliquer en ce qui a trait aux craintes de partialité est bien établi et le fardeau de preuve à cet égard est élevé. Dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker], la Cour suprême a réitéré que, pour déterminer s’il y a une crainte raisonnable de partialité, il faut se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » et si cette personne croirait, selon toute vraisemblance, que le décideur, « consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste » (Baker au para 46; voir également Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25 aux para 20–21, 26; Firsov c Canada (Procureur général), 2022 CAF 191 au para 56, permission d’en appeler à la Cour suprême rejetée, no 40547 (18 mai 2023)). Dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 [J. de Grandpré, dissident, mais pas sur ce point] [Committee for Justice], la Cour suprême a aussi déclaré que « la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet » (Committee for Justice à la p 394).

[47] Une crainte raisonnable de partialité ne peut donc reposer « sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur ou de son procureur [et doit] être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme » (Arthur c Canada (Canada (Procureur général), 2001 CAF 223; voir aussi Jagadeesh v Canadian Imperial Bank of Commerce, 2024 FCA 172 au para 72, permission d’en appeler à la Cour suprême rejetée, no 41598 (15 mai 2025); Gulia c Canada (Procureur général), 2021 CAF 106 aux para 22–23). Autrement dit, « les motifs de crainte doivent être sérieux » (Committee for Justice à la p 395).

[48] La Cour est d’avis que M. Tito n’a pas du tout rempli son lourd fardeau de démontrer que l’Agent avait un biais négatif à son égard dans le cadre de son processus décisionnel. En effet, M. Tito n’a soumis strictement aucune preuve qui pourrait permettre à la Cour de conclure que l’Agent n’avait pas l’esprit ouvert ou que sa Décision était déjà prise avant la tenue de l’entrevue avec M. Tito. Ses prétentions de partialité sont purement spéculatives.

(4) La détermination préalable alléguée de l’intention de chercher à s’établir au Québec

[49] Finalement, M. Tito soutient que le critère de l’intention de M. Tito de chercher à s’établir au Québec avait déjà été examiné et établi à la satisfaction d’un autre agent du Ministre préalablement à l’entrevue avec l’Agent. Il se fonde sur une entrée du SMGC datant d’octobre 2023 qui se lit comme suit :

PA has been selected in the Quebec Investor category – Valid CSQs on file. Declares will immigrate to Quebec, as per Schedule 5. Selection decision was made by the province. As per the processing manual, the province of Quebec is responsible for the selection of applicants destined to their province. Selection by the province of Quebec is taken as evidence that the provincial authority has conducted an assessment of the candidate and found that, in their view, the candidate has met the requirements, intends to reside in Quebec, and has a strong likelihood of becoming economically established in Canada. […]

[50] Cet argument n’a aucun mérite. Les notes entrées dans le SMGC ne reflètent que le fait que M. Tito s’est vu délivré un CSQ par la province de Québec et ne constituent aucunement une détermination par le Ministre que M. Tito aurait satisfait à l’alinéa 90(2)(a) du RIPR. Si tel avait été le cas, puisque seules deux exigences sont prévues par le paragraphe 90(2) du RIPR, un visa de résident permanent aurait été délivré par le Ministre à M. Tito et sa famille. Il aurait été inutile de transmettre la lettre d’octobre 2023 demandant des renseignements supplémentaires à M. Tito et de conduire une entrevue en juin 2024.

[51] M. Tito prétend également que « deux autorités gouvernementales ne peuvent pas légitimement se contredire » quant à l’intention d’un demandeur de chercher à s’établir au Québec. Or, tel que précédemment discuté, le fait que la province de Québec se soit déclarée satisfaite de la candidature d’un demandeur et de son intention de résider au Québec ne lie pas l’agent des visas, qui doit plutôt mener sa propre analyse. Ainsi, contrairement aux représentations de M. Tito, il est donc effectivement possible que la province de Québec et le Ministre ne soient pas d’accord sur ce point. Cela est précisément ce qui est prévu par la structure même du paragraphe 90(2) du RIPR.

V. Conclusion

[52] Pour les raisons qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de M. Tito est rejetée. La Cour est d’avis que la Décision est raisonnable et n’a pas été prise en violation des exigences d’équité procédurale qui s’imposaient à l’Agent dans le cadre de son processus décisionnel.

[53] Les parties ne proposent aucune question à certifier et la Cour est d’avis que le présent dossier n’en soulève aucune.

[54] L’intitulé de la cause est modifié pour que le défendeur soit identifié comme le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 


JUGEMENT au dossier IMM-12530-24

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

  2. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

  3. L’intitulé de la cause est modifié pour que le défendeur soit identifié comme le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-12530-24

INTITULÉ :

MD ABU SYED TITO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 AOÛT 2025

JUGEMENT ET MOTIFS :

GASCON J.

DATE DES MOTIFS

LE 10 OCTOBRE 2025

COMPARUTIONS :

Me Marc E. Barchichat

POUR LE DEMANDEUR

Me Aboubacar Touré

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marc E. Barchichat

Avocat

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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