Dossiers : IMM-19453-24
IMM-20581-24
Référence : 2025 CF 1630
Montréal (Québec), le 2 octobre 2025
En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond
Dossier : IMM-19453-24 |
ENTRE : |
KALOANTSIMO SARAH CHEN |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
défendeur |
Dossier : IMM-20581-24 |
ET ENTRE : |
AUGUSTINE AKHABUE IYOHA |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Dans deux dossiers séparés, Mme Chen et M. Iyoha sollicitent le contrôle judiciaire du refus de leurs demandes respectives pour considérations humanitaires [CH]. Étant donné que les faits pertinents sont sensiblement les mêmes, la présente décision vaut pour les deux dossiers.
[2] Madame Chen est citoyenne de Madagascar et M. Iyoha est citoyen du Nigéria. Tous deux sont venus au Canada pour y demander l’asile, mais leur demande a été rejetée. Ils se sont rencontrés au Canada, ils sont devenus conjoints et ont maintenant deux enfants nés au Canada.
[3] Une décision relative à une demande CH est de nature discrétionnaire. L’agent doit soupeser plusieurs facteurs pertinents, mais aucun algorithme rigide ne détermine l’issue. Lors d’un contrôle judiciaire, mon rôle n’est pas d’apprécier les facteurs pertinents moi-même ni d’exercer à nouveau le pouvoir discrétionnaire; je dois simplement vérifier si l’agent a examiné les facteurs pertinents et en a dûment tenu compte.
[4] Les demandeurs s’en prennent essentiellement à la manière dont l’agent traite la question de la préservation de l’unité familiale, question qui est directement liée à celle du meilleur intérêt des enfants. Ils reprochent à l’agent d’avoir minimisé le fait que leur renvoi entraînerait une séparation temporaire de la famille et d’avoir présumé que M. Iyoha pourrait rejoindre Mme Chen à Madagascar ou inversement. Ils lui reprochent également de n’avoir pas clairement dit si les enfants suivraient Mme Chen à Madagascar ou M. Iyoha au Nigéria.
[5] Ces reproches doivent être appréciés à la lumière des arguments que les demandeurs ont présentés à l’agent dans leurs demandes CH. Or, quant à la question pertinente, cet argumentaire était extrêmement laconique et tenait en quelques phrases. Les demandeurs n’ont pas indiqué dans quel pays ils comptaient emmener les enfants. Ils n’ont présenté aucune preuve de l’impossibilité pour l’un des conjoints d’immigrer dans le pays de l’autre. Le fardeau de la preuve leur incombait pourtant. En fait, outre leurs affirmations non étayées, il n’y a aucune preuve que la famille sera séparée. Ils ne peuvent donc reprocher à l’agent de ne pas avoir accordé de poids important à cet argument, comme ce fut le cas dans l’affaire Hsu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1168. Les demandeurs reconnaissent d’ailleurs qu’il ne suffit pas d’invoquer la différence entre le niveau de vie au Canada et dans les pays dont ils sont les ressortissants.
[6] Par ailleurs, les demandeurs font valoir diverses lacunes dans les motifs donnés par l’agent. Entre autres, ils lui reprochent de ne pas avoir mentionné les enfants dans l’analyse de l’établissement des parents ou des difficultés à se réinstaller à Madagascar ou au Nigéria et d’avoir passé sous silence le fait que M. Iyoha s’est vu refuser des visas pour le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis. Ils estiment que les passages de la décision concernant la possibilité que la famille soit temporairement séparée contredisent l’affirmation de l’agent selon laquelle l’intérêt des enfants est d’être avec leurs deux parents. Ils soulignent également certaines erreurs manifestes qui découlent probablement du fait que l’agent a copié et traduit certains passages d’une décision à l’autre.
[7] À mon avis, les lacunes alléguées ne remettent pas en question le caractère raisonnable de la décision dans son ensemble. L’agent n’est pas tenu à une norme de perfection dans la rédaction de ses motifs. La lecture globale des décisions démontre que l’agent a bien compris la situation de la famille et les prétentions des demandeurs, mais qu’il a conclu que les motifs invoqués étaient insuffisants pour l’octroi d’une dispense CH. La décision de l’agent repose sur une évaluation raisonnable de la preuve qui lui a été fournie. Dans ces circonstances, il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre évaluation. Par ailleurs, contrairement aux prétentions des demandeurs, rien ne tend à démontrer que l’agent a fait preuve de partialité; voir, à cet égard, Dixon c Groupe Banque TD, 2021 CF 101 au paragraphe 15.
[8] Dans leurs prétentions écrites, les demandeurs ont aussi fait valoir que le traitement de la question des besoins spécifiques de la fille aînée du couple était déraisonnable. Je ne peux souscrire à cette prétention. Les documents fournis à l’agent ne faisaient pas état d’un diagnostic précis et suggéraient plutôt que la situation de l’enfant s’améliorait. Il n’y avait pas non plus de preuve de l’impossibilité d’obtenir les soins nécessaires, quels qu’ils soient, à Madagascar ou au Nigéria. Cela n’affecte donc pas le caractère raisonnable de la décision.
[9] Pour ces motifs, les demandes de contrôle judiciaire seront rejetées.
JUGEMENT dans le dossier IMM-19453-24
LA COUR STATUE que
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question n’est certifiée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-20581-24
LA COUR STATUE que
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question n’est certifiée.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossiers : |
IMM-19453-24 ET IMM-20581-24 |
DOSSIER : |
IMM-19453-24 |
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INTITULÉ : |
KALOANTSIMO SARAH CHEN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
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ET DOSSIER : |
IMM-20581-24 |
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INTITULÉ : |
AUGUSTINE AKHABUE IYOHA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 2 octobre 2025 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE GRAMMOND |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 2 octobre 2025 |
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COMPARUTIONS :
Julie Gilbert |
POUR LES DEMANDEURS |
Margarita Tzavelakos |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Julie Gilbert Avocate Montréal (Québec) |
POUR LES DEMANDEURS |
Procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
Pour le défendeur |