Dossier : T-821-23
Référence : 2025 CF 1475
Montréal (Québec), le 8 septembre 2025
En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond
ENTRE : |
HODA FARHAT |
demanderesse |
et |
AGENCE DU REVENU DU CANADA |
défenderesse |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Mme Farhat sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de l’Agence du revenu du Canada [ARC] qui la déclare inadmissible à recevoir la prestation canadienne de la relance économique [PCRE]. Je rejette la demande, puisque l’agent de seconde révision a raisonnablement conclu que la preuve présentée par Mme Farhat était insuffisante pour démontrer qu’elle avait gagné au moins 5000 $ à titre de revenus d’emploi en 2020.
[2] D’entrée de jeu, je tiens à préciser que je ne mets pas en doute la bonne foi de Mme Fahrat. Cependant, étant donné les montants substantiels qui ont été versés au titre de la PCRE, il convient d’assurer au public canadien que cette prestation a été versée à ceux qui y avaient réellement droit. C’est pourquoi l’ARC n’ajoute pas automatiquement foi aux déclarations des bénéficiaires. Elle insiste plutôt pour que ceux-ci fournissent des preuves documentaires suffisantes afin de démontrer leur admissibilité.
[3] En particulier, lorsque les revenus d’emploi sont versés en argent comptant, l’ARC exige habituellement des preuves additionnelles. De plus, lorsque l’employeur est un membre de la famille, l’ARC effectue un examen plus poussé de la situation. Voir, à titre d’exemples, les décisions Dumbrava c Canada (Procureur général), 2023 CF 1011; et Grandmont c Canada (Procureur général), 2023 CF 1765.
[4] Il appartient à l’agent de l’ARC d’évaluer la suffisance de la preuve. Lors du contrôle judiciaire, le rôle de la Cour n’est pas de se substituer à l’agent ou d’entreprendre une nouvelle évaluation. La Cour doit plutôt se demander si la décision de l’agent se justifie à la lumière de la preuve.
[5] Il convient donc de rappeler les grandes lignes de la preuve dont disposait l’agent :
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Mme Farhat a affirmé qu’entre juin et septembre 2021, elle a travaillé comme caissière au restaurant le Mandala céramique, un commerce qui appartient à son mari.
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Elle a affirmé qu’elle était payée en argent comptant, pris à même la petite caisse, et qu’elle était la seule employée payée de cette manière. Elle a précisé qu’aucun relevé bancaire ne permettait de confirmer ces paiements.
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Après avoir été contactée pour un premier examen de son admissibilité à la PCRE, elle a découvert que son comptable avait commis une erreur dans sa déclaration de revenus pour 2020. Elle a effectué une correction à celle-ci, y indiquant un revenu d’emploi de 6048 $.
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Elle a fourni une attestation de travail signée par son mari, ainsi qu’un relevé d’emploi, un T4 et des fiches de paie émises par le Mandala céramique, montrant un revenu de 6048 $. On comprend que certains de ces documents ont été préparés ou modifiés lorsque Mme Farhat a corrigé sa déclaration de revenus.
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Elle n’a pas occupé d’emploi rémunéré en 2017, en 2018, en 2019 et en 2021.
[6] J’estime que la conclusion de l’agent, selon laquelle les preuves présentées par Mme Farhat sont insuffisantes, était raisonnable. En effet, toutes les preuves documentaires émanaient de l’entreprise du mari de Mme Farhat et aucune d’entre elles n’a été corroborée par des preuves de source indépendante. La séquence des événements soulevait également des doutes quant à la version des faits présentée par Mme Farhat. Dans ces circonstances, l’agent pouvait raisonnablement conclure qu’il ne disposait pas de preuves suffisantes.
[7] J’ajoute que la conclusion de l’agent est compatible avec la jurisprudence de notre Cour, qui autorise les agents à exiger des preuves documentaires indépendantes lorsque la personne est payée en argent comptant, lorsque le travail est effectué pour un membre de la famille et lorsque la personne a modifié sa déclaration de revenus après avoir été avisée que son admissibilité aux prestations ferait l’objet d’un examen. Voir, à titre d’exemples, Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139; Sjogren c Canada (Procureur général), 2023 CF 24; Drinkwalter v Canada (Attorney General), 2025 FC 913; ainsi que les décisions Dumbrava et Grandmont, citées plus haut.
[8] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Je n’adjugerai pas de dépens, puisque la défenderesse ne les réclame pas.
JUGEMENT dans le dossier T-821-23
LA COUR STATUE que
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Il n’y a pas d’adjudication de dépens.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossier : |
T-821-23 |
INTITULÉ : |
HODA FARHAT c AGENCE DU REVENU DU CANADA |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 4 septembre 2025 |
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JUGEMENT DU MOTIFS : |
LE JUGE GRAMMOND |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 8 septembre 2025 |
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COMPARUTIONS :
Hoda Farhat (se représente elle-même) |
Pour la demanderesse |
Samantha Jackmino |
Pour la défenderesse |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
Pour la défenderesse |