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Date : 20250711


Dossier : T-545-24

Référence : 2025 FC 1239

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2025

En présence de monsieur le juge en chef Crampton

RECOURS COLLECTIF — ENVISAGÉ

ENTRE :

DIANA SUN

demanderesse/intimée

et

BLOOMEX INC.

défenderesse/requérante

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les présents motifs portent sur une requête présentée par la défenderesse Bloomex Inc. (« Bloomex ») en vue de faire radier des demandes faites à l’égard de l’action principale, soit un recours collectif envisagé.

[2] Dans l’action principale, Diana Sun, la demanderesse représentante, demande des dommages-intérêts en vertu de l’article 36 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, ch. C-34 (la « Loi ») pour trois contraventions distinctes à l’article 52 de la Loi et une contravention à l’article 54 de cette loi. Mme Sun demande également une déclaration de Bloomex portant que cette dernière s’est enrichie injustement en percevant, en tout ou en partie, des sommes équivalant au prix qu’elle et d’autres membres du recours collectif envisagé ont payées, directement ou indirectement, à Bloomex pour des services floraux. En outre, Mme Sun demande à la Cour de rendre une ordonnance portant que Bloomex s’est enrichie injustement et que cette dernière lui remette, ainsi qu’aux autres membres du groupe, une somme égale au montant de cet enrichissement injustifié.

[3] Par la présente requête, Bloomex souhaite faire radier les demandes concernant deux des contraventions alléguées à l’article 52 de la Loi. Celles-ci sont définies ci-dessous comme étant la demande concernant les prix barrés et la demande concernant les évaluations. Bloomex demande également à la Cour de faire radier certains passages de la déclaration modifiée à nouveau de Mme Sun (la « déclaration modifiée ») au motif qu’elle contiendrait des éléments de preuve inadmissibles.

[4] Pour les motifs qui suivent, la demande de Bloomex visant à faire radier la demande concernant les prix barrés et la demande concernant les évaluations sera rejetée. Toutefois, sa demande concernant la radiation de certains passages de la déclaration modifiée en raison des éléments de preuve inadmissibles sera accueillie pour l’essentiel.

II. Les parties

[5] Mme Sun réside en Colombie-Britannique et prétend avoir acheté des fleurs sur le site Web de Bloomex www.bloomex.ca (le « site Web »).

[6] Bloomex est une société par actions enregistrée conformément aux lois du Canada qui distribue des produits et services floraux.

III. Aperçu des principales demandes

[7] Mme Sun a intenté l’action principale au nom de toutes les personnes physiques et morales du Canada qui ont acheté des produits et services floraux sur le site Web à compter de la date à laquelle Bloomex a commencé à offrir en vente de tels produits et services au Canada, et ce, jusqu’à ce que l’instance soit autorisée comme recours collectif (les « membres du groupe »). Par la suite, Mme Sun a obtenu l’autorisation d’écarter du groupe envisagé les résidents du Québec étant donné qu’elle intente une autre action dans ce ressort; cette information figure dans sa déclaration modifiée.

[8] Entre autres, Mme Sun avance que Bloomex a contrevenu à l’article 52 de la Loi des trois façons suivantes :

1. Bloomex se serait adonné à l’« indication de prix partiel » visée au paragraphe 52(1.3) de la Loi en omettant de mentionner la « surcharge » de 1,99 $ dans les indications initiales du prix de ses produits floraux au début du processus d’achat;

2. Bloomex aurait indiqué que ses produits floraux et/ou services floraux sont offerts à prix réduit alors que Bloomex savait ou aurait dû se soucier des conséquences liées au fait que ses produits et services étaient rarement, voire jamais, offerts en vente au prix plus élevé (le prix barré) indiqué sur le site Web (le « prix régulier »);

3. Bloomex aurait indiqué des « évaluations » inexactes à côté de chacun des produits offerts en vente sur son site Web, ce qui aurait donné l’impression que ces produits et/ou services ont une plus grande valeur que celle qu’ils ont en réalité.

[9] Dans les motifs qui suivent, ces demandes seront appelées 1) les « demandes concernant les surcharges », 2) les « demandes concernant les prix barrés », et 3) les « demandes concernant les évaluations », respectivement.

[10] Mme Sun avance également que Bloomex aurait contrevenu à l’article 54 de la Loi en vendant des produits floraux à un prix excédant le plus bas des deux prix (ou plus) qui sont affichés visiblement au point d’achat, en l’occurrence son site Web. Ce prix plus élevé équivaudrait à la somme, d’une part, du prix initial affiché sur le site Web durant le processus d’achat (le « premier prix » ou le « prix réduit ») et, d’autre part, de la surcharge de 1,99 $ mentionnée précédemment (la « surcharge »), qui apparaît à la toute fin du processus d’achat, en plus les taxes applicables et des frais de livraison, lesquels ne sont pas en cause. Ensemble, le premier prix et les frais additionnels sont nommés « second prix », soit le prix plus élevé auquel les produits en cause auraient été vendus.

[11] En outre, Mme Sun allègue que Bloomex s’est enrichie injustement en lui vendant, ainsi qu’aux autres membres du groupe, des produits et/ou services floraux sur son site Web.

IV. Les réparations demandées par la présente requête

[12] Dans son avis de requête, Bloomex a demandé une ordonnance radiant en entier la déclaration modifiée conformément aux alinéas 221(1)(a), (c) et (f) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »), avec autorisation de la modifier. Subsidiairement, Bloomex a demandé une ordonnance radiant les paragraphes de la déclaration modifiée qui portent sur les deuxième et troisième contraventions alléguées de l’article 52 de la Loi, dont il a été question précédemment, soit la demande concernant les prix barrés et la demande concernant les évaluations, sans autorisation de la modifier.

[13] Toutefois, dans sa réponse, Bloomex a abandonné la demande visant à faire radier en entier la déclaration modifiée et a affirmé que sa requête [TRADUCTION] « ne porte que sur la demande concernant les prix barrés et la demande concernant les évaluations de la demanderesse ». Bloomex a confirmé cette position durant l’audience de la requête. Bloomex souhaite faire radier les passages de la déclaration modifiée ayant trait aux deux demandes, en applications des alinéas 221(1)(a), (c) et (f) des Règles.

[14] Bloomex veut également faire radier, conformément à l’article 74 des Règles, tout ce qui constitue selon elle des éléments de preuve dans la déclaration modifiée. En particulier, Bloomex demande à la Cour de faire radier les captures d’écran des diverses étapes du processus d’achat sur le site Web ainsi que certains autres détails ayant trait au processus d’achat qui figurent aux paragraphes 9 et 18–29 de la déclaration modifiée.

V. Questions

[15] Les principales questions de la présente requête sont les suivantes :

1. La déclaration modifiée contient-elle des éléments de preuve inadmissibles?

2. La demande concernant les prix barrés devrait-elle être radiée conformément aux alinéas 221(1)(a), (c) ou (f) des Règles?

3. La demande concernant les évaluations devrait-elle être radiée conformément aux alinéas 221(1)(a), (c) ou (f) des Règles?

4. Si l’un ou l’autre des éléments est radié, Mme Sun devrait-elle avoir l’autorisation de modifier à nouveau sa déclaration modifiée?

[16] Durant l’audience de la requête, Mme Sun a demandé une ordonnance portant précisément sur la question de savoir s’il est évident et manifeste que ses observations concernant l’enrichissement injustifié de Bloomex constituent une cause d’action valable. Bloomex affirme toutefois ne pas s’opposer à ces observations dans le cadre de la présente requête. En conséquence, il n’est pas nécessaire de trancher cette question. Étant donné la position de Bloomex, ces observations ne seront pas radiées de la déclaration modifiée.

VI. Analyse

A. La déclaration modifiée contient-elle des éléments de preuve inadmissibles?

[17] Conformément à l’article 174 des Règles, un acte de procédure « contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits. »

[18] Bloomex avance que la déclaration modifiée comporte des détails et des captures d’écran du site Web qui seraient inadmissibles conformément à l’article 174 des Règles. À cet égard, Bloomex renvoie aux paragraphes 9 et 18 à 29 de la déclaration modifiée.

[19] À l’exception de certains détails figurant au paragraphe 9 ainsi que des paragraphes 18, 28 et 29 en entier de la déclaration modifiée, je suis d’accord avec Bloomex.

[20] À la première phrase du paragraphe 9, Mme Sun affirme que, lorsqu’elle a acheté des fleurs sur le site Web le 13 mai 2023, on lui a facturé une surcharge de 1,99 $ qui n’était pas affichée avant la toute fin du processus d’achat. Je suis d’avis que ces détails sont des faits substantiels utiles au fondement des demandes de Mme Sun, qu’ils aident à cadrer ses demandes et favorisent la compréhension de la Cour. Ces détails sont également essentiels pour que Bloomex puisse connaître les éléments de preuve qu’elle aura à réfuter : Mancuso c Canada (Santé Nationale et Bien-être Social), 2015 CAF 227 aux para 16–20, autorisation d’appel à la CSC refusée, 36889 (23 juin 2016); Mercantile Office Systems Private Limited v Worldwide Warranty Life, 2021 BCCA 362 [Mercantile] aux para 45–50.

[21] C’est également vrai des détails et des captures d’écran qui figurent aux paragraphes 18 et 28 de la déclaration modifiée. Les détails figurant au paragraphe 18 favorisent la compréhension des termes « premier prix », « prix réduit » et « prix régulier » ainsi que du mot « évaluation », qui figurent dans la capture d’écran subséquente. Dans l’exemple fourni, Mme Sun décrit les termes « premier prix » et « prix réduit » comme étant le prix auquel les produits floraux en question étaient offerts en vente, soit 69,99 $. Elle affirme que le « prix régulier » était le prix barré dans la capture d’écran, en l’occurrence 119,99 $. Ces précisions « étoffent les “faits substantiels”, mais [elles] ne sont pas détaillé[e]s au point d’équivaloir à des “preuve” » : Curtis c Canada (Emploi, Développement de la main-d’œuvre et Inclusion des personnes handicapées), 2022 CF 826 au para 26, conf par 2024 CAF 206, citant Copland v Commodore Business Machines Ltd, 1985 CanLII 2190 (ON SC).

[22] Les détails et les captures d’écran figurant au paragraphe 28 servent une fonction semblable. Ils aident la Cour à comprendre l’observation selon laquelle la surcharge n’est pas affichée avant la toute fin du processus d’achat. Ils permettent implicitement à la Cour de constater que la surcharge ne constitue pas les frais de livraison, mais qu’il s’agit simplement de [TRADUCTION] « frais » imposés pour contrer « les coûts croissants des produits, de la manutention et de la livraison » malgré l’existence de véritables « frais de livraison » de 14,99 $.

[23] Quant au paragraphe 29, les détails qui y figurent sont des précisions utiles parce qu’ils aident la Cour à comprendre le concept de « second prix » au sens où il est employé dans la déclaration modifiée.

[24] Par ailleurs, les captures d’écran et les détails fournis aux paragraphes 19 à 27 ne sont ni des éléments essentiels ni des précisions utiles à la demande de Mme Sun. En outre, ils ne sont pas nécessaires pour que Bloomex puisse formuler sa défense. C’est également vrai de la deuxième phrase du paragraphe 9, qui allègue simplement que la demanderesse et les membres du groupe ont eu l’expérience d’un processus d’achat substantiellement semblable à ce qui est décrit aux paragraphes 18 à 29. En conséquence, ces passages sont tous des éléments de preuve inadmissibles.

[25] Mme Sun signale que [TRADUCTION] « il est parfois difficile de faire la distinction entre un fait substantiel et un élément de preuve » : Mercantile au para 49. Elle ajoute qu’il y a des situations dans lesquelles la Cour peut avoir raison de ne pas ordonner la radiation « des parties simplement superflues, dans la mesure où elles n’entraînent aucun préjudice » : Apotex Inc c Glaxo Group Ltd, 2001 CFPI 1351 au para 10; Sivak c Canada, 2012 CF 272 [Sivak] au para 27. Ainsi, Mme Sun affirme que les détails et les captures d’écran en cause sont des précisions substantielles qui illustrent ses allégations et favoriseront la compréhension à la fois des parties et de la Cour.

[26] Je ne suis pas d’accord.

[27] Il est important de maintenir la distinction entre les faits substantiels et les éléments de preuve, lesquels sont inadmissibles dans un acte de procédure : AstraZeneca Canada Inc c Novopharm Limited, 2010 CAF 112 [AstraZeneca] au para 5; Mercantile au para 49. À mon sens, les détails et les captures d’écran figurant aux paragraphes 19 à 27 et qui illustrent les étapes intermédiaires du processus d’achat ne sont pas des précisions substantielles et ne favorisent pas la compréhension des parties ou de la Cour. Ces éléments de preuve ne doivent pas demeurer dans les actes de procédures : Sivak au para 29.

[28] Étant donné ce qui précède, j’ordonne que les paragraphes 19 à 27 ainsi que la deuxième phrase du paragraphe 9 soient radiés de la déclaration modifiée.

B. La demande concernant les prix barrés devrait-elle être radiée conformément à l’article 221 des Règles?

(1) L’alinéa 221(1)(a) des Règles

(a) Principes généraux

[29] Les principes généraux applicables à la décision de radier ou non des actes de procédure parce qu’ils ne comportent pas de cause d’action valable ont été résumés dans la décision Sunderland c Toronto Regional Real Estate Board, 2023 CF 1293 aux para 46–51. En somme :

  1. le critère de base consiste à établir s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits plaidés seraient avérés, que chacune des demandes formulées par les demandeurs ne révèle aucune cause d’action valable;

  2. si une demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie, elle ne devrait pas pouvoir suivre son cours;

  3. une demande ne comporte pas de cause d’action valable si elle contient un « vice fondamental », est « vouée à l’échec » ou est « manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie »;

  4. lorsque la Cour applique ce critère, sa tâche ne consiste pas à résoudre des faits et des éléments de preuve contradictoires et à évaluer la solidité de l’affaire. Elle doit porter son attention sur les actes de procédure et non sur la preuve. Les actes de procédure doivent être lus suivant une approche généreuse, globale et pratique de manière à permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable;

  5. néanmoins, la Cour remplit une fonction importante de filtrage; elle doit entre autres évaluer si les actes de procédure (i) suffisent pour informer le défendeur de l’essence de la réclamation du demandeur, (ii) précisent adéquatement les éléments principaux de chacun des moyens de droit et (iii) énoncent suffisamment de détails pour assurer la saine gestion et l’équité de l’instruction;

  6. qui plus est, la présomption de véracité qui s’applique aux faits allégués :

[. . .] ne s’étend pas aux faits qui ne peuvent manifestement pas être prouvés, aux allégations qui sont dénuées de bon sens, aux généralités, aux hypothèses, aux simples allégations, aux affirmations catégoriques ou aux conjectures non étayées sur des faits substantiels.

Jensen c Samsung Electronics Co Ltd, 2023 CAF 89 au para 15 [Jensen CAF] au para 52(b), confirmant Jensen c Samsung Electronics Co Ltd, 2021 CF 1185 [Jensen CF] aux para 81–82. Voir aussi L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c JJ, 2019 CSC 35 aux para 59–60.

  1. lorsqu’un demandeur fait valoir une cause d’action fondée sur l’article 36 de la Loi, la Cour (i) évaluera le caractère suffisant des actes de procédure en fonction de la « perte ou des dommages » qui auraient été subis, et (ii) déterminera si la perte ou les dommages découlent d’un comportement criminel reproché contraire à « une disposition de la partie VI de la Loi » (qui crée diverses infractions criminelles): voir aussi Jensen CAF au para 19; Jensen FC aux para 93 et 123.

[30] Je reviendrai plus loin sur la question du caractère suffisant des actes de procédure à l’égard de la « perte ou des dommages » subis allégués.

[31] En l’espèce, les contraventions alléguées à la partie VI de la Loi visent les articles 52 et 54 de la Loi. Étant donné que la présente requête ne porte que sur deux des trois demandes présentées en application de l’article 52, il n’est pas nécessaire de traiter de l’article 54, sauf pour répondre à certains arguments avancés par Bloomex dans sa réponse et à l’audience de la requête.

[32] Le paragraphe 52(1) de la Loi prévoit que de donner des indications fausses ou trompeuses constitue une infraction. Il s’agit d’une infraction hybride qui peut être traduite en justice par mise en accusation ou par procédure sommaire.

[33] Le paragraphe 52(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

52 (1) Nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’utilisation d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques, donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important.

52 (1) No person shall, for the purpose of promoting, directly or indirectly, the supply or use of a product or for the purpose of promoting, directly or indirectly, any business interest, by any means whatever, knowingly or recklessly make a representation to the public that is false or misleading in a material respect.

[34] Les éléments principaux du paragraphe 52(1) de la Loi sont les suivants :

  • 1)sciemment ou sans se soucier des conséquences;

  • 2)donner au public des indications;

  • 3)qui sont fausses ou trompeuses;

  • 4)sur un point important;

  • 5)aux fins de promouvoir directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit :

a. soit la fourniture ou l’utilisation d’un produit;

  1. soit des intérêts commerciaux quelconques.

[35] Il en a été question récemment dans la décision Pass Herald Ltd c Google LLC, 2024 CF 1623 aux para 257–268. Il n’est pas nécessaire de répéter cette discussion ici.

[36] Conformément au paragraphe 52(1.3) de la Loi, certains types d’indications connues sous le nom d’« indication de prix partiel » sont réputées être de la publicité fausse ou trompeuse pour l’application du paragraphe 52(1) de la Loi : voir généralement Canada (Commissioner of Competition) c Cineplex Inc, 2024 Trib conc 5 [Cineplex] aux para 331–333, qui portait sur une disposition au libellé identique, soit le paragraphe 74.01(1.1) de la Loi.

[37] Le paragraphe 52(1.3) de la Loi énonce ce qui suit :

(1.3) Il est entendu que l’indication d’un prix qui n’est pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes qui s’y ajoutent constitue une indication fausse ou trompeuse, sauf si les frais obligatoires ne représentent que le montant imposé sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale à l’acquéreur du produit visé au paragraphe (1).

(1.3) For greater certainty, the making of a representation of a price that is not attainable due to fixed obligatory charges or fees constitutes a false or misleading representation, unless the obligatory charges or fees represent only an amount imposed by or under an Act of Parliament or the legislature of a province.

[38] Étant donné que le paragraphe 52(1.3) de la Loi ne concerne que la demande concernant les surcharges, il n’est pas nécessaire, pour trancher la présente requête, de traiter des principaux éléments de cette disposition. Je ne me pencherai donc pas sur ces éléments parce qu’ils ne sont pas utiles pour décider de radier ou non, en application de l’article 221 des Règles, la demande concernant les prix barrés ou la demande concernant les évaluations.

(b) Examen

(i) Le caractère suffisant des actes de procédure au regard du paragraphe 52(1) de la Loi

[39] Bloomex avance que la déclaration modifiée ne contient pas de précisions ou de faits substantiels appuyant une demande de réparation présentée en lien avec le paragraphe 52(1) de la Loi en ce qui concerne la demande concernant les prix barrés.

[40] Je ne suis pas d’accord.

[41] Comme je l’ai signalé au paragraphe 34 des présents motifs, le paragraphe 51(1) de la Loi comporte cinq éléments principaux.

[42] Le premier élément exige que l’indication en cause soit faite « sciemment ou sans se soucier des conséquences ». Étant donné les défis liés à la preuve de l’intention subjective, on peut inférer suivant le bon sens et compte tenu de facteurs objectifs qu’un geste a été posé sciemment ou sans se soucier des conséquences : R c Stucky, 2009 ONCA 151 au para 128.

[43] Au paragraphe 36 de la déclaration modifiée, Mme Sun avance que, [TRADUCTION] « à tous les moments clés, Bloomex contrôlait l’affichage des prix et des évaluations des produits floraux et/ou services floraux sur son site Web ». Aux paragraphes 49 et 50 de la déclaration modifiée, elle ajoute :

[TRADUCTION]
49. À tous les moments clés, l’avantage de la réduction était inexistant ou substantiellement moindre que la réduction indiquée. À tous les moments clés, Bloomex savait ou aurait raisonnablement dû savoir que c’était le cas.

50. À tous les moments clés, Bloomex savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’elle offrait en vente rarement, voire jamais, des produits floraux et/ou services floraux à un prix égal au prix régulier.

[44] Mme Sun explique ensuite, au paragraphe 57, que :

[TRADUCTION]
[…]
au moyen d’indications du prix réduit, du prix régulier, de la réduction et/ou des évaluations des produits floraux et/ou services floraux, Bloomex a induit la demanderesse et les membres du groupe en erreur sciemment et sans se soucier des conséquences quant à la valeur qu’ils obtiendraient en contrepartie de leur achat.

[45] De surcroît, au paragraphe 72 de la déclaration modifiée, sous l’intertitre [TRADUCTION] « Fausses réductions », la déclaration modifiée énonce :

[TRADUCTION]
72. Les indications de Bloomex quant au prix réduit, au prix régulier et/ou à la réduction des produits floraux et/ou services floraux alors que Bloomex savait, ne se souciait pas des conséquences ou faisait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard du fait que ces produits étaient rarement, voire jamais, offerts en vente à un prix égal au prix régulier sont une contravention au paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence.

[46] Il n’est ni évident ni manifeste que ces passages tirés de la déclaration modifiée ne contiennent pas de faits substantiels suffisants concernant l’élément « sciemment ou sans se soucier des conséquences » prévu au paragraphe 52(1) de la Loi. Étant donné qu’il est permis d’inférer suivant le bon sens si cet élément est établi, j’estime que les demandes reproduites aux trois paragraphes précédents ne sont pas vouées à l’échec.

[47] Le deuxième élément du paragraphe 52(1) de la Loi exige la démonstration que la défenderesse a « donné des indications au public ». Les faits substantiels ayant trait à cet élément figurent aux paragraphes 10, 12 à 16, 18, 28, 45, 48 et 72 de la déclaration modifiée. En bref, ces paragraphes décrivent comment Bloomex offre et vend des produits floraux sur son site Web et expliquent les indications données quant au prix régulier et au prix réduit. Cette description est illustrée par un exemple utile dont il est question aux paragraphes 18 et 28. La déclaration modifiée explique également que l’accès au site Web et son utilisation en vue d’acheter des produits floraux constituent les « services floraux » dont il est question dans la déclaration modifiée. En outre, elle explique que la « réduction » est le montant excédant le prix régulier par rapport au prix réduit. Elle élabore plus avant que la réduction [TRADUCTION] « est le montant correspondant aux économies que réaliseront les clients, d’après Bloomex, en achetant l’un des produits floraux et/ou services floraux au prix réduit comparativement au prix régulier ».

[48] Pris ensemble, ces faits substantiels sont suffisants pour les fins de la présente requête. Il n’est ni évident ni manifeste que les observations de Mme Sun ayant trait à l’élément selon lequel Bloomex aurait « donné des indications au public » sont vouées à l’échec.

[49] Le troisième élément prévu au paragraphe 52(1) de la Loi requiert la démonstration que l’indication en question est « fausse ou trompeuse ». Conformément au paragraphe 52(1.1) de la Loi, il n’est pas nécessaire de prouver qu’une personne a été effectivement trompée. En outre, le paragraphe 52(4) de la Loi prévoit que « pour déterminer si les indications sont fausses ou trompeuses sur un point important il faut tenir compte de l’impression générale qu’elles donnent ainsi que de leur sens littéral ».

[50] Au paragraphe 30 de la déclaration modifiée, Mme Sun fait valoir que le prix régulier (qui était barré sur le site Web et qui figure dans la capture d’écran incluse au paragraphe 18 de la déclaration modifiée) est une indication fausse ou trompeuse du prix auquel les produits floraux et/ou services floraux de Bloomex sont habituellement offerts en vente. À l’appui de cette demande, elle allègue au paragraphe suivant que les produits floraux et/ou services de Bloomex sont rarement offerts en vente au prix régulier et que la vaste majorité du volume de vente est au prix réduit. En conséquence, Mme Sun affirme que [TRADUCTION] « le prix régulier ne reflète pas exactement le prix auquel Bloomex facture habituellement ses produits floraux et/ou services floraux ». Mme Sun renchérit aux paragraphes 46 à 47, 72 et 74 de la déclaration modifiée. En effet, dans deux de ces paragraphes, elle prétend que Bloomex n’offrait [TRADUCTION] « rarement, voire jamais, » ses produits au prix régulier.

[51] Bloomex l’a admis implicitement durant l’audience, quand elle a mentionné qu’elle n’a jamais facturé le « prix plus élevé » dont il est question dans ce qui est maintenant la déclaration modifiée.

[52] Selon moi, il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant la nature fausse ou trompeuse des indications barrées du site Web est vouée à l’échec.

[53] C’est également vrai du quatrième élément prévu au paragraphe 52(1) de la Loi, qui requiert que les indications contestées soient fausses ou trompeuses « sur un point important ». En évaluant cet élément, la Cour se demande si l’indication était [TRADUCTION] « pertinente ou essentielle » à tel point qu’elle influence la décision de faire l’achat : Apotex Inc v Hoffman La-Roche Limited, 2000 CanLII 16984 (ON CA) [Apotex] au para 16; Energizer Brands, LLC c Gillette Company, 2023 FC 804 au para 176(4); Maritime Travel Inc c Go Travel Direct Inc, 2008 NSSC 163 au para 76, conf par 2009 NSCA 42 aux para 27–29.

[54] Au paragraphe 49 de la déclaration modifiée, Mme Sun prétend que [TRADUCTION] « à tous les moments clés, l’avantage de la réduction était inexistant ou substantiellement moindre que la réduction indiquée » [nos soulignements]. Le paragraphe 72 de la déclaration modifiée contient une observation semblable selon laquelle les produits vendus sur le site Web [TRADUCTION] « avaient une valeur bien moindre que le prix régulier » [nos soulignements]. De même, au paragraphe 74, la déclaration modifiée renvoie à [TRADUCTION] « la magnitude exagérée des épargnes que suggèrent les indications ». La capture d’écran figurant au paragraphe 18 de la déclaration modifiée illustre la différence entre le prix réduit offert et le prix barré et fournit des précisions additionnelles à l’appui de la nature « substantielle » de cette différence.

[55] Compte tenu de tout ce qui précède, il n’est ni évident ni manifeste que les demandes faites à l’égard de l’élément du « point important » prévu au paragraphe 52(1) de la Loi sont vouées à l’échec.

[56] Le cinquième et dernier élément du paragraphe 52(1) de la Loi requiert la démonstration que les indications en cause ont été données afin de promouvoir, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, (a) la fourniture ou l’utilisation d’un produit, ou (b) des intérêts commerciaux quelconques.

[57] Le mot « promouvoir » signifie [TRADUCTION] « améliorer ou augmenter le volume d’affaires d’une entreprise » : Apotex au para 11. Le libellé « promouvoir, directement ou indirectement, des intérêts commerciaux quelconques » a [TRADUCTION] « un sens très large et peut inclure tout type d’intérêt commercial » de la personne ou des personnes donnant les indications : Apotex aux para 13–14.

[58] Mme Sun plaide précisément cet élément du paragraphe 52(1) de la Loi au paragraphe 73 de sa déclaration modifiée.

[59] Ayant lu la déclaration modifiée en entier, je suis d’avis qu’il n’est ni évident ni manifeste que les demandes faites en lien avec cet élément soient vouées à l’échec. La déclaration modifiée dans son ensemble laisse présager que Bloomex offre et vend ses produits floraux et services connexes sur son site Web de la manière et pour les fins décrites précédemment.

[60] En résumé, pour les motifs qui précèdent, je conclus qu’il n’est ni évident ni manifeste que les observations faites en lien avec l’un ou l’autre des cinq éléments principaux prévus au paragraphe 52(1) de la Loi sont insuffisantes, et que, en conséquence, la demande concernant les prix barrés est vouée à l’échec. En somme, les faits substantiels et les précisions fournis dans la déclaration modifiée traitent suffisamment de chacun des éléments principaux prévus au paragraphe 52(1) de la Loi et donnent à Bloomex un préavis suffisant pour connaître les éléments de preuve qu’elle aura à réfuter.

[61] Je m’arrête ici pour signaler que, dans sa réponse et durant l’audience de la requête, Bloomex a mentionné brièvement la demande de Mme Sun en lien avec l’article 54 de la Loi, qui porte sur le « double étiquetage ». Elle l’a fait malgré le fait qu’elle a confirmé que la présente requête porte uniquement sur la demande concernant les prix barrés et la demande concernant les évaluations.

[62] À cet égard, Bloomex fait valoir que Mme Sun n’a pas réussi à démontrer comment la surcharge alléguée de 1,99 $ s’inscrit dans la portée de l’article 54 de la Loi. Néanmoins, le paragraphe 29 de la déclaration modifiée définit clairement le « second prix » comme étant la somme (i) du premier prix (notamment, le premier prix/prix réduit auquel les produits floraux sont offerts en vente, soit 69,99 $ dans l’exemple fourni); et (ii) de la surcharge, des taxes et des frais de livraison. Au paragraphe 38, la déclaration modifiée précise que le premier prix et le second prix étaient clairement affichés sur le site Web, lequel constitue un affichage au point d’achat.

[63] Bloomex fait également valoir qu’elle n’a pas contrevenu à l’article 54 de la Loi parce qu’elle n’a jamais facturé le prix barré, soit le « prix régulier » allégué. Toutefois, Bloomex semble avoir mal compris le fondement de la demande de Mme Sun en lien avec l’article 54 et avoir confondu le « premier prix » et le « prix régulier ». Quant à la demande liée à l’article 54, le paragraphe 81 de la déclaration modifiée établit clairement que les deux prix pertinents sont le premier prix (le prix initialement offert sur le site Web) et le second prix (le prix que le client a payé et qui comprend la surcharge, les taxes et les frais de livraison). On constate cette même position au paragraphe 83 de la déclaration modifiée : [TRADUCTION] « la demanderesse et les membres du groupe étaient en droit de ne payer que le premier prix, plus les frais de livraison ainsi les taxes applicables au prix de l’article et aux frais de livraison des produits ou services floraux ». La Cour présume que la seconde mention de « frais de livraison » dans le passage cité se rapporte au mot « taxes », c’est-à-dire les taxes applicables aux frais de livraison.

[64] Bloomex fait valoir en outre que le terme « second prix » n’a pas toujours le même sens dans la déclaration modifiée sans toutefois réussir à étayer cette allégation, avec laquelle je ne suis pas d’accord d’ailleurs.

[65] Étant donné que les observations ayant trait à l’article 54 de la Loi sont fondées sur la demande concernant les surcharges, laquelle n’est pas en cause en l’espèce, je ne les traiterai pas dans les présents motifs.

(ii) Les dommages demandés et le lien causal avec le comportement en cause

[66] Tel que je l’ai signalé au paragraphe 2 ci-dessus, la demande de Mme Sun quant aux dommages est faite en application de l’article 36 de la Loi. Conformément à l’alinéa 36(1)(a) de la Loi, toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite d’un comportement allant à l’encontre de toute disposition de la partie VI de cette loi peut intenter une poursuite et recouvrer de la personne qui a eu ce comportement un montant égal au montant de la perte et des dommages dont il a été prouvé qu’ils ont été subis par cette personne ainsi que certains coûts d’enquête et de procédure conformément à l’article 36. En conséquence, Mme Sun doit plaider qu’elle a subi une perte ou des dommages par suite des contraventions alléguées à la Loi : voir le paragraphe 29(vii) ci-dessus. Il faut, entre autres, que Mme Sun plaide en bonne et due forme [TRADUCTION] « un lien causal » entre la perte ou les dommages subis et le comportement allant à l’encontre de la partie VI de la Loi, en l’occurrence les contraventions alléguées aux articles 52 et 54 de la Loi : Pioneer Corp c Godfrey, 2019 CSC 42 au para 76; Jensen FC au para 94.

[67] Bloomex affirme que la déclaration modifiée n’établit pas de cause d’action valable parce qu’elle ne contient pas d’allégation des dommages précis subis par Mme Sun en lien avec la demande concernant les prix barrés et n’explique pas non plus la manière dont elle aurait subi ces dommages. Bloomex ajoute qu’on peut difficilement imaginer un élément de preuve qui viendrait appuyer des allégations de dommages liées à la demande concernant les prix barrés.

[68] À l’appui de sa position selon laquelle rien n’explique comment Mme Sun aurait subi des dommages à partir de la demande concernant les prix barrés, Bloomex a fait valoir durant l’audience de la requête que rien dans la déclaration modifiée ne laisse entendre que Mme Sun a payé davantage que le prix réduit. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, Bloomex a ajouté qu’elle n’a jamais facturé le prix plus élevé, soit le prix régulier, le prix barré sur le site Web.

[69] Toutefois, là n’est pas la question. En ce qui a trait aux demandes concernant les prix barrés, les dommages que Mme Sun allègue avoir subis se fondent sur la valeur qu’elle s’attendait à obtenir des produits/services qu’elle a achetés, ayant vu les prix barrés, soit les prix réguliers. Ce point est expliqué pour la première fois au paragraphe 61 de la déclaration modifiée, qui énonce ce qui suit :

[TRADUCTION]
61. À cause des indications de Bloomex concernant le prix régulier, le prix réduit et/ou la valeur de réduction des produits floraux et/ou services floraux, la demanderesse et les membres du groupe ont obtenu une valeur moindre que ce à quoi ils s’attendaient lorsqu’ils ont acheté ces produits parce que la valeur des produits floraux et/ou services floraux était moins élevée que le prix régulier indiqué. En conséquence, la demanderesse et les membres du groupe ont subi une perte et/ou des dommages équivalant à la différence entre le prix régulier et le prix réduit (c’est-à-dire la valeur de réduction), plus les taxes payées sur cette différence.

[70] La même demande est essentiellement réitérée au paragraphe 75 de la déclaration modifiée.

[71] En somme, Mme Sun allègue qu’elle et les autres membres du groupe ont subi des dommages équivalant à la différence entre le prix régulier et le prix réduit, plus les taxes payées sur cette différence (laquelle différence est définie comme étant la valeur de réduction : voir le paragraphe 47 ci-dessus). Cette demande est répétée au paragraphe 87. En l’introduisant, au paragraphe 30 de la déclaration modifiée, Mme Sun a ajouté :

[TRADUCTION]
30. Le prix régulier est une indication fausse et trompeuse du prix des produits floraux et/ou services floraux offerts en vente habituellement. En conséquence, la valeur de réduction que les clients reçoivent lorsqu’ils achètent des produits floraux et/ou services floraux à prix réduit est illusoire.

[72] J’admets que, à proprement parler, les dommages demandés en lien avec la demande concernant les prix barrés recoupent les dommages demandés en lien avec la demande concernant les surcharges (les surcharges ne sont pas en cause dans la présente requête). Mme Sun demande la différence entre le prix régulier et le prix réduit dans le cadre de la demande concernant les prix barrés; cette différence inclut nécessairement la surcharge (et les taxes applicables). Or, la surcharge en tant que telle fait l’objet de la demande concernant les surcharges (et également des demandes faites conformément à l’article 54 de la Loi).

[73] Néanmoins, il est évident que les dommages demandés en lien avec la demande concernant les prix barrés recèlent une composante unique. Il s’agit de la différence entre, d’une part, le prix régulier et, d’autre part, la somme du prix réduit et de la surcharge (plus les taxes applicables à la surcharge ainsi que les frais de livraison, lesquels ne sont pas en cause).

[74] Étant donné ce qui précède, je rejette la demande de Bloomex selon laquelle la déclaration modifiée ne contient aucune allégation de dommages précis subis par Mme Sun en lien avec la demande concernant les prix barrés.

[75] Quant au lien causal entre la demande concernant les prix barrés et les dommages que Mme Sun prétend avoir subis, il en a été question dans plusieurs passages de la déclaration modifiée. D’abord, au paragraphe 59 de la déclaration modifiée, Mme Sun a expliqué, de façon générale, qu’elle et les membres du groupe ont subi une perte et/ou des dommages [TRADUCTION] « par suite des diverses contraventions de Bloomex » à la Loi. Mme Sun a précisé davantage, aux paragraphes 60 à 62 de la déclaration modifiée, la demande concernant les surcharges, la demande concernant les prix barrés et la demande concernant les évaluations, respectivement. Pour les fins qui nous occupent, le passage pertinent est le suivant :

[TRADUCTION]
61. En raison des indications de Bloomex quant au prix régulier, au prix réduit et/ou à la valeur de réduction des produits floraux et/ou des services floraux, la demanderesse et les membres du groupe ont obtenu une valeur moindre que ce à quoi ils s’attendaient lorsqu’ils ont acheté ces produits parce que la valeur des produits floraux et/ou services floraux était moindre que le prix régulier que Bloomex avait indiqué pour la valeur de ces produits. […]

[76] Ce lien causal est répété en termes légèrement différents au paragraphe 75 de la déclaration modifiée, qui énonce ce qui suit :

[TRADUCTION]
75. En conséquence des contraventions de Bloomex à l’article 52 de la Loi sur la concurrence, la demanderesse et les membres du groupe ont subi une perte et/ou des dommages. En particulier, la demanderesse et les membres du groupe ont obtenu une valeur moindre que ce à quoi ils s’attendaient lorsqu’ils ont acheté les produits floraux et/ou services floraux en raison de la valeur de ces produits qui était moindre que le prix régulier, et/ou la demanderesse et les membres du groupe n’ont pas obtenu la valeur équivalente à la valeur de réduction en achetant les produits floraux et/ou services floraux au prix réduit.

[77] Le paragraphe 87 de la déclaration modifiée réitère ensuite ce lien causal.

[78] La déclaration modifiée indique, au paragraphe 56, que [TRADUCTION] « la demanderesse et les membres du groupe se sont raisonnablement fiés au prix réduit, au prix régulier et/ou à la valeur de réduction des produits floraux et/ou services floraux en décidant d’acheter ces produits » [nos soulignements].

[79] Je m’arrête ici pour signaler que, durant l’audience, M. Turner a fait valoir au nom de Mme Sun qu’elle a retenu les services d’un économiste qui fera la démonstration plus tard dans la requête visant à ce que l’instance soit autorisée comme recours collectif que, d’une part, il existe une méthodologie pour établir les dommages à partir des pertes envisagées de la valeur escomptée et, d’autre part, les faits peuvent permettre d’établir les dommages subis par le groupe.

[80] Compte tenu de tout ce qui précède, il n’est ni évident ni manifeste que la demande de dommages de Mme Sun en lien avec la demande concernant les prix barrés est vouée à l’échec ou qu’elle est si erronée qu’elle n’a absolument aucune chance de succès. Je suis d’avis, et ce, uniquement pour les fins de la présente requête, que la déclaration modifiée traite adéquatement du lien causal entre le comportement en cause dans la demande concernant les prix barrés et les dommages allégués subis par Mme Sun.

(2) L’alinéa 221(1)(c) des Règles

(a) Principes généraux

[81] Conformément à l’alinéa 221(1)(c) des Règles, un acte de procédure peut être entièrement ou partiellement radié, avec ou sans autorisation de le modifier, s’il est scandaleux, frivole ou vexatoire.

[82] Une demande peut être radiée conformément à cette disposition soit dans le cas où (i) le demandeur est incapable de présenter à l’appui de ses observations des moyens raisonnables, fondés sur le droit ou la preuve ou (ii) les actes de procédure font état de si peu de faits que la défenderesse ne sait comment y répondre et qu’il sera impossible au tribunal de diriger correctement les procédures : kisikawpimootewin c Canada, 2004 CF 1426 au para 8; Zbarsky c Canada, 2022 CF 195 au para 40.

(b) Examen

[83] Bloomex fait valoir que la déclaration modifiée est scandaleuse, frivole ou vexatoire en lien avec la demande concernant les prix barrés étant donné que (i) elle ne contient aucune possibilité de produire une fondation basée sur la preuve, (ii) les actes de procédure font état de si peu de faits que la défenderesse ne sait comment y répondre, et que, en conséquence, (iii) il sera impossible au tribunal de diriger correctement les procédures.

[84] Je ne suis pas d’accord.

[85] Comme je l’ai expliqué précédemment, il n’est ni évident ni manifeste que la déclaration modifiée ne fournit pas de faits substantiels et de précisions en ce qui a trait à chacun des éléments principaux prévus au paragraphe 52(1) de la Loi.

[86] Quant à la possibilité de fournir des éléments de preuve pour fonder la demande, d’une part, et à l’habileté de Bloomex de répondre à la déclaration modifiée d’autre part, Mme Sun a produit un affidavit prononcé par le fondateur de Bloomex, M. Dmitri Lokhonia. M. Lokhonia a prêté serment et prononcé son affidavit dans le cadre d’une procédure tenue en Australie qui a mené à la décision publiée Australian Competition and Consumer Commission c Bloomex Pty Ltd, [2024] CAF 243 (Cour fédérale de l’Australie) [Bloomex Australia]. Dans son affidavit, M. Lokhonia a fait diverses admissions en lien avec ce que Mme Sun caractérise comme étant [TRADUCTION] « des allégations juridiques substantiellement semblables fondées sur des faits substantiellement semblables ». Mme Sun avance que cet élément de preuve est admissible parce que le paragraphe 221(2) des Règles interdit seulement les éléments de preuve ayant trait à une requête en radiation présentée en application de l’alinéa 221(1)(a) des Règles et, en conséquence, les éléments de preuve sont admissibles dans le cas de requêtes présentées en application des alinéas 221(1)(c) et (f) des Règles.

[87] Bloomex fait valoir dans sa réponse que l’affidavit de M. Lokhonia est inadmissible. À l’appui, Bloomex mentionne trois arguments. Premièrement, elle avance que l’affidavit a trait à une procédure criminelle dans un autre ressort. Deuxièmement, elle affirme que l’affidavit ne comporte [TRADUCTION] « absolument aucun fait substantiel devant notre Cour pour établir que l’action australienne est la même que celle devant notre Cour ». Troisièmement, Bloomex fait valoir que l’affidavit de M. Lokhonia est [TRADUCTION] « un non-respect criant des Règles et une contravention flagrante du paragraphe 221(2) des Règles. »

[88] Je ne suis pas d’accord avec la position de Bloomex selon laquelle l’affidavit de M. Lokhonia est inadmissible en l’espèce.

[89] Mme Sun ne se fie pas sur les énoncés de l’affidavit de M. Lokhonia pour la véracité de leur contenu. Au contraire, elle se fie sur ces énoncés comme fondement que Bloomex a été apte à comprendre [TRADUCTION] « des allégations juridiques substantiellement semblables basées sur des faits substantiellement semblables » et également apte à y répondre dans le cadre d’une procédure qui impliquait un [TRADUCTION] « contexte juridique très semblable ». Étant donné que Mme Sun présente cet affidavit conformément à l’alinéa 221(1)(c) des Règles, et non pas à l’alinéa 221(1)(a), il n’y a pas de violation du paragraphe 221(2) des Règles : Zhao-Jie c TD Waterhouse Canada Inc, 2024 CF 261 au para 20; Specialized Desanders Inc c Enercorp Sand Solutions Inc, 2018 CF 689 au para 38.

[90] Je reconnais que la Cour a signalé que « [l]a requête en radiation des défendeurs, conformément au paragraphe 221(2) des Règles, doit être jugée uniquement en fonction des allégations de la déclaration et des détails […] sans tenir compte des éléments de preuve. Underwriters Laboratories Inc c San Francisco Gifts Ltd, 2009 FC 909 [Underwriters] au para 9. Toutefois, on peut distinguer cette dernière affaire de la présente requête parce qu’il est évident que l’extrait cité porte sur une requête présentée conformément à l’alinéa 221(1)(a) des Règles. La Cour a rejeté la tentative de la défenderesse d’argumenter que sa requête était présentée conformément à une autre disposition de l’article 221 des Règles.

[91] Quant aux différences entre Bloomex Australia et la présente requête, je ne vois pas comment ces différences aideraient la Cour à conclure que l’affidavit de M. Lokhonia est inadmissible en l’espèce.

[92] Quant à la nature des deux procédures, contrairement à ce qu’a affirmé Bloomex, Bloomex Australia n’était pas une affaire de nature véritablement criminelle. Elle concernait des ordonnances proposées de pénalités civiles et de dépens. Par suite de diverses admissions faites par Bloomex, le seul conflit concernait le quantum de ces pénalités et des dépens à imposer à Bloomex : Bloomex Australia aux para 2 et 3. La Cour a pris la peine de faire la distinction entre les « pénalités civiles » qu’elle a imposées et les sanctions « criminelles ». À cet égard, la Cour a remarqué que : [TRADUCTION] « [c]ontrairement aux sanctions criminelles, les pénalités civiles ne visent pas la rétribution et la réhabilitation, mais visent “principalement, voire uniquement, la protection et la promotion de l’intérêt public en ce qui a trait à la conformité” »: Bloomex Australia au para 101, citant Commonwealth v Director, Fair Work Building Industry Inspectorate (2015) 258 CLR 482 aux para 55 et 59. Bloomex n’a pas fourni de jurisprudence à l’appui de sa position selon laquelle un affidavit déposé dans une telle procédure est inadmissible dans un recours collectif envisagé dans une affaire civile pour des dommages demandé en vertu des articles 36 et 52 de la Loi.

[93] Quant au comportement en cause dans la décision Bloomex Australia, il semble avoir été très semblable à celui en cause en l’espèce. Comme en l’espèce, Bloomex a mis en vente ses produits floraux sur son site Web en affichant une image de ces produits, suivie de deux prix : un prix barré et un prix beaucoup plus bas auquel les produits sont offerts en réalité. Bloomex a donné des indications sur la réduction du prix, les évaluations et le prix total de ses produits, qui ne mentionnaient pas de surcharges, lesquelles n’ont été affichées que plus tard dans le processus d’achat.

[94] En outre, comme en l’espèce, la procédure se concentre sur l’interface entre le comportement décrit précédemment et les dispositions législatives interdisant une conduite fausse ou trompeuse : Bloomex Australia aux para 1, 78, 98, 148–150 et 171.

[95] Comme je l’ai déjà signalé, le litige dans la décision Bloomex Australia se limitait au quantum des pénalités et des dépens, parce que Bloomex avait fait diverses admissions : Bloomex Australia aux para 2–3. Entre autres, ces admissions incluent les indications implicites des réductions au prix barré en cause ainsi que les indications en ce qui a trait aux évaluations et aux prix totaux, qui étaient fausses ou trompeuses : Bloomex Australia aux para 25, 36 et 46. Je reconnais que le site Web australien de Bloomex comportaient certaines indications qui ne sont pas en cause en l’espèce, dont les expressions [TRADUCTION] « 50 % de rabais », « moitié prix » et « vous épargnez », soit un montant correspondant à la différence (ou la différence approximative) entre le prix barré et le prix offert : Bloomex Australia aux para 21–22. Toutefois, ces indications additionnelles ne nient pas les similarités importantes entre, d’une part, les faits, les allégations et les dispositions législatives en cause dans la décision Bloomex Australia et, d’autre part, ceux en cause en l’espèce.

[96] Étant donné tout ce qui précède, je suis d’avis que l’affidavit de M. Lokhonia est admissible en preuve, car il permet d’établir qu’il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant les prix barrés est « scandaleuse, frivole ou vexatoire » conformément à l’alinéa 221(1)(c) des Règles.

[97] Mes conclusions à cet égard sont appuyées par le fait que l’affidavit de M. Lokhonia décrit explicitement les similarités importantes entre le modèle d’affaires de Bloomex en Australie et de Bloomex au Canada ainsi que les conditions du marché des deux pays : affidavit de M. Lokhonia aux para 11, 16 et 127. Il décrit également comment les évaluations affichées sur le site Web de Bloomex étaient fondées sur un sondage portant sur le produit qui avait été mené en Australie, au Canada et aux États-Unis, [TRADUCTION] « entre 2013 environ et janvier 2015 » : affidavit M. Lokhonia aux para 58–59.

[98] En outre et tel que je l’ai mentionné au paragraphe 79 ci-dessus, Mme Sun a retenu les services d’un économiste en vue de démontrer dans le cadre de la requête visant à ce que l’instance soit autorisée comme recours collectif que, d’une part, il existe une méthodologie pour établir les dommages à partir des pertes envisagées de la valeur escomptée et, d’autre part, les faits peuvent permettre d’établir les dommages subis par le groupe.

[99] Compte tenu de ce qui précède, je rejette les affirmations de Bloomex selon lesquelles (i) il serait impossible de produire des éléments de preuve pour fonder la demande concernant les prix barrés, y compris les dommages demandés en lien avec celle-ci; (ii) la déclaration modifiée est entièrement inexacte en ce qui a trait à son fondement factuel; et (iii) il est impossible de répondre à la demande concernant les prix barrés. Je suis d’avis qu’il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant les prix barrés est « scandaleuse, frivole ou vexatoire » conformément à l’alinéa 221(1)(c).

(3) Le paragraphe 221(1)(f) des Règles

(a) Principes généraux

[100] Une demande peut être radiée conformément à l’alinéa 221(1)(f) si elle « constitu[e] autrement un abus de procédure ». Dans ce contexte, le mot « autrement » indique que l’abus de procédure doit relever d’un autre motif que ceux prévus aux alinéas 221(1)(a) à (e) : Underwriters au para 9; Bay Limited Partnership c Zellers Inc, 2023 CanLII 45170 (CF) [Zellers] au para 14; Burke c Canada (Service correctionnel), 2023 CF 1350 au para 7.

[101] Ce qui constitue un abus de procédure dépend souvent des circonstances particulières de l’affaire. Toutefois, en l’espèce, il suffit de mentionner que des allégations hypothétiques non fondées sur des éléments de preuve constituent généralement un abus de procédure : AstraZeneca au para 5; Apotex Inc c Allergan, Inc, 2011 CAF 134 au para 4; Zellers au para 14.

(b) Examen

[102] Bloomex fait valoir que la demande concernant les prix barrés est un abus de procédure parce qu’elle ne comporte pas de cause d’action valable et est [TRADUCTION] « par ailleurs non conforme à l’alinéa 221(1)(c) des Règles. »

[103] Cette observation est fondée sur une interprétation de l’alinéa 221(1)(f) des Règles qui la prive de son sens. Essentiellement, d’après Bloomex, la demande concernant les prix barrés constitue un abus de procédure parce qu’elle relève plutôt des alinéas 221(1)(a) et (c) des Règles.

[104] En l’absence de tout autre argument concernant cette question, Bloomex n’a pas établi que cette demande devrait être radiée suivant ce fondement.

(4) Conclusion : la demande concernant les prix barrés

[105] Pour les motifs figurant aux parties VI.B.(1) à (3) qui précèdent, je conclus que Bloomex n’a pas établi que la demande concernant les prix barrés devrait être radiée conformément aux alinéas 221(1)(a), (c) ou (f) des Règles, respectivement.

C. La demande concernant les évaluations devrait-elle être radiée conformément à l’article 221 des Règles?

(1) L’alinéa 221(1)(a) des Règles

(a) Principes généraux

[106] Il est question des principes généraux applicables à l’examen d’une requête faite conformément à l’alinéa 221(1)(a) des Règles à la partie VI.B.(1) des présents motifs. Il n’est pas nécessaire de les répéter ici.

(b) Examen

[107] Bloomex fait des observations semblables relativement à la demande concernant les évaluations qu’elle a faites en lien avec la demande concernant les prix barrés. En d’autres mots, Bloomex avance que la déclaration modifiée (i) ne contient aucun fondement factuel ou élément de preuve à l’appui d’une demande de réparation en lien avec la demande concernant les évaluations, (ii) n’allègue aucun dommage précis subi par Mme Sun, et (iii) n’explique pas comment elle aurait pu subir ces dommages. Bloomex ajoute que, étant donné la façon dont Mme Sun a cadré sa demande de dommages en lien avec la demande concernant les évaluations, il est difficile d’envisager l’existence d’un élément de preuve pouvant l’appuyer.

[108] Je ne suis pas d’accord.

[109] Tout comme pour la demande concernant les prix barrés, la déclaration modifiée contient des faits substantiels et des précisions suffisants en ce qui a trait à la demande concernant les évaluations et chacun des cinq éléments principaux prévus au paragraphe 52(1) de la Loi.

[110] Le premier de ces éléments nécessite que les indications soient faites « sciemment et sans se soucier des conséquences ». Pour les motifs énoncés aux paragraphes 42 à 44 et 46 ci-dessus, je rejette l’argument de Bloomex selon lequel la déclaration modifiée ne contient pas suffisamment de détails pour appuyer une demande de réparation en lien avec cet élément du paragraphe 52(1) de la Loi. Il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant les évaluations est vouée à l’échec en ce qui concerne l’élément « sciemment ou sans se soucier des conséquences » prévu au paragraphe 52(1) de la Loi. J’ajoute au passage que les paragraphes 76 à 77 de la déclaration modifiée contiennent des précisions additionnelles à l’égard de cet élément et de la demande concernant les évaluations.

[111] Le deuxième élément de cette disposition exige une démonstration que la défenderesse a « donn[é] au public […] des indications ». Les faits substantiels et les précisions en lien avec cet élément sont énoncés aux paragraphes 4, 17, 18, 32 à 34, 36 et 51 et 52 de la déclaration modifiée. En somme, ces paragraphes décrivent comment Bloomex affiche des évaluations à côté de ses produits et services floraux sur son site Web. Étant donné les observations faites à ces paragraphes, il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant les évaluations est vouée à l’échec en lien avec cet élément du paragraphe 52(1) des Règles.

[112] Le troisième élément du paragraphe 52(1) de la Loi requiert la démonstration que l’indication est « fausse ou trompeuse » : voir le paragraphe 49 ci-dessus. Au paragraphe 4 de la déclaration modifiée, Mme Sun demande ce qui suit :

[TRADUCTION]
4. [] Ces évaluations prétendent indiquer le degré de satisfaction des clients quant à leur achat de ces services. Toutefois, elles ne sont pas basées sur de véritables évaluations à jour de personnes ayant acheté des produits sur le site Web canadien de Bloomex et ne sont en conséquence pas une indication de la valeur des services floraux de Bloomex.

[113] Aux paragraphes 32 à 34 de la déclaration modifiée, Mme Sun précise en ces termes :

[TRADUCTION]
32. Les évaluations sont des indications fausses et trompeuses concernant la satisfaction des clients à l’égard des produits floraux et/ou des services floraux.

33. Aux moments clés, Bloomex a indiqué, expressément ou implicitement, que les évaluations indiquaient exactement la satisfaction des clients à l’égard de ses produits floraux et/ou services floraux. Toutefois, les évaluations sont statiques et leur date est inconnue de la demanderesse, mais connue de Bloomex; ce sont des évaluations de clients qui ont acheté des produits sur des sites Web non canadiens. En conséquence, les évaluations ne sont pas basées sur de véritables évaluations à jour de clients et ne sont pas une indication de la satisfaction des clients à l’égard des produits floraux et/ou services floraux. Bloomex a cessé d’afficher les évaluations au début 2024.

34. Les évaluations sur la plateforme donnaient l’impression que les produits floraux et/ou services floraux comportaient une valeur plus importante que leur valeur réelle.

[114] Des observations semblables figurent aux paragraphes 51 à 54 de la déclaration modifiée.

[115] Au paragraphe 55, la déclaration modifiée ajoute:

[TRADUCTION]
55. À tous les moments clés, la valeur des produits floraux et/ou services floraux, ou l’un d’entre eux, était moins élevée que la valeur implicite indiquée par les évaluations. À tous les moments clés, Bloomex savait ou aurait dû raisonnablement savoir que c’était le cas.

[116] Étant donné les faits substantiels et les précisions fournies dans les passages cités ci-dessus des paragraphes 4, 32 à 34 et 55 de la déclaration modifiée, il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant les évaluations en lien avec l’élément « faux ou trompeur » prévu au paragraphe 52(1) de la Loi est vouée à l’échec.

[117] Le quatrième élément de cette disposition requiert que les indications en cause soient fausses ou trompeuses « sur un point important » : voir le paragraphe 53 ci-dessus.

[118] Quant à cet élément, l’essence de la demande de Mme Sun figure au paragraphe 62 de la déclaration modifiée, qui mentionne ce qui suit :

[TRADUCTION]
62. À cause des indications de Bloomex quant aux évaluations des produits floraux et/ou services floraux, la demanderesse et les membres du groupe ont obtenu une valeur moindre que ce à quoi ils s’attendaient lorsqu’ils ont acheté ces produits parce que la satisfaction des clients quant aux produits floraux et/ou services floraux était moindre que celle indiquée par l’évaluation. La demanderesse et les membres du groupe ont donc subi une perte et/ou des dommages d’un montant égal à la différence entre le prix payé (soit le prix réduit) et la valeur réelle des produits floraux et/ou les services floraux qui n’étaient pas accompagnés d’une évaluation.

[119] Les demandes qui précèdent sont essentiellement répétées au paragraphe 79 de la déclaration modifiée. Étant donné ces demandes, il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant les évaluations est vouée à l’échec en ce qui a trait à l’élément « sur un point important » prévu au paragraphe 52(1) de la Loi.

[120] Le cinquième et dernier élément du paragraphe 52(1) de la Loi nécessite la démonstration que les indications ont été faites de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir, directement ou indirectement, (a) soit la fourniture ou l’utilisation d’un produit, (b) soit des intérêts commerciaux quelconques : voir les paragraphes 56 et 57 ci-dessus.

[121] Il est question de cet élément au paragraphe 77 de la déclaration modifiée, qui mentionne ce qui suit :

[TRADUCTION]
77. Ce comportement a été adopté en vue de promouvoir, directement ou indirectement, la fourniture ou l’utilisation de produits floraux et/ou services floraux, et/ou aux fins de promouvoir, directement ou indirectement, les intérêts commerciaux de Bloomex en attirant des clients pour qu’ils achètent leurs produits floraux et/ou services floraux.

[122] Il est clair d’après le contexte que le « comportement » en question est le fait d’avoir donné des indications, soit les évaluations des produits floraux et/ou services floraux de Bloomex. Dans la mesure où l’on peut inférer suivant le bon sens que la demande concernant les évaluations a été faite pour les fins énoncées au paragraphe 77 de la déclaration modifiée, je suis d’avis qu’il n’est ni évident ni manifeste que cette demande est vouée à l’échec en ce qui a trait au cinquième élément du paragraphe 52(1) de la Loi.

[123] En somme, pour les motifs qui précèdent, je conclus que la déclaration modifiée contient suffisamment de faits substantiels et de précisions en ce qui a trait à la demande concernant les évaluations, y compris pour chacun des cinq éléments principaux du paragraphe 52(1) de la Loi. Il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant les évaluations est vouée à l’échec en ce qui a trait à ces éléments. Les faits substantiels et les précisions de la demande faite en lien avec ces éléments sont suffisants pour les fins de la présente requête.

[124] Je vais maintenant traiter les arguments de Bloomex selon lesquels la déclaration modifiée ne mentionne aucune allégation concernant les dommages précis subis par Mme Sun et qu’elle n’explique pas non plus comment elle a pu subir ces dommages.

[125] Au paragraphe 59 de la déclaration modifiée, Mme Sun affirme précisément qu’elle et les membres du groupe [TRADUCTION] « ont subi une perte et/ou des dommages » « par suite de la contravention ou les contraventions de Bloomex à la Loi sur la concurrence ».

[126] Au paragraphe 62 de la déclaration modifiée, reproduit au paragraphe 118 des présents motifs, Mme Sun a expliqué la nature des dommages qu’elle et les membres du groupe auraient subis par suite des évaluations. Ces dommages sont le fait que les membres du groupe [TRADUCTION] « ont obtenu une valeur moindre que ce à quoi ils s’attendaient lorsqu’ils ont acheté ces produits parce que la satisfaction des clients quant produits floraux et/ou services floraux était moindre que ce qui était indiqué dans les évaluations ». Mme Sun prétend que ces dommages équivalent à [TRADUCTION] « la différence entre le prix payé (soit le prix réduit) et la valeur réelle des produits floraux et/ou services floraux non accompagnés d’une évaluation. »

[127] La déclaration modifiée réitère essentiellement la même demande que celle du paragraphe 79, lequel énonce ce qui suit :

[TRADUCTION]
79. En raison des contraventions de Bloomex à l’article 52 de la Loi sur la concurrence, la demanderesse et les membres du groupe ont subi une perte et/ou des dommages. En particulier, la demanderesse et les membres du groupe ont obtenu une valeur moindre que ce à quoi ils s’attendaient lorsqu’ils ont acheté les produits floraux et/ou services floraux parce que la valeur de ces produits était moindre que la valeur que Bloomex avait indiquée, notamment au moyen de l’évaluation figurant à côté du produit.

[128] Ces précisions combinées à la demande en lien avec la manière dont les indications étaient affichées sur le site Web ainsi que l’achat de fleurs par Mme Sun sur le site Web le 13 mai 2023 expliquent comment elle a pu subir les dommages qu’elle affirme avoir subis. Ces précisions sont suffisantes pour les fins de la présente requête. Il est entendu qu’elles fournissent à Bloomex suffisamment de faits substantiels et de précisions pour connaître la preuve qu’elle aura à réfuter. Il n’est ni évident ni manifeste qu’elles sont vouées à l’échec.

[129] Quant au lien causal entre la demande concernant les évaluations et les dommages que Mme Sun affirme avoir subis, cette question a été traitée initialement, de façon générale, au paragraphe 59 de la déclaration modifiée, où Mme Sun expliquait qu’elle et les membres du groupe ont subi une perte et/ou des dommages [TRADUCTION] « par suite des diverses contraventions de Bloomex [nos soulignements] à la Loi. La déclaration modifiée précise cette question par la suite aux paragraphes 60 à 62. Pour les fins de la présente affaire, le passage pertinent est le paragraphe 62, qui est reproduit au paragraphe 118 ci-dessus. Au début de ce paragraphe, Mme Sun affirme avoir subi des dommages [TRADUCTION] « par suite » des indications, que sont les évaluations.

[130] Ce lien causal est répété au paragraphe 79 de la déclaration modifiée, qui est reproduit au paragraphe 127 ci-dessus. Le lien est répété également au paragraphe 88 de la déclaration modifiée. Ces deux paragraphes énoncent précisément que Mme Sun et les membres du groupe ont subi une perte et/ou des dommages « par suite » des indications, que sont les évaluations.

[131] Il reste à prendre en compte si cet acte de procédure est suffisant pour fonder une cause d’action valable en vertu du paragraphe 36(1) de la Loi et en ce qui a trait à la contravention alléguée à l’article 52 de la Loi. Bien que la déclaration modifiée précise, au paragraphe 56, que Mme Sun et les membres du groupe [TRADUCTION] « se sont raisonnablement fiés » aux indications du prix barré, aucune allégation concernant la confiance préjudiciable n’est faite dans la déclaration modifiée en ce qui a trait aux évaluations indiquées.

[132] La jurisprudence de la Cour semble exiger que les demandeurs plaident explicitement et qu’ils établissent qu’ils se sont fiés, à leur détriment, aux indications fausses ou trompeuses alléguées : Murphy c Compagnie Amway Canada, 2015 CF 958 aux para 82–83; Living Sky Water Solutions Corp c ICF Pty Ltd, 2018 CF 876 aux para 32–34; et Lin c Airbnb, Inc, 2019 CF 1563 au para 71.

[133] Toutefois, une jurisprudence ultérieure issue d’autres cours mentionne qu’il n’est pas nécessaire de plaider la confiance préjudiciable dans toutes les situations. Je reconnais que les circonstances dans lesquelles cette position a été adoptée ont parfois impliqué des demandes faites par des demandeurs qui n’avaient pas acheté des produits directement auprès des défendeurs : Valeant Canada LP/Valeant Canada SEC v British Columbia, 2022 BCCA 366 aux para 225–232; Live Nation Entertainment v Gomel, 2023 BCCA 274 aux para 119–126, demande d’autorisation d’appel à la CSC refusée, 40930 (4 avril 2024). Toutefois, dans au moins deux décisions ontariennes, la cour a tranché qu’un demandeur ayant acheté des produits directement auprès des défendeurs n’avait pas à plaider précisément la confiance préjudiciable : Rebuck v Ford Motor Company, 2018 ONSC 7405 [Rebuck] aux para 32–35; Drynan v Bausch Health Companies Inc, 2021 ONSC 7423 [Drynan] aux para 178–184. Bien que certaines décisions ultérieures n’ont pas suivi ce courant jurisprudentiel (voir p. ex., Hoy c Expedia Group Inc, 2022 ONSC 6650 au para 116; Lewis v Uber Canada Inc et al, 2023 ONSC 6190 [Lewis] au para 74), on peut affirmer que le droit sur cette question demeure quelque peu hésitant. Dans ce qui semble la décision la plus récente sur ce point, le juge Akbarali a passé en revue en grande partie la jurisprudence et a admis avoir caractérisé ce critère de façon trop stricte dans la décision Lewis. Il a conclu que, pour les demandes faites en application de l’article 52 de la Loi, [TRADUCTION] « un lien causal, qui est souvent la confiance, est requis, mais pas toujours » : Mackinnon v Volkswagen Group Canada Inc, et al, 2024 ONSC 4988 aux para 182–192.

[134] Étant donné les motifs qui précèdent, je suis d’avis qu’il n’est ni manifeste ni évident que la demande concernant les évaluations est vouée à l’échec parce qu’elle n’inclut pas d’allégation de confiance préjudiciable de la part de Mme Sun et des membres du groupe.

[135] Je m’arrête ici pour noter que les pertes demandées en ce qui a trait à la valeur escomptée sont semblables à celles qui ont été demandées dans les affaires Rebuck et Drynan, où il n’avait pas été nécessaire de plaider la confiance préjudiciable : voir Rebuck aux para 32–35; Drynan aux para 178–184. Ces nouvelles observations ne devraient donc pas être radiées à ce stade de la procédure : Mohr v National Hockey League, 2022 FCA 145 au para 48.

[136] Étant donné ce qui précède, et uniquement en ce qui a trait à la présente requête, je suis d’avis que Mme Sun a adéquatement plaidé avoir subi les dommages demandés en lien avec les évaluations par suite de ces demandes conformément au paragraphe 36(1) de la Loi : voir le paragraphe 66 ci-dessus.

[137] En conséquence, la demande de Bloomex voulant que la demande concernant les évaluations soit radiée conformément à l’alinéa 221(1)(a) des Règles sera rejetée.

(2) L’alinéa 221(1)(c) des Règles

[138] Il est question des principes généraux applicables à l’évaluation de la requête faite en application de l’alinéa 221(1)(c) des Règles à la partie VI.B.(2) des présents motifs. Il n’est pas nécessaire de les répéter ici.

[139] Bloomex avance les mêmes arguments concernant cet alinéa que ceux qu’elle a fait valoir en lien avec la demande concernant les prix barrés. Pour les motifs énoncés aux paragraphes 83 à 98 des présents motifs, je rejette ces arguments. J’estime qu’il n’est ni évident ni manifeste que la demande concernant les évaluations est « scandaleuse, frivole ou vexatoire » conformément à l’alinéa 221(1)(c) des Règles.

(3) L’alinéa 221(1)(f) des Règles

[140] Il est question des principes généraux applicables à l’évaluation de la requête conformément à l’alinéa 221(1)(f) des Règles à la partie VI.B.(3) des présents motifs. Il n’est pas nécessaire de les répéter ici.

[141] Une fois encore, Bloomex fait valoir les mêmes arguments concernant cet alinéa que ceux qu’elle avait avancés en lien avec la demande concernant les prix barrés. Pour les motifs énoncés aux paragraphes 102 à 104 des présents motifs, je rejette ces arguments.

(4) Conclusion : la demande concernant les évaluations

[142] Pour les motifs qui précèdent, la demande de Bloomex voulant que la demande concernant les évaluations soit radiée conformément aux alinéas 221(1)(a), (c) et (f) des Règles sera rejetée.

D. Mme Sun devrait-elle avoir l’autorisation de modifier sa déclaration modifiée?

[143] Étant donné que Bloomex n’a pas démontré que la demande concernant les prix barrés ou la demande concernant les évaluations devraient être radiées conformément aux alinéas 221(1)(a), (c) ou (f) des Règles, il n’est pas nécessaire d’accueillir la demande de Mme Sun de modifier sa déclaration modifiée.

VII. Conclusion

[144] Pour les motifs énoncés à la partie VI.A. des présents motifs, la demande de Bloomex de faire radier les paragraphes 9 et 18 à 29 de la déclaration modifiée parce qu’ils contiennent des éléments de preuve inadmissibles sera accueillie en partie. Particulièrement, la deuxième phrase du paragraphe 9 et les paragraphes 19 à 27 en entier seront radiés pour cette raison. Toutefois, la première phrase du paragraphe 9 ainsi que les paragraphes 18, 28 et 29 en entier ne seront pas radiés parce qu’ils contiennent des détails utiles pour fonder les demandes de Mme Sun, aident à cadrer ces demandes et favorisent la compréhension de la Cour.

[145] Pour les motifs énoncés à la partie VI.B. des présents motifs, Bloomex n’a pas démontré que la demande concernant les prix barrés devrait être radiée conformément aux alinéas 221(1)(a), (c) ou (f) des Règles. En conséquence, la requête de Bloomex en ce qui a trait aux demandes concernant les prix barrés sera rejetée.

[146] Pour les motifs énoncés à la partie VI.C. des présents motifs, Bloomex n’a également pas établi que la demande concernant les évaluations devrait être radiée conformément aux alinéas 221(1)(a), (c) ou (f) des Règles. En conséquence, la demande de Bloomex de faire radier cette demande conformément à ces alinéas sera rejetée.

[147] Dans l’ordonnance qui suit, je modifierai également une disposition de l’ordonnance rendue par le juge adjoint Ring le 17 septembre 2024, qui avait accueilli la demande de Bloomex portant que la présente requête soit entendue avant la requête de Mme Sun visant à ce que l’instance soit autorisée comme recours collectif. Cette ordonnance avait également établi un échéancier pour l’achèvement de diverses étapes précédant l’audience de la présente requête et fixé la date de l’audience.

[148] Cette ordonnance a été rendue après une conférence de gestion de la cause que j’ai co-présidée avec le juge adjoint Ring le 13 septembre 2024 afin de discuter de la demande de Bloomex mentionnée ci-dessus. Avant d’accueillir la demande, le juge adjoint Ring avait mentionné certains enjeux tels l’économie judiciaire, y compris un scénario dans lequel la Cour n’accueillerait pas la présente requête en radiation. Compte tenu de ce scénario, nous avons décidé qu’il serait préférable que l’ordonnance rendue à l’issue de la présente requête soit déterminante en ce qui a trait au premier élément du critère prévu au paragraphe 334.16(1) des Règles, soit que l’acte de procédure comporte une cause d’action valable.

[149] Les parties se sont finalement entendues pour inclure une disposition dans l’ordonnance accueillant la demande de Bloomex selon laquelle la présente requête devrait être entendue avant la requête de Mme Sun visant l’autorisation de l’instance comme recours collectif. En conséquence, une telle disposition a été ajoutée à l’ordonnance du juge adjoint Ring rendue le 17 septembre 2024.

[150] Toutefois, étant donné que Bloomex a abandonné sa demande d’ordonnance en radiation de la déclaration modifiée en entier, je suis d’avis qu’il faudrait modifier la disposition ajoutée à l’ordonnance du juge adjoint Ring. En particulier, pour les fins du premier élément du critère du paragraphe 334.16(1) des Règles, mon ordonnance à l’égard de la présente requête ne s’appliquera donc qu’à (i) la demande concernant les prix barrés et à la demande concernant les évaluations, demandes à l’égard desquelles Bloomex n’a pas eu gain de cause dans la présente requête en application du paragraphe 221(1) des Règles; mon ordonnance s’appliquera également à (ii) la demande concernant les surcharges, au sujet de laquelle Bloomex a concédé durant l’audience qu’elle répond au critère « évident et manifeste ». Étant donné que la défenderesse n’a pas tenté de faire radier la demande ayant trait à l’enrichissement injustifié, il ne serait ni juste ni équitable que mon ordonnance à l’égard de la présente requête s’applique à cette demande, au regard de l’alinéa 334.16(1)(a) des Règles.

VIII. Dépens

[151] La Cour dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire quant au montant et à l’adjudication des dépens : paragraphe 400(1) des Règles; Eli Lilly et Company c Teva Canada Limited, 2011 CAF 220 au para 55; Little Sisters Book et Art Emporium v Canada (Commissaire des Douanes et du Revenu), 2007 CSC 2 aux para 47 et 49. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé conformément aux principes établis quant aux dépens, à moins que les circonstances ne justifient une autre approche : Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71 [Bande indienne Okanagan] au para 22; Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2017 CAF 25 au para 19.

[152] Les principaux facteurs que la Cour peut prendre en compte lorsqu’elle détermine les dépens sont énoncés dans une liste non exhaustive au paragraphe 400(3) des Règles.

[153] Selon la règle générale, la partie ayant gain de cause a droit aux dépens, même si elle n’a pas eu gain de cause en ce qui a trait à chacun des arguments avancés : Bande indienne Okanagan aux para 20–21; Raydan Manufacturing Ltd v Emmanuel Simard & Fils (1983) Inc, 2006 CAF 293 aux para 2–5. Toutefois, la Cour peut s’écarter de cette approche uniquement dans les cas véritablement de « succès partagé » ou résultats mitigés : Eurocopter v Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 842 aux para 27 et 56, conf par 2013 CAF 220 aux para 10 et 15; Sanofi-Aventis Canada Inc c Novopharm Limited, 2009 CF 1139 aux para 8–9; Apotex Inc c Sanofi-Aventis, 2012 CF 318 au para 11; Bristol-myers Squibb Canada Co c Teva Canada Limited, 2016 CF 991 aux para 9–14.

[154] À mon sens, l’issue de la présente requête correspond à ce que l’on entend par « résultats mitigés ». Bref, Bloomex a eu largement gain de cause en ce qui a trait à la demande de radiation des passages de la déclaration modifiée, qui, selon elle, contiennent des éléments de preuve inadmissibles. En revanche, Mme Sun a réussi à réfuter la demande de Bloomex de faire radier la demande concernant les prix barrés et la demande concernant les évaluations.

[155] Étant donné que Mme Sun a largement obtenu gain de cause dans la présente requête, j’estime équitable de lui octroyer des dépens au montant de 5,000 $.


ORDONNANCE dans le dossier T-545-24

LA COUR ORDONNE :

  1. La deuxième phrase du paragraphe 9 de la déclaration modifiée à nouveau (la « déclaration modifiée ») ainsi que tout le contenu des paragraphes 19 à 27 sont radiés de la déclaration modifiée.

  2. La demande de Bloomex visant la radiation de la première phrase du paragraphe 9 de même que des paragraphes 18, 28 et 29 de la déclaration modifiée est rejetée.

  3. La demande de Bloomex visant la radiation de la demande concernant les prix barrés et de la demande concernant les évaluations de la déclaration modifiée est rejetée.

  4. Il est adjugé à Mme Sun une somme globale en dépens s’élevant à 5,000 $.

  5. Le paragraphe 7 de l’ordonnance de la Cour du 17 septembre 2024 dans l’action en cours est modifié comme suit :

[TRADUCTION]
7. L’ordonnance concernant la requête en radiation de la défenderesse sera déterminante en ce qui a trait au premier élément du critère, soit la question de savoir si l’acte de procédure comporte une cause d’action valable, conformément à l’alinéa 334.16(1)(a) des Règles; elle sera déterminante uniquement à l’égard de la demande concernant les prix barrés, de la demande concernant les évaluations et de la demande concernant les surcharges.

“Paul S. Crampton”

Juge en chef

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Ayotte, jurilinguiste principale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-545-24

INTITULÉ :

DIANA SUN c BLOOMEX, INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANnIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 17 avRIL 2025

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON.

DATE :

LE 11 JUILLET 2025

COMPARUTIONS :

Saro Turner

Justin Giovannetti

Chris Shanks

POUR LA DEMANDERESSE

Michael Hebert

Nathan Adams

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Slater Vecchio LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Mann Lawyers LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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