Date : 20250822
Dossier : IMM-14462-24
Référence : 2025 CF 1406
Ottawa (Ontario), le 22 août 2025
En présence de l'honorable monsieur le juge Lafrenière
ENTRE : |
MONICA MARIA SANMARTIN RESTREPO |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d’une décision d’un agent du ministère d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] rejetant sa demande de résidence permanente fondée sur la Politique d’intérêt public temporaire visant à faciliter la délivrance de visas de résident permanent à certains ressortissants colombiens, haïtiens et vénézuéliens ayant de la famille au Canada [Politique] au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité.
[2] La demanderesse prétend que l’agent a appliqué une interprétation restrictive des critères de la Politique en exigeant une présence physique en Amérique du Sud, en Amérique centrale, au Mexique ou dans les Caraïbes qui n'était pas explicitement stipulée au début du programme et qui ne reflète pas l’esprit du programme.
[3] À l’audience, j’ai annoncé ma décision de rejeter la demande, précisant que des motifs écrits suivraient. Voici mes motifs.
[4] Je constate d’emblée que le recours de la demanderesse ne précise pas quelle décision est contestée. Dans sa Demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire [DACJ] déposée le 12 août 2024, la demanderesse cherche l’annulation de « la décision du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de rejet la demande de résidence permanente … (de la demanderesse) sous le programme humanitaire. »
Cependant, selon les informations contenues dans sa DACJ, la demanderesse semble plutôt contester deux décisions, soit : (1) la lettre de refus d’IRCC datée le 22 décembre 2023; et (2) la « Réponse négative de IRCC (à) la reconsidération »
datée le 8 juillet 2024.
[5] La décision initiale de l'agent de migration d’IRCC, qui est rédigée uniquement en anglais, indique que la demande de visa de résident permanent soumise par la demanderesse est refusée car l’agent n’est pas satisfait qu’elle remplisse les conditions établies par la Politique, pour le simple motif suivant: «
You have not demonstrated that you resided in Central/South America, Mexico, or the Caribbean at the time of your application. »
[TRADUCTION] « Vous n’avez pas démontré que vous résidiez en Amérique centrale/du Sud, au Mexique ou dans les Caraïbes au moment de votre demande. »
[6] Je conviens que cette décision n’est pas intelligible ou justifiée puisque la question de résidence de la demanderesse n’a aucun rapport avec les critères à évaluer selon la Politique. Cependant, la décision en réexamen n’est pas entachée de la même erreur. Je m’explique.
[7] La demanderesse est une citoyenne colombienne. Le 4 août 2023, la demanderesse et son mari sont entrés au Canada au moyen d’un visa de résident temporaire pour rendre visite à la sœur de la demanderesse.
[8] Le 19 novembre 2023, alors qu’elle était toujours en visite chez sa sœur, la demanderesse a présenté une demande de visa de résident permanent fondée sur la Politique. La Politique en vigueur au moment où la demanderesse a présenté sa demande prévoyait que « l’étranger »
devait établir, entre autres, qu’il « est un ressortissant de la Colombie, d’Haïti or du Venezuela »
et « se trouve en Amérique du Sud, en Amérique centrale ou dans les Caraïbes »
[mon soulignement]. De son propre aveu, la demanderesse était au Canada lorsqu’elle a soumis sa demande.
[9] La demanderesse soumet que la Politique ne stipulait pas clairement, le 19 novembre 2023, l'exigence de présence physique comme condition de recevabilité au moment de sa demande. Je ne peux souscrire à un tel argument. Il n’y a aucune ambiguïté ou incertitude quant à la signification de l’expression « se trouver »
dans la version française et «
is in »
dans la version anglaise de la Politique. Peu importe qu’une mise à jour a été portée à la Politique par après précisant que « [l]e demandeur principal doit être physiquement présent [dans l’une des régions visées] au moment de la demande »
. La Politique prévoyait expressément que, pour être admissible, la demanderesse devait se trouver dans l’une des régions visées. Dans le même ordre d’idées, le Guide publié à l’intention des demandeurs, Guide 5991 – Voie d’accès à la résidence permanente pour les ressortissants Colombiens, Haïtiens et Vénézuéliens, prévoyait que le demandeur principal doit « être en »
, «
be in »
, l’une des régions visées lorsqu’il soumet sa demande.
[10] Cette exigence de « se trouver »
et « être en »
, qui fait clairement référence à la présence physique dans les régions visées, est conforme avec l’intention du législateur qui était d’offrir une solution de rechange sécuritaire à la migration irrégulière pour les ressortissants colombiens, haïtiens et vénézuéliens qui ont de la famille au Canada et ainsi éviter que ces personnes empruntent des itinéraires dangereux à destination du Canada.
[11] À mon avis, il était donc loisible à l’agent de réexamen de conclure comme suit :
“I note that the principal applicant did not meet the eligibility requirements/conditions of this public policy as was not in South or Central America, Mexico or the Caribbean at the time of the application. The PA acknowledges being in Canada at the time of the application but indicates this is separate from residence - which is in Colombia. However, as per the departmental Program Delivery Instructions, applicants must be in Central America or South America, the Caribbean or Mexico at time of application…For this reason, reconsideration is not warranted.”
[TRADUCTION]
Je constate que la demanderesse principale ne remplissait pas les conditions d'admissibilité de cette politique publique, car (elle) ne se trouvait pas en Amérique du Sud, en Amérique centrale, au Mexique ou dans les Caraïbes au moment de la demande. La demanderesse principale reconnaît être au Canada au moment de la demande, mais indique que ce statut est distinct de sa résidence, qui est en Colombie. Cependant, conformément aux instructions ministérielles relatives à l'exécution des programmes, les demandeurs doivent se trouver en Amérique centrale, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes ou au Mexique au moment de la demande... Pour cette raison, un réexamen n'est pas justifié.
[12] La décision en réexamen est transparente, intelligible et bien étayée par les faits et le droit applicables. Par conséquent, la demande est rejetée.
[13] Le présent dossier ne soulève aucune question grave de portée générale qui mérite d’être certifiée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-14462-24
LA COUR STATUE que :
-
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
-
Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.
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« Roger R. Lafrenière » |
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Juge |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-14462-24 |
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INTITULÉ : |
MONICA MARIA SANMARTIN RESTREPO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L'IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
PAR VIDéOCONFÉRENCE |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 20 août 2025 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE LAFRENIÈRE |
|
DATE DES MOTIFS : |
LE 22 AOÛT 2025 |
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COMPARUTIONS :
Richard Wazana |
Pour la demanderesse |
Larissa Foucault |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Wazana Law Avocat Toronto (Ontario) |
Pour la demanderesse |
Procureure générale du Canada Toronto (Ontario) |
Pour le défendeur |