Dossiers : IMM-807-24
IMM-13818-23
Référence : 2025 CF 1333
Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2025
En présence de monsieur le juge McHaffie
Dossier: IMM-807-24 |
ENTRE : |
ELIE AKL |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
défendeur |
Dossier: IMM-13818-22 |
ET ENTRE : |
ELIE AKL |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Elie Akl sollicite le contrôle judiciaire de deux décisions ayant respectivement mené à la prise d’une mesure d’exclusion et d’une mesure d’expulsion à son égard. La décision du délégué du ministre de prendre une mesure d’exclusion contre lui en vertu de l’article 228 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR] est au cœur de ces deux demandes. Cette décision est fondée sur son interdiction de territoire pour avoir cherché à entrer au Canada pour y étudier sans détenir un visa d’études, en contravention de l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR] et de l’article 9 du RIPR.
[2] La mesure d’expulsion prise contre M. Akl par un autre délégué du ministre est fondée sur sa tentative de revenir au Canada sans autorisation alors que la mesure d’exclusion prise contre lui était encore valide. M. Akl soutient que cette décision est déraisonnable puisqu’elle se fonde sur la décision déraisonnable du délégué du ministre quant à la mesure d’exclusion. Il présente aussi des arguments liés à l’équité de la procédure ayant mené aux deux décisions.
[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision du délégué du ministre quant à la mesure d’exclusion ne répond pas aux exigences d’une décision raisonnable. En particulier, la décision va à l’encontre de la jurisprudence de cette Cour selon laquelle une détermination à l’effet qu’un demandeur a travaillé (ou, dans le cas actuel, étudié) sans autorisation dans le passé peut mener au refus d’une demande de visa mais ne peut pas, en elle-même, justifier une mesure d’exclusion. Le caractère déraisonnable de cette analyse exige que cette décision, et la mesure d’expulsion qui se fonde sur celle-ci, soient annulées. Considérant que cette conclusion est déterminante, je n’ai pas à me prononcer sur les arguments de M. Akl fondés sur l’équité procédurale.
[4] Les demandes de contrôle judiciaires sont donc accueillies.
II. La question en litige et la norme de contrôle
[5] Comme accepté par les parties, la norme de contrôle applicable aux deux décisions contestées est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16–17, 23–25; Cox c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1414 au para 16.
[6] La question déterminante est donc de savoir si la décision du délégué du ministre de prendre une mesure d’exclusion à l’encontre de M. Akl est raisonnable.
[7] Une décision raisonnable est une décision qui est cohérente, transparente, intelligible et justifiée à la lumière des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci: Vavilov aux para 15, 85–86, 99–102. Les contraintes factuelles concernent les faits et la preuve dont dispose le décideur administratif. La Cour n’interviendra sur les conclusions factuelles que si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte : Vavilov aux para 125–126. Les contraintes juridiques ayant une incidence sur une décision comprennent le régime législatif applicable et la jurisprudence contraignante : Vavilov aux para 106, 108, 111–112.
III. Analyse
A. Le contexte factuel
[8] M. Akl est un citoyen du Liban ayant la résidence permanente aux États-Unis. En décembre 2021, il entre au Canada avec un permis d’études pour poursuivre des études au Collège Lasalle.
[9] En décembre 2022, M. Akl obtient un second permis d’études valide jusqu’au 31 août 2023 lui permettant de poursuivre des études au certificat en administration des affaires à l’Université du Québec à Montréal [UQAM]. Il débute son programme à l’hiver 2023.
[10] En mai 2023, il est admis au programme de certificat en finance à l’UQAM pour l’automne 2023 à condition qu’il obtienne une cote académique supérieure à 2.00/4.3 lors de ses études au certificat en administration. M. Akl suit des cours à l’été 2023 pour pouvoir améliorer sa cote académique et ainsi maintenir son admission dans ce deuxième certificat.
[11] En juin 2023, M. Akl reçoit des résultats suffisants à ses cours d’été, ce qui lui permet de maintenir son admission au certificat en finance et de postuler pour obtenir un Certificat d’acceptation du Québec [CAQ], document essentiel au renouvellement de son permis d’études pour la poursuite de ce deuxième certificat à l’UQAM.
[12] En août 2023, M. Akl se rend au Liban pour obtenir un relevé financier à jour de son père ainsi que pour obtenir sa signature manuscrite sur ce document. Ce document et cette signature sont nécessaires pour pouvoir démontrer ses capacités financières en vue de l’obtention d’un CAQ.
[13] Le 4 septembre 2023, M. Akl revient au Canada et se présente à titre de visiteur en tant que résident permanent américain puisque son autorisation d’études a expiré le 31 août dernier. À son entrée, il indique qu’il souhaite entrer au Canada en tant que visiteur dans l’attente de l’obtention d’un permis d’études valide pour poursuivre ses études. Il est admis au Canada sur cette base.
[14] Avant de déposer sa nouvelle demande de permis d’études, M. Akl s’entretient avec un conseiller en immigration à l’UQAM. Ce dernier lui indique que s’il n’a pas obtenu son permis d’études avant le 9 octobre 2023, sa session d’automne 2023 sera reportée à l’hiver 2024.
B. La mesure d’exclusion
[15] Le 16 octobre 2023, M. Akl obtient son CAQ. Le 18 octobre 2023, il se rend au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle pour effectuer un « tour du poteau »
et présenter une demande de permis d’études. La pratique du « tour du poteau »
ou « aller-retour »
à un poste frontalier permettait à l’époque à une personne de quitter le Canada en traversant la frontière américaine pour y revenir, la plupart du temps immédiatement, et demander le renouvellement d’un permis: voir Paranych c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 158 au para 5.
[16] Au soutien de sa demande de permis d’études, M. Akl présente sa lettre d’admission au certificat en finance de l’UQAM pour la session d’automne 2023, son CAQ obtenu le 16 octobre 2023 et son second permis d’études expiré depuis le 31 août 2023.
[17] Un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] examine sa demande et lui pose diverses questions sur ses activités au Canada depuis son retour au pays le 4 septembre 2023. Lors de cette entrevue, M. Akl affirme avoir suivi des cours en ligne depuis son retour au Canada. Il affirme aussi avoir un examen le jour même, mais qu’il ne peut plus étudier depuis le 9 octobre, car il doit soumettre des documents.
[18] L’agent de l’ASFC conclut que M. Akl a étudié sans autorisation au Canada depuis son retour au pays en septembre dernier. L’agent de l’ASFC rédige un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR déclarant que M. Akl est interdit du territoire en vertu de l’article 41 de la LIPR:
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[19] Selon l’agent de l’ASFC, M. Akl aurait contrevenu à l’alinéa 20(1)b) de la LIPR et à l’article 9 du RIPR :
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[20] La même journée, une mesure d’exclusion est prise contre M. Akl par le délégué du ministre en vertu du paragraphe 228(1)(c)(iii) du RIPR :
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[21] La mesure d’exclusion mentionne que M. Akl ne peut pas revenir au Canada sans autorisation pour une période d’un an. Cette mesure d’exclusion fait l’objet de sa première demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-13818-23.
C. La mesure d’expulsion
[22] Le 26 octobre 2023, M. Akl tente de revenir au Canada au même poste frontalier. Les autorités canadiennes l’informent qu’il ne peut pas revenir au Canada sans autorisation de retour pendant une période d’un an, comme prévu par la mesure d’exclusion. Il est alors autorisé à retourner aux États-Unis et aucune autre mesure n’est prise contre lui à ce moment.
[23] Le 2 janvier 2024, M. Akl se présente au poste frontalier de Stanstead et souhaite de nouveau entrer au Canada sans toutefois posséder d’autorisation de retour. Un agent de l’ASFC produit alors un nouveau rapport d’interdiction de territoire sous le paragraphe 44(1) de la LIPR contre lui pour avoir tenté d’entrer au Canada sans autorisation alors que la mesure d’exclusion prise contre lui est encore valide.
[24] Une mesure d’expulsion est alors prise contre lui par le délégué du ministre. Cette mesure d’expulsion fait l’objet de sa seconde demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-807-24.
D. La décision du délégué du ministre quant à la mesure d’exclusion est déraisonnable
[25] M. Akl soutient que la décision du délégué du ministre est déraisonnable puisqu’aucune analyse de la notion d’ « études »
ou d’ « étudiant »
au sens de la LIPR ou du RIPR n’a été réalisée pour conclure qu’il avait étudié sans autorisation. Il soutient aussi que l’analyse de sa demande de permis d’études devait porter sur sa conduite future et non uniquement sur sa conduite passée, et que, dans tous les cas, le délégué du ministre ne pouvait prendre une mesure d’exclusion pour une violation alléguée de l’article 9 du RIPR. M. Akl invoque les décisions Gupta c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1086, Yang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 383 et Paranych pour soutenir ce dernier argument.
[26] Quant au ministre, il suggère que le délégué du ministre pouvait prononcer une mesure d’exclusion à l’égard de M. Akl et cite les décisions Atmani c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2022 CF 351, ET Talbi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2022 CF 350, Diakité c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1268 et Laissi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 393 au soutien de cette prétention. Il soutient aussi que, même si on n’en voit aucune référence dans les documents, l’agent de l’ASFC a implicitement refusé la demande de permis d’études de M. Akl en vertu de l’article 221 du RIPR.
[27] M. Akl présente des arguments solides quant à l’absence d’analyse par l’agent de l’ASFC de la notion d’ « études »
au sens du cadre juridique applicable. Cependant, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la détermination de l’agent de l’ASFC, et donc du délégué du ministre, selon laquelle M. Akl a étudié sans permis d’études au mois de septembre et d’octobre 2023. Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que la prise par le délégué du ministre d’une mesure d’exclusion pour une violation alléguée de l’article 9 du RIPR n’est pas justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur cette décision : Vavilov au para 99.
[28] J’arrive à cette conclusion pour deux raisons : (1) il était déraisonnable de conclure que M. Akl était en violation de l’alinéa 20(1)b) de la LIPR et de l’article 9 du RIPR; et (2) le délégué du ministre n’avait pas le pouvoir de prendre une mesure d’exclusion fondée sur la prétendue violation d’avoir étudié sans autorisation.
(1) La violation alléguée de l’alinéa 20(1)b) de la LIPR et de l’article 9 du RIPR
[29] Comme mentionné ci-dessus, la mesure d’exclusion prise contre M. Akl est fondée sur l’article 41 de la LIPR qui emporte interdiction de territoire pour un manquement à la LIPR. Selon le rapport 44(1), ce manquement se rapporte à l’alinéa 20(1)b) de la LIPR aux termes desquels un étranger qui cherche à entrer au Canada doit démontrer qu’il détient « les visas et autres documents réglementaires »
.
[30] Au moment il a tenté de traverser la frontière, M. Akl possédait les « visas ou autres documents réglementaires »
pour entrer au Canada. Après son séjour au Liban, sa résidence permanente américaine l’autorisait à entrer et demeurer au Canada en tant que visiteur après l’expiration de son permis d’études. Lorsque M. Akl s’est présenté à la frontière, il avait encore le droit d’entrer au Canada en tant que visiteur. La validité de sa période de séjour autorisé n’a pas été remise en question par les parties.
[31] De toute façon, il est à noter que, même sans considérer la pratique du « tour du poteau »
, le ministre accepte qu’un résident permanent des États-Unis puisse faire une demande de permis d’études « au moment de son entrée au Canada »
: RIPR, art 214. Par définition, une personne qui fait une telle demande ne détient pas encore un permis d’études. Il défie la logique de suggérer que cette personne, en faisant quelque chose d’expressément permis par le RIPR, contrevient l’alinéa 20(1)b) de la LIPR et, comme résultat, est interdit de territoire selon l’article 41 de la LIPR.
[32] Quant à l’article 9 du RIPR, il prévoit qu’un « étranger ne peut entrer au Canada pour y étudier que s’il a préalablement obtenu un permis d’études »
. Ce qui est reproché à M. Akl est donc d’être entré au Canada pour y étudier sans avoir préalablement obtenu un permis d’études. Le ministre prétend qu’en faisant sa demande, M. Akl a indiqué implicitement qu’il voulait entrer au Canada « pour y étudier »
et qu’il n’a pas « préalablement obtenu un permis d’études »
. Je ne peux pas accepter cette prétention, pour deux motifs liés.
[33] Premièrement, la demande de M. Akl a effectivement été d’obtenir un permis d’études avant son entrée au Canada. C’est pour cette raison qu’il a quitté le Canada en faisant son tour de poteau. L’article 9 du RIPR ne permettait pas à M. Akl d’entrer au Canada pour y étudier sans permis d’études. Cependant, en faisant sa demande, il n’est pas encore entré au Canada et il n’a donc pas pu contrevenir l’article 9. Encore une fois, il me semble contraire à la logique de dire qu’une personne contrevient au RIPR et devient ainsi interdit de territoire en déposant une demande qui est explicitement permise par le RIPR.
[34] Deuxièmement, l’argument du ministre—et la conclusion de son délégué—est à l'effet que M. Akl cherchait à entrer au Canada « pour y étudier »
même si sa demande de permis d’étude avait été refusée. Cependant, on peut comprendre du fait que M. Akl a présenté sa demande en elle-même signifie qu’il n’a pas cherché à entrer au Canada pour y étudier sans permis. Il a cherché un permis d’étude afin d’entrer au Canada pour y étudier : voir Yang au para 20; Paranych au para 23. Je suis d’accord avec la prétention de M. Akl selon laquelle cette erreur du délégué du ministre est analogue à celle relevée dans les affaires Yang, Paranych et Gupta dans le contexte de l’article 8 du RIPR, article analogue à l’article 9 du RIPR dans un contexte de permis de travail.
(2) La mesure d’exclusion fondée sur cette violation alléguée
[35] Dans Yang, Paranych et Gupta, chacun des demandeurs s’était présenté au point d’entrée pour demander un permis de travail. Une mesure d’exclusion avait été prise, fondée sur les articles 41 et 20 de la LIPR et l’article 8 du RIPR. Dans chacune de ces affaires, la Cour a conclu que le délégué du ministre avait rendu une décision déraisonnable. Le fait d’avoir exercé un travail antérieur non autorisé constitue une contravention de la LIPR pour laquelle le délégué du ministre devait plutôt déférer l’affaire à la Section de l’immigration et non prendre une mesure de renvoi : Yang aux para 19–21; Paranych aux para 24–25; Gupta aux paras 23–24.
[36] Je suis d’accord avec M. Akl lorsqu’il soutient qu’il est possible de faire une analogie entre l’interprétation de l’article 8 et celle de l’article 9 du RIPR. Une interprétation de l’article 9 du RIPR qui tient compte de son texte, de son contexte et de son objet appelle à une interprétation cohérente avec celle de l’art. 8 du RIPR : Gupta aux para 19–22; Vavilov aux para 117–120.
[37] Dans le cas de M. Akl, il ressort effectivement du dossier que ce qui lui est reproché est d’avoir étudié sans permis au Canada en septembre et octobre 2023. Comme mentionné ci‑dessus, je n’ai pas à me prononcer sur la notion d’« études »
ou sur la détermination selon laquelle M. Akl aurait étudié sans autorisation. Quelle que soit ma conclusion à cet égard, suivant la jurisprudence précitée, avoir étudié sans permis ne peut constituer une contravention de l’article 9 du RIPR pour laquelle le délégué du ministre avait le pouvoir de prononcer une mesure d’exclusion.
[38] À l’inverse, les décisions citées par le ministre ne trouvent pas application en l’espèce. Les arrêts Laissi et Diakité ne portent pas sur la situation d’une demande de visa à un point d’entrée. Dans Laissi, le demandeur a refusé de quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, il s’agit donc d’un contexte factuel et législatif complètement différent : Laissi aux para 3–5, 16–20. Dans Diakité, le demandeur n’avait pas de visa d’études ou d’autre visa valide et n’a pas demandé un visa d’études quand il a cherché à entrer au Canada. Au contraire, sa demande a été refusée auparavant, mais il a tout de même essayé d’entrer avec son permis de conduire et une carte d’identité de son université : Diakité aux para 2–3, 11–13, 15. En l’espèce, M. Akl a fait une demande de visa d’études au point d’entrée, tel que prévu par la LIPR et le RIPR et, de plus, il pouvait validement revenir au Canada en tant que résident permanent américain.
[39] Quant aux arrêts connexes de Atmani et ET Talbi, l’interdiction de territoire rendue respectivement à l’encontre de M. ET Talbi et M. Atmani ne découlait pas simplement du fait qu’ils avaient préalablement travaillé sans autorisation, fait qui a mené au refus de leurs demandes de visa de travail. Dans les deux causes, le délégué du ministre a conclu que les demandeurs voulaient entrer au Canada pour y travailler au futur, même sans permis, conclusions que la juge St-Louis (maintenant juge en chef adjointe) a jugé raisonnables au vu des dossier de ces affaires : ET Talbi aux para 10, 21–24; Atmani aux para 10, 21–24. En effet, la juge St-Louis a particulièrement distingué les situations des deux demandeurs de celles dans Paranych et Yang sur cette base : ET Talbi aux para 16–17; Atmani aux para 16–17. La distinction qu’a fait la juge St-Louis s’applique également en l’éspèce, soulignant que la situation de M. Akl est comme celles de M. Paranych et Mme Yang et non comme celles de M. ET Talbi et M. Atmani. M. Akl ne s’est pas vu refuser sa demande de permis d’études et le délégué du ministre n’a pas conclu qu’il allait étudier sans permis dans le futur.
[40] Finalement, je note que je rejette l’argument du ministre selon lequel la demande de permis d’études de M. Akl aurait implicitement été rejetée en vertu du paragraphe 221a) de la LIPR qui établit qu’un permis d’études ne peut être délivré à un individu ayant étudié au Canada sans autorisation dans les six mois s’étant écoulés depuis la cessation des études sans autorisation.
[41] Il n’appartient pas à la Cour, ou au ministre, de combler les lacunes dans le raisonnement ou la décision du délégué du ministre en y substituant sa propre analyse. Non seulement aucune décision n’a été rendue sur la demande de permis d’études de M. Akl, mais aussi ce motif n’apparait tout simplement pas dans la mesure d’exclusion ou dans le rapport 44(1) sur lequel la décision du délégué du ministre se fonde. Il est également à noter que le rapport 44(1) ne se fonde pas sur une prétendue violation de l’article 30 de la LIPR, qui prévoit que l’étranger ne peut étudier au Canada que sous le régime de la LIPR.
IV. Conclusion
[42] Ainsi, pour les motifs exposés ci-dessus, la Cour conclut donc que la mesure d’exclusion n’est pas justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes et n’est donc pas conforme aux exigences d’une décision raisonnable. En conséquence, la mesure d’expulsion qui se fonde sur celle-ci doit elle aussi être annulée. Ces demandes de contrôle judiciaire sont donc accueillies.
[43] Aucune question certifiée n’a été proposée par les parties, et j’en conviens que cette affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans les dossiers IMM‑807-24 et IMM-13818-23
LA COUR STATUE que
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La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
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La mesure d’exclusion prise contre le demandeur le 18 octobre 2023 est annulée.
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La mesure d’expulsion prise contre le demandeur le 2 janvier 2024 sur le fond de la mesure d’exclusion prise le 18 octobre 2023 est également annulée.
« Nicholas McHaffie »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-807-24 |
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INTITULÉ : |
ELIE AKL c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
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DOSSIER : |
IMM-13818-23 |
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INTITULÉ : |
ELIE AKL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec) |
|
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 19 mars 2025 |
|
JUGEMENT ET MOTIFS: |
LE JUGE MCHAFFIE |
|
DATE DES MOTIFS : |
LE 25 juillet 2025 |
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COMPARUTIONS :
Julie Devillers |
Pour LE DEMANDEUR |
Sherry Rafai Far |
Pour LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DEVILLERS & VALENCIA, CABINET D’AVOCATS INC. Montréal (Québec) |
Pour lE DEMANDEUR |
Procureur général du Canada Montréal (Québec) |
Pour lE DÉFENDEUR |