Date : 20250714
Dossier : IMM-10674-24
Référence : 2025 CF 1248
Montréal (Québec), le 14 juillet 2025
En présence de monsieur le juge Gascon
ENTRE : |
LEONEL RICARDO RODRIGUEZ REYES |
Demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
Défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Le demandeur, Leonel Ricardo Rodriguez Reyes, est un citoyen du Mexique. Il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 27 mai 2024 [Décision] dans laquelle la Section d’appel des réfugiés [SAR] a rejeté son appel et confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger, aux termes des articles 96 et 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. La SAR a rejeté la demande de M. Rodriguez Reyes en raison, d’une part, de son manque de crédibilité eu égard aux faits allégués qui seraient survenus après son départ du Mexique et, d’autre part, de l’existence d’une possibilité de refuge interne [PRI] dans la ville de Mérida.
[2] M. Rodriguez Reyes soutient que la SAR aurait erré en refusant d’admettre comme nouvelle preuve un rapport psychiatrique, aurait mal apprécié les conséquences de son état de santé psychologique sur son témoignage devant la SPR, et aurait erré en jugeant non crédibles les visites du Cartel Jalisco Nueva Generación [CJNG] suivant son départ du Mexique. M. Rodriguez Reyes soumet également que l’analyse de la SAR concernant la PRI à Mérida est déraisonnable. Selon lui, la SAR aurait erré en jugeant que le CJNG n’aurait pas la volonté de le retrouver à Mérida et en concluant qu’il pourrait raisonnablement s’y relocaliser.
[3] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de M. Rodriguez Reyes sera rejetée. Après avoir examiné la Décision, la preuve dont disposait la SAR et le droit applicable, la Cour est d’avis que la SAR a raisonnablement conclu que M. Rodriguez Reyes pouvait se prévaloir d’une PRI viable à Mérida. M. Rodriguez Reyes ne s’est pas acquitté de son fardeau de convaincre la SAR que le CJNG avait la volonté nécessaire pour le poursuivre à Mérida. De plus, M. Rodriguez Reyes n’a pas démontré de manière convaincante que la SAR avait commis une erreur dans son analyse du caractère raisonnable de la relocalisation à Mérida. Vu cette conclusion sur la PRI — qui est déterminante dans la Décision, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres arguments de M. Rodriguez Reyes portant sur les conclusions de la SAR sur sa crédibilité ou sur la nouvelle preuve.
II. Contexte
A. Les faits
[4] M. Rodriguez Reyes est un citoyen du Mexique. Au Mexique, son travail consistait à coordonner l’envoi de matières premières aux entrepôts de son employeur. Dans le cadre de son travail, il se rendait parfois dans des régions présentant des problèmes de sécurité et était accompagné de son cousin, qui était agent de sécurité à l’époque.
[5] Le 14 mars 2022, M. Rodriguez Reyes est intercepté par des membres du CJNG alors qu’il est en route pour rencontrer un fournisseur. Le CJNG exige que M. Rodriguez Reyes transporte des marchandises pour leur compte, mais il refuse.
[6] Jusqu’à quelques jours avant son départ du Mexique, M. Rodriguez Reyes est surveillé et reçoit des appels menaçants de la part du CJNG. En réponse, il porte plainte aux autorités.
[7] Par la suite, M. Rodriguez Reyes déménage à deux reprises dans l’État d’Aguascalientes. À ces moments, il séjourne dans la ville d’Aguascalientes et au domicile de son beau-père.
[8] Le 4 avril 2022, M. Rodriguez Reyes et son cousin quittent le Mexique en direction du Canada. Une fois arrivés au Canada, ils demandent l’asile.
[9] Depuis son départ du Mexique, un ex-collègue et un ami de M. Rodriguez Reyes auraient été approchés par des membres du CJNG qui seraient à sa recherche. De même, le frère et le père du cousin de M. Rodriguez Reyes auraient été approchés par le CJNG.
[10] Le 6 juillet 2023, la SPR rejette la demande d’asile de M. Rodriguez Reyes, estimant que celui-ci peut valablement se prévaloir d’une PRI viable à Mérida et à Campeche. La SPR juge aussi non crédibles les visites que le CJNG aurait effectuées après le départ de M. Rodriguez Reyes du Mexique.
B. La Décision de la SAR
[11] M. Rodriguez Reyes fait subséquemment appel de la décision de la SPR auprès de la SAR. En appel, il tente de faire admettre comme nouvelle preuve un rapport de consultation psychiatrique. La SAR refuse toutefois d’admettre le rapport puisque M. Rodriguez Reyes n’a pas précisé les raisons pour lesquelles cette preuve n’était pas accessible avant le rejet de sa demande d’asile par la SPR en juillet 2023.
[12] Après avoir procédé à sa propre analyse, la SAR rejette l’appel dans la Décision. Au niveau de la crédibilité, la SAR est du même avis que la SPR : le témoignage général offert par M. Rodriguez Reyes est certes vraisemblable, mais ce dernier n’a pas établi de manière crédible que son entourage ou sa famille ont été visités par le CJNG après son départ du Mexique. La SAR juge aussi que les problèmes de crédibilité de M. Rodriguez Reyes ne peuvent pas être expliqués par son état de santé mentale.
[13] Ensuite, la SAR conclut que la SPR a eu raison de conclure à l’existence d’une PRI viable à Mérida (la SAR ne fait pas mention de la PRI à Campeche). En ce qui concerne le premier volet du test en matière de PRI, la SAR estime qu’il n’est pas établi que le CJNG aurait la volonté de déployer les ressources et le temps requis pour retrouver M. Rodriguez Reyes à Mérida. La SAR est d’accord avec la SPR que l’emploi de M. Rodriguez Reyes au Mexique — que celui-ci n’occupe plus depuis 2022 — ainsi que l’opportunité perçue par le CJNG de transporter des marchandises par l’entremise de cet emploi ne lui confèrent pas un profil qui serait de nature à susciter l’intérêt du CJNG à le retrouver à plus de 1 600 kilomètres de l’État où il résidait au Mexique.
[14] Sur le deuxième volet, la SAR est d’avis que M. Rodriguez Reyes n’a soumis aucune preuve réelle et concrète de conditions prévalant à Mérida qui mettraient en péril sa vie ou sa sécurité. La SAR convient qu’il existe de la criminalité à Mérida, mais souligne que l’État du Yucatán — où se trouve Mérida — est l’État le plus paisible du Mexique. La SAR est également d’accord avec les conclusions non contestées de la SPR à l’effet que M. Rodriguez Reyes pourrait trouver un travail et un logement à Mérida et y avoir accès à des soins de santé.
C. La norme de contrôle
[15] Il est bien établi que la norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions de la SAR concernant l’existence d’une PRI viable (Canelas Galindo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2025 CF 1117 au para 14 [Canelas Galindo]; Valencia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 386 au para 19 [Valencia]; Adeleye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 81 au para 14; Ambroise c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 62 au para 6; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 350 au para 17 [Singh 2020]). Il en va de même pour les conclusions portant sur l’admissibilité de nouvelles preuves devant la SAR (Kyagulanyi v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 1506 au para 9; Rehman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 783 au para 30) ainsi qu’en matière de crédibilité (Canelas Galindo au para 14; Regala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 192 au para 5).
[16] D’ailleurs, le cadre d’analyse relatif au contrôle judiciaire du mérite d’une décision administrative est maintenant celui fixé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] (Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 7 [Mason]). Ce cadre d’analyse repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit désormais la norme applicable dans tous les cas.
[17] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle »
et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
(Mason au para 64; Vavilov au para 85). La cour de révision doit donc se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité »
(Vavilov au para 99, citant notamment Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 47, 74).
[18] Il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur administratif « doit également, au moyen de ceux-ci,
justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique »
[en italique dans l’original] (Vavilov au para 86). Ainsi, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable s’intéresse tant au résultat de la décision qu’au raisonnement suivi (Vavilov au para 87). L’exercice du contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit comporter une évaluation rigoureuse des décisions administratives. Toutefois, dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, la cour de révision doit adopter une méthode qui « s’intéresse avant tout aux motifs de la décision »
, examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse »
, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion (Mason aux para 58, 60; Vavilov au para 84). La cour de révision doit adopter une attitude de retenue et n’intervenir que « lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif »
(Vavilov au para 13). La norme de la décision raisonnable, la Cour le souligne, tire toujours son origine du principe de la retenue judiciaire et de la déférence, et elle exige des cours de révision qu’elles témoignent d’un respect envers le rôle distinct que le législateur a choisi de conférer aux décideurs administratifs plutôt qu’aux cours de justice (Mason au para 57; Vavilov aux para 13, 46, 75).
[19] Il incombe à la partie qui conteste une décision de prouver qu’elle est déraisonnable. Pour annuler une décision administrative, la cour de révision doit être convaincue qu’il existe des lacunes suffisamment graves pour rendre la décision déraisonnable (Vavilov au para 100).
III. Analyse
[20] M. Rodriguez Reyes soumet que l’analyse de la SAR concernant la PRI à Mérida est déraisonnable. Selon lui, la SAR aurait erré en jugeant que le CJNG n’aurait pas la volonté de le retrouver à Mérida. Plus précisément, M. Rodriguez Reyes est d’avis qu’il est raisonnable de croire qu’une des motivations du CJNG serait une vengeance personnelle due à son refus de collaborer et à sa fuite. Il souligne aussi la preuve documentaire objective sur la capacité du CJNG à le retrouver partout au pays — y compris à Mérida — et qu’il n’est donc pas nécessaire que le désir de vengeance personnelle du CJNG à son encontre soit important. En somme, comme l’a dit son avocat lors de l’audience, M. Rodriguez Reyes est d’avis que la présence du CJNG au Mexique suffit pour établir un risque à l’échelle du pays tout entier.
[21] La Cour n’est pas convaincue par les arguments de M. Rodriguez Reyes contestant la PRI. Comme l’a expliqué le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [Ministre], la SAR a raisonnablement conclu que M. Rodriguez Reyes pouvait se prévaloir d’une PRI viable à Mérida. Cela suffit pour rendre la Décision raisonnable.
[22] Certes, M. Rodriguez Reyes soutient également que la SAR aurait erré en refusant d’admettre en tant que nouvelle preuve le rapport de consultation psychiatrique et aurait mal apprécié les conséquences de son état de santé psychologique sur son témoignage. Dans la même veine, prétend M. Rodriguez Reyes, la SAR aurait erronément refusé d’attribuer les incohérences dans son témoignage aux pertes de mémoire dues à sa santé mentale précaire à l’époque. Ce faisant, M. Rodriguez Reyes conteste l’analyse de la SAR quant à la crédibilité des visites du CJNG suivant son départ du Mexique. Cependant, il n’est pas nécessaire d’examiner ces autres arguments de M. Rodriguez Reyes, car il n’a pas pu établir la motivation du CJNG à le poursuivre jusqu’à Mérida, même si la SAR avait pris en compte les visites ultérieures du CJNG jugées non crédibles. De la même manière, l’admission du rapport psychiatrique n’a aucune incidence réelle sur l’analyse de la PRI, car il servait uniquement à établir les incohérences dans le témoignage de M. Rodriguez Reyes quant aux visites du CJNG suivant son départ du Mexique.
A. Le test applicable relatif aux PRI
[23] Dans l’affaire Singh 2020, la Cour rappelle que « l’analyse d’une PRI repose sur le principe voulant que la protection internationale ne puisse être offerte aux demandeurs d’asile que dans les cas où le pays d’origine est incapable de fournir à la personne qui demande l’asile une protection adéquate partout sur son territoire »
[soulignements ajoutés] (Singh 2020 au para 26). Si un demandeur d’asile dispose d’une PRI viable quelque part dans son pays de citoyenneté, cela invalidera sa demande d’asile en vertu des articles 96 ou 97 de la LIPR, quel que soit le bien-fondé des autres aspects de la demande (Olusola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 FC 799 au para 7 [Olusola]).
[24] Le test permettant de déterminer l’existence d’une PRI viable est bien établi. Il trouve sa source dans les arrêts Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1991 CanLII 13517 (CAF), [1992] 1 CF 706 (CAF) et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 CF 589 (CAF) [Thirunavukkarasu], où la Cour d’appel fédérale a identifié les deux critères à satisfaire pour conclure au caractère raisonnable d’une PRI : (i) il ne doit pas y avoir de possibilité sérieuse, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur soit persécuté dans la partie du pays où est la PRI; et (ii) il ne doit pas être déraisonnable pour le demandeur de trouver refuge dans la PRI, compte tenu de toutes les circonstances, y compris celles qui sont propres à sa situation.
[25] Il est important de noter que le seuil permettant de satisfaire au deuxième volet du test de la PRI est élevé : il doit y avoir une « preuve réelle et concrète »
de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 FC 164 (CAF) au para 15 [Ranganathan]; Verma v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 693 au para 13).
[26] Si une PRI est établie, il incombe alors au demandeur d’asile de démontrer que la PRI est inadéquate et qu’il est déraisonnable de s’y établir (Thirunavukkarasu au para 12; Salaudeen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 39 au para 26; Manzoor‑Ul‑Haq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1077 au para 24; Feboke c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 155 aux para 43–44).
B. Premier volet : la volonté du CJNG n’était pas établie
[27] Au stade du premier volet du test de la PRI, M. Rodriguez Reyes devait, pour réfuter l’existence d’une PRI, démontrer que ses agents de préjudice disposaient à la fois de la capacité et de la volonté requises pour le pourchasser jusqu’à Mérida. En effet, il est bien établi « qu’il existe une différence entre la capacité d’un persécuteur de poursuivre un individu partout dans un pays et sa volonté ou son intérêt de le faire. Le fait qu’un persécuteur a la capacité de poursuivre un individu n’est pas une preuve décisive que ce dernier est motivé de poursuivre cet individu. Si le persécuteur n’a pas la volonté ou l’intérêt de trouver, poursuivre et/ou persécuter un individu, il est raisonnable de conclure qu’il n’y a pas de risque sérieux de persécution »
[en italique dans l’original] (Leon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 428 au para 13; voir aussi: Fuentes Hernandez v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 1682 aux para 22, 24; Cely Tiria v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 422 au para 30).
[28] Dans le cas présent, la SAR n’a pas contesté que le CJNG avait la capacité de retrouver M. Rodriguez Reyes dans l’ensemble du Mexique. Cependant, elle a raisonnablement conclu que M. Rodriguez Reyes ne n’était pas déchargé de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le CJNG avait la volonté et la motivation de le retrouver à Mérida.
[29] M. Rodriguez Reyes soumet que la preuve documentaire objective sur le Mexique précise qu’une vengeance personnelle ou une dette peut motiver les membres d’un groupe à prendre une personne pour cible à l’extérieur de leur région. La SAR a reconnu cette réalité inévitable (Décision au para 52). Cela dit, elle a aussi conclu qu’il n’était pas établi que, dans le cas présent, le CJNG serait alimenté d’un tel désir de vengeance qui l’amènerait à poursuivre M. Rodriguez Reyes jusqu’à Mérida.
[30] Dans ses motifs, la SAR souligne que la preuve objective démontre que l’ampleur des efforts qu’un groupe criminel comme le CJNG consacrera à la recherche d’une personne dépend de la valeur que cette personne peut représenter aux yeux du groupe :
Il serait trop simpliste d’affirmer qu’un groupe se lancera à la recherche de n’importe qui. Cela dépend réellement de qui vous êtes et de ce que vous avez fait. Les membres subalternes ne valent pas le temps et les ressources que prendront les groupes armés pour les trouver et les tuer. En revanche, les membres haut placés ou les gens qui ont trahi un [membre haut placé d’une] organisation criminelle risquent d’être suivis ou pris pour cible (titulaire d’un doctorat en criminologie 21 juill. 2021).
De même, le professeur-chercheur a déclaré que [traduction] la sécurité d’une personne qui déménage ailleurs pour échapper aux menaces d’une de ces organisations dépend du désir du groupe de punir cette personne ou de se venger d’elle. Si le conflit n’est pas trop grave, un déménagement peut suffire.
Décision au para 55, citant l’onglet 7.8 du Cartable national de documentation pour le Mexique.
[Soulignements dans l’original.]
[31] À l’instar du Ministre et de la SAR, la Cour observe que M. Rodriguez Reyes a quitté son emploi au Mexique alors qu’il s’agissait là de l’unique raison pour laquelle le CJNG avait un intérêt à son égard. Il en découle que le motif pour lequel le CJNG aurait voulu le recruter n’existe plus. La SAR a également déterminé que l’ancien emploi de M. Rodriguez Reyes ne lui donnait pas un caractère particulier de nature à susciter une motivation du CJNG à investir des ressources pour le retrouver à plus de 1 600 kilomètres de l’État où il résidait au Mexique.
[32] Finalement, la Cour souligne que, même en tenant pour acquises les visites du CJNG jugées non crédibles, celles-ci ne suffisent pas pour établir la volonté du CJNG à poursuivre M. Rodriguez Reyes jusqu’à Mérida. La volonté du CJNG de poursuivre M. Rodriguez Reyes dans sa propre région n’établit pas en soi sa volonté de le poursuivre dans d’autres parties du pays. En effet, il est important de faire la distinction entre la volonté de poursuivre quelqu’un localement et la motivation de le faire en dehors de sa juridiction locale (Vishist v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 1908 au para 35; Verma v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 1061 at para 22; Bassi v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 910 at para 27; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1151 aux para 15–16). Encore une fois, aucune preuve n’appuie l’existence d’une volonté de rechercher M. Rodriguez Reyes à Mérida.
C. Deuxième volet : il était raisonnable de se relocaliser à Mérida
[33] Au stade du deuxième volet de la PRI, M. Rodriguez Reyes soumet uniquement qu’il ne serait pas en mesure de vivre librement à Mérida puisque cette ville se trouve dans la zone d’influence du CJNG. Avec égards, la Cour a déjà déterminé sous le premier volet qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que le CJNG ne poursuivrait pas M. Rodriguez Reyes à Mérida. M. Rodriguez Reyes répète essentiellement le même argument rejeté au premier volet.
[34] De plus, la SAR a souligné à bon droit que l’État du Yucatán — où se trouve Mérida — est l’État le plus paisible du Mexique, malgré la présence de cartels. La situation relativement sécuritaire à Mérida ne mettrait pas en péril la vie et la sécurité de M. Rodriguez Reyes.
[35] Ici encore, M. Rodriguez Reyes n’a mis le doigt sur aucune preuve qui permettrait à la Cour d’invalider les conclusions de la SAR.
IV. Conclusion
[36] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de M. Rodriguez Reyes est rejetée. Il était raisonnable pour la SAR de conclure que M. Rodriguez Reyes pouvait se prévaloir d’une PRI viable à Mérida. Les motifs de la Décision à cet égard possèdent les attributs d’intelligibilité, de transparence et de justification requis en vertu de la norme de la décision raisonnable. En conséquence, il n’y a pas lieu d’examiner les autres arguments de M. Rodriguez Reyes.
[37] Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.
JUGEMENT au dossier IMM-10674-24
LA COUR STATUE que :
-
La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.
-
Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.
« Denis Gascon »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-10674-24 |
INTITULÉ : |
LEONEL RICARDO RODRIGUEZ PEREZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
MONTRÉAL, QUÉBEC |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 9 JUILLET 2025 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
GASCON J. |
DATE DES MOTIFS |
LE 14 JUILLET 2025 |
COMPARUTIONS :
Me Michel F. Perreault |
POUR La partie demanderesse |
Me Zofia Przybytkowski |
POUR La partie défenderesse |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michel F. Perreault Montréal (Québec) |
POUR La partie demanderesse |
Procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR La partie défenderesse |