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Date : 20060825

Dossier : IMM-326-06

Référence : 2006 CF 1028

Ottawa (Ontario), le 25 août 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

 

ENTRE :

TAIYE PADDY ALUYI (alias OSAKEWE JOSEPH ALUYI)

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur est un citoyen du Nigeria qui est arrivé au Canada le 10 avril 2001. Le 19 février 2002, le demandeur a obtenu le droit d’asile au motif de persécution du fait de ses opinions politiques et de son orientation sexuelle.

 

[2]               Le FBI a vérifié les empreintes digitales du demandeur, puis a informé l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) que ces empreintes correspondaient à celles d’un certain « Andrew Dede » ayant un casier judiciaire aux États-Unis. Lorsque l’ASFC a fait passer une entrevue au demandeur le 4 avril 2004, ce dernier a admis être « Taiye Paddy Aluyi », « Osakewe Joseph Aluyi » et « Andrew Dede ». Il a en outre admis avoir passé sous silence ses condamnations aux États-Unis. Il avait résidé aux États-Unis de 1990 jusqu’à son expulsion vers le Nigeria en octobre 2000. Il a admis de plus que tous les renseignements figurant jusqu’au paragraphe 15 du récit circonstancié contenu dans son FRP, étaient faux sauf en ce qui concerne son orientation sexuelle.

 

[3]               Le ministre a demandé, le 30 avril 2004, l’annulation de la reconnaissance du statut de réfugié du demandeur en application de l’article 109 de la LIPR. Le demandeur ayant admis avoir trompé le tribunal relativement à son appartenance à l’OPC, seule l’orientation sexuelle a fait l’objet d’une argumentation.

 

[4]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu qu’elle ne se fiait pas au témoignage du demandeur. Ce témoignage était intéressé et le demandeur s’était avéré être à plusieurs reprises un menteur : il a été reconnu coupable de fraude, il a menti aux autorités américaines au sujet de sa citoyenneté et de son identité, il a menti à Citoyenneté et Immigration Canada, il a menti au tribunal original et il a menti à l’ASFC lorsqu’elle lui a fait passer une entrevue en 2004.

 

[5]               Cela étant, la preuve relative à l’orientation sexuelle du demandeur devait émaner de sources corroborantes. La Commission a examiné huit éléments de preuve pouvant corroborer (sans qu’on ait à se fier au témoignage du demandeur) la prétention du demandeur selon laquelle il est bel et bien homosexuel. La Commission n’a pu s’appuyer (de manière indépendante du témoignage du demandeur) sur aucun de ces documents pour obtenir corroboration des allégations du demandeur au sujet de son orientation sexuelle.

 

[6]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[7]               L’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, en sa version modifiée, (la LIPR) prévoit ce qui suit :

Annulation par la Section de la protection des réfugiés

 

Demande d’annulation

 

109. (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent ou de réticence sur ce fait.

 

Rejet de la demande

 

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

 

Effet de la décision

 

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

 

[8]               Le juge Blanchard a décrit succinctement comme suit le processus prévu à l’article 109 dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Pearce, 2006 CF 492, au paragraphe 21 :

Deux questions doivent être examinées par la Commission dans le contexte d’une demande d’annulation. Ces questions sont essentiellement soulevées par l’application des paragraphes 109(1) et (2) de la LIPR et exigent que la Commission rende des décisions quant aux faits. Premièrement, suivant le paragraphe 109(1), la Commission doit décider si la décision favorable résulte, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent ou de réticence sur ce fait quant à une demande d’asile. Deuxièmement, la Commission, malgré la présentation erronée ou la réticence, peut toujours rejeter la demande d’annulation si elle estime qu’il reste suffisamment « d’éléments de preuve » non viciés par la présentation erronée ou la réticence sur un fait important pour justifier l’asile.

 

[9]               Les parties s’entendent pour dire que, dans les affaires mettant en cause l’article 109, comme l’enjeu principal est la question de la crédibilité, la norme de contrôle applicable doit être celle de la décision manifestement déraisonnable (voir Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).

 

[10]           Le demandeur n’a soulevé essentiellement qu’un point devant moi. La Commission doit apprécier la crédibilité du demandeur et en arriver à une conclusion raisonnable en se fondant sur le témoignage du demandeur et sur la preuve corroborante. En l’espèce, la Commission a commencé par conclure que le demandeur n’était pas crédible et que la preuve qu’il avait présentée n’était pas suffisamment digne de foi pour que soit établie son orientation sexuelle. En adoptant cette position initiale, la Commission a en fait préjugé de la cause du demandeur et a créé à son encontre une présomption insurmontable. Elle n’a donc pas suivi le processus prescrit à l’article 109 de la LIPR et, par conséquent, sa décision n’est pas valide.

 

[11]           Je ne puis souscrire à cette prétention. La Commission comprenait le processus prévu à l’article 109 tel que l’a décrit le juge Blanchard dans Pearce, précitée, elle l’a réitéré et elle l’a suivi.

 

[12]           La Commission avait des motifs amplement suffisants pour ne pas juger le demandeur crédible, étant donné ses antécédents et ses aveux de duplicité. La Commission a par conséquent déclaré d’entrée de jeu, tout naturellement, qu’elle ne croyait rien de ce qu’avait pu dire le demandeur. Loin de préjuger de l’affaire, toutefois, la Commission a ensuite examiné l’ensemble de la preuve présentée afin de trouver quelque chose d’autre que le témoignage du demandeur (d’autres « éléments de preuve » selon l’expression de Pearce, précitée) pouvant étayer les allégations de ce dernier. L’analyse de la Commission lui a permis de constater que rien dans la preuve (hormis ce qui émanait du demandeur) ne corroborait les allégations de celui‑ci au sujet de son orientation sexuelle. Dans une affaire comme celle qui nous occupe, où rien ne fournit à la Commission le moindre motif d’estimer le demandeur crédible, c’est là la procédure qu’il convient de suivre.

 

[13]           Le raisonnement de la Commission était logique et largement étayé par la preuve. Selon les faits admis par le demandeur, ce dernier a eu des relations avec des femmes au Nigeria, à Vancouver et en Californie, en plus d’être le père d’un enfant. En revanche, la preuve au sujet de sa prétendue homosexualité était faible, contradictoire et peu crédible.

 

[14]           Je conclus qu’il n’y avait rien de déraisonnable dans les conclusions de la Commission, et que celle‑ci n’a pas suivi un processus irrégulier.

 

[15]           Par conséquent, la présente demande ne peut être accueillie.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée.

 

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-326-06

 

 

INTITULÉ :                                       Taiye Paddy Aluyi (alias Osakewe Joseph Aluyi)

                                                            c. le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 24 AOÛT 2006

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE von FINCKENSTEIN

 

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 25 AOÛT 2006

 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

D. Blake Hobson

POUR LE DEMANDEUR

Helen Park

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Hobson and Company

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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