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Date : 20060824

Dossier : IMM-3386-05

Référence : 2006 CF 1016

 

Ottawa (Ontario), le 24 août 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE de MONTIGNY

ENTRE :

ZEESHAN SAEED

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) qui rejetait la demande d’asile du demandeur, présentée en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi).

 

LES FAITS

[2]                Le demandeur est un citoyen du Pakistan de 28 ans. Il est entré au Canada avec un visa d’étudiant le 5 septembre 2001. M. Saeed a été élevé comme musulman sunnite et il déclare s’être converti au chiisme en août 2003, sous l’influence de pratiquants du chiisme avec lesquels il habitait à ce moment, au Canada. Il a été arrêté le 23 octobre 2003 lorsqu’il s’est présenté au bureau de Citoyenneté et Immigration Canada à Etobicoke pour déposer une demande d’asile.

 

[3]               Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur a soutenu que l’arrestation était fondée sur des affirmations inexactes au sujet de son visa d’étudiant. Il a ajouté qu’il avait été arrêté comme prétendu partisan du projet Thread, un groupe formé sous le couvert du Ottawa Business College, que les médias ont décrit comme possible cellule dormante liée au réseau de Ben Laden. Dans son témoignage, le demandeur a déclaré qu’il avait été arrêté parce qu’on avait des doutes raisonnables qu’il constituait une menace pour la sécurité nationale. Dans son FRP, M. Saeed a soutenu qu’il avait été victime de harcèlement et qu’il avait reçu des menaces de mort de la part de certaines de ses connaissances au Pakistan, y compris de membres de la famille de son ancienne fiancée, qui est une musulmane sunnite. Il a ajouté que, s’il retournait au Pakistan, il serait victime de persécution aux mains des autorités du Pakistan et d’autres personnes parce que les autorités du Canada avaient lié son nom au projet Thread.

 

[4]               M. Saeed a demandé l’asile le 2 janvier 2004 en invoquant la crainte d’être persécuté du fait de son appartenance au groupe social des personnes qui ont été accusées de terrorisme et du fait de sa religion. Après la tenue d’une audience, la Commission a rejeté sa demande d’asile dans une décision qu’elle a rendue le 10 mai 2005.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[5]               Dans sa décision réfléchie et détaillée (44 pages), la Commission a rendu les motifs suivants.

 

a) La crainte de persécution du fait de sa religion

[6]               La Commission a évoqué les renseignements de base de l’annexe 1 du demandeur, dans lesquels il mentionnait qu’il craignait d’être tué par des terroristes sunnites (particulièrement le groupe Sipah-e-Sahaba Pakistan ou SSP), mais il n’y mentionnait pas qu’il craignait sa famille et ses amis. La Commission a noté que lorsqu’on l’a interrogé à ce sujet, le demandeur a répondu qu’il avait omis de mentionner sa crainte de sa famille et de ses amis sur l’avis de son avocat, qui lui avait dit qu’il pourrait ajouter ces renseignements plus tard dans son FRP. La Commission a conclu que cette explication n’était pas crédible parce que l’avocat avait de l’expérience en droit des réfugiés et qu’il était peu probable qu’il ait donné un tel conseil.

 

b) La crainte de persécution du fait de son appartenance à un groupe social, c’est-à-dire les personnes qui ont été soupçonnées de participation à des activités terroristes.

 

[7]               La Commission a conclu que les médias n’avaient pas expressément lié M. Saeed à des membres connus du projet Thread et qu’il n’existait aucune autre preuve permettant d’établir un tel lien. La Commission a examiné l’inquiétude du demandeur concernant le fait que son oncle, qui habite aux États-Unis, avait avisé des proches au Pakistan que le demandeur avait été arrêté pour des raisons semblables à celles qui avaient motivé l’arrestation d’autres personnes liées au projet Thread, c’est-à-dire qu’elles étaient soupçonnées de participer à des activités terroristes, et elle a conclu qu’il s’agissait « au mieux d’un témoignage intéressé » (motifs de la Commission, p. 4). Dans son examen de la preuve au sujet des médias, la Commission a aussi noté que, dans la plupart des cas, le lien entre les activités terroristes et les personnes arrêtées en relation avec le projet Thread avait en fait été discrédité ou écarté par les médias.

 

[8]               La Commission a examiné la preuve du demandeur au sujet du traitement des personnes, à leur retour au Pakistan, qui avaient été arrêtées en relation avec le projet Thread, preuve présentée par affidavits signés par de telles personnes et par d’autres qui étaient au courant de la situation. La Commission a conclu que l’allégation la plus sérieuse contenue dans les affidavits était celle de Imran Younas Khan, qui déclarait qu’on l’avait attaqué et qu’on avait tiré des coups de feu en sa direction, mais qu’il s’était enfui en courant. La Commission a conclu qu’il était peu probable qu’il se soit échappé en courant et, par conséquent, elle a jugé que cette preuve n’était pas crédible.

 

[9]               La Commission a noté que la preuve attestait que tant Amnistie Internationale que la Commission pakistanaise des droits de la personne étaient au courant de la présence des rapatriés, mais qu’aucun de leurs rapports publiés après le retour des rapatriés ne donnait à penser qu’il y avait un problème. De plus, il n’y avait aucune preuve attestant que les rapatriés avaient tenté de demander de l’aide à ces organisations. La Commission a déclaré que, même si elle avait accepté la preuve que des rapatriés avaient été interrogés, détenus, incapables de se trouver un emploi, battus et menacés, elle aurait tout de même conclu qu’il ne s’agissait pas de persécution ou de préjudice grave envers les membres du projet Thread. Par exemple, la Commission a affirmé que : « Un cas isolé où une personne a été battue ne peut, en lui-même, être considéré comme un préjudice grave ou de la persécution » (motifs de la Commission, p. 14).

 

[10]           La Commission a poursuivi en concluant que la façon dont un autre rapatrié, Muhammad Siddiqui, avait été traité semblait être conforme avec la Passport Act du Pakistan, et que, bien qu’on l’ait forcé à payer un pot-de-vin, un tel traitement n’équivalait pas à de la persécution. Elle a soutenu : « Je comprends qu’un conseil puisse qualifier un pot-de-vin de 400 $CAN d’extorsion, mais, dans bien des pays du monde, comme au Pakistan, le fait de devoir verser des pots-de-vin aux autorités est admis et n’a rien d’inattendu » (motifs de la Commission, p. 18).

 

[11]           Dans un même ordre d’idées, la Commission a conclu qu’il n’y avait aucune preuve attestant un risque particulier de persécution au Pakistan fondé sur la conversion du sunnisme au chiisme. Quoi qu’il en soit, la Commission était d’avis que la question pertinente n’était pas tellement de savoir si le demandeur retournerait au Pakistan comme sunnite ou comme chiite, mais plutôt si le Pakistan pouvait offrir une protection adéquate à ses citoyens.

 

c) La protection de l’État

[12]           La Commission a examiné la preuve documentaire au sujet de l’existence de la protection de l’État au Pakistan pour les personnes ciblées par les extrémistes religieux. Elle a conclu que M. Saeed pouvait se prévaloir d’une protection de l’État adéquate, bien qu’imparfaite. Elle a fondé sa conclusion sur l’engagement du gouvernement à éliminer la violence sectaire du Pakistan, sur le fait que le Pakistan est généralement en contrôle de son territoire et sur le fait qu’il existe des institutions pour protéger les citoyens.

 

[13]           La Commission a tenu compte du fait que les autorités canadiennes enquêtaient toujours au sujet de M. Saeed, mais qu’il avait aussi obtenu l’autorisation de faire examiner sa demande d’asile.

 

[14]           La Commission a accepté que le demandeur était membre d’un groupe social particulier, qu’elle a décrit comme « groupe social dont les membres ont été arrêtés pour avoir commis des infractions au sens de la Loi [sur l’immigration et la protection des réfugiés] après s’être inscrits au Ottawa College of Business ». La Commission a reconnu qu’il était possible que le demandeur soit interrogé au Pakistan, mais elle a conclu qu’elle ne disposait « d’aucune preuve attestant que le Pakistan a pris par le passé des mesures, à l’exception de restrictions possibles concernant les voyages, qui se sont révélées plus strictes à l’égard d’autres personnes plus directement associées au projet Thread ». La Commission a conclu qu’il était fort probable que M. Saeed soit traité d’une façon semblable (motifs de la Commission, p. 35).

 

[15]           La Commission a noté qu’il y avait une possibilité de préjudice grave pour les rapatriés, mais que, compte tenu de l’absence de preuve précise au sujet de la situation des rapatriés, elle refusait de conclure qu’il y avait une possibilité sérieuse que le demandeur subisse un tel préjudice.

 

[16]           La Commission a conclu que la majorité des actes de violence contre les chiites étaient des attaques massives menées par des kamikases et que le nombre d’incidents dans lesquels des personnes étaient individuellement ciblées avait diminué.

 

[17]           Citant la décision Canada (M.E.I.) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130, la Commission a conclu que la protection de l’État au Pakistan était suffisante parce que le Pakistan était en contrôle de son territoire, qu’une armée, des policiers et des autorités civiles étaient en place et que le pays déployait des efforts sérieux pour protéger ses citoyens.

 

[18]           La Commission a conclu que la crainte du demandeur d’être pris à partie par sa famille et ses amis n’était pas crédible, que sa crainte de subir un préjudice en raison de ses liens présumés avec les membres du projet Thread n’était pas objectivement fondée et que sa crainte de persécution du fait de sa conversion au chiisme et de l’absence d’une protection de l’État n’était pas fondée.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[19]           Quatre questions doivent être examinées dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire :

i)                    La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas lié au projet Thread?

ii)                   La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne serait pas persécuté du fait de ses liens apparents avec le projet Thread?

iii)                 La Commission a-t-elle commis une erreur dans son énonciation du critère qu’elle devait utiliser pour déterminer s’il existait une protection de l’État adéquate?

iv)                 La Commission a-t-elle commis une erreur dans son examen de la preuve au sujet de la protection de l’État au Pakistan?

 

 

LES OBSERVATIONS DU DEMANDEUR

i)               La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas lié au projet Thread?

 

[20]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de son témoignage à l’audience, dans lequel il déclarait que ses amis et sa famille étaient au courant de son arrestation et qu’il était perçu comme présentant une menace terroriste en raison de son lien apparent avec le projet Thread. Il allègue que la Commission ne s’est concentrée que sur ses explications au sujet de la façon dont ses amis et sa famille avaient obtenu ces renseignements. Le demandeur soutient que cela revenait à demander une preuve corroborante même s’il n’y avait aucune preuve contradictoire qui mettait en doute ses explications, ce que la Cour a déclaré être une erreur (voir, par exemple, Ahortor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 65 F.T.R 137, [1993] A.C.F. no 705 (QL)). Subsidiairement, le demandeur soutient que la Commission ne lui a pas exprimé clairement qu’elle ne croyait pas à son témoignage.

 

ii)             La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne serait pas persécuté du fait de ses liens apparents avec le projet Thread?

 

[21]           En se fondant sur l’affaire Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il était improbable que M. Khan réussisse à s’échapper en courant alors qu’il était poursuivi par des assaillants armés, parce que la Commission n’avait pas le droit de tirer ainsi une conclusion d’invraisemblance et parce qu’elle a commis une erreur en affirmant qu’il s’agissait d’un groupe d’assaillants armés, alors que la preuve attestait que M. Khan avait été poursuivi par un groupe, mais qu’un seul des assaillants était armé.

 

[22]           Le demandeur soutient de plus que la Commission a dénaturé les faits ou qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve dans l’affidavit de Mohammad Khalid Jahangir, qui établissait un lien évident entre l’attaque que M. Jahangir avait subie et le fait qu’il avait été membre du projet Thread. En ce qui a trait aux autres affidavits, le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur parce qu’elle n’a pas analysé correctement la nature répétée des actes commis contre les membres du projet Thread qui, dans l’ensemble, satisfont au critère de persécution.

 

iii)           La Commission a-t-elle commis une erreur dans son énonciation du critère qu’elle devait utiliser pour déterminer s’il existait une protection de l’État adéquate?

 

[23]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant que le critère permettant de déterminer s’il existait une protection de l’État était que le Pakistan fera « des efforts sérieux pour fournir une protection adéquate, même si elle n’est pas nécessairement parfaite, au demandeur d’asile s’il retourne au Pakistan aujourd’hui » (motifs de la Commission, p. 20). Le demandeur se fonde sur la jurisprudence ultérieure telle que Choudary c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. n2181 (QL), 2004 CF 1727, et Razzak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 951 (QL), 2005 CF 752, pour faire valoir qu’il n’est pas suffisant que l’État démontre une volonté d’aider, mais qu’il doit fournir une protection réelle et efficace.

 

[24]           Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur en fondant sa décision sur cette énonciation du critère. Il soutient que le critère ainsi énoncé est insuffisant parce qu’il serait respecté dans des situations où un État a fait des efforts sérieux, qu’il ait réellement fourni une protection ou non.

 

iv)          La Commission a-t-elle commis une erreur dans son examen de la preuve au sujet de la protection de l’État au Pakistan?

 

[25]           Subsidiairement, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant que le Pakistan offre une protection de l’État adéquate pour les chiites. En particulier, le demandeur conteste la conclusion de la Commission selon laquelle le nombre de personnes assassinées par des extrémistes a diminué, que les policiers sont mieux formés et que le gouvernement a mis en place des mesures de répression contre les extrémistes. Le demandeur soutient que ces conclusions sont en contradiction avec la preuve documentaire, dans laquelle un rapport de Human Rights Watch atteste qu’il y a eu une [traduction] « augmentation marquée du nombre d’assassinats ciblés de chiites […] au cours des dernières années ».

 

[26]           Le demandeur mentionne aussi un rapport d’Amnistie Internationale selon lequel, en 2003, la torture et les mauvais traitements administrés par les policiers étaient encore chose courante au Pakistan, alors que les contrevenants étaient rarement tenus responsables de leurs actions. Le demandeur fait aussi observer que le rapport de Human Rights Watch précise que [traduction] « ceux qui participent à de la violence sectaire sont rarement traduits en justice et pratiquement aucune mesure n’a été prise pour la protection des collectivités affectées. » Le demandeur soutient que tant le rapport du Département d’État des États-Unis que le rapport d’Amnistie Internationale affirment que la violence sectaire continue et que le gouvernement semble incapable d’offrir une protection contre cette violence.

 

OBSERVATIONS DU DÉFENDEUR

i)                    La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas lié au projet Thread?

 

[27]           Le défendeur soutient que la Commission a tenu compte du témoignage du demandeur et d’autres preuves au sujet de la perception selon laquelle M. Saeed avait été membre d’un groupe terroriste. Il soutient que la Commission avait le devoir d’apprécier la preuve et qu’il n’appartient pas à la Cour de réexaminer la preuve.

 

ii)                  La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne serait pas persécuté du fait de ses liens apparents avec le projet Thread?

 

[28]           Le défendeur soutient que, en ce qui a trait aux affidavits de M. Khan, le demandeur ne fait que présenter des hypothèses sur les diverses façons dont les affidavits auraient pu être examinés. Plus précisément, le défendeur fait valoir que la Commission avait le droit de tirer une conclusion d’invraisemblance au sujet de la preuve de M. Khan parce qu’elle s’est fondée sur d’autres preuves documentaires dont elle était saisie.

 

[29]           En ce qui a trait à l’affidavit de M. Jahangir, le défendeur affirme que les motifs de la Commission indiquent clairement qu’elle a examiné cette preuve parce qu’elle mentionne précisément cet affidavit (motifs de la Commission, p. 10).  Le défendeur soutient que la Commission a en fait accordé le bénéfice du doute à la preuve contenue dans l’affidavit et qu’elle a tout de même conclu que cette preuve ne permettait pas de tirer une conclusion en faveur du demandeur.

 

iii)                La Commission a-t-elle commis une erreur dans son énonciation du critère qu’elle devait utiliser pour déterminer s’il existait une protection de l’État adéquate?

 

[30]           Le défendeur soutient que la Commission n’avait pas l’obligation d’analyser plus en détail l’efficacité de la protection de l’État parce qu’elle avait déjà conclu, à juste titre, que le demandeur pouvait se prévaloir d’une protection adéquate, même si elle était imparfaite. Le défendeur soutient de plus que le demandeur n’a pas réfuté, à l’aide de preuves claires et convaincantes, la présomption de l’existence de la protection de l’État.

 

iv)                La Commission a-t-elle commis une erreur dans son examen de la preuve au sujet de la protection de l’État au Pakistan?

 

[31]           Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas démontré que la Commission n’avait pas examiné toute la preuve, parce que la Commission a clairement tenu compte de tous les documents cités par le demandeur. En ce qui a trait au risque personnel de préjudice, le défendeur affirme que la Commission pouvait conclure que le demandeur n’avait pas un profil qui lui faisait courir un risque, et que la Commission n’avait pas à examiner la preuve documentaire puisqu’elle avait conclu que le témoignage n’était pas crédible.

 

[32]           Le défendeur soutient de plus que la preuve documentaire citée par le demandeur ne réfutait pas la présomption de l’existence de la protection de l’État et ne contredisait pas les conclusions de la Commission. En particulier, le défendeur allègue que la Commission a noté que les professionnels chiites étaient ciblés, et que la preuve attestant que la torture et les mauvais traitements existaient toujours n’était pas incompatible avec la conclusion selon laquelle le gouvernement offrait de la formation aux policiers.

 

ANALYSE

a) La norme de contrôle

[33]           En ce qui a trait à la norme de contrôle applicable aux conclusions de crédibilité de la Commission, il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour d’appel et de la Cour que la décision manifestement déraisonnable est la norme applicable (voir, par exemple, Thavarathinam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1469, [2003] A.C.F. no 1866 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 10; Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 4, récemment appliquée dans Ogiriki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 342, [2006] A.C.F. no 420 (QL), Mohammad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 352, [2006] A.C.F. no 493 (QL)). La même norme de contrôle s’applique à l’évaluation de la légitimité des documents d’identité (voir, par exemple, Egbokheo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 163, [2006] A.C.F. no 285 (QL), Kosta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 994, [2005] A.C.F. no 1233 (QL)).

 

[34]           Comme la Cour Suprême du Canada l’a expliqué, la décision manifestement déraisonnable exige comme norme que la Cour n’intervienne pas dans une décision sauf si « aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pourrait raisonnablement amener le tribunal à conclure comme il l’a fait sur la base de la preuve soumise » (Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20).

 

[35]           Par contre, la décision correcte est la norme applicable à l’énonciation du critère qui permet de juger de l’existence de la protection de l’État (voir la décision de la juge Mactavish dans Collins c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1403). La Cour a aussi statué que l’analyse de la protection de l’État est, en soi, une question mixte de fait et de droit qui est assujettie à la décision raisonnable (voir, par exemple, la décision de la juge Dawson dans Muszynski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1075). Comme la Cour Suprême du Canada l’a expliqué dans l’affaire Ryan, susmentionnée, une décision est raisonnable si elle résiste à un « examen assez poussé ». La juge Dawson a bien résumé l’état du droit à ce sujet dans Muszynski, susmentionnée :

7. Lorsque la Commission doit se prononcer sur le caractère adéquat de la protection de l'État, elle doit tirer certaines conclusions de fait, qui ne peuvent être annulées par la Cour que si la Commission a agi de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Voir : Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 38.

 

8. Lorsque ces conclusions de fait sont tirées, elles doivent être évaluées selon le critère juridique formulé par la Cour suprême dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 724 : les faits confirment-ils « d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection » et réfutent-ils donc la présomption que l'État protège les personnes? C'est une question mixte de droit et de fait. Selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle effectuée par ma collègue la juge Tremblay-Lamer dans la décision Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 232, je conviens que la norme de contrôle de la décision relative au caractère adéquat de la protection de l'État applicable est la décision raisonnable simpliciter.

 

 

b) La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas lié au projet Thread, et qu’il ne serait pas persécuté du fait de ses liens apparents avec le projet Thread?

 

[36]           À mon avis, la norme applicable à ces questions est la décision manifestement déraisonnable. Un examen attentif de la preuve dont la Commission était saisie, en particulier des articles de journaux portant sur le projet Thread, ne révèle rien qui pourrait donner à penser que le demandeur a été présenté publiquement comme lié au projet Thread. Au cours de l’audience, on a demandé au demandeur comment ses amis et sa famille pourraient le croire lié au projet Thread et il a répondu que les membres de sa famille savaient qu’il était inscrit au Ottawa Business College parce qu’il le leur avait dit, et qu’il avait été arrêté, parce qu’un de ses oncles les en avait avisés. Les articles de journaux publiés au Canada et au Pakistan liaient le College avec un certain nombre d’hommes qui avaient été arrêtés au cours de l’enquête sur le projet Thread. Cependant, la Commission a conclu que le témoignage du demandeur au sujet de la probabilité que des gens au Pakistan fassent un lien entre lui et le projet Thread était intéressé et qu’il n’était pas soutenu par des preuves indépendantes.

 

[37]           Après avoir lu les motifs de la Commission conjointement avec le témoignage et la preuve documentaire, il est clair que la Commission a tenu compte de la preuve dont elle était saisie et qu’elle a effectué une analyse bien motivée. À mon avis, le demandeur demande en fait à la Cour de réexaminer la preuve en question, et il est impossible d’affirmer que les conclusions de la Commission étaient manifestement déraisonnables, au sens que la jurisprudence a donné à cette norme de contrôle.

 

[38]           Après avoir tiré cette conclusion, la Commission a tout de même examiné en détail la preuve par affidavit des rapatriés au Pakistan qui avaient été liés au projet Thread. Elle a conclu que les situations que les rapatriés avaient vécues n’équivalaient pas à de la persécution, même si les preuves étaient jugées crédibles, et que de toute façon les autorités pakistanaises en question semblaient avoir agi en conformité avec les lois du Pakistan. Le problème porte sur la formulation que la Commission a utilisée lorsqu’elle a traité de la question de l’extorsion. Elle a déclaré : « Je comprends qu’un conseil puisse qualifier un pot-de-vin de 400 $CAN d’extorsion, mais, dans bien des pays du monde, comme au Pakistan, le fait de devoir verser des pots-de-vin aux autorités est admis et n’a rien d’inattendu » (motifs de la Commission, p. 18).

 

[39]           Ce raisonnement est quelque peu inquiétant puisqu’il semble se fonder sur l’opinion que si quelque chose est de pratique commune ou attendue, elle ne peut pas constituer un motif de persécution. Cependant, cette conclusion n’était pas essentielle à la décision de la Commission, parce que les conclusions au sujet de la crédibilité étaient, en soi, décisives. Par conséquent, ce passage des motifs, bien qu’il soit fautif, ne vicie pas la décision de la Commission au regard de la décision manifestement déraisonnable.

 

c) La Commission a-t-elle commis une erreur dans son énonciation du critère qu’elle devait utiliser pour déterminer s’il existait une protection de l’État adéquate?

 

[40]           Le demandeur a soutenu que l’énonciation du critère de la Commission était erronée, dans la mesure où elle s’est fondée sur les efforts sérieux de l’État sans examiner en profondeur si ces efforts étaient efficaces. Il ne fait aucun doute que certaines des formulations de la Commission sont ambiguës et peuvent entraîner l’interprétation avancée par le demandeur. Cependant, ayant examiné attentivement les motifs de la Commission dans leur intégralité, je suis d’avis qu’elle a appliqué le critère approprié et qu’elle s’en est tenue aux facteurs pertinents.

 

[41]           Dans la décision Canada (Procureur général) c. Ward, susmentionnée, la Cour Suprême du Canada a statué qu’un demandeur doit présenter une « preuve claire et convaincante » de l’incapacité de l’État d’offrir une protection. Elle a déclaré aux pages 724, 25 et 26 :

Comme Hathaway, je préfère formuler cet aspect du critère de crainte de persécution comme suit :  l'omission du demandeur de s'adresser à l'État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l'État [traduction] « aurait pu raisonnablement être assurée ».  En d'autres termes, le demandeur ne sera pas visé par la définition de l'expression « réfugié au sens de la Convention » s'il est objectivement déraisonnable qu'il n'ait pas sollicité la protection de son pays d'origine; autrement, le demandeur n'a pas vraiment à s'adresser à l'État.

 

Il s'agit donc de savoir comment, en pratique, un demandeur arrive à prouver l'incapacité de l'État de protéger ses ressortissants et le caractère raisonnable de son refus de solliciter réellement cette protection.  D'après les faits de l'espèce, il n'était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l'État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward.  Toutefois, en l'absence de pareil aveu, il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection.  Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée.  En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens.  La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté.  En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.

 

[...] Une crainte subjective de persécution conjuguée à l'incapacité de l'État de protéger le demandeur engendre la présomption que la crainte est justifiée.  Le danger que cette présomption ait une application trop générale est atténué par l'exigence d'une preuve claire et convaincante de l'incapacité d'un État d'assurer la protection. [...]

 

 

[42]           Je reconnais qu’il semble y avoir différents courants dans la jurisprudence au sujet de la protection de l’État. Le demandeur se fonde, en particulier, sur la décision Bobrik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1364 (C.F.), dans laquelle la Cour a statué que l’État doit offrir réellement de la protection, et non simplement faire preuve d’efforts en ce sens. Cependant, le juge Gibson a par la suite mis en doute cette décision dans Smirnov c. Canada (Secrétaire d’État) (1re inst.), [1995] 1 C.F. 780, dans laquelle il a écrit :

La première décision était Bobrik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration). Dans ses motifs de jugement, Madame la juge Tremblay-Lamer a déclaré :

 

Ainsi donc, même si l'État veut protéger ses citoyens, un demandeur remplira le critère du statut de réfugié si la protection offerte est inefficace. Un État doit donner réellement de la protection, et non simplement indiquer la volonté d'aider. Lorsque la preuve révèle qu'un demandeur a connu de nombreux incidents de harcèlement ou de discrimination ou à la fois de harcèlement et de discrimination sans que l'État le défende efficacement, la présomption joue, et on peut conclure que l'État veut peut-être protéger le demandeur, mais qu'il ne peut le faire.

 

En outre, Madame la juge Tremblay-Lamer a dit ceci :

 

Le fait que le grand nombre d'incidents de discrimination et de harcèlement n'a pas cessé après que les requérants eurent demandé l'aide de la police prouve suffisamment que l'État dans ce cas particulier ne pouvait leur assurer une protection efficace.

 

En toute déférence, je conclus que Madame la juge Tremblay-Lamer fixe une norme trop élevée en ce qui concerne la protection de l'État, norme que, dans bien des cas, il serait difficile d'atteindre même dans notre pays. C'est une réalité moderne que la protection offerte est parfois inefficace. Bien des incidents de harcèlement ou de discrimination ou à la fois de harcèlement et de discrimination peuvent survenir d'une manière qui rend très difficiles toute enquête et toute protection efficaces. Le recours à des lettres non signées qui ne donnent pas l'identité de leurs auteurs et à des communications téléphoniques établies au hasard dans lesquelles la personne qui appelle ne s'identifie pas en constituent des exemples. Un simple incident de dégradation d'un bien en constitue un autre. Les requérants ont été victimes de ces genres d'incidents et n'ont pas obtenu satisfaction lorsqu'ils les ont signalés à la milice ou à la police. Il est également difficile premièrement d'enquêter efficacement sur des agressions commises au hasard, comme celles subies par les requérants, où les agresseurs ne sont pas connus de la victime et dont aucun tiers n'a été témoin et deuxièmement de protéger efficacement la victime contre ses agresseurs. Dans de tels cas, même la police la plus efficace, la mieux équipée et la plus motivée aura de la difficulté à fournir une protection efficace. Notre Cour ne devrait pas imposer à d'autres pays une norme de protection « efficace » que malheureusement la police de notre propre pays ne peut parfois qu'ambitionner d'atteindre.

 

 

[43]           Plus récemment, la juge Layden-Stevenson a traité de la question de la protection de l’État dans B.R. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 269. Il me semble que l’extrait suivant de ses motifs est un énoncé exact du droit actuel :

À défaut d'une situation d'effondrement complet de l'appareil étatique, il est généralement présumé qu'un État est en mesure d'assurer la protection de ses citoyens. Cette présomption sert à renforcer la raison profonde de la protection internationale offerte en remplacement, laquelle entre en jeu lorsque celui qui la réclame n'a plus d'autre solution. Les demandeurs d'asile doivent présenter une preuve corroborant de façon claire et convaincante l'incapacité de l'État à assurer leur protection pour réfuter la présomption voulant que l'État soit en mesure de protéger ses citoyens : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689. La protection étatique n'a pas à être parfaite, mais elle doit être adéquate. Il ne suffit pas de démontrer qu'un gouvernement n'a pas toujours été efficace pour protéger les personnes dans la situation particulière du demandeur. Toutefois, lorsque l'État se révèle si faible, et sa maîtrise si ténue, qu'il n'est qu'un gouvernement nominal, il peut être justifié d'affirmer être incapable d'obtenir sa protection : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Villafranca (1992), 99 D.L.R. (4th) 334 (C.A.F.), autorisation d'en appeler refusée, [1993] S.C.C.A. no 76.

 

 

[44]           Il est important aussi de souligner que le juge Martineau a effectué un examen exhaustif de la jurisprudence au sujet de la protection de l’État dans Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 359. Il a clairement précisé que l’évaluation de l’existence de la protection de l’État doit se fonder sur une analyse personnalisée de la situation du demandeur. C’est précisément ce que la Commission a fait en l’espèce. Elle a examiné méthodiquement la preuve portant sur les risques allégués par le demandeur et a comparé cette preuve avec le contexte de la situation actuelle du pays. Après avoir souligné les diverses mesures que l’État du Pakistan a prises pour mettre un frein à l’extrémisme religieux et aux abus commis par les policiers, et après avoir noté que l'État a la maîtrise de ses territoires et qu'il s'est doté des structures d'un État de droit apte à protéger ses citoyens, y compris un système judiciaire indépendant, la Commission a conclu que l’État était en mesure de protéger ses citoyens.

 

[45]           En tirant cette conclusion, la Commission ne se faisait pas d’illusions et était clairement consciente des inconvénients et du long chemin à parcourir avant que la tâche soit accomplie. Elle a néanmoins examiné la preuve en utilisant comme critère la protection « adéquate, sans être nécessairement parfaite ». En effet, la question cruciale que la Commission a énoncée dès le début de son analyse était précisément de savoir si le Pakistan offre « une protection adéquate, sans être nécessairement parfaite, à ses citoyens, qu’ils soient sunnites ou chiites, qui craignent d’être personnellement victimes de préjudices graves infligés par des extrémistes religieux de l’un ou l’autre des mouvements islamistes » (motifs de la Commission, p. 20). Par conséquent, je conclus que la Commission a appliqué le critère approprié pour la protection de l’État.

 

d) La Commission a-t-elle commis une erreur dans son examen de la preuve au sujet de la protection de l’État au Pakistan?

 

[46]           Le demandeur soutient que la Commission n’a pas tenu compte de certaines preuves documentaires et que certaines des conclusions de la Commission sont incompatibles avec la preuve. En particulier, comme je l’ai déjà mentionné, le demandeur conteste les conclusions de la Commission selon lesquelles le nombre de meurtres commis par des extrémistes a diminué, que les policiers sont mieux formés et que le gouvernement a mis en place des mesures de répression contre les extrémistes. Le demandeur soutient que cette conclusion est tout à fait contraire à la preuve documentaire, dans laquelle un rapport de Human Rights Watch atteste qu’il y a eu une [traduction] « augmentation marquée du nombre d’assassinats ciblés de chiites […] au cours des dernières années ». Le demandeur mentionne un rapport d’Amnistie Internationale qui souligne que la torture et les mauvais traitements administrés par les policiers sont encore chose courante, alors que les contrevenants sont rarement tenus responsables de leurs actions. Le demandeur fait aussi observer que le rapport de Human Rights Watch précise que : [traduction] « Ceux qui participent à la violence sectaire sont rarement traduits en justice et pratiquement aucune mesure n’a été prise pour la protection des collectivités affectées ».

 

[47]           À mon avis, il est bien établi en droit que la Commission n’a pas à mentionner dans ses motifs toute la preuve documentaire dont elle a tenu compte. En ce qui a trait aux parties contestées de la décision de la Commission, je note qu’elles s’appuyaient aussi sur la preuve documentaire. Même si la Commission n’a pas expressément mentionné la preuve soulevée par le demandeur, après un examen assez poussé, il est clair que la Commission a reconnu qu’il existait toujours de la violence contre les chiites, qu’il y a eu des abus de la part des policiers et qu’il est arrivé que les policiers refusent d’empêcher la violence sectaire ou d’inculper les personnes qui avaient participé à de tels actes de violence (motifs de la Commission, pages 21 à 24).

 

[48]           Les rapports de Human Rights Watch et d’Amnistie Internationale faisaient partie de la preuve documentaire dont la Commission était saisie en l’espèce et elle ne les a pas mentionnés explicitement. Les citations du demandeur sont possiblement des exemples de questions au sujet desquelles ces organismes internationaux non gouvernementaux prennent une position quelque peu différente de celle des organismes internes qui s’occupent des rapports aux États-Unis et au Royaume-Uni. À mon avis, cependant, les extraits que cite le demandeur soulignent certains problèmes, notamment le risque de violence envers les chiites et la possibilité que les auteurs de cette violence ne soient pas punis. Selon mon interprétation des motifs de la Commission compte tenu de la preuve dont elle était saisie, il est clair que la Commission était consciente de ces problèmes et qu’elle avait le droit d’examiner la preuve de façon raisonnée, ce qu’elle a fait. Ainsi, à mon avis, les conclusions de la Commission au sujet de la protection de l’État ne peuvent pas être qualifiées de déraisonnables. 

 

[49]           Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire devra être rejetée. Les parties n’ont énoncé aucune question pour la certification et aucune ne sera certifiée.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Les parties n’ont énoncé aucune question pour la certification et aucune ne sera certifiée.

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3386-05

 

INTITULÉ :                                       ZEESHAN SAEED c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 mai 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  Le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 août 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Orman

 

POUR LE DEMANDEUR

Matina Karvellas

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Orman

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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