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Date : 20060818

Dossier : DES-04-01

Référence : 2006 CF 1010

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE d’un certificat délivré en vertu

de l’article 40.1 de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985,

ch. I-2, maintenant réputé délivré en vertu du par. 77(1) de la

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27;

 

ET DANS L’AFFAIRE du renvoi de ce

certificat à la Cour fédérale;

 

ET DANS L’AFFAIRE DE Mahmoud Jaballah,

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY

 

[1]               Les présents motifs appuient l’ordonnance du 30 juin 2006 par laquelle la Cour a rejeté la requête présentée pour le compte du défendeur, M. Jaballah. Dans cette requête, il est demandé à la Cour de réexaminer l’ordonnance en date du 2 mai 2006 reportant l’audition des témoignages et des observations concernant le caractère raisonnable du certificat de sécurité délivré en août 2001 par les demandeurs, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le solliciteur général, celui-ci portant maintenant le titre de ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Subsidiairement, on demande à la Cour de rendre une ordonnance nommant un « avocat spécial » chargé de comparaître devant elle au nom de M. Jaballah lors d’une audience à huis clos pour s’opposer à la non-communication de renseignements ordonnée par la Cour. La communication des renseignements en cause a été refusée à M. Jaballah et à son avocat en application de l’article 78 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et ses modifications (la LIPR).

 

[2]               La requête sollicitait également d’autres réparations se rapportant aux conditions de détention au Centre de surveillance de l’Immigration de Kingston, où M. Jaballah et d’autres personnes ont été transférés à la fin avril 2006. Dans la requête, on demande aussi à la Cour, compte tenu de la décision Harkat c. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et al., [2006] A.C.F. n0 770, 2006 CF 628, appel rejeté (2006 CAF 259, 13 juillet 2006), de fixer la date d’une audience pour réexaminer sa décision de ne pas mettre en liberté M. Jaballah, une décision qu’elle avait rendue en février 2006.

 

[3]               Le 30 juin 2006, la Cour a refusé de se prononcer sur les conditions de détention avant que les avocats des parties n’aient eu la possibilité de discuter d’une procédure visant à résoudre ces préoccupations. À l’audience du 11 juillet, on a fait savoir à la Cour que les conditions de détention avaient été modifiées et que des progrès avaient été réalisés dans le règlement des différents en cours. À l’heure actuelle, la Cour ne prévoit pas examiner davantage les inquiétudes exprimées par M. Jaballah au sujet des conditions de sa détention, à moins que d’autres observations ne soient présentées à ce sujet.

 

[4]               La Cour a également refusé, dans son ordonnance du 30 juin, de fixer la date d’une audience en vue de réexaminer son refus de mettre en liberté M. Jaballah jusqu’à l’issue de la procédure relative au caractère raisonnable du certificat des ministres concernés, une procédure déjà reportée à maintes reprises afin d’instruire les requêtes interlocutoires présentées pour le compte de M. Jaballah. Si la Cour juge le certificat déraisonnable, elle l’annulera et mettra en liberté M. Jaballah. 

 

[5]               Au début de juillet 2006, le nouvel avocat de M. Jaballah a demandé par écrit au juge en chef l’audition d’une requête visant la mise en liberté de son client. À moins que le juge en chef ne me désigne pour entendre la demande de mise en liberté, je suppose que cette démarche de l’avocat de M. Jaballah fait en sorte que je n’ai pas à examiner la possibilité de fixer la date d’une audience en vue de réexaminer ma décision antérieure ou, comme on me l’a demandé oralement le 28 juin, de modifier les conditions de la détention de M. Jaballah de manière que celui-ci soit assigné à résidence sous condition, compte tenu de la décision rendue par la juge Dawson dans Harkat (Re), précité.

 

[6]               Avant de statuer sur les deux autres demandes de réparation, soit la demande de réexamen du refus de reporter la présente instance et celle de réexaminer le refus de nommer un avocat spécial, je décrirai brièvement ci-dessous le contexte général dans lequel la requête a été présentée à la Cour.

 

Le contexte général

[7]               Les instances portant sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité des ministres ont été réunies. Tout récemment, la Cour les a résumées dans une annexe d’une décision datée du 16 mars 2006 (voir Jaballah (Re), 2006 CF 346), par laquelle elle a jugé légale la décision, prise en septembre 2005 au nom du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, de refuser la demande de protection de M. Jaballah. Durant la procédure d’examen de la décision du ministre, M. Jaballah a demandé l’autorisation de témoigner quant au caractère raisonnable du certificat; il avait eu l’occasion de le faire auparavant mais avait refusé. L’autorisation de témoigner ou de présenter une autre preuve lui avait été accordée en novembre 2005.

 

[8]               Des dates d’audience ont été fixées à maintes reprises avec le consentement des avocats lors de deux semaines, la première devant être consacrée à la preuve produite pour le compte de M. Jaballah, et la deuxième, aux observations.

i.    En février 2006, ces audiences ont été ajournées pour instruire une requête présentée à la dernière minute par l’avocat de M. Jaballah. L’avocat me demandait de me récuser de la présente affaire, requête que j’ai rejetée;

ii.    Les 1er et 2 mai 2006, la Cour a reporté des journées d’audience prévues afin d’entendre une requête présentée pour le compte de M. Jaballah en vue de suspendre l’instance jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada statue sur trois autres affaires qu’elle devait instruire à la mi-juin. Cette requête a été rejetée. On a fait appel du rejet de ladite requête et le juge Linden, de la Cour d’appel fédérale, a refusé de suspendre la présente instance en attendant l’instruction de l’appel (Voir Jaballah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. n0 747, 2006 CAF 179);

iii.   À la mi-mai 2006, alors que M. Jaballah était sur le point de témoigner, son avocat, soulignant l’importance d’assurer à M. Jaballah le droit de connaître la preuve qu’il doit réfuter, a demandé oralement la communication de renseignements supplémentaires. Il a aussi demandé la nomination d’un avocat spécial au cas où il lui serait interdit de défendre les intérêts de son client lors des audiences à huis clos, pour mettre en doute les renseignements qui n’ont pas été fournis à celui-ci. Je m’étais alors engagé à examiner, en présence des avocats des ministres, les renseignements dont je disposais qui n’avaient pas été communiqués à M. Jaballah ou à l’avocat de celui-ci, et j’ai examiné de nouveau ces renseignements par la suite. J’ai procédé ainsi pour s’assurer que tous les renseignements des ministres qui lui ont été présentés soient éventuellement communiqués à M. Jaballah, sauf ceux dont, à mon avis, la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui, conformément aux alinéas 78b) et e) de la LIPR. Parallèlement, j’ai refusé, dans une décision orale, la demande de nomination d’un avocat spécial ou d’un amicus curiae. Ce faisant, j’ai appliqué de façon générale la décision rendue par la juge Dawson dans Harkat (Re), [2004] A.C.F. n0 2101, 2004 CF 1717. Vu la présentation tardive de la demande et le long retard qui découlerait forcément de telle nomination, de l’absence d’entente sur les responsabilités de l’avocat spécial, particulièrement en ce qui concerne ses rapports avec M. Jaballah et l’avocat de ce dernier, j’estime que la nomination proposée ne faciliterait pas l’instruction de la présente affaire. En outre, je n’étais pas convaincu qu’un juge désigné pour appliquer l’art. 78 de la LIPR n’assurerait pas le respect des droits garantis par la Charte à M. Jaballah, d’autant plus que toute décision sur l’application de la Charte pourrait faire l’objet d’un appel.

iv.   Le 28 juin, pendant l’instruction de la présente requête en réexamen d’une ordonnance et en octroi d’autres réparations, les cinq journées prévues pour l’audition des témoins ont de nouveau été reportée. Lorsque la requête en réexamen a été rejetée, on a fixé de nouvelles dates d’audition du témoignage de M. Jaballah et de ceux présentés pour son compte; ces témoignages ont été entendus entre le 11 et le 13 juillet 2006. L’audition des observations sur le caractère raisonnable du certificat des ministres est maintenant prévue pour la semaine du 11 septembre 2006, soit la première semaine pendant laquelle les avocats des parties, en particulier celui de M. Jaballah, sont disponibles. 

 

[9]               Après avoir décrit le contexte de la requête, je passerai maintenant aux principaux objets de la requête en réexamen des décisions antérieures.

 

Requête visant le réexamen du refus de reporter la présente instance

[10]           Le 8 mai 2006, j’ai certifié la transcription des motifs donnés oralement pour lesquels j’ai rejeté, six jours auparavant, une requête présentée pour le compte de M. Jaballah. La requête visait le report de l’instance jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada statue sur trois autres affaires (appelées, dans les présents motifs, Almrei, Charkaoui et Harkat) qui devaient être instruites, et l’ont été, à la mi-juin 2006. Ces affaires soulevaient des questions constitutionnelles relativement à la procédure d’examen des certificats de sécurité. On a fait valoir que la décision attendue pourrait fort bien influer sur l’issue de la présente instance mettant en cause M Jaballah.

 

[11]           Instruite le 1er mai 2006, cette requête en sursis de l’instance a été plaidée par l’avocat de M. Jaballah sur le fondement du critère habituel, lequel s’inspire de celui applicable aux injonctions interlocutoires qu’a énoncé la Cour suprême du Canada dans les arrêts Metropolitan Stores, [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR Macdonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311. Le critère habituel a été appliqué dans la plupart des affaires d’immigration à la suite de l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1988) 86 N.R. 302, 6 Imm. L.R. (2d) 123 (C.A.F.). Je n’étais pas convaincu que M. Jaballah avait répondu au critère tripartite, notamment le besoin de démontrer qu’il subirait un préjudice irréparable si le sursis ne lui était pas accordé et la nécessité d’établir que la prépondérance des inconvénients militait en faveur de l’octroi d’un sursis. Je relève que l’avocat de M. Jaballah a reconnu que la procédure prévue par la LIPR, procédure que la Cour a suivie, a été jugée constitutionnellement valide (voir Charkaoui (Re), 2004 CAF 241, 247 D.L.R. (4th) 405, 328 N.R. 201, [2004] A.C.F. n0 2060 (C.A.F.)). Je suis d’avis que cette décision lie la Cour, à moins que la Cour suprême n’en décide autrement ou que le Parlement la modifie dans l’exercice de sa compétence législative. L’ordonnance du 2 mai rejetant la demande de report de la présente instance en attendant l’instruction de l’appel a été portée en appel, mais, comme je l’ai mentionné ci‑dessus (par. 8(ii)), la Cour d’appel a rejeté ladite requête. 

 

[12]           La demande de M. Jaballah s’appuie sur le préjudice irréparable qu’il risquerait de subir, dit-on, en raison de la possibilité d’utiliser tout témoignage incriminant qu’il donnerait au cours d’une instance future, particulièrement lors de tout nouvel examen du caractère raisonnable du certificat de sécurité des ministres auquel pourrait donner lieu les décisions de la Cour suprême dans les affaires dont elle était saisie à la mi-juin. À mon avis, il serait possible à la Cour d’éviter ce risque de préjudice en rendant une ordonnance limitant comme il se doit l’utilisation du témoignage donné par M. Jaballah dans une instance future. La Cour a rendu une ordonnance en ce sens en attendant l’examen des observations supplémentaires des avocats. Cette ordonnance a depuis été modifiée le 18 août 2006 après étude des observations des parties.

 

[13]           La requête instruite le 28 juin 2006 sollicitait le réexamen de la décision du 2 mai de ne pas reporter l’audition des témoignages et des observations concernant le certificat de sécurité des ministres. Dans la requête, on demandait avec insistance à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire, mais pas pour les motifs donnés habituellement à l’appui d’un sursis. Cette fois‑ci, il était affirmé que le report se justifiait pour la raison suivante : le ton des interrogatoires et des débats qui se sont déroulés pendant les appels entendus par la Cour suprême à la mi-juin dans les affaires Almrei, Charkaoui et Harkat donnait à penser qu’il était probable que la Cour rende des décisions appuyant la conclusion que la procédure suivie dans l’examen des certificats de sécurité dans ces affaires et, implicitement, en l’espèce est contraire à la Constitution. Cette analyse du ton général des débats tenus devant la Cour suprême reposait non pas sur la transcription de l’instance, mais sur les commentaires de journalistes et d’autres personnes, de même que sur les observations écrites adressées à la Cour suprême par la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et la Criminal Lawyers’ Association. L’issue prédite relevait de la conjecture.

 

[14]           Comme c’était le cas en mai, je n’étais pas convaincu, le 28 juin, que les commentaires d’observateurs tiers au sujet d’une instance de la Cour suprême puissent servir de fondement à la prévision des décisions de cette cour. Je ne suis pas non plus persuadé que l’on puisse comparer les circonstances de l’espèce à celles, évoquées par l’avocat de M. Jaballah, dans lesquelles les tribunaux ont accordé une suspension d’instance en attendant qu’une décision soit rendue dans une autre procédure. Enfin, je ne suis pas convaincu que l’argument exposé ci-dessus est nouveau en ce sens qu’il va au-delà de la prétention avancée le 1er mai 2006, au moment où la première requête en report de la présente instance a été entendue. Le seul changement qui s’est produit depuis est le fait que l’audience de la Cour suprême a eu lieu, mais l’issue de cette audience alors anticipée par l’avocat de M. Jaballah est demeurée la même. Une deuxième requête fondée, pour l’essentiel, sur les mêmes faits n’autorise pas la Cour à modifier la décision sur une requête antérieure sollicitant une réparation semblable. 

 

[15]           Ainsi, la Cour n’avait aucune raison de réexaminer sa décision du 2 mai 2006. Je rejette donc la requête entendue le 28 juin 2006 dans la mesure où elle sollicite une ordonnance suspendant ou reportant l’instance relative au certificat de sécurité.

 

Nomination d’un avocat spécial

[16]           Comme je l’ai déjà mentionné (par. 8 (iii) ci-dessus) pendant l’audience tenue le 18 mai 2006, l’avocat de M. Jaballah m’a demandé, sans avoir déposé une requête officielle en ce sens, que lui ou l’avocat spécial désigné par la Cour examine la preuve confidentielle et mette en question la fiabilité et la crédibilité de celle-ci lors d’une audience à huis clos, s’il y a lieu. J’ai alors décidé de ne pas nommer un avocat spécial ou un amicus curiae chargé d’examiner ces renseignements soit pour le compte de M. Jaballah, soit pour celui de la Cour. À ce moment-là, j’ai statué comme suit (voir la transcription de l’audience du 18 mai 2006, de la p. 483, ligne 20 à la p. 484, ligne 21)

[TRADUCTION]

À mon avis, il ne conviendrait pas que je nomme maintenant un avocat ayant pour mandat de conseiller la Cour. Celle-ci a utilisé ses propres ressources pour tenter d’établir ce qui doit être communiqué et ce qui ne doit pas l’être. Cette façon de procéder a été jugée conforme aux règles constitutionnelles canadiennes dans les décisions Charkaoui et Ahani […] la procédure prévue à l’article 40.1 de la Loi sur l’immigration qui, je vous le rappelle, est à l’origine de la présente affaire.

 

Quoiqu’il en soit, compte tenu de cette procédure et de la décision maintenue, je reconnais que la Cour suprême sera saisie de ce point le mois prochain, mais je ne suis pas disposé à ordonner la nomination d’un avocat spécial ou d’un amicus curiae. Il nous faudrait alors reprendre l’affaire en l’espèce depuis le début. 

 

Pour ce qui est de statuer sur la question de savoir si l’avocat de M. Jaballah peut examiner tous les témoignages entendus à huis clos – et je suppose que cela vaut pour l’amicus curiae –, la Cour est précisément tenue par l’al. 78b)de la LIPR de ne communiquer à quiconque des renseignements ou des éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon elle, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

 

 

[17]           Dans la requête entendue le 28 juin 2006, on demandait [TRADUCTION] « une ordonnance nommant un avocat spécial chargé de comparaître devant la Cour pour le compte du demandeur lors d’une audience à huis clos afin, d’une part, de contester la non-communication au demandeur, par les défendeurs, des renseignements intéressant l’audience sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité dont celui-ci fait l’objet et, d’autre part, de mettre en question la fiabilité et la crédibilité de ces renseignements avant que le demandeur ne soit obligé de répondre entièrement à la preuve produite contre lui ».

 

[18]           On a fait valoir avec insistance pour le compte de M. Jaballah que la teneur des interrogatoires et des débats qui se sont déroulés pendant les audiences de la Cour suprême à la mi‑juin (en l’occurrence dans les affaire Almrei, Charkaoui et Harkat) donnait à penser que la Cour se rangerait probablement à l’idée de nommer un avocat spécial ou un amicus curiae chargé de mettre en question les renseignements confidentiels dans des instances comme celle‑ci. Encore une fois, cette opinion fondée sur les commentaires de journalistes, d’observateurs et d’intervenants relève présentement de la conjecture. L’avocat de M. Jaballah a dit préférer que la Cour nomme un avocat spécial en s’appuyant sur le modèle qui, semble-t-il, aurait été adopté il y a quelques années par le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (le CSARS) en application de la Loi sur le Service canadien de renseignement de sécurité (la Loi sur le CSARS), mais les responsabilités dudit avocat à l’égard de la Cour, de l’intéressé (M. Jaballah) ou de l’avocat de ce dernier n’ont pas été énoncées en détail dans l’argumentation devant moi. Je fais remarquer que, dans Harkat (Re), 2004 CF 1717, [2004] A.C.F. n0 2101 (QL), au par. 11, la juge Dawson a exposé les fonctions d’un conseiller juridique autonome dans une procédure du CSRS, telles que décrites par un avocat ayant exercé à ce titre lors de son témoignage dans cette affaire. 

 

[19]           La nomination d’un avocat spécial à ce stade-ci aurait inévitablement pour effet de retarder davantage la présente instance, laquelle est en cours depuis près de cinq ans. Pareille démarche ne répondrait peut-être pas à un ou plusieurs des critères susceptibles d’être formulés par la Cour suprême même si la Cour devait se prononcer en faveur de pareille nomination ou si le législateur établissait plus tard une telle procédure.

 

[20]           À mon avis, les faits de l’espèce, survenus le 18 mai et le 28 juin, sont semblables à ceux de l’affaire Harkat c. Le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, (2004 CF 1717, précité). Dans cette affaire, la juge Dawson, reconnaissant implicitement le pouvoir discrétionnaire de la Cour de désigner un avocat spécial, avait conclu que, lorsqu’elle agit conformément aux dispositions de la LIPR déclarées constitutionnelles par la Cour d’appel fédérale, la Cour ne saurait exercer ce pouvoir discrétionnaire quand il n’y a aucune raison de penser que le juge désigné ne serait pas apte à protéger les droits de l’intéressé. Le rôle du juge désigné est d’évaluer les renseignements et la preuve dont disposent les ministres. Cette tâche revient habituellement aux tribunaux malgré la non-communication d’une partie des renseignements en cause. Il n’existe aucune question de droit au sujet de laquelle l’avis d’un autre avocat que celui d’une des parties pourrait aider la Cour.

 

[21]           J’estime qu’en exerçant ses fonctions sans avoir recours à un avocat spécial ou à un amicus curiae, la Cour respecte l’intention du législateur telle qu’exprimée à l’art. 78 de la LIPR et satisfait aux règles d’ordre constitutionnel établies par la Cour d’appel fédérale.

 

[22]           Selon l’interprétation que je donne à l’art. 78, le juge désigné de la Cour ne peut autoriser l’avocat de M. Jaballah à examiner la preuve qui n’a pas été communiquée à celui-ci. En outre, la Cour n’était pas convaincue, eu égard aux circonstances de l’espèce, qu’elle devait alors nommer un avocat spécial chargé de traiter les renseignements non communiquer, et décrire les responsabilités de cet officier de la cour.

 

Conclusion

[23]           Pour les motifs exposés ci-dessus, l’ordonnance du 30 juin 2006 rejette la demande visant à faire réexaminer le refus de la Cour de reporter l’audition, prévue pour août 2001, des témoignages et des observations quant au caractère raisonnable du certificat de sécurité, et de nommer un avocat spécial ou un amicus curiae chargé d’examiner et de mettre en doute les renseignements n’ayant pas été communiqués à M. Jaballah dont la divulgation porterait atteinte, de l’avis de la Cour, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. 

 

 

« W. Andrew MacKay »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    DES-4-01

 

INTITULÉ :                                                   DANS L’AFFAIRE d’un certificat délivré en vertu

de l’article 40.1 de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, maintenant réputé délivré en vertu du par. 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C.2001, ch.27;

 

                                                                        ET DANS L’AFFAIRE du renvoi de ce

                                                                        certificat à la Cour fédérale;

 

ET DANS L’AFFAIRE DE MAHMOUD JABALLAH,

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 30 JUIN 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE MACKAY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 18 AOÛT 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald MacIntosh                                            POUR LES DEMANDEURS

David Tyndale

Mielka Visnic

Robert Batt

Marthe Beaulieu

 

Barbara Jackman                                              POUR LE DÉFENDEUR

John Norris

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John S. Sims, c.r.                                              POUR LES DEMANDEURS

Sous-procureur général du Canada

 

Jackman & Associates                                      POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

 

Ruby, Edwardh                                                POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

 

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