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Date : 20060811

Dossier : IMM‑4850‑05

Référence : 2006 CF 975

ENTRE :

NILDA ALBIN ALBERTI

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SIMPSON

 

[1]               Les présents motifs ont trait à une demande de contrôle judiciaire concernant une décision datée du 26 novembre 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de rouvrir la demande d’asile de la demanderesse.

 

LE CONTEXTE

 

[2]               La demanderesse est une Uruguayenne âgée de 56 ans. Elle est arrivée au Canada vers le 7 mars 2001 et a présenté une demande d’asile le 29 avril 2004.

 

[3]               Le 1er juin 2004, la demanderesse a reçu un avis de comparution à une audience de la Commission fixée au 21 juin 2004. Elle ne s’y est pas présentée. Le 21 juin 2004, un avis de comparution à une audience de « justification » fixée au 9 juillet 2004 lui a été transmis. Elle ne s’y est pas présentée non plus. La Commission a donc conclu au désistement de la demande et a envoyé à la demanderesse un avis à cet effet. Les avis fixant les dates de ces audiences sont appelés collectivement « les avis ».

 

[4]               Le 26 novembre 2004, la demanderesse a présenté une demande de réouverture de sa demande d’asile.

 

LA DÉCISION ATTAQUÉE

 

[5]               La Commission a conclu qu’elle s’était acquittée convenablement de son obligation en postant les avis à la dernière adresse connue de la demanderesse.

 

[6]               La Commission a aussi fait remarquer que le nom de M. Julius Ehikwe était inscrit comme conseiller sur le formulaire de renseignements personnels (FRP) de la demanderesse. La Commission a toutefois conclu qu’étant donné que M. Ehikwe n’était pas autorisé à agir comme conseiller d’après la Société canadienne de consultants en immigration (la SCCI), il n’avait pas le droit de recevoir une copie des avis.

 

[7]               Enfin, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas eu manquement à la justice naturelle et a refusé de rouvrir la demande de la demanderesse.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[8]               Il est utile de signaler que les questions suivantes ne sont pas en litige :

·        Il est incontesté que la demanderesse ne s’est pas acquittée de son obligation de tenir la Commission au courant de ses coordonnées, comme le prescrit le paragraphe 4(3) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 (les Règles), et que, de ce fait, la non‑réception des avis n’était pas un manquement aux principes de justice naturelle.

·        Il est incontesté qu’aux termes des dispositions de l’article 167 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), et du paragraphe 13.1(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, trois types de conseillers peuvent représenter un demandeur devant la Commission :

(i)                  les avocats en règle (les avocats);

(ii)                les membres en règle de la SCCI, contre rémunération (les consultants);

(iii)               s’il n’y a pas de rémunération, d’autres personnes que je qualifierais d’« adjoints ».

·        Il est incontesté que M. Ehikwe est qualifié par la demanderesse, dans son FRP, de conseiller dont elle a retenu les services, qu’il n’est pas qualifié d’avocat ou de consultant et que, pour être considéré comme un adjoint, il ne peut donc pas exiger d’être rémunéré.

·        Il est incontesté que, le 20 mai 2004, M. Ehikwe a informé la Commission qu’il n’était pas rémunéré et que, dans un affidavit daté du 4 juillet 2004, la demanderesse a qualifié M. Ehikwe de conseiller en immigration non rémunéré.

·        Il est incontesté que la Commission n’a pas envoyé les avis à M. Ehikwe.

 

[9]               Dans ce contexte, le litige se limite au fait de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que le défaut d’envoyer les avis à M. Ehikwe n’était pas un manquement aux principes de justice naturelle.

 

ANALYSE

 

[10]           Selon l’avocate du défendeur, le fait que la Commission n’ait pas envoyé les avis à M. Ehikwe et qu’une note inscrite dans la liste de contrôle du nouveau dossier de la Commission indique que M. Ehikwe est un [traduction] « conseiller non autorisé » dénote que la Commission ne croyait pas que M. Ehikwe représentait effectivement la demanderesse sans rémunération. Je crois toutefois que si la Commission se demandait si M. Ehikwe faisait une fausse déclaration au sujet de son statut, elle aurait dû demander aux autorités compétentes de faire enquête sur les pratiques de ce dernier. Cela dit, au vu du dossier dont je suis saisie, rien ne prouve que M. Ehikwe a menti à la Commission à propos du fait qu’il fournissait ses services à la demanderesse sans rémunération, ou que la demanderesse a signé un faux affidavit quand elle a attesté ce fait. M. Ehikwe sera donc considéré dans les présents motifs comme un conseiller faisant partie de la catégorie des « adjoints ».

 

[11]           La question consiste donc à savoir si M. Ehikwe aurait dû recevoir les avis même si la demanderesse n’était pas en droit de les recevoir parce qu’elle avait omis de communiquer sa nouvelle adresse. À cet égard, les Règles prévoient ce qui suit :

31. Les règles 32 à 35 s’appliquent à tout document, notamment l’avis écrit ou la demande écrite.

 

31. Rules 32 to 35 apply to any document, including a notice or a request in writing.

 

32(3) Pour transmettre un document au demandeur d’asile ou à la personne protégée, il faut le lui faire parvenir directement OU, s’il est représenté par un conseil, le faire parvenir à celui‑ci.

[Non souligné dans l’original.]

32(3) A document provided to a claimant or a protected person must be provided to the claimant or protected person OR, if the claimant or protected person has counsel, to their counsel.

[my emphasis]

 

[12]           Au dire de l’avocate du défendeur, comme la règle dit « ou » au lieu de « et » avant de faire référence au conseil, la Commission avait le choix de décider à quel endroit il fallait envoyer un document et elle était en droit de ne le faire qu’à la demanderesse même si un conseiller était inscrit au dossier.

 

[13]           La Commission s’est peut être bien conformée à sa règle, mais à mon avis, sa conduite ne concorde pas avec les principes de justice naturelle. Une personne qui décide d’être représentée par un conseiller a droit à une telle représentation. Certes, un demandeur pourrait communiquer avec un conseiller après avoir reçu un avis d’audience, mais cette façon de faire n’est pas logique dans le contexte d’une demande d’asile où le demandeur ne lit peut‑être pas l’anglais ou ne saisit pas l’importance d’un document et où il est demandé au demandeur dans le FRP de fournir les coordonnées d’un conseiller. Dans ces circonstances, il semble raisonnable de conclure que le droit aux services d’un conseiller inclut celui de faire en sorte que l’on envoie à ce dernier des documents importants comme les avis.

 

[14]           Comme M. Ehikwe était un conseiller et comme il n’a pas reçu les avis, la Commission a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu manquement à la justice naturelle. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 11 août 2006

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4850‑05

 

 

INTITULÉ :                                                   NILDA ALBIN ALBERTI

                                                                        c.

                                                                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 5 AVRIL 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 11 AOÛT 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Hamalengwa

      POUR LA DEMANDERESSE

 

Catherine Vasilaros

      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Julius Ehikwe

      POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

      POUR LE DÉFENDEUR

 

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