Date : 20250325
Dossier : IMM-1510-24
Référence : 2025 CF 554
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Toronto (Ontario), le 25 mars 2025
En présence de madame la juge Turley
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ENTRE : |
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MUHAMMAD AURANGZAIB |
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demandeur |
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et |
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 29 novembre 2023 par laquelle un agent des visas [l’agent] d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a rejeté sa demande de permis de travail présentée au titre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai la demande parce qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.
[2] Le demandeur est un avocat en exercice du Pakistan. Il a reçu une offre d’emploi d’un cabinet d’avocats de Mississauga pour travailler comme auxiliaire juridique. Le cabinet a reçu une étude d’impact sur le marché du travail positive et a ensuite présenté des demandes afin d’obtenir un permis de travail fermé pour le demandeur, un permis de travail ouvert pour son épouse et des permis d’études pour leurs quatre enfants.
[3] L’agent a rejeté les demandes, car il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour, comme le prévoit l’alinéa 200(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. L’agent a fondé sa décision sur quatre motifs : (i) le but de la visite du demandeur n’est pas compatible avec un séjour temporaire; (ii) le demandeur a des possibilités d’emploi limitées au Pakistan; (iii) l’emploi actuel du demandeur ne fait pas état de son établissement financier au Pakistan; et (iv) le demandeur n’a pas établi qu’il peut s’acquitter adéquatement de ses fonctions futures.
[4] Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] fournissent des renseignements complémentaires sur le contexte. L’agent a conclu que le demandeur avait donné des renseignements contradictoires sur ses antécédents professionnels dans différentes demandes, ce qui mine sa crédibilité générale :
[traduction]
[Le demandeur] a fourni des renseignements contradictoires à IRCC dans diverses demandes; en 2017, [le demandeur] a présenté une demande de VRT et a précisé que son seul emploi depuis mars 2010 était celui de directeur, Développement de produits de Techverx. Lorsque [le demandeur] a présenté une autre demande de VRT en mai 2022, il a indiqué qu’il avait occupé un poste de direction au sein du cabinet d’avocats Zaib entre mars 2010 et mai 2022, tout en travaillant pour Techverx. Enfin, dans la présente demande de PT, [le demandeur] précise qu’il travaille à temps partiel pour Techverx (comme dirigeant et avocat) et à titre d’associé du cabinet d’avocats R&R (anciennement Zaib Law). [Le demandeur] n’a pas communiqué de renseignements cohérents à IRCC au fil du temps, ce qui mine sa crédibilité générale.
Notes consignées dans le SMGC datées du 29 novembre 2023, dossier certifié du tribunal, aux p 4-5.
[5] L’obligation d’équité procédurale à laquelle ont droit les demandeurs de permis de travail se situe à l’extrémité inférieure du spectre : Shoaie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2025 CF 12 au para 20; Sadeghieh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 442 au para 22; Do c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 927 [Do] au para 29; Bains c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 57 au para 56. Un agent n’est pas tenu de demander des éclaircissements sur des lacunes, de fournir un « résultat intermédiaire »
quant aux lacunes d’une demande ou de faire connaître au demandeur ses réserves quant au caractère suffisant des documents à l’appui : Haghshenas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 464 au para 21; Al Aridi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 381 au para 20; Sulce c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1132 au para 16.
[6] Toutefois, le demandeur doit avoir la possibilité de répondre aux réserves de l’agent avant que celui-ci tire une conclusion défavorable quant à la crédibilité : Ojji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1322 au para 4; Obasi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 746 au para 17; Do, au para 29; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 77 au para 10. Le défaut de le faire équivaut à un manquement à l’équité procédurale. En l’espèce, l’agent n’a pas permis au demandeur d’expliquer les incohérences alléguées dans ses antécédents professionnels avant de conclure que celles-ci minaient sa crédibilité générale. Cette erreur constitue à elle seule un motif suffisant d’annulation de la décision.
[7] Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerai la demande de contrôle judiciaire. La décision sera annulée, et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. Le demandeur doit avoir la possibilité de répondre aux réserves concernant ses antécédents professionnels.
[8] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
[9] Enfin, d’après l’intitulé initial, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté est constitué défendeur. Comme je l’ai expliqué à l’audience, le défendeur approprié est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Bien que le défendeur soit couramment connu sous le premier titre, son nom selon la loi demeure le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration : Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, al. 5(2)b) et Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, para 4(1). Par conséquent, l’intitulé est modifié pour désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur.
JUGEMENT dans le dossier IMM-1510-24
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
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L’intitulé est modifié de manière à ce que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soit désigné à titre de défendeur.
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La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
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La décision du 29 novembre 2023 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.
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Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.
« Anne M. Turley »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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DOSSIER : |
IMM-1510-24 |
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INTITULÉ : |
MUHAMMAD AURANGZAIB c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
TORONTO (ONTARIO) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 24 MARS 2025 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE TURLEY |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 25 MARS 2025 |
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COMPARUTIONS :
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Robert Israel Blanshay |
POUR LE DEMANDEUR |
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Rachel Hepburn Craig |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Blanshay Law Avocats Toronto (Ontario) |
POUR LE DEMANDEUR |
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Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |