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Date : 20060728

Dossier : T‑560‑05

Référence : 2006 CF 937

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 28 juillet 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE PROTONOTAIRE ROGER R. LAFRENIÈRE

 

 

ENTRE :

PFIZER CANADA INC. et

WARNER-LAMBERT COMPANY, LLC

 

                                                                                                                                  demanderesses

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et NOVOPHARM LIMITED

 

                                                                                                                                          défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Par requête en date du 18 juillet 2006, les demanderesses, Pfizer Canada Inc. et Warner‑Lambert Company LLC (collectivement : Pfizer), demandent l’autorisation pour chaque partie de déposer un mémoire des faits et du droit ne dépassant pas 45 pages.

 

[2]               La requête de Pfizer est contestée par la défenderesse Novopharm Limited (Novopharm) au motif que Pfizer n’a pas présenté d’éléments de preuve tels qu’elle ne puisse valablement présenter sa cause dans les limites de 30 pages prévues par le paragraphe 70(4) des Règles des Cours fédérales (les Règles).

 

[3]               Le paragraphe 70(4) des Règles prévoit que la Cour peut autoriser une partie à déposer un mémoire des faits et du droit dépassant 30 pages. La seule question que soulève la requête est celle de savoir si Pfizer a produit les éléments de preuve dont la Cour a besoin pour accorder la mesure demandée.

 

Les faits

 

[4]               La présente instance renvoie à une demande présentée par Pfizer en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement). Novopharm demande à Santé Canada d’approuver ses comprimés d’atorvastatine calcique de 10, 20, 40 et 80 mg (comprimés de Novopharm) et elle compare ses comprimés à ceux de Pfizer vendus sous le nom de Lipitor. Pfizer a inscrit les lettres patentes canadiennes no 2,021,546 (brevet 546) au Registre des brevets à l’égard du produit Lipitor.

 

[5]               Pfizer a déposé sa demande le 24 mars 2005 en réponse à un avis d’allégation et une déclaration détaillée de Novopharm, où celle‑ci allègue, entre autres, que les revendications du brevet 546 sont invalides. Novopharm affirme en particulier que certaines revendications du brevet 546 sont invalides pour les raisons suivantes :

 

a)      Les revendications sont anticipées par le brevet américain 4,681,893.

b)      Les revendications sont évidentes, compte tenu de l’état de la technique.

c)      Les revendications font double emploi avec les revendications du brevet canadien no 1,330,441.

 

[6]               Pfizer a signifié ses onze affidavits principaux le 19 août 2005 :

a)                  L’affidavit confidentiel de 35 pages de Bruce D. Roth, assermenté le 17 août 2005. M. Roth est l’inventeur désigné dans le brevet 546.

b)                  L’affidavit confidentiel de 28 pages de Roger S. Newton, assermenté le 17 août 2005. Le docteur Newton est biochimiste. Il a participé aux premières étapes d’élaboration de l’atorvastatine calcique.

c)                  L’affidavit confidentiel de 57 pages de William R. Roush, assermenté le 17 août 2005. M. Roush est chimiste médical.

d)                  L’affidavit confidentiel de 32 pages du docteur John M. Dietschy, assermenté le 16 août 2005. Le docteur Dietschy est médecin.

e)                  L’affidavit confidentiel de 25 pages de Michael P. Doyle, assermenté le 17 août 2005. M. Doyle est chimiste organique. 

f)                    L’affidavit confidentiel de 14 pages de Peter Lionel Spargo, assermenté le 5 août 2005. M. Spargo est chimiste chargé de la mise au point.

g)                  L’affidavit confidentiel de 25 pages de Christopher Bokhart, assermenté le 15 août 2005. M. Bokhart est expert‑économiste dans le secteur pharmaceutique.

h)                  L’affidavit confidentiel de 19 pages de Sam Gourdji, assermenté le 15 août 2005.
M. Gourdji était directeur du marketing chez Pfizer au moment du lancement du Lipitor au Canada.

i)                    L’affidavit confidentiel de quatre pages de Tom Brogan, assermenté le 17 août 2005. M. Brogan est consultant dans le secteur pharmaceutique.

j)                    L’affidavit de 25 pages du docteur Peter Howard Jones, assermenté le 17 août 2005. Le docteur Jones est médecin.

k)                  L’affidavit de deux pages de Maria Klapka, assermentée le 18 août 2005. Mme Klapka est directrice de la division médicale (réglementation et renseignement) chez Pfizer.

 

[7]               Le 4 novembre 2005, Pfizer a signifié et déposé un nouvel avis de demande précisant qu’une seule revendication est en cause en l’espèce. 

 

[8]               Novopharm a signifié ses dix affidavits de réponse le 15 décembre 2005 :

 

a)                  L’affidavit confidentiel de 49 pages de Clayton H. Heathcock, assermenté le 28 novembre 2005. M. Heathcock est professeur à l’École des hautes études de l’Université de Californie à Berkeley.

b)                  L’affidavit confidentiel de 28 pages de Gilbert W. Adelstein, assermenté le 14 décembre 2005. M. Adelstein est chimiste médical.

c)                  L’affidavit confidentiel de 32 pages d’Alfred Alberts, assermenté le 14 décembre 2005. M. Alberts est expert scientifique et pharmaceutique indépendant.

d)                  L’affidavit confidentiel de 34 pages de Joseph Weinstock, assermenté le 14 décembre 2005. M. Weinstock est expert pharmaceutique indépendant.

e)                  L’affidavit confidentiel de 25 pages de Gene C. Ness, assermenté le 15 décembre 2005. M. Ness est professeur de biochimie et de biologie moléculaire au collège de médecine de l’Université du Sud de la Floride.

f)                    L’affidavit confidentiel de 30 pages de Lea Prevel Katsanis, assermentée le 14 décembre 2005. Mme Katsanis est professeur agrégé au département de marketing de l’École d’administration John de l’Université Concordia.

g)                  L’affidavit de 16 pages de Peter Loewen, assermenté le 14 décembre 2005. M. Loewen est pharmacien clinique.

h)                  L’affidavit de sept pages de Bruce M. Gagala, assermenté le 14 décembre 2005. M. Gagala est avocat aux États‑Unis.

i)                    L’affidavit de 10 pages d’Anna Hucman, assermentée le 15 décembre 2005. Mme Hucman est clerc chez Heenan Blaikie.

j)                    L’affidavit complémentaire de deux pages d’Anna Hucman, assermentée le 15 décembre 2005.

 

[9]               Le 3 mars 2006, la protonotaire Martha Milczynski, chargée de la gestion de l’instance, a autorisé Pfizer à déposer une preuve complémentaire et Novopharm à déposer une contre‑preuve.

 

[10]           Conformément à l’ordonnance du 3 mars 2006, Pfizer a déposé sept affidavits de preuve complémentaire et Novopharm, six affidavits de contre‑preuve. 

 

[11]           Le contre‑interrogatoire des déposants des parties a commencé le 31 mars pour se terminer le 5 juillet 2006.

 

[12]           Pfizer a demandé le consentement de Novopharm pour obtenir une ordonnance les autorisant à signifier et à déposer un mémoire des faits et du droit de 45 pages. Novopharm a refusé au motif qu’il s’agit d’une affaire simple et qu’il n’y a aucune raison de dépasser la limite des 30 pages.

 

Analyse

 

[13]           Le paragraphe 70(4) des Règles prévoit que, sauf ordonnance contraire de la Cour, le mémoire des faits et du droit, abstraction faite de la jurisprudence et de la doctrine invoqués ainsi que des annexes, ne peut contenir plus de 30 pages.

 

[14]           La limite de 30 pages vise à garantir que les questions présentées à la Cour le sont de manière concise, comme l’explique la Cour d’appel dans Bande de Sawridge c. Canada (2006), 145 A.C.W.S. (3d) 971, 2006 CAF 52, au par. 20 :

 

La concision est une qualité toujours recherchée, mais qui, si je me fie à mon expérience, brille souvent par son absence dans les mémoires exposant les faits et le droit déposés devant la Cour. Je ne me souviens d'aucun cas où j'ai pensé qu'ajouter encore 10 pages à un mémoire aurait amélioré les choses. À dire vrai, c'est tout le contraire.

 

 

[15]           Cette limitation des arguments écrits n’est pas propre à la Cour fédérale. Dans des instructions relatives à la pratique régissant la procédure dans les appels civils de la Cour d’appel de l’Ontario en date du 7 octobre 2003, le juge en chef de la Cour précise que, dans la majorité des appels, la longueur des mémoires ne doit pas dépasser 30 pages. À la Cour d’appel de l’Ontario, si un avocat estime avoir besoin de produire un mémoire de plus de 30 pages, il doit en demander l’autorisation par requête. La partie qui dépose la requête doit y joindre un exemplaire du mémoire proposé.

 

[16]           En l’espèce, la Cour a, en vertu du paragraphe 70(4) des Règles, le pouvoir discrétionnaire de passer outre à la limite imposée aux mémoires des faits et du droit. Elle ne le fera cependant que si la partie qui demande la dispense fournit une explication raisonnable et fait la preuve de circonstances particulières.

 

[17]           Je suis d’accord avec Novopharm pour dire que l’affidavit de Pfizer à l’appui de sa requête est un peu faible. On n’y trouve notamment rien qui prouve précisément que les questions de l’espèce sont plus complexes ou nombreuses que celles d’autres instances tranchées en vertu du Règlement.

 

[18]           Par ailleurs, la Cour ne peut déterminer si le mémoire des faits et du droit proposé par Pfizer sera de quelque utilité puisqu’aucune ébauche du document n’a été déposée. Si la Cour et les autres parties avaient eu la possibilité d’examiner le mémoire proposé, sa nécessité aurait pu être évidente, et la requête n’aurait peut‑être pas été contestée.

 

[19]           Dans une demande ordinaire, une partie demandant une dispense en vertu du paragraphe 70(4) des Règles est censée faire la preuve de la complexité des questions soulevées et faire clairement la preuve qu’il y a lieu de déposer d’autres observations écrites. Par ailleurs, en bonne pratique, il faudrait qu’une ébauche du mémoire soit produite devant la Cour pour qu’elle puisse l’examiner. Il demeure qu’il ne s’agit pas d’une procédure habituelle.

 

[20]           On peut constater, à la lecture du dossier, que Novopharm a soulevé de nombreuses questions juridiques concernant le brevet canadien no 2,021,546 (brevet 546) appartenant à Pfizer. Pour régler ces questions, les parties ont signifié et déposé trente‑cinq affidavits produits par vingt‑et‑un experts et témoins de fait, et dix‑neuf des déposants ont été contre‑interrogés. Le dossier factuel est donc, en soi, exceptionnellement volumineux.

 

[21]           Par ailleurs, cinq journées ont été réservées à l’audition de la demande, à l’exclusion des témoignages oraux. L’audience se limitera aux observations orales des avocats. La durée de l’audience, ainsi qu’en ont convenu les parties, laisse croire qu’il faudra beaucoup de temps pour examiner les faits et les enjeux.

 

[22]           Le facteur principal dont il y a lieu de se préoccuper dans ce genre de requête est la question de savoir si, en autorisant la production d’un mémoire plus long, le juge présidant l’audience sera mieux placé pour rendre une décision valable sur le fond. Après avoir examiné l’avis d’allégation, le nouvel avis de demande et les affidavits versés au dossier, je conclus que 30 pages ne seront pas suffisantes pour que les avocats exposent les faits et le droit de façon cohérente et accessible pour la Cour. En fait, ce serait un mauvais service à rendre au juge chargé d’entendre la demande que d’insister pour que Pfizer écourte ses observations écrites simplement pour se conformer à une limitation applicable aux demandes ordinaires. 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  Les parties peuvent chacune signifier et déposer, avec leurs dossiers respectifs, un mémoire des faits et du droit de 45 pages.

2.                  La présente ordonnance est rendue sous réserve du droit de Novopharm de soulever une question concernant les dépens relatifs à la longueur des mémoires des parties.

3.                  Les dépens afférents à la présente requête suivront l’issue de l’instance.

 

                                                                                                            « Roger R. Lafrenière »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              T‑560‑05

 

INTITULÉ :                                             PFIZER CANADA INC. et al. c. MINISTRE DE LA SANTÉ et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     24 JUILLET 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :        LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE :                                                     28 JUILLET 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew E. Bernstein

Damien P. McCotter

 

POUR LES DEMANDERESSES

Mark Edward Davis

 

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM LIMITED

 

-

POUR LE DÉFENDEUR

MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Torys LLP

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Heenan Blaikie LLP

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM LIMITED

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

Ministre de la Santé

 

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