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Dossier : T-1811-01

Référence : 2003 CF 825

ENTRE :

                                                    TROJAN TECHNOLOGIES, INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                                  SUNTEC ENVIRONMENTAL INC.

                                                                                                                                               défenderesse

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON :

INTRODUCTION

[1]                 Les présents motifs font suite à l'audition d'une requête en jugement sommaire présentée sous forme modifiée le 20 décembre 2002 par la demanderesse Trojan Technologies, Inc. (Trojan). Dans sa requête, Trojan cherche à obtenir les réparations suivantes :

[traduction]

1.             Un jugement déclaratoire portant que :

a.             la défenderesse a contrefait les revendications 36,40,42,46,47,61,64 et 65 du brevet canadien no 1 327 877;

b.             les revendications 36, 40, 42, 46, 47, 61, 64 et 65 du brevet canadien no 1 327 877 sont valides et en vigueur;


2.             Un jugement déclaratoire portant que la défenderesse a contribué à ce que des tiers contrefassent les revendications 36, 40, 42, 46, 47, 61, 64 et 65 du brevet canadien no 1 327 877 ou les y a incités;

3.             Une injonction enjoignant à la défenderesse, ses dirigeants, administrateurs, employés, actionnaires, mandataires et toutes les personnes sur lesquelles elles exercent un contrôle de :

                 a.             cesser de contrefaire le brevet canadien no 1 327 877;

b.             cesser de fabriquer, importer, exporter, vendre et offrir en vente au Canada ou à partir du Canada, tout système de désinfection par ultraviolets Suntec Environmental LPX200 ou LPX500 ainsi que tout produit équivalent ou connexe;

4.             Une ordonnance accordant :

a.             la restitution à la demanderesse de tous les systèmes de désinfection par ultraviolets Suntec Environmental LPX200 ou LPX500 et leurs pièces, produits équivalents ou marchandises, de même que tout appareil, document ou objet qu'elle a en sa possession, sous son autorité ou son contrôle qui est susceptible de contrevenir à l'ordonnance demandée aux présentes;

                 b.             plus de 50 000 $ à titre de dommages-intérêts ou une comptabilisation de bénéfices selon ce que la demanderesse choisira après enquête;

                 c.             les intérêts avant et après jugement sur les dommages-intérêts ou bénéfices à compter de la date où ils ont été réalisés jusqu'à la date du paiement;

                 d.             les dépens de la demanderesse pour la requête;

e.             toute autre réparation que la Cour estime juste.

La réparation demandée par Trojan dans sa requête en jugement sommaire est identique à celle énoncée dans sa déclaration sauf en ce qui concerne la revendication 38 du brevet canadien no 1 327 877 qui a été retirée de la liste des revendications devant faire l'objet de jugement déclaratoire.

[2]                 Dans sa décision en date du 22 avril 2002, accordée sur consentement, la Cour a ordonné que :

[traduction]

1.             Toute question portant sur l'ampleur de la contrefaçon, les dommages-intérêts découlant d'une telle contrefaçon ou sur les profits résultant de celle-ci (collectivement appelés les « questions ajournées » ) seront déterminées, le cas échéant, séparément après que les autres questions auront été tranchées.

2.             Les parties peuvent procéder à l'instruction de l'affaire sans la tenue d'un interrogatoire préalable et la communication de documents concernant les questions ajournées énumérées au paragraphe 1 de la présente ordonnance.

La décision prévoyait également qu'aucuns dépens ne seraient adjugés pour la requête. La requête en jugement sommaire a été entendue en se fondant sur la même disjonction des questions en litige concernant la détermination des dommages-intérêts et des bénéfices issus de la contrefaçon.

LES PARTIES


[3]                 Trojan est une compagnie constituée en personne morale en vertu des lois de l'Ontario dont le principal établissement est situé au 3020, rue Gore, à London en Ontario. Ses activités sont la recherche et développement, la fabrication, la vente, l'installation, l'entretien et les services de consultation concernant les systèmes de traitement de l'eau, comme les eaux usées et l'eau potable municipales, l'eau recyclée et l'eau souterraine contaminée. Ses systèmes de traitement des eaux sont basés sur l'usage des rayons ultraviolets. Trojan est le titulaire du brevet canadien no 1 327 877 (le brevet en cause) délivré le 22 mars 1994 pour l'invention de Jan Maarschalkerweerd intitulée « Dispositif de purification des fluides » .

[4]                 La défenderesse Suntec Environmental Inc. (Suntec) est une compagnie constituée en personne morale en vertu de la loi fédérale canadienne dont le principal établissement est situé au 106, rue Rayette, bureau 1, à Concorde en Ontario. Suntec, qui exerce ses activités au Canada, effectue la fabrication, la vente, l'installation et l'entretien de systèmes et d'appareils de désinfection des eaux basés sur l'usage de lumière ultraviolette. Elle fait également affaire aux États-Unis et au Japon par le biais de sociétés affiliées.

LE BREVET EN CAUSE

[5]                 Comme je l'ai souligné précédemment, Trojan est le titulaire inscrit au brevet en cause. Le demande de brevet a été déposée le 16 août 1989 et on y revendique une priorité en date du 13 septembre 1988, soit la date du dépôt du brevet équivalent aux États-Unis. Le brevet comprend soixante-cinq (65) revendications. L'abrégé de la divulgation du brevet en cause est libellé comme suit :

[traduction]


Dispositif d'épuration de fluide comprenant un cadre en U inversé dont les branches supportent plusieurs ensembles de lampes, comprenant chacun une lampe ultraviolette enveloppée d'un manchon protecteur. Une des branches est creuse et comporte des fils connectés aux lampes via des ouvertures espacées le long de la branche. Une des extrémités des manchons protecteurs est montée sur support élastique aux ouvertures de la branche creuse et des joints d'étanchéité sont prévus pour empêcher le fluide d'entrer dans la branche creuse et dans le manchon protecteur. L'autre extrémité des manchons protecteurs est fermée et maintenue dans des douilles de l'autre branche du cadre formée par deux plaques fixées ensemble. Des joints toriques situés le long de l'autre branche constituent des sièges flexibles pour les manchons protecteurs. Un ballast électrique commandant la tension et le courant aux lampes peut être incorporé au cadre.

Le brevet en cause est décrit ainsi, en termes généraux, dans la déclaration de Trojan :

[traduction]

Le brevet porte sur l'épuration de fluides, y compris l'eau sous la forme d'eaux usées municipales, d'eau potable municipale, d'eau recyclée et d'eau souterraine polluée. Un des traitements les plus populaires est la désinfection des eaux usées municipales. Les eaux usées correspondent normalement aux eaux d'égout et aux eaux industrielles. Elles peuvent comporter des substances telles que des matières de vidange, des déchets alimentaires, des huiles, des savons, des produits chimiques et des microorganismes tels que bactéries, virus, moisissures et algues. Les eaux usées proviennent des éviers, des douches, des bains, des toilettes, des machines à laver, des lave-vaisselle et d'une grande variété de procédés commerciaux et industriels. Elles peuvent également comprendre des eaux de ruissellement.

Avant que les eaux usées municipales puissent être déchargées dans un plan d'eau tel qu'un lac, une rivière ou un océan, elles sont normalement soumises à une épuration. Une des fins primordiales de cette épuration est de désinfecter les eaux usées en vue d'en réduire ou d'en éliminer la forte concentration en organismes pathogènes. Par le passé, cette épuration a été effectuée au moyen de la chloration, qui fait maintenant l'objet d'études en raison de préoccupations réglementaires et de sécurité.

Les revendications du brevet portent sur un dispositif et un système pour épurer et désinfecter des fluides, dont les eaux usées, au moyen de lumière ultraviolette.

Le brevet, en termes généraux, porte sur un appareil et un système d'épuration d'eaux usées par rayonnement ultraviolet. Normalement, ces systèmes sont des systèmes d'épuration de fluide alimentés par gravité.

Nous décrirons plus amplement le brevet en cause plus loin dans les présents motifs.

LES QUESTIONS EN LITIGE


[6]                 Les questions soulevées par la présente requête en jugement sommaire sont les suivantes : premièrement, déterminer quels sont les principes généraux qui régissent les requêtes en jugement sommaire; deuxièmement, déterminer si Trojan est le titulaire du brevet en cause et si un tel brevet, plus précisément les revendications 36, 40, 42, 46, 47, 61, 64 et 65 qui y sont énoncées sont valides; troisièmement, déterminer si Suntec a contrefait le brevet en cause et plus précisément les revendications énumérées ci-dessus.

ANALYSE

a)         Principes régissant les jugements sommaires

[7]                 Les principes régissant la détermination des requêtes en jugement sommaire en vertu des règles de la présente Cour ne sont pas, pour essentiel, contestés devant moi. J'estime qu'ils ont été admirablement bien résumés par mon collègue le juge Russell dans Apotex Inc. c. Canada[1], où il a écrit aux paragraphes 9 et 10 de ses motifs :

Les parties n'ont pas de différend important en ce qui concerne les principes généraux applicables dans une requête en jugement sommaire fondée sur les articles 213 à 219 des Règles de la Cour fédérale (1998). Conformément à ce qui est exposé dans des décisions telles que Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. S.A. et al. (1996), 111 F.T.R. 189, je dois conclure soit que les réclamations en cause ne présentent aucune véritable question litigieuse, soit que la question en litige est tellement douteuse qu'elle ne mérite pas d'être interprétée dans son propre contexte et devrait être instruite si les faits nécessaires ne sont pas dégagés ou si une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité.


Le fardeau d'établir qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse repose sur le requérant, mais les deux parties doivent « présenter leurs meilleurs arguments » pour que le juge des requêtes puisse trancher cette question, et le juge doit « examiner de près » le fond et, si possible, tirer des conclusions de fait et de droit si les documents le permettent : F. Bon Langsdorff Licensing Limited c. S. F. Concrete Technology Inc. (1999), 165 F.T.R. 74.

J'adopte ce raisonnement comme s'il était le mien.

b)         Interprétation du brevet en cause

[8]                 La première responsabilité du tribunal qui doit trancher des questions de validité et de contrefaçon d'un brevet est de procéder à l'interprétation des revendications du brevet. À la page 1052 de l'arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc.[2], le juge Binnie a, au nom de la Cour suprême, souscrit à l'énoncé suivant de la Cour d'appel fédérale dans Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc.[3] :

J'estime qu'on ne devrait pas tenter de créer une distinction entre une contrefaçon de la substance d'une invention et une contrefaçon textuelle dans une affaire comme la présente espèce; il faut interpréter les revendications afin de déterminer ce qui est exactement couvert par la portée des droits de l'inventeur. Une fois cela déterminé, la Cour peut examiner le produit de la défenderesse afin de décider s'il est embrassé par la portée de la revendication.

[9]                 Les revendications et l'abrégé d'un brevet s'adressent à un travailleur versé dans l'art et doivent être interprétés par une personne déterminée à comprendre et non le contraire. Un brevet doit se voir accorder une interprétation téléologique plutôt qu'une interprétation entièrement littérale résultant de l'application d'une analyse minutieuse[4].


[10]            À la page 1095 de l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc.[5], le juge Binnie a fait siens ces propos du juge Dickson dans la décisionConsolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask) Ltd.[6] :

Il faut considérer l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement [...] sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public.

[Citation omise.]

[11]            Ceci dit, il est bien établi que, bien qu'il soit permis d'avoir recours au mémoire descriptif d'un brevet pour appuyer l'interprétation de ses revendications, cela n'est pas nécessaire lorsque le libellé de celles-ci est clair et non équivoque et on ne peut y avoir recours de bon droit pour en modifier la portée[7].

[12]            Un tribunal ne doit pas être trop prompt à conclure à l'ambiguïté et à invalider un brevet et doit refuser de le faire lorsqu'il est possible, avec quelques efforts, de donner une interprétation téléologique à une revendication[8].

[13]            La date dont il faut tenir compte aux fins d'interprétation d'un brevet tel que celui en cause dans la présente affaire, est la date de sa délivrance[9]. Je reproduis de nouveau un extrait de Whirlpool Corp. c. Camco Inc., précité, où le juge Binnie a dit au par. 45 de la page 1091 :

L'interprétation téléologique repose donc sur l'identification par la cour, avec l'aide du lecteur versé dans l'art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l'inventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention.

[14]            À la lumière de ces principes généraux, je passe maintenant à l'interprétation des revendications 36 et 42 du brevet en cause, celles-ci étant, comme le soutient l'avocat de Trojan, des revendications indépendantes sur lesquelles les autres revendications de Trojan sont fondées. Les revendications 36 et 42 sont reproduites ci-dessous :

[traduction]

36.            Un dispositif d'épuration de fluide permettant d'être placé dans un fluide à épurer, le dispositif comprenant une combinaison d'un cadre constitué d'une paire de branches opposées espacées latéralement entre elles, d'une lampe d'épuration d'eau s'étalant entre lesdites branches et supportée par celles-ci, une extrémité de ladite lampe étant orientée vers une desdites branches, et l'autre extrémité, vers l'autre branche, un fil électrique étant connecté à ladite lampe, et un ballast étant incorporé dans ledit cadre et comprenant un moyen de connexion audit fil pour commander ladite lampe.

...

42.           Un dispositif d'épuration de fluide comprenant :

                 au moins un ensemble lampe d'épuration comprenant une lampe d'épuration allongée et un manchon protecteur enveloppant la lampe d'épuration, le manchon protecteur ayant une extrémité ouverte et une extrémité fermée;


une première branche comprenant un moyen de montage de l'extrémité ouverte du manchon protecteur;

                 une deuxième branche comprenant un moyen de support de l'extrémité fermée du manchon protecteur;

                 un moyen d'étanchéité pour empêcher la pénétration du fluide dans la zone entre ladite lampe d'épuration et ledit manchon protecteur par ladite extrémité ouverte.                                                                                                                               [Non souligné dans l'original.]

Par souci de commodité, les quatre (4) dessins rattachés au brevet en cause ainsi que les paragraphes décrivant les caractéristiques pertinentes de ces dessins ont été reproduits en l'annexe des présents motifs.

[15]            Lors de l'instruction, les avocats de Trojan et de Suntec ont affirmé que les parties s'étaient entendues sur l'interprétation des revendications 36 et 42 du brevet en cause à l'exception des bouts de phrases soulignés, « un fil électrique » et « ballast étant incorporé dans ledit cadre » , que l'on retrouve dans la revendication 36 et le mot « comprenant » dans la revendication 42. L'avocat de Suntec a soutenu que, selon son interprétation des revendications 36 et 42, qu'il estime raisonnable et juste à la fois pour Trojan et pour Suntec, et plus précisément en ce qui concerne l'interprétation des termes et bouts de phrases mentionnés ci-dessus dans le contexte de ces revendications, la variante préférée de l'invention, telle que présentée dans les documents de l'annexe A, déborde simplement de la portée des revendications et, par conséquent, toute reproduction de cette variante par Suntec ne constitue pas une violation des revendications 36 et 42.


[16]            Dans son affidavit en date du 20 décembre 2001, M. Victor Moreland, l'expert de Trojan, a déclaré sous serment :

[traduction]

Dans l'industrie, on n'ignore pas que Trojan est l'inventrice et détient le brevet d'un ballast incorporé dans le cadre du dispositif d'épuration de fluide. Cette invention (et autres aspects inventifs du dispositif d'épuration de fluide) fait l'objet du brevet no 877, qui est le brevet en cause. Dans les systèmes antérieurs, le ballast était situé à l'écart du dispositif d'épuration de fluide, normalement au panneau de commande. L'avantage de l'incorporation du ballast dans le cadre est l'élimination d'effets non souhaitables tels que le brouillage et les variations de résistance associés aux ballasts situés à distance. Cette invention a été mise en oeuvre dans le Trojan UV3000 qui est un dispositif d'épuration de fluide à grand succès commercial. Pour autant que je sache, aucun autre fournisseur, mis à part Suntec, n'a incorporé le ballast dans le cadre.

Les revendications 36 et 40 spécifient « an electrical lead wire connected to said lamp » [un fil électrique connecté à ladite lampe]. Le fil mentionné dans le brevet connecte tout simplement le ballast à la lampe et n'est pas un élément essentiel du dispositif d'épuration de fluide. Il aurait été évident pour toute personne du métier à la date de publication de ce brevet, soit le 22 mars 1994, que n'importe quelle forme de connexion électrique, telle qu'un connecteur ou une barre omnibus, aurait pu être utilisée pour connecter le ballast à la lampe et n'aurait pas eu d'effet déterminant sur le principe de fonctionnement de l'invention. Un connecteur, une barre omnibus, etc., remplissent chacun la même fonction, c.-à-d. l'établissement d'une connexion électrique entre le ballast et la lampe, de la même manière, c.-à-d. au moyen d'un organe conducteur d'électricité pour obtenir le même résultat, c.-à-d. fournir de l'énergie électrique à la lampe pour qu'elle émette un rayonnement UV.

Mis à part un autre aspect du libellé des revendications qui n'est pas pertinent aux fins des présents motifs, M. Moreland affirme également que : [traduction] « Le reste du libellé de la revendication est facile à comprendre. »

[17]            Pour sa part, Karl Scheible, l'expert de Suntec, affirme notamment ce qui suit dans son affidavit en date du 25 septembre 2002 :


[traduction]

J'ai lu l'affidavit de Victor Moreland en date du 20 décembre 2001. Je ne suis pas d'accord avec la conclusion de M. Moreland, au paragraphe 15 de son affidavit, où il affirme que « a ballast incorporated in said frame » [un ballast incorporé dans ledit cadre] veut dire que le ballast fait partie de la structure du cadre qui supporte la lampe. La signification évidente du libellé de la revendication 36 ne soutient pas cette interprétation.

...

Une personne du métier interpréterait le terme « electrical lead wire » [fil électrique] comme voulant dire un fil conducteur d'électricité ordinaire utilisé pour transporter de l'énergie électrique du ballast à la lampe.

Cette signification évidente de « electrical lead wire » [fil électrique] ressort de l'examen de l'ensemble du brevet.

[18]            Lors du contre-interrogatoire, ni l'avis d'expert de M. Moreland ni celui de M. Scheible n'a été ébranlé.


[19]            L'avocat de Suntec a soutenu que, dans la mesure où une différence d'avis est démontrée dans les extraits des affidavits de M. Scheible et de M. Moreland, notre Cour doit privilégier le témoignage de M. Scheible en raison de sa plus grande expérience dans l'industrie et du fait que M. Moreland a admis en contre-interrogatoire que M. Scheible [traduction] « est un spécialiste de premier rang de la branche d'industrie [en question][10]. » De plus, a prétendu l'avocat, l'exercice d'interprétation des revendications auquel s'est livré le Dr Moreland n'a pas été fait de manière indépendante. Subsidiairement, il a allégué que, compte tenu du conflit entre les témoignages d'experts, notre Cour devait refuser d'accorder un jugement sommaire et permettre que la présente affaire fasse l'objet d'un procès, accordant au juge des faits la possibilité d'observer les témoins experts au moment du contre-interrogatoire.


[20]            En toute déférence, j'arrive à une conclusion différente. Aucun des termes « un fil électrique » , « un ballast incorporé dans ledit cadre » ni, encore moins, le mot « comprenant » ne soulèvent de question ressortissant à « la fine pointe » de la technologie. Au contraire, ces termes soulèvent dans une grande mesure une question de sémantique. Compte tenu des lignes directrices bien établies pour l'interprétation des revendications énoncées précédemment en partie dans les présents motifs, et en particulier de la ligne directrice sanctionnée par la Cour suprême du Canada selon laquelle un tribunal doit examiner l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son principe de fonctionnement, tout en n'étant ni bienveillant ni sévère, mais en visant plutôt une interprétation qui soit raisonnable et juste tant pour le titulaire du brevet que pour le public, j'en arrive aux conclusions suivantes : premièrement, l'expression « fil électrique » ne devrait pas être prise dans un sens restrictif comme M. Scheible aimerait qu'on le fasse, soit désignant exclusivement un fil conducteur d'électricité ordinaire pour transporter de l'énergie électrique d'un ballast à une lampe. Premièrement, j'accorde plutôt à l'expression le sens de toute combinaison d'un tel fil conducteur d'électricité ordinaire et de tout autre moyen conducteur qui aboutirait au même résultat, soit un tel fil à lui seul, soit un autre moyen conducteur à lui seul. Deuxièmement, j'interprète « un ballast incorporé dans ledit cadre » comme comprenant un ballast monté sur le cadre par un moyen quelconque de fixation. Troisièmement, j'interprète le terme « comprenant » de la revendication 42 d'après la signification courante dérivée du verbe « comprendre » [to include] qui, selon le Canadian Oxford Dictionary, 1998[11] a, notamment, le sens suivant :

[traduction]

Traiter ou considérer comme faisant partie de l'ensemble.

[21]            Vu l'analyse qui précède, j'estime que la variante préférée de l'invention en cause correspond entièrement aux revendications 36 et 42 et, par conséquent, est embrassée par la portée des revendications découlant des revendications 36 et 42.

c)         Validité

[22]            Bien que Suntec n'ait pas présenté de demande reconventionnelle visant à obtenir une déclaration d'invalidité du brevet en cause, elle a avancé cet argument en défense. L'argument d'invalidité de Suntec a un triple fondement : premièrement, l'antériorité, qui a été plaidée lors de l'instruction, en ce qui concerne la revendication 36 du brevet en cause seulement; deuxièmement, l'allégation que l'invention décrite dans les revendications 36 et 42 est évidente au vu de l'état de la technique et troisièmement, en ce qui concerne la revendication 42 seulement, le fait que l'inventeur désigné dans le brevet en cause n'est pas le véritable inventeur.

[23]            La date de l'invention est pertinente à la fois aux fins de l'évaluation du caractère évident et de la paternité de l'invention. En conséquence, je déterminerai d'abord la date de l'invention.


i)          Date de l'invention

[24]            Dans sa déclaration, Trojan ne fait qu'alléguer la priorité de la date de dépôt du brevet équivalent aux United States Patent Office, soit le 13 septembre 1988. Après avoir présenté sa requête en jugement sommaire, Trojan a revendiqué dans sa preuve par affidavit et dans la documentation l'existence d'une date antérieure remontant aussi loin qu'au 20 janvier 1987, la date d'une réunion du conseil d'administration de Trojan.

[25]            Dans Lubrizol Corp c. Imperial Oil Ltd.[12], le juge Mahoney, s'exprimant au nom de la Cour, affirme à la page 462 :

La loi n'exige pas que les revendications que comporte le brevet aient été formulées avant le moment où l'on considère que l'invention a été faite. La seule condition est que, si l'inventeur souhaite invoquer une date d'invention antérieure a la date de priorité légalement reconnue au brevet, il établisse cette date par une preuve forte, suivant la balance des probabilités.

Plus loin à la même page, le juge Mahoney cite avec approbation l'extrait suivant de l'arrêt Christiani & Nielsen c. Rice[13] :

[traduction] La conclusion est donc, en l'espèce, que la date de découverte de l'invention est réputée être la date à laquelle l'inventeur peut établir qu'il a formulé pour la première fois, oralement ou par écrit, une description susceptible de représenter ce qu'il a inventé.

[26]            Dans le but de démontrer l'existence d'une date de l'invention antérieure à la date de priorité du brevet en cause, Trojan a présenté des affidavits de l'inventeur désigné, Jan Maarschalkerweerd, et de Henry J. Vander Laan, le président-directeur général de Trojan et des compagnies qu'elle remplace pour la période s'étendant d'avril 1976 à septembre 2001, ainsi que le contre-interrogatoire de ceux-ci sur leur affidavit. Je suis convaincu que de tels éléments de preuve ne constituent pas une preuve probante et sont bien loin de démontrer une date de l'invention antérieure au 24 août 1988, la date d'un dessin fourni par Jan Maarschalkerweerd et identifié en tant que pièce 10 dans la transcription du contre-interrogatoire du 13 novembre 2002 concernant l'affidavit du 29 octobre 2002.

[27]            Bien qu'il soit possible que la preuve de la date de l'invention, le 24 août 1988, soit considérée probante, je suis convaincu, vu l'ensemble de la preuve qui m'a été soumise, que cette date importe peu par opposition à la date de priorité du brevet en cause, soit le 13 septembre 1988. En conséquence, compte tenu de la preuve présentée à la Cour, j'arrive à la conclusion que Trojan n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités et par preuve probante, que la date de l'invention était antérieure à la date de priorité établie pour le brevet en cause.


ii)         Principes généraux

[28]            Dans Whirlpool Corp. c. Camco Inc.[14], le juge Binnie a dit à la page 1084 :

Étant donné que les brevets en cause ont été délivrés avant le 1er octobre 1989, les dispositions de l'ancienne Loi sur les brevets s'appliquent.

Bien que le brevet en cause en l'espèce n'ait été délivré que le 1er octobre 1989, la demande pertinente a été déposée avant cette date et la date de priorité revendiquée sur la base du dépôt aux États-Unis est le 13 septembre 1988. En l'espèce, l'application des dispositions de l'ancienne Loi sur les brevets[15] au présent litige n'a pas été contestée. Je l'admets aussi. Dans Merck Frosst Canada Inc. et al c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et al[16], le juge Rothstein, alors juge à la Section de première instance de cette Cour, a écrit à la note 5 :

Tout litige ayant pris naissance après le 1er octobre 989 relativement à un brevet délivré depuis cette date sur le fondement d'une demande déposée avant cette date doit être traité conformément aux dispositions de la Loi sur les brevets telles qu'elles étaient rédigées immédiatement avant le 1er octobre 1989.

Les principes généraux suivants ont été énoncés au regard des dispositions de l'ancienne Loi sur les brevets.

[29]            L'article 45 de l'ancienne Loi sur les brevets créait une présomption législative en faveur de la validité d'un brevet comme celui en cause en l'espèce. Je cite de nouveau le juge Binnie dans Whirlpool Corp c. Camco Inc.[17], où il a affirmé à la page 1111 :

L'article 45 de la Loi sur les brevets créé une présomption de validité. Il incombait aux appelantes [Suntec dans la présente décision] de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet était invalide.

[30]            Il est difficile de satisfaire au critère de l'antériorité. Dans Free World Trust c. Électro Santé Inc.[18], le juge Binnie a également dit à la page 1040 :

La défense fondée sur l'antériorité découlant d'une publication est difficile à établir, car les tribunaux reconnaissent qu'il n'est que trop facile, après la divulgation d'une invention, de la reconnaître par fragments, dans un enseignement antérieur. Il faut peu d'ingéniosité pour reconstituer un dossier d'antériorité lorsqu'on dispose du recul nécessaire.

Le juge Binnie poursuit en citant l'extrait suivant de Beloit Canada Ltd. c. Valmet OY[19] qu'on retrouve à la page 1041 de ses motifs :

Il faut en effet pouvoir s'en remettre àune seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d'une clartételle qu'une personne au fait de l'art qui en prend connaissance et s'y conforme arrivera infailliblement à l'invention revendiquée.                                                                                                                  [Non souligné dans l'original.]

[31]            La distinction entre l'antériorité, l'absence de nouveauté et l'évidence a été succinctement exposée en ces termes, aux pages 85 et 86, par le juge Malone dans l'arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd.[20] :

Notre Cour a défini les concepts d' « évidence » et de « nouveauté » de la façon suivante :

[. . .] l'évidence est une attaque contre un brevet en raison de son absence de valeur inventive. Celui qui conteste la validité du brevet dit en fait « N'importe qui aurait pu faire cela » . Celui qui plaide l'antériorité ou l'absence de nouveauté présume pour sa part qu'une invention a effectivement eu lieu mais il allègue qu'elle a été divulguée au public avant que soit présentée la demande de brevet. Le reproche est le suivant : Votre invention est astucieuse mais elle était déjà connue.

Évidence

En matière d'évidence, il faut déterminer si la personne versée dans l'art mais dénuée d'inventivité serait, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment de l'invention, directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère difficile à satisfaire.                                                                                                                           [Citations omises.]

[32]            En ce qui concerne l'évidence, le passage suivant de l'arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet OY[21], à la page 295, apporte un éclairage très utile :

Une fois qu'elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l'infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « j'aurais pu faire cela » ; avant d'accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l'avez-vous pas fait? »


Le juge Rouleau l'a formulé autrement dans Cabot Corp. et al. c. 318602 Ontario Ltd. et al.[22] en donnant les indications suivantes à la page 147 :

En considérant la preuve d'expertise soumise relativement à l'évidence de ce brevet, j'ai tenu compte de la difficulté qu'il y a à s'appuyer sur une analyse d'esprit inventif a posteriori. Je comprends également que la simplicité apparente d'une invention ne signifie pas nécessairement qu'elle était évidente.

[33]            Enfin, sur le plan des principes, je vais aborder brièvement la question de la paternité de l'invention. Dans Goldfarb c. W.L. Gore & Associates, Inc.[23], le juge Lemieux a dit aux pages 154 et 155 :

J'emprunte àla décision rendue par le Conseil privé dans l'affaire Canadian General Electric Co. c. Fada Radio, Ltd., [...], le principe suivant selon lequel l'inventeur véritable est la personne qui a fait preuve de génie créatif. Lord Warrington of Clyffe a cité ces propos du juge Maclean de première instance :

« Il doit y avoir un exercice réel de l'esprit inventif, même si dans certains cas il peut être minime... si l'invention exige une réflexion, une ingéniosité et un savoir-faire indépendants qui produisent, sous une forme distinctive, un résultat plus satisfaisant, transforment un appareil relativement défectueux en un appareil utile et efficace, rejettent les éléments mauvais et inutiles des tentatives antérieures et retiennent ceux qui sont utiles et les fondent dans un dispositif qui, pris dans son ensemble, est une nouveauté, il y a matière à brevet. La réalisation d'une nouvelle combinaison de dispositifs bien connus et leur application à un but nouveau et utile peut exiger une démarche inventive et peut donner ouverture à un brevet. »

La décision rendue par le juge Strayer dans l'affaire Mahurkar c. Vas-Cath of Canada Ltd. [...], établit le principe selon lequel ce sont les compétences et les connaissances d'une personne qui permettent de déterminer si celle-ci est l'inventeur véritable, en particulier lorsqu'il s'agit d'inventions de nature complexe et technique. De l'avis du juge Teitelbaum dans l'arrêt Procter & Gamble Co. v. Kimberly-Clark of Canada Ltd. [...], le fait de soumettre un problème en vue d'obtenir une solution ne constitue pas une invention. Il faut prouver que l'inventeur a joué un rôle important dans la résolution du problème.                                                                                                                                  [Citations omises.]

[34]            À la lumière de ce qui précède, je procède maintenant à l'analyse de la preuve qui m'a été soumise relativement à chacun des éléments sur lesquels Suntec a fondé sa défense d'invalidité.

                         iii)        Antériorité     

[35]            Comme je l'ai souligné précédemment, Suntec a argué de la question de l'antériorité uniquement en ce qui concerne la revendication 36 et les revendications qui en découlent.

[36]            Dans son affidavit en date du 25 septembre 2002, l'expert de Suntec, M. Scheible, définit ainsi le concept d'une personne versée dans l'art dont relève le brevet en cause :

[traduction]

... à mon avis, une « personne versée dans l'art » dont relevait le brevet no 877 pendant la période allant d'août 1987 à mars 1994, serait quelqu'un qui possède la compétence technique pour comprendre la mécanique, le fonctionnement et les caractéristiques électriques générales de fabrication et de conception de dispositifs d'épuration environnementale, notamment de dispositifs à rayonnement ultraviolet utilisés pour l'épuration de fluides; détient au moins un baccalauréat en génie ou en sciences et a plus de 2 ou 3 années d'expérience directe dans l'application, l'évaluation et/ou la conception de dispositifs UV pouvant être appliqués à l'épuration de l'eau ou d'autres fluides. Un attribut important de cette « personne versée dans l'art » est la connaissance directe et l'expérience d'applications avant et pendant ladite période entre 1987 et 1994.


[37]            À l'appui de son attaque contre la revendication 36 du brevet en cause, et des revendications qui en découlent, sur la base de l'antériorité, Suntec n'appuie son argument que sur le brevet américain no 2 413 740, délivré le 7 janvier 1947 et appelé le « Ultraviolet Sterilizer » (le brevet Glatthar). M. Scheible affirme :

[traduction] Le brevet Glatthar décrit un dispositif de stérilisation qui est entièrement inclus dans la revendication 36 du brevet no 877. Ceci ressort de la comparaison des illustrations des figures 1 et 3 avec la figure 1 du brevet no 877 et des descriptions fournies dans les textes des deux brevets.

M. Scheible poursuit ensuite avec la comparaison des éléments de la revendication 36 du brevet en cause avec ce qu'il affirme être « les passages pertinents du brevet Glatthar » . Il en arrive alors à la conclusion suivante :

[traduction] Compte tenu de ce qui précède, j'arrive à la conclusion que chacun des éléments de la revendication 36 du brevet no 877 correspond à un élément du brevet Glatthar. Par conséquent, la revendication 36 est invalide.

[38]            Trojan n'a présenté aucune preuve d'expert en réponse au témoignage de M. Scheible au sujet du brevet Glatthar, elle a plutôt fondé son argument sur le contre-interrogatoire de M. Scheible et de son propre témoin expert, M. Victor Moreland.

[39]            La divulgation du brevet de Glatthar commence par la phrase suivante :

[traduction]

L'invention porte sur des stérilisateurs ultraviolets ou des dispositifs germicides pour utilisation dans l'épuration d'un flux d'air ou de gaz.

[Non souligné dans l'original.]


Au cours de son contre-interrogatoire, en réponse à la question de savoir si le ballast faisant partie de l'invention de Glatthar pouvait être immergé dans l'eau, M. Moreland a répondu :

Je n'admettrais aucun contact entre l'eau et aucune partie de ce montage[24].

[40]            En revanche, l'invention visée par le brevet en cause porte indubitablement sur l'épuration d'eaux usées. Bien que la revendication 36 traite d'un dispositif d'épuration de fluide adapté pour être placé dans un fluide à épurer et que le terme « fluide » [fluid] soit interprété par M. Scheible comme incluant tant les liquides que les gaz, il ressort d'un examen de l'ensemble de la revendication que le mot « fluide » [fluid] de la revendication 36 ne porte que sur un liquide et plus précisément sur l'eau. La revendication mentionne particulièrement une « lampe d'épuration d'eau » [water purification lamp] comme un des éléments de l'invention.

[41]            M. Scheible a reconnu cette distinction. Au cours de son contre-interrogatoire, l'échange suivant a eu lieu :

Q.            ... Avez-vous la revendication 36 devant votre ... du brevet devant vous? Pouvez-vous me dire ce qui, à votre avis, était le but visé par l'inventeur de l'utilisation de l'invention correspondant à la revendication 36?

R.            Dans cette revendication particulière, il s'agit d'un des cas où nous mentionnons l'épuration d'eau.

Q.            Et, à votre avis, est-ce que cette revendication se limiterait alors à l'utilisation d'eau ou est-ce que, dans ce cas, le fluide serait de l'eau?

R.            Eh bien, il est question de deux choses. On fait appel à l'épuration d'un fluide qui est de l'eau et on utilise une lampe d'épuration d'eau.


Q.            Mais comme c'est de l'eau qui passe sur la lampe, d'après ce que je crois comprendre, vous seriez d'accord avec moi que le fluide utilisé est de l'eau. Seriez-vous d'accord avec cela?

R.            Oui[25].

[42]            À la lumière de ce qui précède, j'estime que la preuve produite est suffisante pour conclure que le brevet Glatthar ne contient pas d'indications d'une clarté telle qu'une personne de métier qui en prend connaissance et s'y conforme « arrivera infailliblement » à l'invention qui fait l'objet de la revendication 36 du brevet en cause.

                         iv)        Évidence

[43]            Au paragraphe 11 de son affidavit, M. Scheible affirme :

Le brevet no 877 [le brevet en cause] semble être basé sur des modifications apportées au dispositif d'épuration de fluide décrit dans le brevet américain 4 482 809 (le brevet de Maarschalkerweerd) [...]. Ces modifications étaient déjà divulguées dans des brevets antérieurs et dans des installations réelles d'autres technologies d'épuration de fluide par rayonnement UV. En particulier, les modifications peuvent être observées dans le brevet de Glatthar, la brochure de Heraeus [...] et dans une installation de l'Ultraviolet Purification Systems, Inc., à Lebannon, MO (l'installation de Lebannon) [...]. Les modifications au brevet de Maarschalkerweerd auraient été évidentes pour une personne versée dans l'art le 13 septembre 1988 et même en janvier 1988. Par conséquent, je conclus que les revendications 36, 38, 40, 42, 46, 47, 61, 64 et 65 du [brevet en cause] sont nulles.                                                                                                     [Citations omises.]

[44]            L'avocat de Suntec a soutenu que la conclusion à laquelle M. Scheible est arrivé au paragraphe précédent n'a pas été mise en doute au cours du contre-interrogatoire.

[45]            En revanche, l'avocat de Trojan a passé en revue pour la Cour chacun des quatre (4) éléments que M. Scheible a invoqués à l'appui de sa conclusion. Il a souligné que le brevet Glatthar était le seul des quatre (4) éléments mentionnés qui se rapportait au ballast, une composante centrale de la revendication 36 du brevet en cause et par conséquent, des revendications 38 et 40 qui en découlent. Compte tenu des environnements différents auxquels le brevet de Glatthar et le brevet en cause se rapportent, je suis convaincu d'après la preuve qui m'a été soumise qu'une personne versée dans l'art dont relève le brevet en cause ne considérerait pas le brevet Glatthar dans le cadre d'un examen d'évidence de la revendication 36 et des revendications 39 et 40 qui en découlent.

[46]            J'arrive à la même conclusion relativement à la citation du brevet Glatthar en comparaison avec la revendication 42 et les revendications 46, 47, 61, 64 et 65 qui en découlent.

[47]            Je n'accorde aucun poids à la brochure d'Heraeus citée par M. Scheible en tant que preuve d'évidence concernant la revendication 40 et les revendications qui en découlent puisque la brochure n'est pas datée et qu'aucune preuve de la date de publication n'a été soumise devant la Cour[26].


[48]            De plus, selon la preuve dont dispose la Cour, j'estime que l'avis de M. Scheible, selon lequel le brevet en cause « semble être basé sur des modifications apportées au dispositif dpuration de fluide décrit dans le brevet américain 4 482 809 » constitue une sous-estimation de ces modifications. Je cite de nouveau, par souci de commodité, un extrait des motifs de mon collègue le juge Rouleau dans Cabot Corp. et al. c. 318602 Ontario Ltd. et al.[27] reproduit plus haut dans les présents motifs :

En considérant la preuve d'expertise soumise relativement à l'évidence de ce brevet, j'ai tenu compte de la difficulté qu'il y a à s'appuyer sur une analyse d'esprit inventif a posteriori. Je comprends également que la simplicité apparente d'une invention me signifie pas nécessairement qu'elle était évidente.

Je suis convaincu que cet extrait est particulièrement pertinent en ce qui concerne l'argument que M. Scheible fondait sur le brevet américain no 4 482 809 pour indiquer le caractère évident de la revendication 42 et des revendications qui en découlent.


[49]            Enfin, je me penche sur la preuve présentée au sujet de l'installation faite par Ultraviolet Purification Systems, Inc. à Lebannon au Missouri. Le document le plus vieux soumis à la Cour en ce qui concerne cette installation à Lebannon date du 12 janvier 1988. Je ne dispose d'aucun élément de preuve démontrant la date à laquelle cette installation a été effectuée. Aussi, et peut-être plus important encore, rien ne démontre que les documents de soumission relatifs à l'installation de Lebannon ont été, à un moment quelconque, rendus publics. La preuve qui m'a été présentée indique qu'il est plus probable que ceux-ci aient été de nature confidentielle. Le seul document non lié à la soumission qui a été produit devant la Cour est un guide d'entretien et d'exploitation daté du 29 juillet 1988. Mais, ici encore, il n'a pas été démontré que ce document était complet à cette date. Au contraire, les éléments de preuve présentés prouvaient davantage que le guide n'était pas achevé à cette date et que certains éléments ont fort probablement été ajoutés beaucoup plus tard, donc, ce qui est fort déterminant, et, après la date de priorité du brevet en cause. Finalement, il n'a pas été démontré que, au cours de la période en cause, une personne du métier aurait été au courant de l'existence des documents concernant l'installation Lebannon ou y aurait eu accès. Compte tenu des faiblesses de la preuve de Suntec eu égard à ces documents, j'estime qu'ils constituent une indication tout à fait insatisfaisante du caractère évident de la revendication 42 et des revendications qui en découlent.

[50]            Pour conclure sur la question de l'évidence, selon la preuve présentée par Suntec devant la Cour et, en particulier, par M. Scheible à l'appui de l'argument voulant que les revendications contestées du brevet en cause sont évidentes, je conclus que Suntec ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait sur cette question. Plus particulièrement, je suis convaincu que Suntec n'a pas démontré que le technicien fictif, sans esprit inventif, mais versé dans l'art pertinent, arriverait infailliblement, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales à la date de l'invention indiquée au brevet en cause, à la solution décrite au brevet.


                         v)          Paternité de l'invention

[51]            L'avocat de Suntec s'est appuyé entièrement sur les documents concernant l'installation Lebannon pour étayer son argument selon lequel M. Maarschalkerweerd ne détenait pas, étant donné la date de priorité, la paternité de l'invention qui fait l'objet du brevet en cause, qu'il s'agissait plutôt de Ultraviolet Purification Systems, Inc. En tenant compte des faiblesses de la preuve qui m'a été soumise relativement aux documents de l'installation Lebannon, en gardant à l'esprit que, dans le cadre d'une requête en jugement sommaire comme en l'espèce, chaque partie doit présenter ses meilleurs arguments et, en présumant que c'est ce qu'a fait Suntec et que par conséquent toute preuve qu'elle présenterait lors d'un procès éventuel eu égard à ces documents ne serait pas plus complète que celle qui m'a été soumise, je conclus que Suntec n'a pas démontré que la paternité de l'invention qui fait l'objet du brevet en cause n'est pas attribuable à Jan Maarschalkerweerd.

d)         Contrefaçon

[52]            Je cite de nouveau un passage de l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., où le juge Binnie a fait siens ces propos de lord Diplock dans Catnic Components Ltd. c. Hill and Smith Ltd.[28] aux pages 242 et 243 :


Vos Seigneuries, le mémoire descriptif d'un brevet est une déclaration unilatérale du breveté, faite dans ses propres mots et s'adressant à ceux qui sont susceptibles d'avoir un intérêt concret dans l'objet de son invention (c'est-à-dire qui sont « versés dans l'art » ), par laquelle il les informe de ce qu'il prétend être les caractéristiques essentielles du nouveau produit ou du nouveau procédé pour lequel les lettres patentes lui confèrent un monopole. Ce sont seulement les nouvelles caractéristiques qu'il prétend essentielles qui constituent ce qu'on appelle l' « essence » de la revendication. Le mémoire descriptif d'un brevet doit recevoir une interprétation téléologique plutôt que l'interprétation purement littérale découlant du genre d'analyse terminologique méticuleuse que les avocats sont trop souvent tentés de faire en raison de leur formation. La question qui se pose dans chaque cas est la suivante : les personnes ayant une connaissance et une expérience pratiques du genre de travail auquel l'invention est destinée à servir comprendraient-elles que le brevetévoulait que l'interprétation stricte d'une expression ou d'un mot descriptifs particuliers figurant dans une revendication constitue une condition essentielle de l'invention, de manière à ce que toute variante soit exclue du monopole revendiqué même s'il se peut qu'elle n'ait aucun effet important sur la façon dont l'invention fonctionne. [En italique dans l'original.]

À la lumière de ce qui précède, je procède maintenant à l'examen de la preuve produite en ce qui concerne la question de la contrefaçon.

[53]            Dans sa déclaration, Trojan fait valoir les allégations générales suivantes au sujet des activités de Suntec au Canada :

[traduction]

19. Le défendeur fabrique, met en vente et vend ou cause la fabrication, la mise en vente et la vente d'un systèmes [sic] de désinfection d'eau par rayonnement ultraviolet appelés systèmes de désinfection ultraviolets Suntec Environmental LPX200 et LPX500 (système Suntec). Le système Suntec comprend un ou plusieurs modules de désinfection ou supports de lampes qui contiennent des ensembles lampe (dispositif Suntec). Le système Suntec et le dispositif Suntec sont fabriqués à Concord en Ontario.

20.           Le système Suntec a été conçu pour réduire le nombre de coliformes fécaux au niveau prescrit en exposant les eaux usées à la lumière ultraviolette. Le système fonctionne dans une canalisation à écoulement libre par gravité et comprend normalement un ou plusieurs dispositifs Suntec.


21.           Depuis au moins décembre 2000, le défendeur fabrique au Canada le système Suntec et le dispositif Suntec. Depuis au moins décembre 2000, le défendeur met en vente, au moins au Canada et aux États-Unis, le système Suntec et le dispositif Suntec. Le défendeur a vendu ou donné (peut-être sans frais de manutention et/ou de transport) de tels systèmes et dispositifs à des clients au Canada et aux États-Unis. Dans la plupart des cas, le défendeur met le système et le dispositif en vente dans le cadre d'un processus de soumission. Le demandeur n'est pas au courant de toutes les ventes et installations du défendeur au Canada et aux États-Unis, mais il obtiendra cette information du processus de communication.

[54]            À l'appui des allégations qui précèdent, Trojan a déposé l'affidavit d'Allan Gates daté du 20 décembre 2001. M. Gates se décrit comme technicien en génie mécanique. Il affirme que, au moment où il a souscrit son affidavit, il travaillait pour Trojan à titre de concepteur de systèmes municipaux. Il dit avoir occupé plusieurs postes au sein de l'entreprise depuis mars 1995.

[55]            M. Gates énumère, aux paragraphes 42 à 45, les activités exercées par Trojan au Canada :

42. Un des concurrents de Trojan Technologies, et un arrivant relativement nouveau sur le marché de la désinfection des eaux usées municipales, est Suntec Environmental Inc. (Suntec). Suntec a un lieu d'affaires au 106, chemin Rayette, Unit #1, Concord (Ontario). Suntec vient d'entrer sur le marché avec des dispositifs et systèmes appelés LPX200 et LPX500. Ces dispositifs et systèmes sont bien décrits dans la documentation sur le site Web de Suntec. Annexée au présent affidavit comme pièce 4 est une copie du matériel du site Web de Suntec portant sur les dispositifs et systèmes LPX200 et LPX500. Suntec fabrique ses dispositifs et éléments de système dans ces installations du chemin Rayette.

43. Le 9 mars 2001, j'ai visité la station d'épuration des eaux usées de Deseronto, au 1, rue Water, à Deseronto, en Ontario, A0K 1X0. J'avais compris que Suntec avait fabriqué et fourni un système de désinfection à cette municipalité. À mon arrivée, j'ai dit à l'opérateur responsable que je travaillais pour Trojan Technologies et aimerais examiner le dispositif et le système Suntec. L'opérateur m'a permis de visiter l'installation et j'ai vu que le dispositif Suntec était un module ayant un cadre supportant des ensembles lampe UV comprenant chacun une lampe et un manchon enveloppant la lampe. L'installation se composait de dispositifs tels que décrits ci-dessus situés dans une canalisation dans laquelle le fluide à épurer, en l'occurrence des eaux usées, s'écoulait devant les lampes. Comme le système était en marche, l'opérateur m'a permis de photographier le dispositif ou module de rechange qui serait utilisé pour remplacer un dispositif ou module qui fonctionnait mal ou qui était déposé pour fins d'entretien. Jointes au présent affidavit comme pièce 1 sont des copies des photographies que j'ai prises ce jour à la station. Deux de ces photographies montrent le module de rechange et sa structure, notamment le ballast incorporé dans le cadre. Les deux autres photographies représentent l'unité de commande et d'alimentation située au-dessus de la canalisation d'épuration des eaux usées. Les dispositifs se trouvent dans la canalisation dans laquelle s'écoulent les eaux usées et au-dessous du couvercle en tôle d'acier ondulée par lequel passent les lignes d'alimentation. Il est reconnu dans l'industrie que le ballast incorporé dans le cadre du dispositif représente une technologie brevetée par Trojan Technologies. C'est pourquoi, jusqu'ici, aucun concurrent n'a tenté d'incorporer le ballast dans le cadre.


44. Annexée comme pièce 2 au présent affidavit est une liste d'installations pour lesquelles Suntec a fabriqué des dispositifs et systèmes Suntec qu'elle a vendus, donnés ou vendus à un coût mineur à la municipalité en cause. Cette liste a été compilée par des employés de Trojan Technologies sur mon initiative et sous ma surveillance. Dans chaque cas, les dispositifs et systèmes étaient de la gamme LPX200.

45. Annexée comme pièce 3 au présent affidavit est une copie de la proposition de Suntec pour l'installation de l'usine d'épuration Vauxhall de la ville de London, en Ontario, qui a été envoyée à tous les entrepreneurs soumettant une offre pour le projet. Un des entrepreneurs l'a envoyée à Trojan Technologies, à notre demande, et je crois que c'est une copie conforme de la proposition originale. La proposition présente des spécifications, des éléments et un dessin des dispositifs et systèmes LPX200 étant proposés par Suntec pour ce projet.                                                                                                  [Non souligné dans l'original.]

[56]            Bien que M. Gates ait été contre-interrogé sur son affidavit, d'où les paragraphes précédents sont tirés, ce contre-interrogatoire n'a pas permis d'obtenir beaucoup plus de renseignements autres que ceux qui y sont énoncés ou qui sont contenus dans les pièces connexes ni d'en réduire la teneur. Toutefois, le contre-interrogatoire a permis de faire ressortir que le déposant en savait peu sur certaines mentions contenues dans le résumé des activités de ventes de Suntec.

[57]            Le fait que la teneur des paragraphes reproduits plus haut de l'affidavit de M. Gates n'ait pas été fortement contestée en contre-interrogatoire s'explique en partie du moins par l'examen des paragraphes 7 à 10 de la défense modifiée de Suntec, à l'exception de la dernière phrase du paragraphe 10 qui a été retirée, déposée le 19 décembre 2002 :

[traduction]


7. Quant au paragraphe 19 de la revendication, il est admis que Suntec fabrique, met en vente et vend un système de désinfection d'eau par rayonnement ultraviolet appelé Suntec Environmental LPX200. Le LPX200 est constitué de un ou plusieurs modules de désinfection ou unités de support de lampes. Il est fabriqué à Concord, en Ontario. Suntec nie que le LPX200 porte atteinte à toute revendication valide du brevet. Suntec nie avoir fabriqué ou vendu un dispositif appelé LPX500.

8. Le paragraphe 20 de la revendication est reconnu dans la mesure où il s'applique au LPX200.

9. Quant au paragraphe 21 de la revendication, le LPX200 est fabriqué au Canada et est mis en vente et vendu au Canada depuis novembre 2000. Suntec n'a donné aucun système de désinfection d'eau ni au Canada ni aux États-Unis.

10. Quant au paragraphe 22 de la revendication, le LPX200 est un dispositif d'épuration de fluide ayant un cadre comprenant une paire de branches opposées. Plusieurs ballasts sont attachés à une des branches. Une lampe ultraviolette d'épuration d'eau est attachée au ballast à une extrémité et supportée par la branche à l'autre extrémité. Par conséquent, la lampe elle-même ne s'étend pas entre les branches et n'est pas supportée par ces dernières. La lampe ultraviolette d'épuration d'eau s'enfiche dans le ballast; aucun fil électrique n'est connecté à la lampe. Au contraire du dispositif décrit dans le brevet, il ne s'agit pas d'un seul ballast incorporé dans le cadre, mais plutôt de plusieurs ballasts attachés à l'une des branches. Par conséquent, le LPX200 ne porte pas atteinte à la revendication 36 du brevet.                       [Non souligné dans l'original.]

[58]            Je tire de ce qui précède les conclusions suivantes : premièrement, Suntec admet qu'elle fabrique, met en vente et vend un système de désinfection d'eau par rayonnement ultraviolet appelé Suntec Environmental LPX200. Elle nie fabriquer et vendre un tel dispositif connu sous le nom de LPX500. Suntec fabrique au Canada et met en vente et vend le LPX200 au Canada depuis novembre 2000. Le LPX200 est un dispositif d'épuration de fluide qui se compose d'un cadre comprenant une paire de branches opposées. Il n'a pas un ballast unique attaché au cadre ou incorporé dans ce dernier, mais comprend plutôt « plusieurs ballasts » attachés à l'une des branches. Des lampes ultraviolettes d'épuration sont attachées aux ballasts, apparemment à raison d'une lampe par ballast. Les lampes « s'enfichent dans » les ballasts, de sorte qu'il n'y a pas de « fil électrique » . Suntec reconnaît qu'une des branches supporte les lampes.

[59]            M. Victor Moreland, l'expert engagé par Trojan pour témoigner sur cette question dont une partie du témoignage fait l'objet de renvois antérieurs dans les présents motifs, atteste dans son affidavit d'expert du 20 décembre 2001 qu'on lui a demandé d'examiner le brevet en cause et de déterminer si, à son avis, les dispositifs et/ou systèmes Suntec LPX200 et/ou LPX500 portaient atteinte à une ou plusieurs revendications du brevet cause. L'avis de M. Moreland à cet égard est énoncé aux paragraphes 14 à 21 de son affidavit. Ils sont ainsi libellés :

[traduction]

14. En ce qui concerne les revendications 36, 40, 42, 46, 47, 61, 64 et 65, une personne du métier interpréterait le mot « épuration » [purification] comme étant synonyme de « désinfection » [disinfection]. Un « fluide » [fluid] tel que mentionné dans les revendications serait interprété par une personne du métier comme étant un liquide. Dans le cadre du brevet, les eaux usées seraient un fluide.

15. De plus, une personne du métier interprétant les revendications 36 et 40 comprendrait que toute structure supportant la lampe fait partie du cadre. Pour une personne du métier, le terme « un ballast incorporé dans ledit cadre » [a ballast incorporated in said frame] de la revendication veut dire que le ballast fait partie de la structure du cadre qui supporte la lampe. La revendication ne précise pas où la lampe est incorporée dans le cadre.

16. Dans les revendications 36 et 40, la limitation « une lampe d'épuration d'eau s'étalant entre lesdites branches et supportée par celles-ci » [a water purification lamp extending between and supported by said legs], pour une personne du métier, voudrait dire que la pleine longueur de la lampe se trouve entre les deux branches et que les branches supportent la lampe directement ou indirectement. Il n'est pas nécessaire que la lampe s'attache, touche ou se raccorde directement à une des branches ou aux deux tant que les branches font une partie intégrante du support de la lampe. Pour déterminer si les branches supportent effectivement la lampe, il faut déterminer si la lampe tomberait par gravité si les branches étaient enlevées. L'insertion d'une pièce d'espacement structurale, ou d'un ballast, entre la branche et la lampe ne veut pas dire, pour une personne du métier qui lit le brevet et cherche à le comprendre, que les branches ne supportent plus la lampe. Si la branche supportant la pièce d'espacement ou le ballast est enlevé, la lampe n'est plus supportée et tombe sous l'effet de la gravité.

17. Les revendications 36 et 40 spécifient que le ballast est incorporé dans le cadre. Dans le dispositif Suntec plusieurs ballasts peuvent être incorporés dans le cadre. Cet élément de la revendication s'applique, qu'il y ait un ou plusieurs ballasts incorporés dans le cadre.


18. Dans l'industrie, on n'ignore pas que Trojan est l'inventrice et détient le brevet d'un ballast incorporé dans le cadre du dispositif d'épuration de fluide. Cette invention (et autres aspects inventifs du dispositif d'épuration de fluide) fait l'objet du brevet no 877, qui est le brevet en cause. Dans les systèmes antérieurs, le ballast était situé à l'écart du dispositif d'épuration de fluide, normalement au panneau de commande. L'avantage de l'incorporation du ballast dans le cadre est l'élimination d'effets non souhaitables tels que le brouillage et les variations de résistance associés aux ballasts situés à distance. Cette invention a été mise en oeuvre dans le Trojan UV3000 qui est un dispositif d'épuration de fluide à grand succès commercial. Pour autant que je sache, aucun autre fournisseur, mis à part Suntec, n'a incorporé le ballast dans le cadre.

19. Les revendications 36 et 40 spécifient « un fil électrique connecté à ladite lampe » [an electrical lead wire connected to said lamp]. Le fil mentionné dans le brevet connecte tout simplement le ballast à la lampe et n'est pas un élément essentiel du dispositif d'épuration de fluide. Il aurait été évident pour toute personne du métier à la date de publication de ce brevet, soit le 22 mars 1994, que n'importe quelle forme de connexion électrique, telle qu'un connecteur ou une barre omnibus, aurait pu être utilisée pour connecter le ballast à la lampe et n'aurait pas eu d'effet déterminant sur le principe de fonctionnement de l'invention. Un connecteur, une barre omnibus, etc., remplissent chacun la même fonction, c.-à-d. l'établissement d'une connexion électrique entre le ballast et la lampe, de la même manière, c.-à-d. au moyen d'un organe conducteur d'électricité pour obtenir le même résultat, c.-à-d. fournir de l'énergie électrique à la lampe pour qu'elle émette un rayonnement UV.

20. Une personne du métier comprendrait que les termes « moyen d'étanchéité pour empêcher l'entrée de fluide dans la zone entre ladite lampe d'épuration et ledit manchon protecteur par ladite extrémité ouverte » [sealing means to inhibit ingress of the fluid to the area between said purification lamp and said protective sleeve through said open end] des revendications 42, 46, 47, 61, 64 et 65 comprendraient tout ce qui empêcherait l'entrée de fluide dans l'espace entre la lampe d'épuration et le manchon protecteur à l'extrémité ouverte du manchon protecteur. Comme on peut le voir dans la réalisation préférée représentée à la fig. 3 du brevet no 877 et dans la description allant de la ligne 30 de la page 5 à la ligne 6 de la page 6, un joint torique résilient serait un des moyens d'étanchéité répondant au libellé de la revendication.

21. Le reste du libellé de la revendication est facile à comprendre.

[60]            Au paragraphe 22 de son affidavit, M. Moreland arrive à la conclusion que le dispositif de Suntec, qui comprend à mon avis, selon ce qui ressort du contexte de l'affidavit, à la fois les modèles LPX200 et LPX500, contrefait les revendications 36, 40, 42, 46 et 47 qui font toutes appel, selon lui, à un dispositif de désinfection/d'épuration de fluide.

[61]            Par contraste, M. Karl Scheible, l'expert de Suntec, dans son affidavit en date du 25 septembre 2002, affirme au paragraphe 9 que, en tant que personne du métier, il estime que le LPX200 de Suntec ne contrefait aucune des revendications 36, 38, 40, 42 et 46 ou des autres revendications du brevet en cause puisque le montage du dispositif Suntec LPX200 est foncièrement différent du dispositif du brevet en cause.

[62]            M. Scheible énonce comme suit les motifs de sa conclusion aux paragraphes 27 à 36 de son affidavit :

[traduction]

27. À mon avis, le dispositif Suntec ne porte pas atteinte à la revendication 36 du brevet no 877, parce que la constitution inhérente du système Suntec LPX200 est différente de celle du dispositif décrit dans le brevet no 877.

28. En ce qui concerne la revendication 36, le ballast du dispositif Suntec n'est pas incorporé dans le cadre tel que le décrit le brevet no 877, mais est plutôt situé sur le cadre. Le brevet no 877 décrit un ballast qui se trouve dans la partie supérieure du cadre et au-dessus de l'eau. Le ballast du dispositif Suntec se trouve sur le cadre et est immergé dans l'eau. Il n'y a rien dans la spécification du brevet no 877 qui décrit un ballast immergé.

29. Le montage du ballast sur le cadre et dans l'eau n'est pas une variante mineure. En fait, le ballast immergé de Suntec représente une amélioration importante par rapport à l'antériorité. Les dispositifs disponibles avant le LPX200 comprenaient des ballasts plus grands et ne pouvaient pas être placés dans la canalisation d'eau parce que leur taille ne permettait pas un débit d'eau suffisant dans des conditions normales d'écoulement par gravité à une station d'épuration. Une autre raison pour laquelle les ballasts étaient gardés au-dessus de l'eau était une hésitation intuitive à placer de l'équipement électrique à haute tension dans l'eau. Bien que les ballasts soient un élément nécessaire aux lampes utilisées dans l'épuration des eaux usées par rayonnement UV, ils ont toujours été au-dessus de l'eau.

30. Suntec fut la première entreprise de l'industrie à incorporer un ballast immergé. La nature unique du ballast immergé est confirmée par l'octroi récent d'un brevet américain (no 6 193 939, 27 février 2001 - onglet G) pour un appareil d'épuration de fluides par rayonnement ultraviolet. Ce brevet incorpore l'utilisation de ballasts immergés dans plusieurs de ses revendications. J'ai obtenu cette information d'Elliott Whitby, directeur de la recherche Suntec Environmental Inc., et je crois que l'inventeur nommé, Henry Kozlowski, est un des propriétaires de Suntec Environmental Inc.


31. La revendication 36 spécifie également un « fil électrique connecté à ladite lampe » [electrical lead wire connected to said lamp]. Dans le dispositif Suntec, la lampe s'enfiche directement dans le ballast, et il n'y a pas de fil électrique.

32. Comme je conclus qu'il n'est pas porté atteinte à la revendication 36, il en est de même pour les revendications connexes 38 et 40.

33. La revendication 42 comprend les termes « une première branche comprenant un moyen de montage destiné à recevoir l'extrémité ouverte du manchon protecteur » [a first leg including mounting means for receiving the open end of the protective sleeve]. Ces termes ne sont pas ambigus et veulent dire ce qu'ils énoncent.

34. La première branche du dispositif Suntec ne comprend pas de moyen de montage destiné à recevoir l'extrémité ouverte du manchon protecteur. Dans le dispositif Suntec, le ballast est attaché à la première branche, et la lampe et le manchon protecteur sont à leur tour attachés au ballast. Ce ne serait pas une interprétation raisonnable du brevet no 877 de conclure que le ballast fait partie de la branche. Par conséquent, je conclus que le dispositif Suntec ne porte pas atteinte à la revendication 42 du brevet no 877.

35. Je ne suis pas d'accord avec la conclusion tirée par M. Moreland au paragraphe 24 de son affidavit. Le libellé de la revendication 42 est clair et sans équivoque. La revendication 42 décrit une première branche comprenant un moyen de montage destiné à recevoir l'extrémité ouverte du manchon protecteur. Dans le dispositif Suntec, c'est le ballast qui reçoit le manchon. Le ballast ne fait pas partie de la branche. Pour les raisons énoncées aux paragraphes 29 et 30 ci-dessus, l'immersion du ballast est une amélioration importante par rapport à l'antériorité.

36. Comme je conclus qu'il n'est pas porté atteinte à la revendication 42, il en est de même pour les revendications connexes 46, 47, 61, 64 et 65.                                                    [Non souligné dans l'original.]

[63]            M. Moreland et M. Scheible ont tous deux été contre-interrogés sur leurs affidavits reproduits plus haut et la Cour dispose de la transcription de leur contre-interrogatoire. Il n'est pas étonnant de constater que l'opinion d'aucun des deux experts n'a été fortement ébranlée sur la question de la contrefaçon.

[64]            Je reviens sur les propos de lord Diplock dans Catnic Components Ltd. c. Hill and Smith Ltd.[29]. La question de la contrefaçon consiste à déterminer, sur la base d'une « interprétation téléologique plutôt que l'interprétation purement littérale » , si l' « essence » du brevet en cause, plus particulièrement des revendications 36 et 42 en l'espèce, a été reprise dans le design et le montage du système LPX200 de Suntec. Je suis convaincu que la preuve soumise à la Cour me permet pas de conclure que le système LPX500 a été fabriqué, vendu ou offert en vente au Canada.

[65]            Cette question a été décrite plus amplement par le juge Binnie dans Free World Trust c. Electro Santé Inc.[30] où, aux pages 1056-1057, il a dit :

Il serait injuste de permettre qu'un appareil qui ne se distingue de celui décrit dans les revendications du brevet que par la permutation de caractéristiques secondaires échappe impunément au monopole conféré par le brevet. En conséquence, les éléments de l'invention sont qualifiés soit d'essentiels (la substitution d'un autre élément ou une omission fait en sorte que l'appareil échappe au monopole), soit de non essentiels (la substitution ou l'omission n'entraîne pas nécessairement le rejet d'une allégation de contrefaçon). Pour qu'un élément soit jugé non essentiel et, partant, remplaçable, il faut établir que (i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l'inventeur n'a manifestement pas voulu qu'il soit essentiel, ou que (ii), à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l'art aurait constaté qu'un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l'invention, c.-à-d. que, si le travailleur versé dans l'art avait alors été informé de l'élément décrit dans la revendication et de la variante et [TRADUCTION ] « qu'on lui avait demandé de déterminer si la variante pouvait manifestement fonctionner de la même manière » , sa réponse aurait été affirmative : Improver Corp. c. Remington [...]. Dans ce contexte, je crois qu'il faut entendre par « fonctionner de la même manière » que la variante (ou le composant) accomplirait essentiellement la même fonction, d'une manière essentiellement identique pour obtenir essentiellement le même résultat. Dans Improver Corp. c. Remington, le juge Hoffmann a tenté de ramener l'essentiel de l'analyse proposée dans l'arrêt Catnic à une série de questions concises, à la p. 182 :


(i) La variante influence-t-elle de façon appréciable le fonctionnement de l'invention? Dans l'affirmative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication. Dans la négative :

(ii) Le fait que la variante n'influence pas de façon appréciable le fonctionnement de l'invention aurait-il été évident, à la date de la publication du brevet, pour un expert du domaine? Dans la négative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication. Dans l'affirmative :

(iii) L'expert du domaine conclurait-il malgré tout, à la lecture de la teneur de la revendication, que le breveté considérait qu'une stricte adhésion au sens premier constituait une condition essentielle de l'invention? Dans l'affirmative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication.

Les trois questions ne sont pas exhaustives, mais elles englobent ce qui est au coeur de l'analyse de lord Diplock, et elles ont par la suite été approuvées par les tribunaux anglais.

Dans AT & T Technologies, [...], le juge Reed dégage une série de principes d'interprétation à partir de différents arrêts, dont Catnic et O'Hara, précités. Le troisième principe qu'elle dégage est le suivant :

(3) Si une variante d'un aspect d'une revendication n'a aucune incidence importante sur le fonctionnement de l'invention, il existe une présomption portant que le brevet est contrefait et que le breveté voulait que cette variante entre dans la portée de la revendication [...]                    [Non souligné dans l'original.]

[66]        Pour paraphraser mes propres propos dans Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro-Industries Ltd.[31], Suntec ne pouvait pas simplement échapper à un jugement de contrefaçon, si l'on présume que la preuve était suffisante pour appuyer une telle conclusion aux fins de cette requête en jugement sommaire, en incorporant au système LPX200 une variante mineure ou négligeable.

[67]            Je ferai maintenant une brève analyse des témoignages d'expert sur la question de la contrefaçon des revendications 36 et 42 du brevet en cause en égard à l'interprétation du brevet donnée plus haut dans les présents motifs.


[68]        Je suis convaincu qu'aucune des variantes sur lesquelles s'appuyait Suntec par rapport à son dispositif LPX200 - sous réserve éventuelle du ou des ballasts immergés, c'est-à-dire du montage du ballast ou des ballasts multiples sur le cadre du dispositif ou du système, contrairement à l'incorporation d'un ballast unique dans le cadre; de la connexion directe de la lampe ou des lampes d'épuration d'eau au ballast ou aux ballasts qui sont à leur tour attachés au cadre, contrairement à l'utilisation d'un ou de plusieurs fils électriques connectés aux lampes dpuration d'eau, fils connectés à leur tour au ballast en passant dans le cadre et du moyen de suspension de la lampe ou des lampes dpuration d'eau - ne donne lieu de répondre autrement que par la négative à la première question tirée plus haut de Free World Trust, telle que dérivée de l'analyse proposée dans l'arrêt Catnic[32]. Aucune de ces variantes n'a une incidence importante sur le fonctionnement de l'invention. J'enchaîne donc avec la seconde question tirée de cette analyse qui consiste à déterminer si l'une des trois (3) variantes mentionnées au présent paragraphe était évidente à la date de publication du brevet pour un lecteur du domaine. J'arrive à la conclusion que la réponse àcette question est « oui » pour chacune des trois (3) variantes. Finalement, je me penche sur la troisième question de l'analyse « Catnic » , à savoir si l'expert du domaine conclurait malgré tout, à la lecture de la teneur des revendications, que le breveté considérait qu'une stricte adhésion au sens premier constituait une condition essentielle de l'invention. J'estime que la réponse à cette question est « non » . En conséquence, je suis convaincu qu'aucune des trois (3) variantes, ni l'ensemble de celles-ci, n'est suffisant pour différencier le système LPX200 de Suntec des revendications du brevet en cause.

[69]        J'en arrive maintenant aux ballasts submersibles invoqués par Suntec, une caractéristique qui n'est manifestement pas inhérente aux revendications, ni aux dessins, du brevet en cause. Je conclus qu'une caractéristique essentielle du brevet en cause est le déplacement du ballast vers un emplacement proche des dispositifs dpuration de fluide, soit des lampes ultraviolettes. La position du ballast au-dessus des eaux usées, contrairement à sa position immergée, considérée isolément ou conjointement avec les autres variantes, ne suffit pas pour affirmer que le dispositif Suntec n'est pas visépar les revendications considérées du brevet en cause. Il ne s'agit pas d'une variante ayant une incidence importante sur le fonctionnement de l'invention. Il s'agit d'une variante qui aurait été évidente à la date de publication du brevet en cause. Enfin, une personne du métier n'aurait pas interprété le libellédes revendications en cause comme indiquant que le titulaire du brevet visait la stricte conformité avec les indications contenues dans les revendications et les dessins connexes comme indiquant que le ballast se trouvait au-dessus des eaux usées et non immergé dans celles-ci.


[70]        En somme, j'estime que les variantes du système ou du dispositif de Suntec auraient été évidentes pour un lecteur du métier à la date de publication du brevet en cause et que celui-ci n'aurait pas interprété le libellé des revendications 36 et 42 comme indiquant que le titulaire du brevet visait la stricte conformité avec les éléments de ces revendications qui sont contraires aux variantes constituant des conditions essentielles de l'invention.

[71]            CONCLUSIONS


[72]            Compte tenu des principes applicables aux jugements sommaires que j'ai résumés plus haut dans les présents motifs, je suis convaincu, à la lumière de la preuve produite, que les demandes présentées par Trojan dans le présent litige ne soulèvent aucune question véritable à débattre et que l'issue de ces questions ne requiert pas l'examen plus approfondi d'une instruction complète. Il est possible de déterminer quels sont les faits nécessaires et il n'y a pas de question sérieuse en matière de crédibilité. Bien que j'estime que la preuve par affidavit des deux experts soit crédible et digne de foi, je penche davantage en faveur du témoignage de l'expert de Trojan sur chacune des questions importantes et je suis convaincu que, si la preuve des experts était présentée dans le cadre d'un procès où le juge aurait la possibilité d'observer leur comportement et leurs réactions lors d'un contre-interrogatoire, cela n'affecterait vraisemblablement pas le résultat de manière significative. Je suis convaincu que les deux parties, par le biais de leurs avocats, « ont présenté leurs meilleurs arguments » . Trojan s'est acquittée du fardeau qui lui incombait, soit de démontrer qu'il n'y avait pas de question véritable à débattre lors d'un procès. Compte tenu des documents produits et des arguments présentés par les avocats, j'estime être en mesure de tirer les conclusions de fait et de droit nécessaires pour régler entièrement cette action.

[73]            Je conclus que le brevet en cause, et plus particulièrement les revendications 36 et 42 et les revendications qui en découlent, sont valides. J'estime également que la date de priorité invoquée eu égard au brevet en cause est la date la plus ancienne sur laquelle Trojan peut étayer son argument, que le brevet en cause n'est pas nul en raison de l'antériorité ou de l'évidence et que M. Jan Maarschalkerweerd est correctement identifié à titre d'auteur de l'invention visée par le brevet en cause. Enfin, j'arrive à la conclusion que le brevet en cause et plus particulièrement la revendication 36 et les revendications 38 et 40 qui en découlent, ainsi que la revendication 42 et les revendications 46, 47, 61, 64 et 65 qui en découlent, ont été contrefaits par Suntec.

MESURE DE RÉPARATION

[74]            Les mesures de réparation demandées sont énoncées dans l'introduction des présents motifs. Je les reproduis ici par souci de commodité :

[traduction]

1.             Un jugement déclaratoire portant que :

a.             la défenderesse a contrefait les revendications 36,40,42,46,47,61,64 et 65 du brevet canadien no 1 327 877;

b.             les revendications 36, 40, 42, 46, 47, 61, 64 et 65 du brevet canadien no 1 327 877 sont valides et en vigueur;


2.             Un jugement déclaratoire portant que la défenderesse a contribué à ce que des tiers contrefassent les revendications 36, 40, 42, 46, 47, 61, 64 et 65 du brevet canadien no 1 327 877 ou les y a incités;

3.             Une injonction enjoignant à la défenderesse, ses dirigeants, administrateurs, employés, actionnaires, mandataires et toutes les personnes sur lesquelles elles exercent un contrôle de :

                 a.             cesser de contrefaire le brevet canadien no 1 327 877;

b.             cesser de fabriquer, importer, exporter, vendre et offrir en vente au Canada ou à partir du Canada, tout système de désinfection par ultraviolets Suntec Environmental LPX200 ou LPX500 ainsi que tout produit équivalent ou connexe;

4.             Une ordonnance accordant :

a.             la restitution à la demanderesse de tous les systèmes de désinfection par ultraviolets Suntec Environmental LPX200 ou PX500 et leurs pièces, produits équivalents ou marchandises, de même que tout appareil, document ou objet qu'elle a en sa possession, sous son autorité ou son contrôle qui est susceptible de contrevenir à l'ordonnance demandée aux présentes;

                 b.             plus de 50 000 $ à titre de dommages-intérêts ou une comptabilisation de bénéfices selon ce que demanderesse choisira après enquête;

                 c.             les intérêts avant et après jugement sur les dommages-intérêts ou bénéfices à compter de la date où ils ont été réalisés jusqu'à la date du paiement;

                 d.             les dépens de la demanderesse pour la requête;

e.             toute autre réparation que la Cour estime juste.


[75]            Un jugement déclaratoire sera accordé tel que demandé en ce qui concerne les paragraphes 1 et 2 de la demande de réparation. Telle que demandée au paragraphe 3 de la même requête, une injonction sera accordée à titre de mesure de réparation, exception faite qu'il n'y aura aucune mention du système de désinfection par ultraviolets LPX500 de Suntec puisque je ne dispose d'aucun élément de preuve relatif à ce système et, plus précisément, eu égard au fait qu'il a été fabriqué ou importé au Canada, exporté du Canada ou encore vendu ou offert en vente au Canada ou à partir du Canada.

[76]            J'ordonnerai également la restitution à la demanderesse de tous les systèmes de désinfection par ultraviolets Suntec Environmental LPX200 et leurs pièces, produits équivalents ou marchandises, de même que tout appareil, document ou objet qu'elle a en sa possession, sous son autorité ou sous son contrôle susceptibles de contrevenir à l'injonction qui sera ordonnée aux termes de la présente décision.

[77]            Comme je l'ai souligné au paragraphe 2 des présents motifs, toutes les questions portant sur l'ampleur de la contrefaçon de tout droit et sur les dommages-intérêts ou bénéfices attribuables à une telle violation devraient être tranchées séparément par ordonnance de la Cour après que les questions soumises dans le cadre du présent litige auraient été réglées à l'issue des présents motifs et de l'ordonnance et du jugement qui en découlent. Par conséquent, je ne traiterai pas des questions énoncées à l'alinéa 4 b) dans mon ordonnance. Comme les intérêts avant et après jugement sont directement liés à la question des dommages-intérêts, cette question ne sera pas non plus traitée dans mon jugement.

[78]            Les dépens sont réclamés à la fois par Trojan et par Suntec. L'avocat de Suntec a demandé de pouvoir présenter des observations après la publication des présents motifs[33]. Avec égards pour l'avocat, dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je suis convaincu que les dépens, calculés selon le tarif ordinaire, doivent suivre l'issue de la cause. C'est ce que prévoira mon ordonnance.

[79]            Aucune autre mesure de réparation n'est accordée.

____________________________

      Juge

Ottawa (Ontario)

3 juillet 2003

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.


                                                                     ANNEXE

[traduction]

Une réalisation préférée de l'invention en cause est décrite ci-dessous, à titre d'exemple seulement, avec des renvois aux dessins ci-joints, dont :

                 la figure 1 est une vue latérale d'un dispositif d'épuration de fluide (20) constituant une réalisation préférée de l'invention en cause;

                 la figure 2 est une vue en coupe agrandie partielle d'une partie d'extrémité du dispositif où un ensemble lampe est monté sur le cadre du dispositif;

                 la figure 3 est une vue généralement semblable à celle de la figure 2, sauf que l'observateur se trouve de l'autre côté du dispositif;

la figure 4 est une vue d'extrémité du dispositif.

                 Les dessins représentent un dispositif d'épuration de fluide constituant une réalisation préférée de l'invention. Le dispositif est un module destiné à être utilisé avec d'autres modules semblables ou identiques pour épurer des fluides tels que les eaux usées au moyen de rayons ultraviolets selon des principes d'épuration qui sont bien connus et n'ont pas besoin d'être explicités ici. Se reporter à la figure 1. Le dispositif sous sa forme préférée comprend un cadre en U inversé avec des branches opposées raccordées ensemble à leurs extrémités supérieures par une pièce transversale (20) qui comprend un ballast (2) connecté à un cordon d'alimentation (4) au moyen d'un arrêt de traction (1). Le ballast (2) commande la tension et le courant dans les lampes ultraviolettes (14) montées sur les branches du cadre et entre ces dernières de la façon décrite ci-dessous. Pour l'excitation initiale des lampes (14), il faut une haute tension de l'ordre de 600 volts aux bornes du ballast, mais une fois les lampes excitées, une tension inférieure, par exemple de 180 volts à la sortie du ballast, est suffisante, et cette variation de la tension est assurée par le ballast. Le ballast (2) sert également à limiter le courant dans les lampes.

                 La branche de cadre de gauche (figure 1) comprend des sections tubulaires creuses supérieure et inférieure (3 et 7) réunies ensemble, par exemple par soudage en bout, selon un alignement axial, l'extrémité inférieure de la section (7) étant fermée. La branche de cadre de droite (figure 1) est également formée de deux sections unies, y compris une section supérieure (22) qui peut être solidaire de la pièce transversale (20) et une section inférieure (16) formée par deux plaques (16a et 16b) qui sont, de préférence, deux sections de plaque séparées longitudinalement. Ces sections sont soudées ensemble aux parties plates (26) et sont conçues avec des logements semi-cylindriques (28) homologues pour former des douilles cylindriques (30) se prolongeant transversalement entre les parties plates pour recevoir les ensembles lampe de la façon décrite ci-dessous. Monté sur les sections intermédiaires des branches de cadre, est un profilé généralement en U inversé (6) ayant des collets (32) fixés au profilé avec des vis de blocage (34) pour immobiliser le profilé (6) dans la position voulue. Le profilé (6) sert à renforcer le cadre et à bloquer la lumière ultraviolette.


                 La section de branche inférieure (7) comporte plusieurs ouvertures (35) espacées sur toute sa longueur. Une des extrémités des lampes est montée sur la section de branche (7) alignée sur l'ouverture (35) respective. Dans la réalisation préférée, des brides de montage cylindriques (36) sont attachées à la section de branche (7) ou formées sur la section de branche autour des ouvertures (35), et un manchon de montage cylindrique (8) est fixé autour de chacune des brides de montage (36), par exemple par soudage. Les extrémités opposées des ensembles lampe (40 de la figure 1) sont montées dans les manchons de montage (8) et les douilles (30) respectivement.

                 Chaque ensemble lampe (40) comprend une lampe ultraviolette allongée (14) et un manchon protecteur allongé en quartz (15) qui enveloppe la lampe (14) au complet. Dans la réalisation préférée, l'extrémité de droite du manchon protecteur (15 de la figure 1) se prolonge au-delà de l'extrémité adjacente de la lampe (14) et est fermée en 15a (voir figure 3). L'extrémité de gauche du manchon protecteur (15) se prolonge au-delà de l'extrémité adjacente de la lampe (14) et est ouverte. L'extrémité de gauche du manchon protecteur (15) est insérée dans le manchon de montage (8 de la figure 2), tandis que l'extrémité de droite est montée dans la douille (30 de la figure 3). Afin d'empêcher la rupture du manchon protecteur à son extrémité de droite, dans la réalisation préférée un certain nombre de sièges flexibles et résilients, de préférence des joints toriques (17), sont prévus dans la section de la branche séparée, autour des douilles (30) pour recevoir les manchons protecteurs respectifs (voir figure 3).

Dans la réalisation préférée illustrée, l'extrémité de gauche de chaque lampe (14) porte un connecteur moulé (13) ayant des broches de contact (non illustrées) insérées dans des prises formées dans l'extrémité de la lampe. Des fils (11), servant à exciter les lampes, passent respectivement des connecteurs (13) par les ouvertures (35) puis dans les passages creux des sections de branche (3) et (7). De préférence, tous les fils d'excitation (11) de toutes les lampes (14) de chaque module se trouvent dans les sections de branche de gauche (3) et (7), d'où ils sont connectés au ballast (2).

Afin de sceller l'espace entre le manchon de montage (8) et le manchon protecteur (15), un joint annulaire, de préférence un joint torique (9), est monté autour de chaque manchon protecteur (15), contre l'extrémité du manchon de montage (8). Un écrou (10), vissé sur le manchon de montage (8), est muni d'un épaulement interne pour serrer le joint torique (9). Le serrage de l'écrou (10) sur le manchon de montage (8) déforme le joint torique radialement vers l'intérieur de façon à former un sceau étanche au fluide, autour du manchon protecteur (8). Les joints toriques (9) aident également à former une monture résiliente pour les ensembles lampe.


Au cas où le manchon protecteur (15) serait endommagé, chacune des ouvertures (35) est obturée hermétiquement par un bouchon (12) fait d'un matériau approprié pour empêcher l'entrée de fluide dans la section de branche creuse (7) via les ouvertures (35). Dans la réalisation préférée illustrée à la figure 2, le bouchon (12) comprend un premier segment d'étanchéité (12a) de forme généralement cylindrique et reposant sur les brides (36) entourant les ouvertures (35), la surface périphérique du segment d'étanchéité (12a) produisant un sceau continu avec la surface intérieure du manchon de montage (8 de la figure 2). Pour une protection supplémentaire, le bouchon (12) comprend un autre segment d'étanchéité (12b) décalé axialement vers l'intérieur par rapport au segment (12a) et formé de parties coniques tronquées opposées définissant une mince lèvre d'étanchéité constituant un sceau continu avec la surface intérieure du manchon protecteur (15); il est entendu que le diamètre du segment d'étanchéité (12b) est inférieur à celui du segment (12a). Le bouchon (12) assure également le montage flexible et élastique de l'extrémité du manchon protecteur (15) qui repose sur le segment d'étanchéité (12a) tout en étant reçu par le segment d'étanchéité (12b) (voir fig. 2). Il sera clair que, en cas de rupture du manchon protecteur (15) permettant au fluide de contourner le joint torique (9), les segments (12a) ou (12b) empêchent le fluide de passer et d'entrer dans la section de branche (7).

Dans la réalisation préférée illustrée, les bouchons (12) sont moulés autour du fil (11) respectif qui se prolonge à l'intérieur du bouchon (12) au connecteur (13). Cependant, dans d'autres réalisations non illustrées, le connecteur (13) peut être formé intégralement ou être situé à l'intérieur du bouchon (12) lui-même, qui peut être une prise électrique. En outre, d'autres types de connexions électriques aux lampes (14) peuvent être réalisés au niveau du bouchon (12).


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-1811-01

INTITULÉ :                                           TROJAN TECHNOLOGIES INC. c.

SUNTEC ENVIRONMENTAL TECHNOLOGIES INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 17 février 2003

MOTIF DU JUGEMENT : MONSIEUR LE JUGE GIBSON

DATE :                                                  3 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Gary O'Neill

Christopher Van Barr                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Stephen M. Lane

Trent Horne                                                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON                                      POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

1600-160, rue Elgin

Ottawa (Ontario)    K1P 1C3

SIMS, HUGHES, ASHTON & McKAY s.r.l.

Avocats

330, avenue University

6e étage

Toronto (Ontario)    M5G 1R7                                                        POUR LA DÉFENDERESSE



[1]         [2003] A.C.F. no 593 (Q.L.), (C.F. 1re inst.), non cité devant moi; appel déposé le 17 avril 2003, dossier : A-188-03.

[2]         [2000] 2 R.C.S. 1024.

[3]         (1995), 63 C.P.R. (3d) 473, à la p. 489.

[4]         Free World Trust, précité, note 2, à la page 1050.

[5]         [2000] 2 R.C.S. 1067.

[6]         [1981] 1 R.C.S. 504.

[7]         Voir : Dableh c. Ontario Hydro (1996), 68 C.P. R. (3d) 129, à la page 144 (C.A.F.).

[8]         Lubrizol Corp. et al. c. Imperial Oil Ltd. (1990), 33 C.P.R. (3d) 1, à la page 26 (C.F. 1re inst.); conf. en partie (1992), 45 C.P.R. (3d) 449 (C.A.F.).

[9]         Whirlpool Corp. c. Camco Inc., précité, à la page 1101.

[10]       Cahier conjoint de la preuve, volume 2, onglet F, page 246, question 71.

[11]       K. Barber, Toronto, Oxford University Press, 1998.

[12]       (1992), 45 C.P.R. (3d) 449 (C.A.F.).

[13]       [1930] R.C.S. 443, à la page 456; conf. par [1931] A.C. 770 (C.P.).

[14]       Précité, note 5.

[15]       L.R.C. (1985), ch. P-4.

[16]       [1998] A.C.F. no 286 (Q.L.), (1re inst.), non cité devant moi.

[17]       Précité, note 5.

[18]       Précité, note 2.

[19]       (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.).

[20]       (2000), 10 C.P.R. (4th) 65 (C.A.F.); conf. par 2002 C.S.C. 77.

[21]       Précité, note 19.

[22]       (1988), 20 C.P.R. (3d) 132 (C.F.1re inst.).                                                                                     

[23]       (2001), 11 C.P.R. (4th) 129 (C.F. 1re inst.); conf. par (2002), 23 C.P.R. (4th) 1. (Voir pièce en annexe)

[24]      Cahier conjoint de la preuve, volume 2, onglet F, page 314, réponse à la question 327.

[25]      Cahier conjoint de la preuve, volume 5, onglet N, page 819, questions 7 à 9.

[26]       La brochure Heraeus est reproduite dans le Cahier conjoint de la preuve, volume 4, onglet E.

[27]       Précité, note 22.

[28]       [1982] R.P.C. 183 (H.L.).

[29]       Précité, note 28.

[30]       Précité, note 2.

[31]       [2002] 2 C.F. 3 (C.F.1re inst.) au paragraphe 133; inf. pour d'autres motifs (2001). 17 C.P.R. (4th) 478.

[32]       Voir la citation au paragraphe [65] des présents motifs.

[33]       Transcription, page 271.


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