TRÈS SECRET
Date : 20250205
Dossier : DES-7-24
Référence : 2025 CF 223
Ottawa, Ontario, le 5 février 2025
En présence de madame la juge Gagné
ENTRE :
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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demandeur
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et
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GASTON BILALI-MTEMI et
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LE DIRECTEUR DES POURSUITES PÉNALES
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défendeurs
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ORDONNANCE ET MOTIFS AMENDÉE
I. Survol
[1] Monsieur Gaston Bilali-Mtemi est accusé d’avoir menacé de porter une attaque violente à l’endroit du personnel de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo [MONUSCO], de manière à vraisemblablement mettre la vie ou la liberté de ces personnes en danger, en contravention de l’alinéa 424.1(a) du Code Criminel, LRC 1985 c C-46. Son procès devant la Cour du Québec, Chambre criminelle, doit avoir lieu du 26 au 28 mars 2025.
[2] La MONUSCO est située dans une zone de conflits aigus dans l’Est de la République Démocratique du Congo [Congo]; l’Union nationale pour la libération du Congo [UNLC], dont M. Gaston Bilali-Mtemi est le président, l’a menacée d’affronts si elle ne cessait pas toutes activités et ne quittait pas le territoire du Congo. Puisque M. Bilali-Mtemi est un citoyen Canadien résidant dans la province de Québec, la cellule d’embargo d’armes [AEC] de la MONUSCO, au nom de l’Organisation des Nations Unies [ONU], a fourni à la Gendarmerie royale du Canada [GRC] des informations recueillies lors de son enquête sur la menace contre la MONUSCO et l’achats d’armes à feu par l’UNLC.
[3] De façon générale, le Directeur des poursuites pénales soutient que M. Bilali-Mtemi est non seulement l’auteur de la lettre de menace adressée à la MONUSCO, mais c’est lui qui l’a publiée sur la page Facebook de l’UNLC.
[4] Le procureur général du Canada [PGC] cherche maintenant à protéger certaines des informations reçues de la MONUSCO, du Bureau d’enquête fédéral des États-Unis [FBI] et du Service canadien du renseignement de sécurité [Service]. Il a donc déposé devant cette Cour un Avis de demande en vertu du paragraphe 38.04(1) de la Loi sur la Preuve au Canada, LRC 1985 c C-5 [LPC] lui demandant de confirmer l’interdiction de divulgation de ces renseignements.
[5] La Cour a mandaté Me Nellie Benoit et Me Anil Kapoor pour agir comme amici curiae. Comme le veut la règle, les amici curiae ont rencontré l’accusé avant de prendre connaissance des documents classifiés sous étude dans la présente demande et ont échangé avec lui sur la position qu’il entend faire valoir en défense devant la Cour du Québec.
[6] M. Bilali-Mtemi, par l’intermédiaire de son avocat, a confirmé qu’il renonçait à la tenue d’une audience publique ainsi qu’à son droit de présenter des observations dans le cadre de la présente demande.
[7] Les amici curiae ne soulèvent aucune objection quant à l’interdiction de divulgation des informations reçues du FBI et du Service et la Cour est d’avis que la preuve démontre que la divulgation de ces renseignements serait de nature à nuire à la sécurité nationale et/ou aux relations internationales du Canada; partant, il convient de confirmer l’interdiction de divulgation des renseignements caviardés à l’égard des renseignements qui proviennent du Service et du FBI. Les présents motifs ne concernent donc que les documents reçus de la MONUSCO.
II. Faits
[8] La MONUSCO est une mission de maintien de la paix créée par le Conseil de sécurité de l’ONU dans le but de mettre fin au conflit armé principalement concentré dans l’Est du Congo.
[9] La mission de la MONUSCO est d’assurer la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel responsable de défendre les droits humains, se trouvant sous la menace de violences physiques, et d’appuyer le gouvernement du Congo dans ses efforts de stabilisation et de consolidation de la paix. La MONUSCO a été investie de l’autorité afin de prendre les mesures nécessaires pour atteindre son mandat. Toutefois, sa présence au Congo n’est pas accueillie par tous.
[10] L’UNLC a été créée en 2018 et elle se définit comme un parti politique dont l’objectif est de libérer le pays des envahisseurs qui proviennent de l’étranger. Le 11 avril 2021, l’UNLC a transmis une lettre signée par M. Bilali-Mtemi par laquelle celle-ci menace d’attaquer les locaux officiels et les membres du personnel de la MONUSCO pour les inciter à cesser toutes activités et à quitter le Congo dans un délai de 30 jours. Selon la théorie de la poursuite, M. Bilali-Mtemi a publié cette lettre sur la page Facebook « UNLC Congo »
le 14 avril 2021. D’autres menaces auraient également été publiées par l’UNLC sur sa page Facebook. Toujours selon la poursuite, les lettres, les publications Facebook et les autres communications de M. Bilali-Mtemi s’inscrivent dans un continuum de menaces dont le but était d’intimider la MONUSCO en affirmant que l’UNLC avait un potentiel militaire ainsi que l’appui de la population pour attaquer la MONUSCO.
[11] L’AEC de la MONUSCO a enquêté la menace de l’UNLC et |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. La presque totalité des informations colligées au rapport synthèse de l’enquête de l’AEC provient d’individus ayant fourni des déclarations à M. Raymond Debelle, l’enquêteur de l’AEC. Le PGC allègue que les déclarations reçues de ces individus l’ont été sous le sceau de la confidentialité que l’ONU doit à ces tierces personnes, et de l’assurance que leur sécurité ne serait pas compromise.
[12] En février 2022, M. Debelle a transmis le rapport synthèse à l’agente de liaison de la GRC située dans la région. Le rapport synthèse a ensuite été communiqué à la division des Enquêtes de nature délicate et internationale de la GRC qui a amorcé le Projet Active, dont les travaux ont mené au dépôt des accusations criminelles contre M. Bilali-Mtemi.
[13] En mars 2023, alors que la GRC s’apprêtait à procéder à la divulgation de la preuve selon le principe établi par l’arrêt R c Stinchcombe, [1991] 3 RCS 326 [Stinchcombe], la GRC a contacté le Service des affaires juridiques de l’ONU afin de déterminer et confirmer la nature des informations que cette dernière envisageait protéger, dans le but de respecter la règle des tiers applicable dans le cadre d’échanges internationaux de renseignements. L’ONU a confirmé qu’elle demandait la confidentialité de quatre types de renseignements, soit ceux qui :
i) mettrait la sécurité d’individus à risque;
ii) violerait l’obligation de confidentialité qu’a l’ONU envers un tiers;
iii) compromettrait la nature confidentielle du processus décisionnel de l’ONU;
iv) enfreindrait l’efficacité des opérations courantes et futures de l’ONU.
[14] À la lumière des instructions reçues, la GRC a procédé à un exercice de caviardage des documents provenant de la MONUSCO et a soumis le tout au Service des affaires juridiques de l’ONU qui, après certains échanges entre les deux organisations, a confirmé son acceptation.
[15] Le PGC demande à la Cour une ordonnance confirmant l’interdiction de divulgation des renseignements caviardés dans la preuve de la poursuite communiquée à M. Bilali-Mtemi.
III. Questions en litige
[16] Cette demande soulève les questions suivantes :
Le cas échéant, les renseignements caviardés sont-ils pertinents à la défense de M. Bilali‑Mtemi?
Si les renseignements sont pertinents, est-ce que la divulgation des renseignements en cause serait préjudiciable à la sécurité nationale et aux relations internationales du Canada?
Le cas échéant, y a-t-il des motifs d’intérêt public qui justifient la divulgation et qui l’emportent sur les motifs d’intérêt public qui justifient la non-divulgation (l’exercice de pondération)?
IV. Analyse
A. Est-ce que l’article 38 de la LPC s’applique dans le contexte de cette affaire et est-ce que la règle des tiers s’applique à l’information transmise à la GRC par la MONUSCO?
[17] Dans le cadre d’une approche qui ne manque pas d’intérêt, les amici curiae plaident que l’article 38 de la LPC ne s’applique pas aux renseignements transmis par la victime d’un acte criminel allégué, dans le but de porter plainte à un corps policier compétent.
[18] Comme principal argument, les amici curiae plaident donc que pour les renseignements provenant de la MONUSCO, l’article 38 de la LPC n’entre pas en jeu et que c’est plutôt son article 37 qui s’applique. Je ne partage pas leur point de vue.
[19] La question à mon sens n’est pas de savoir à quelle fin les renseignements ont été transmis d’un organisme international aux autorités canadiennes, mais plutôt à qui appartiennent les renseignements, quel en est le contenu et quelles sont les conditions imposées par le titulaire des renseignements quant à leur divulgation.
[20] En contre-interrogatoire du représentant de la GRC, les amici curiae ont fait ressortir qu’au moment où le rapport synthèse a été transmis par M. Debelle à l’agente de liaison de la GRC, aucune condition n’était rattachée à une éventuelle divulgation. Ils concluent de ce fait que puisque le but de la communication était de porter plainte à l’organisme canadien chargé de l’application de la loi, il était implicite que les renseignements pouvaient être divulgués dans le cadre d’un procès criminel.
[21] Premièrement, cette conclusion avancée par les amici curiae ne tient pas compte du fait que les mots « DIFFUSION RESTREINTE »
apparaissent au bas de chaque page du rapport synthèse de l’AEC et que certains documents transmis par l’AEC demandent explicitement à la GRC la protection de l’identité de certaines sources; ceci témoigne certainement de la sensibilité des renseignements et des enjeux reliés à leur divulgation à partir du moment même où la GRC en prend connaissance.
[22] Deuxièmement, même si les amici curiae ont raison et qu’au moment de la communication initiale la règle des tiers n’était pas en jeu, je suis d’avis qu’à partir du moment où l’enquêteur de la GRC s’est enquis de la façon de traiter les renseignements reçus de la MONUSCO auprès du Service des affaires juridiques de l’ONU, et qu’il a reçu des instructions claires quant à la non-divulgation de certains renseignements, l’article 38 entre en jeu et la règle des tiers s’applique. Le préjudice relié à leur divulgation concerne alors la sécurité nationale et les relations internationales du Canada.
[23] Le législateur a expressément prévu que le régime de l’article 38 prime sur celui de l’article 37 lorsque l’une des trois catégories d’intérêt public — soit la sécurité nationale, la défense nationale et les relations internationales du Canada, entre en jeu.
[24] Par ailleurs, le législateur a jugé nécessaire de protéger les renseignements qui, s’ils étaient divulgués, porteraient préjudice aux relations internationales du Canada. Cette protection est distincte de celles visant la défense nationale ou la sécurité nationale (Canada (Procureur général) c Almalki, 2010 CF 1106 au para 79 [Almalki]), tout en étant intimement liée à la notion de sécurité nationale. La capacité du Canada à assurer sa protection dépend fondamentalement de ses relations internationales avec ses plus proches alliés et des liens étroits qu’il entretient avec les agences étrangères de renseignement et d’application de la loi (Canada (Procureur général) c La Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, et Maher Arar, 2007 CF 766 aux para 77-80 [Arar]).
[25] La Cour doit rechercher l’intérêt public à protéger et non la nature des renseignements transmis ou encore la raison de leur transmission. Même si la règle des tiers n’avait pas conditionné le partage d’information au moment où les renseignements ont été transmis à la GRC, elle conditionne maintenant la divulgation des renseignements puisque le titulaire de cette information en demande la confidentialité. L’ONU a demandé à la GRC de ne pas divulguer quatre catégories de renseignements et faire fi de cette demande violerait la règle des tiers et causerait un préjudice à la sécurité nationale et aux relations internationales du Canada. Cette conclusion s’impose selon moi-même si c’est la GRC qui a initié la communication et demandé ses instructions à l’ONU.
[26] Le Canada est un importateur net de renseignements de sécurité (Charkaoui v Canada (Citizenship and Immigration), 2007 SCC 9 au para 68) et une perte de confiance dans la capacité de ses institutions à respecter la volonté des agences et organismes étrangers qui lui fournissent de tels renseignements met à mal sa capacité à protéger ses intérêts et sa sécurité.
[27] Puisque je conclus que dans le contexte de la présente affaire, l’article 38 entre en jeu, il y a donc lieu de procéder à l’analyse en trois étapes dictée par la Cour d’appel fédéral dans l’affaire Canada (Procureur général) c Ribic, 2003 CAF 246 [Ribic].
B. Les renseignements caviardés sont-ils pertinents à la défense de M. Bilali-Mtemi?
[28] La pertinence des renseignements doit s’analyser à la lumière des enseignements contenus dans l’arrêt Stinchcombe; la question est donc de savoir si les renseignements visés pourraient être raisonnablement utiles pour la défense de M. Bilali-Mtemi.
[29] Les amici curiae conviennent que les informations de l’ONU pouvant compromettre la nature confidentielle de son processus décisionnel et pouvant enfreindre l’efficacité de ses opérations courantes et futures ne sont pas pertinentes. D’un autre côté, le PGC ne conteste pas la pertinence des renseignements qui : i) mettraient la sécurité d’individus à risque; et ii) violeraient l’obligation de confidentialité qu’a l’ONU envers un tiers. L’analyse des second et troisième critères de l’arrêt Ribic portera donc sur ces types de renseignements.
C. Est-ce que la divulgation des renseignements en cause serait préjudiciable à la sécurité nationale et aux relations internationales du Canada?
[30] Dans Arar, cette Cour a reconnu le caractère sacré de la règle des tiers et souligne que la règle est fondée sur la confiance mutuelle, la fiabilité et la loyauté. Tant les États (leurs ministères, organismes et fonctionnaires, agences d’application de la loi et agences de renseignements et d’intelligence typiques), que les organisations internationales (tel que l’ONU), se rapportent à la règle des tiers pour garantir le flux constant de renseignements (Arar au para 70; Almalki aux para 79-80). Cette règle s’applique que les renseignements transmis mènent ou non au dépôt d’accusations criminelles en sol canadien.
[31] L’ampleur du préjudice qui découle d’une divulgation non autorisée peut évidemment être difficile à évaluer. Toutefois, il est reconnu que la protection s’étend aux échanges libres et ouverts de renseignements et aux communications entre les diplomates canadiens et d’autres fonctionnaires et leurs homologues étrangers, sans lesquels le Canada ne pourrait participer efficacement aux affaires internationales (Almalki au para 80).
[32] Dans le cas qui nous occupe, la MONUSCO, composée d’États membres de l’ONU, a partagé certains renseignements avec la GRC, une agence canadienne. Elle l’a notamment fait dans le but de remplir son mandat général d’établir et de maintenir la paix au Congo. Il en découle que le partage de renseignements s’est fait entre l’ONU et un État membre ayant entre eux des relations internationales.
[33] Les amici curiae réfèrent la Cour à l’arrêt R c Campbell, [1999] 1 RCS 565 [Campbell] de la Cour suprême afin de soutenir leur argument que la GRC ne peut être assimilée au gouvernement du Canada pour les fins de l’application de la règle des tiers. Or, le contexte de l’arrêt Campbell ne permet pas une telle conclusion. Dans cette affaire, l’accusé demandait notamment un arrêt des procédures au motif que les agents de la GRC, dans le cadre de leur enquête, avaient commis des actes criminels répréhensibles. Commentant la défense invoquée par le ministère public, le juge Binnie affirme que la tentative de ce dernier d’assimiler la GRC à l’État pour des fins d’immunité doit échouer. Le juge Binnie ajoute toutefois qu’il est possible que, dans l’exercice de l’un ou l’autre de ses rôles, la GRC agisse en tant que mandataire de l’État. Un de ces rôles est justement la protection des relations internationales du Canada.
[34] Ceci dit, la principale préoccupation exprimée par l’ONU est que les individus ayant collaboré à l’enquête de l’AEC de la MONUSCO seraient confrontés à des représailles et agressions de l’UNLC et d’autres groupes militants advenant que leur identité soit divulguée. L’AEC a d’ailleurs conclu que l’UNLC posait un risque réel et substantiel à la sécurité du personnel de la MONUSCO et à celle des individus perçus comme ayant collaboré avec elle. La préoccupation de l’ONU est donc légitime et une divulgation de ces renseignements sensibles mettant la sécurité d’individus à risque minerait la confiance de l’ONU et de ses États membres en la capacité du Canada de protéger les renseignements qu’on lui communique, à la lumière des instructions reçues.
[35] Dans ce contexte, le préjudice aux relations internationales du Canada, et à sa sécurité nationale, est établi.
D. Y a-t-il des motifs d’intérêt public qui justifient la divulgation et qui l’emportent sur les motifs d’intérêt public qui justifient la non-divulgation (l’exercice de pondération)?
[36] Le paragraphe 38.06(2) de la LPC prévoit que lorsqu’il est conclu que la divulgation de renseignements porterait préjudice à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales du Canada, il y a lieu de déterminer si les motifs d’intérêt public qui justifient la divulgation des renseignements préjudiciables l’emportent sur les motifs d’intérêt public qui justifient la non-divulgation de ces renseignements. Il s’agit donc d’un exercice de mise en balance d’intérêts conflictuels.
[37] Le fardeau de la preuve à ce stade de l’analyse appartient à celui ou celle qui cherche à obtenir la divulgation d’un renseignement (Ribic aux para 21-22).
[38] D’abord, et avec respect, les amici curiae confondent les intérêts en cause lorsqu’ils font une analogie entre les catégories de renseignements dont l’ONU a demandé la non-divulgation et le privilège de l’indicateur de police. Ce dernier n’est aucunement en cause en l’instance. En ce sens, la jurisprudence citée qui concerne le privilège de l’indicateur de police, ainsi que celle qui concerne l’exception applicable à l’agent provocateur, n’ont donc pas de pertinence en l’instance.
[39] Ce qui est en cause et ce qui relève de l’intérêt public, c’est le fait que les renseignements proviennent d’un organisme étranger avec qui le Canada entretient des relations internationales et le fait que cet organisme ait expressément demandé la non-divulgation de certains renseignements.
[40] Les amici curiae plaident qu’il y a confusion quant à l’identité du (des) tiers à l’égard duquel (desquels) la règle s’applique. Je ne suis pas d’accord. Il s’agit de l’ONU, une organisation internationale composée de ses États membres. Le Canada entretient des relations internationales tant avec l’ONU qu’avec ses États membres — bien que celles-ci soient plus importantes avec certains des États membres que d’autres.
[41] Quant aux motifs d’intérêt public qui favorisent la divulgation, les amici curiae invoquent le droit à une défense pleine et entière, le droit à la divulgation de la preuve afin d’assurer un procès équitable et le principe de la publicité des débats judiciaires.
[42] Un renseignement ayant une « certaine utilité pour la défense »
doit s’entendre dans le sens retenu par la Cour suprême dans l’arrêt R c Egger, [1993] 2 RCS 451, soit un renseignement pouvant réfuter la preuve et les arguments du ministère public, pouvant soutenir un moyen de défense ou autrement pouvant avoir un effet sur la stratégie de la défense comme, par exemple, la décision de faire entendre ou non des témoins.
[43] Comme l’indique le juge John Norris dans Canada (Procureur général) c Ortis, 2022 CF 142 [Ortis]:
[78] Si les renseignements concernent un élément de l’infraction, le juge désigné devrait tenir compte de la valeur potentielle des renseignements pour ce qui est de soulever un doute raisonnable au sujet de cet élément. Un doute raisonnable est un doute fondé sur la raison et le bon sens, un doute qui est logiquement lié à la preuve ou à l’absence de preuve (R c Lifchus, [1997] 3 RCS 320 au para 36)…
[44] Les amici curie s’intéressent essentiellement aux renseignements fournis par deux individus, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| au moment des faits et un témoin important des faits reprochés à M. Bilali-Mtemi; et |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Les amici curiae plaident que ces renseignements sont utiles à la défense de M. Bilali-Mtemi, sans toutefois apporter beaucoup de précision.
[45] Quant à ||||||||||||||||||||||||||||||||||||, les amici curiae invoquent les éléments de preuve suivants en faveur de la divulgation des renseignements qu’il a fournis :
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Ø|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||;
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Ø||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||;
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Ø| M. Bilali-Mtemi était président de l’UNLC, ||||;
-
Ø|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| | |||||||||;
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Ø||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||;
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ØDes éléments reliés à l’adresse courriel unlc689@gmail.com sont utilisés pour corroborer la provenance de la ‘lettre ultimatum’ du 11 avril 2021 adressée à la MONUSCO;
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Ø||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ;
-
ØDeux des trois menaces reprochées à M. Bilali-Mtemi ont été communiquées via le compte Facebook de l’UNLC;
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Ø||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||;
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Ø|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.
[46] Quant à ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, les amici curiae invoquent les éléments de preuve suivants en faveur de la divulgation des renseignements qu’il a fournis:
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Ø|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||;
-
Ø||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.
[47] À mon avis, seul le fait que M. Debelle ait demandé à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||| dans le but d’aller chercher de l’information additionnelle est raisonnablement utile à la défense. Toutefois et compte tenu de l’ensemble des renseignements mis à ma disposition, je suis d’avis que la valeur potentielle de l’ensemble des renseignements fournis par |||||||||||||||||||||||||||||| n’est que spéculative. Cela ne suffit donc pas à surmonter le préjudice aux relations internationales ou à la sécurité nationale (Ortis au para 79).
[48] Par ailleurs, les renseignements fournis par |||||||||||||||||||||||||||||| tendent à inculper M. Bilali-Mtemi plutôt qu’à le disculper puisqu’il réitère les menaces proférées contre la MONUSCO et explique comment l’UNLC entend concrètement y donner suite.
[49] Je suis donc d’avis que la valeur potentielle de ces renseignements pour appuyer la défense ne permet pas de conclure que le préjudice d’intérêt public lié à la non-divulgation excède le préjudice d’intérêt public lié à la divulgation. Ces renseignements n’ont, somme toute, pas ou peu d’impact sur la défense de M. Bilali-Mtemi.
[50] Par exemple, une partie des renseignements fournis par |||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. À nouveau, ces renseignements tendent à inculper M. Bilali-Mtemi à l’égard d’autres infractions commises par M. Bilali-Mtemi et qui ne sont pas en cause dans le dossier sous-jacent, comme ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Le ministère public renonce d’ailleurs à utiliser ces informations qui seraient de nature à peindre un portrait encore plus négatif de l’infraction reprochée.
[51] Les seules informations pertinentes à la défense de M. Bilali-Mtemi sont le fait que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Celles-ci sont connues de M. Bilali-Mtemi. Il y a fait référence lors de la déclaration qu’il a donnée à la GRC au moment de son arrestation. Il n’y a d’ailleurs rien à ce sujet dans les renseignements fournis par la MONUSCO.
V. Conclusion
[52] Pour les motifs énoncés aux présentes, je confirme la demande du PGC à l’égard des renseignements caviardés se trouvant dans les documents visés par la présente demande.
ORDONNANCE dans DES-7-24
LA COUR ORDONNE ce qui suit:
La demande du Procureur général du Canada est accordée;
L’interdiction de divulgation des renseignements caviardés se trouvant dans les documents visés par la présente demande est confirmée en application du paragraphe 38.06(3) de la Loi sur la preuve au Canada;
Les amici curiae pourront consulter la version classifiée de la présente Ordonnance et motifs au greffe des instances désignées de la Cour fédérale;
Le Procureur général du Canada proposera, en consultation avec les amici curiae, une version publique de la présente Ordonnance et motifs, dans les 20 jours suivant son émission, aux fins de divulgation au défendeur;
La version classifiée de la présente Ordonnance et motifs ne fera pas partie du dossier public;
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Jocelyne Gagné »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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DES-7-24
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INTITULÉ :
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c GASTON BILALI-MTEMI ET, LE DIRECTEUR DES POURSUITES PÉNALES
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Ottawa (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 5 DÉCEMBRE 2024
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ORDONNANCE ET MOTIFS :
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LA JUGE GAGNÉ
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DATE :
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LE 5 février 2025
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COMPARUTIONS :
Me Attila Hadjirezaie
Me Michel Cyr
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Pour le demandeur
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Me Nellie Benoit
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AMICUS CURIAE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Michel Cyr
Me Attila Hadjirezaie
Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
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Pour le demandeur
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Me Nellie Benoit
Avocate (Montréal)
Me Anil Kapoor
Kapoor Barristers
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AMICi CURIAE
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