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     T-1260-96

ENTRE :


SIDMAR N.V. et TRADEARBED INC.

et ALL OTHERS HAVING AN INTEREST

IN THE CARGO LADEN ON BOARD THE

M.V. "HOLCK-LARSEN"

     Demanderesses

     - et -


FEDNAV INTERNATIONAL LTD. et

FEDNAV LIMITED et LARSEN & TOUBRO LTD.

et THE OWNERS AND CHARTERERS OF THE

VESSEL "HOLCK-LARSEN" et THE VESSEL

"HOLCK-LARSEN"

     Défenderesses

     T-1378-96

ENTRE :


SIDMAR N.V. et TRADEARBED INC.

et ALL OTHERS HAVING AN INTEREST

IN THE CARGO LADEN ON BOARD THE

M.V. "FEDERAL MACKENZIE"

     Demanderesses

     - et -


FEDNAV INTERNATIONAL LTD.

et FEDNAV LIMITED et PROMINENT

RICH LTD. c/o UNIVAN SHIP MANAGEMENT

LTD. et UNIVAN SHIP MANAGEMENT LTD. et

THE OWNERS AND CHARTERERS OF THE

VESSEL "FEDERAL MACKENZIE" et THE

VESSEL "FEDERAL MACKENZIE"

     Défenderesses

     T-1379-96

ENTRE :


SIDMAR N.V. et LAMINOIR DE DUDELANGE S.A.

c/o TRANSAF N.V. et TRADEARBED INC. et

ALL OTHERS HAVING AN INTEREST IN THE

CARGO LADEN ON BOARD THE M.V.

"FEDERAL MACKENZIE"

     Demanderesses

     - et -


FEDNAV INTERNATIONAL LTD.

et FEDNAV LIMITED et PROMINENT

RICH LTD. c/o UNIVAN SHIP MANAGEMENT

LTD. et UNIVAN SHIP MANAGEMENT LTD. et

THE OWNERS AND CHARTERERS OF THE

VESSEL "FEDERAL MACKENZIE" et THE

VESSEL "FEDERAL MACKENZIE"

     Défenderesses

     MOTIFS DE DÉCISION

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

     Les faits et la chronologie des procédures en cette Cour peuvent, à mon avis, se résumer, de la façon suivante:

     (A)      The M.V. "Holck-Larsen"

     Le 28 mai 1996, une action était déposée dans le dossier T-1260-96. Une action similaire fut au même moment intentée à Détroit (" protective action "). Le 11 juin 1996, une action était intentée devant cette Cour dans chacun des dossiers T-1378-96 et T-1379-96. Les demanderesses présentèrent, le 19 juin 1996, une requête par laquelle elles recherchent une déclaration par jugement sommaire que leur action contre Fednav International Ltd. (ci-après " Fednav ") n'est pas prescrite et qu'elle a été valablement instituée devant la Cour fédérale du Canada. En fait, elles recherchent une déclaration que l'action a été intentée au Canada conformément à la clause 4 des connaissements, tel qu'ils furent modifiés par les lettres d'extension. Les demanderesses demandent en outre que la défenderesse soit condamnée à assumer les frais sans toutefois préciser si cette condamnation devrait inclure les seuls frais afférents à la requête ou, au contraire, inclure également les frais engendrés par l'institution d'une " protective action " aux États-Unis, plus particulièrement à Détroit. Le même jour, Fednav répliqua par une requête pour déclaration par jugement sommaire que l'action intentée en Cour fédérale du Canada est prescrite.

     (B)      The "Federal MacKenzie/Chicago" and the "Federal Mackenzie/Detroit"

     Une action fut intentée, le 11 juin 1996, dans chacun des dossiers T-1378-96 et T-1379-96. Le 19 juin 1996, les demanderesses présentaient une requête pour déclaration par jugement sommaire similaire à celle déposée dans le dossier T-1260-96. Elles s'en remettent également à la clause des connaissements, lesquels sont pratiquement identique à celui en cause dans le dossier T-1260-96. Le 27 juin 1996, j'invitais le procureur de la défenderesse à contacter sa cliente pour que des mesures soient prises afin d'éviter que les demanderesses aient à instituer de nouvelles " protective actions " aux États-Unis, ce qui fut refusé. Les demanderesses furent ainsi contraintes, afin de protéger leurs droits, d'intenter des " protective actions " aux États-Unis. Dans les deux requêtes initiales, les demanderesses ne demandaient pas de frais. Or, le 24 juillet 1996, en raison du comportement de la défenderesse, elles amendèrent lesdites requêtes afin que celle-ci soit condamnée à payer les frais. Encore ici, elles le font sans préciser si la condamnation devrait être limitée aux frais afférents aux trois requêtes ou, au contraire, inclure les frais encourus pour l'institution de " protective actions " aux États-Unis. La réplique de la défenderesse consista en la production de deux requêtes pour déclaration par jugement sommaire que les deux actions intentées en Cour fédérale du Canada sont prescrites.

La clause 4 des connaissements et les lettres d'extension

     Les connaissements dont il est question en l'espèce traitent du transport de marchandises de Belgique à destination des États-Unis. Les connaissements furent émis en Belgique. La clause 4 qui figure à l'endos de ces connaissements est au coeur du présent litige. Elle se lit comme suit :

         4.      Jurisdiction clause                 
         Any action by the merchant arising out of goods carried under this Bill of Lading shall be brought in the Courts of Canada within one year after delivery of the goods at the port of discharge or the date when the goods should have been delivered at such port.                 

     Toutefois, en l'espèce, dans chacun des dossiers, les demanderesses demandèrent une extension du délai pour poursuivre. Elles le firent avant l'expiration du délai initial d'un an prévu à la clause 4 des connaissements de sorte que, si Fednav avait refusé de consentir une extension aux demanderesses, celles-ci auraient néanmoins pu introduire leurs actions à l'intérieur du délai prescrit.

     La défenderesse, Fednav, accorda aux demanderesses, dans chacun des dossiers, une extension du délai pour poursuivre. Elle précisa cependant, au paragraphe 4 des lettres par lesquelles elle le fit, que les actions devaient être intentées non pas devant la Cour fédérale du Canada mais bien aux États-Unis, plus particulièrement, selon le cas, à Chicago ou à Détroit1. Par exemple, dans le dossier T-1260-96, la lettre d'extension s'énonce en ces termes :


             "February 21, 1996                 
         Your Ref: J-12-3-37879                 
         Our Ref: AG 137/94                 
         TradeARBED Inc.                 
         825 Third Avenue                 
         New York, N.Y. 10022                 
         U.S.A.                 
         Attention: Mr. E.S. Branker                 
         Dear Sirs:                 

                 RE:      M.V. HOLCK LARSEN - VOYAGE 9/94

                     Ghent/Detroit - Bs/L SP218-276,321-361

                     At Detroit: December 2-4, 1994

                 Coils/damage - U.S. $70,000.00 (est.)

         Following your request of February 16, 1996, we hereby extend your time within which to commence suit, in accordance with the stipulations of the captioned B/L, up to and including June 4, 1996 on the following conditions:                 
         1.      It is understood and agreed that the amount of any eventual suit shall not exceed the captioned amount, being the sum claimed by you, and it is further understood and agreed that any Writ issued in excess of the said amount shall be null and void ab initio;                 
         2.      That you shall not be in a better position than if this extension had not been granted and that this extension shall not enlarge or create any rights under the said Bill of Lading;                 
         3.      That this letter and extension are without prejudice to any immunities, defences, rights and limitations, statutory, contractual or otherwise;                 
         4.      Actions, if any, are to [sic] filed in Detroit.                 

                             Yours faithfully,

                             FEDNAV LIMITED, as agents for Fednav International Ltd.

                                 (s) Dong Li

                             Dong Li

                             Claims Department

         /ll                 
         c.c.:      Larsen & Toubro Limited"                 

     Les actions des demanderesses furent introduites à l'intérieur du délai prévu dans les lettres d'extension. Toutefois, comme on l'a vu précédemment, plutôt que d'être introduites aux États-Unis, elles le furent au Canada.

Question en litige

     Les actions des demanderesses contre la défenderesse Fednav ont-elles été validement instituées en Cour fédérale?

Analyse

     (A)      L'applicabilité des Règles de La Haye-Visby

     Les demanderesses soumettent d'abord que les Règles de La Haye-Visby s'appliquent en l'espèce de façon impérative. Elles invoquent, à cet égard, l'article 7 de la Loi sur le transport des marchandises par eau, lequel s'énonce comme suit :

         7. (1) The Hague-Visby Rules have the force of law in Canada.                 

         (2) The Hague-Visby Rules apply in respect of contracts entered into after the coming into force of this Part and before the coming into force of Part II.                 
             (a)      To which those Rules apply pursuant to Article X of those Rules; or                 
         (3) For the purposes of this Part, the expression "Contracting State" in Article X of The Hague-Visby Rules includes Canada and any other state that, without being a Contracting State, gives the force of law to the rules embodied in the International Convention for the Unification of Certain Rules of Law relating to Bills of Lading, done at Brussels on August 25, 1924, as amended by the Protocol done at Brussels on February 23, 1968, regardless of whether that state gives the forece [sic] of law to the Protocol done at Brussels on December 21, 1979.                 

     Pour les demanderesses, puisque l'article 7 prévoit que les Règles de La Haye-Visby ont force de loi au Canada, une partie ne pourrait y déroger contractuellement. Ceci étant, elle soumet que c'est en vain qu'une " Paramount Clause " fut incluse dans les connaissements dont il est présentement question, laquelle clause s'énonce comme suit :

         3.      PARAMOUNT CLAUSE                 
         (1)      If either the port of loading or the port of discharge named on the face hereof is located in the United States of America, this bill of lading shall have effect subject to the provisions of the Carriage of Goods by Sea Act of the United States approved April 16, 1936, and the governing law of the contract evidenced by this bill of lading shall be the law of the United States;                 
         (2)      Subject to subparagraph (1) of this Clause, if this bill of lading is issued in a country which has adopted the Hague Rules or has no laws of a mandatory nature respecting the rights and obligations of parties to a contract of sea carriage of goods, this bill of lading shall have effect subject to, and shall be deemed to incorporate, the Hague Rules. Where the amount of the carrier's limit of liability has not been translated into national currency under the Hague Rules, the carrier's limit of liability shall be deemed to be $ 500.00 United States currency per package or physical unit.                 
         (3)      In all cases not provided for in subparagraphs (1) and (2) of this Clause, this bill of lading shall have effect subject to the Hague-Visby Rules.                 
         In this bill of lading "the Hague Rules" mean the International Convention for the Unification of Certain Rules of Law relating to Bills of Ladings, signed at Brussels on August 25, 1924 or any enactment given effect to the substance of the Rules. "The Hague-Visby Rules" mean the Hague Rules as amended by the Protocols signed at Brussels on February 23, 1968 and December 21, 1979. Except where the law of the United States applies in accordance with subparagraph (1) of this Clause, the governing law of the contract evidenced by this bill of lading shall be Canadian Maritime Law.                 

     Quant à la défenderesse, elle ne conteste pas que les Règles de La Haye-Visby s'appliquent auxdits connaissements. Elle prétend plutôt que les Règles ne peuvent être appliquées aux lettres d'extension.

     La Cour doit donc, en l'espèce, se demander si les Règles de La Haye-Visby sont applicables nonobstant la " Paramount Clause " qui figurent dans les connaissements.

     La réponse à cette question dépend, à mon avis, en grande partie des conséquences que l'on doit attacher à la mise en oeuvre législative des Règles de La Haye-Visby. Elle réside, en particulier, dans l'interprétation que doit recevoir l'expression " les Règles de La Haye-Visby ont force de loi au Canada " qui figure à l'article 7 de la Loi sur le transport de marchandises par eau .

     Or, dans l'affaire " The Morkiven ", après avoir pris en considération le texte desdites Règles , Lord Denning, rédigeant pour la Cour d'appel d'Angleterre, en vient à la conclusion que leur mise en oeuvre législative a eu pour effet de contraindre les tribunaux anglais à les appliquer de façon impérative. Il ajoute que les Règles doivent avoir préséance par rapport à toute clause incluse dans un connaissement. Ceci étant, toute clause d'un connaissement qui contrevient à l'une ou l'autre des Règles doit, selon lui, être écartée. Ainsi, de l'avis de Lord Denning, il est impossible de déroger conventionnellement aux Règles de La Haye-Visby. Cette décision de la Cour d'appel fut subséquemment confirmée par la Chambre des Lords2.

     Un autre argument milite en faveur du caractère contraignant des Règles. Il s'agit de celui formulé par le professeur Tetley3. Il aborde la question alors qu'il traite de l'impact d'un type de " Paramount Clauses ", lesquelles sont toutefois très différentes de celles dont il est présentement question. Il traite en effet de " Paramount Clauses " ayant pour effet de donner préséance aux Règles de La Haye-Visby par rapport à toute autre règle de droit possiblement applicable. Il écrit alors :

         Even if the bill of lading does not contain a paramount clause, the Rules still apply. This seems manifestly clear from the Hague Rules themselves and was so declared in Shackman v. Cunard White Star Ltd.4 (référence omise)                 

     C'est dans ce contexte qu'il ajoute :

         If the bill of lading does not contain a paramount clause and does not invoke the Hague Rules but invokes some other law, the Hague Rules still apply. The decision of the Privy Council in Vita Food Products Inc. v. Unus Shipping Co. Ltd. (The Hurry On) is in error. Fortunately, Vita Food is limited in its application and itself contains the source of its being distinguished - the Court stating that whether or not the Hague Rules will be given effect depends on where the case is tried. For example, if the Vita Food case had been tried in Newfoundland, where the bill of lading was issued, then the Hague Rules would have applied. As Lord Wright himself stated: "A Court in Newfoundland would be bound to apply the law enacted by its own Legislature...".5 (référence omise) (je souligne)                 

     Ainsi, selon le professeur Tetley les tribunaux canadiens se doivent d'appliquer les lois promulguées, selon le cas, par le Parlement ou les législatures. Or, en l'espèce, c'est l'article 7 de la Loi sur le transport des marchandises par eau qu'il s'agit d'appliquer, lequel, faut-il le rappeler, a servi à mettre en oeuvre législativement les Règles de La Haye-Visby et, plus particulièrement, l'article X de celles-ci. Ce dernier article s'énonce en ces termes:

         Article X - Application                 
         The provisions of these Rules shall apply to every bill of lading relating to the carriage of goods between ports in two different States if:                 
             (a)      the bill of lading is issued in a Contracting State, or                 
             (b)      the carriage is from a port in a Contracting State, or                 


             (c)      the contract contained in or evidenced by the bill of lading provides that these Rules of legislation of any State giving effect to them are to govern the contract,                 
         whatever may be the nationality of the ship, the carrier, the shipper, the consignee, or any other interested person.                 

     Le paragraphe introductif de l'article X des Règles me paraît non équivoque lorsqu'il dispose que les Règles s'appliqueront à tout connaissement relatif à un transport de marchandises visé à l'un ou l'autre des sous-paragraphes a) à c). Compte tenu du texte de ce paragraphe, il me paraît que, dès lors que l'une ou l'autre des conditions prévues aux sous-paragraphes a) à c) de cet article est rencontrée, une clause incluse dans un connaissement ne peut avoir pour effet d'écarter l'application de Règles. Il convient donc de se demander si, l'une ou l'autre des conditions prévues aux sous-paragraphes a) à c) est satisfaite.

     En l'espèce, non seulement les cargaisons étaient-elles en provenance d'un port belge, mais ils furent en outre émis en Belgique. Puisque la Belgique est une État signitaire, les conditions prévues aux sous-paragraphes a) et b) sont rencontrées.

     J'en viens donc à la conclusion, à la lumière de tout ce qui précède, que les Règles de La Haye-Visby sont seules applicables à l'égard de chacune des expéditions dont il est présentement question.

(B)      L'article III(8) des Règles de La Haye-Visby

     L'article III(8) des Règles de La Haye-Visby prévoit la nullité de toute disposition incluse dans un contrat de transport maritime par laquelle le transporteur tenterait de s'imposer une responsabilité moindre que celle qui lui résulterait autrement de l'application de ces mêmes Règles. Il se lit comme suit :

         Article III                 
         (8)      Any clause, covenant or agreement in a contract of carriage relieving the carrier or the ship from liability for loss or damage to or in connection with goods arising from negligence, fault or failure in the duties and obligations provided in this Article or lessening such liability otherwise than as provided in these Rules, shall be null and void and of no effect.                 
         A benefit of insurance or similar clause shall be deemed to be a clause relieving the carrier from liability.                 

     Les demanderesses argumentent que, en incluant le paragraphe 4 dans les lettres par lesquelles elle a accordé une extension du délai pour poursuivre, la défenderesse tentait en fait de réduire la responsabilité qui lui aurait autrement résulté de l'application des Règles de La Haye-Visby. Le paragraphe 4 desdites lettres serait en conséquence nul et sans effet.

     Sous l'empire des Règles de La Haye-Visby, la limite de responsabilité applicable serait celle qui est prévue au paragraphe 5 de l'article IV desdites Règles. Cet article prévoit une limite de responsabilité " de 666.67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable ". Il s'agit là d'une limite de responsabilité passablement élevée.

     Aux États-Unis, étant donné la limite de responsabilité qui y est beaucoup moins élevée, Fednav ferait face à des réclamations passablement moins élévées. Me Miller explique en effet, dans son affidavit, que la limite de responsabilité, aux États-Unis, est de 500,00 $ par colis. Cette limite de responsabilité est fixée par le Carriage of Goods by Sea Act.

     Les demanderesses invoquent, au soutien de leur prétention, la décision de la Chambre des Lords dans l'affaire The " Morviken "6. Dans cette dernière affaire, l'article III(8) fut appliqué à l'encontre d'une clause de juridiction, laquelle prétendait rendre les tribunaux hollandais compétents. La Hollande n'avait pas, à cette date, adopté les Règles de La Haye-Visby. La clause de juridiction permettait en conséquence au transporteur de s'imposer une responsabilité moindre que celle qui lui aurait autrement résulté de l'application des Règles. La House of Lords en vint à la conclusion que la clause en question était nulle et sans effet. Lord Diplock s'exprime en ces termes :

         If the dispute is about duties and obligations of the carrier or ship that are referred to in that rule and it is established as a fact (either by evidence or as in the instant case by the common agreement of the parties) that the foreign Court chosen as the exclusive forum would apply a domestic substantive law which would result in limiting the carrier's liability to a sum lower than that to which he would be entitled if art. IV, r.5 of the Hague-Visby Rules applied, then an English Court is in my view commanded by the 1971 Act to treat the choice of forum clause as of no effect.                 

     Les demanderesses ajoutent que ce raisonnement a été suivi ou cité avec approbation à plusieurs reprises. Elles invoquent, à cet égard, dans un premier temps, les précédents anglais suivants: The " Vechscroon "7, The " Benarty "8, The " Antares "9. Elle invoque également la décision de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Agro Co. of Canada Ltd. et al v. The " Regal Scout " et al.10 . Il était question, dans cette affaire, d'une clause par laquelle le transporteur tentait de rendre applicable le droit japonais, en vertu duquel le propriétaire du navire n'était pas considéré comme une partie au contrat de transport. Le juge Cattanach considéra que, puisque le transporteur cherchait en fait à réduire la responsabilité qui lui aurait autrement résulté de l'application des Règles de La Haye, la clause pertinente devait, en application de l'article III(8), être considérée comme nulle et sans effet. Il s'exprime en ces termes :

         On the basis of the facts found in the present matter and the law as stated by Lord Diplock, a Canadian court is likewise commanded by the Carriage of Goods by Water Act to treat the choice of forum clause as of no effect which I accordingly do.                 

     Quant à la défenderesse, elle prétend que l'article III(8) des Règles ne peut recevoir application en l'espèce puisque les lettres d'extension ne font pas partie intégrante du contrat de transport maritime mais constituent plutôt des ententes distinctes et séparées dudit contrat.

     Je ne suis pas d'accord avec la défenderesse. À mon avis, l'article III(8) des Règles s'applique aux lettres d'extension dont il est présentement question. Il m'est en effet impossible de conclure qu'elles constituent en fait un contrat distinct et séparé du contrat de transport maritime.

     Plusieurs éléments militent en faveur de pareille conclusion. Comment peut-on premièrement affirmer que les lettres d'extension sont distinctes et séparées des connaissements alors que, en fait, la seule raison pour laquelle elles existent est la clause 4 de ces mêmes connaissements. Les lettres d'extension n'avaient pour but que de prolonger un délai par ailleurs prévu à la clause 4 des connaissements. La défenderesse soumet que le paragraphe 4 des connaissements ne fait que reprendre l'une des exigences prévues aux Règles, plus particulièrement la règle prévue au paragraphe III(6), et que, partant, les lettres d'extension n'avaient pas pour fondement le contrat de transport maritime. Je ne suis pas d'accord. La clause 4 des connaissements, bien qu'elle ne fait que reprendre une exigence par ailleurs prévue aux Règles, ne constitue pas moins une clause contractuelle dont découlent directement les lettres d'extension.

     Les lettres d'extension doivent, à mon avis, être considérées comme un avenant aux contrats de transport maritime initiaux. À ce titre, elles doivent être considérées comme formant partie intégrante de ces mêmes contrats. À cet égard, qu'il me suffise de la décision du juge Dubé dans l'affaire Société d'habitation du Québec c. Navigation Harvey et frères Inc.11. Dans cette affaire, par un avenant au contrat de transport maritime, le nom du transporteur avait été changé. La Cour, loin de considérer cet avenant comme un document distinct et séparé de l'entente initiale, référa aux clauses prévues au contrat initial pour disposer du litige.

     La clause 4 des lettres d'extension est clairement une clause juridictionnelle par laquelle l'on cherche à modifier une clause prévue aux connaissements, savoir la clause 4. Dans la mesure où cette clause à pour effet d'obliger les demanderesses à instituer leur recours dans une juridiction où une limite de responsabilité inférieure à celle prévue par les Règles de La Haye-Visby est en vigueur, elle est, à mon avis, nulle et sans effet par application de l'article III(8).

     Compte tenu de ce qui précède il ne m'apparaît pas nécessaire de statuer sur les questions d'" estoppel " et de " waiver ". J'ajouterais cependant, quant à l'estoppel, qu'il m'apparaît difficile de croire que les demanderesses peuvent légitimement plaider qu'ils ignoraient les effets possibles du paragraphe 4 des lettres d'extension, lequel prévoyait, on le sait, un changement de forum. Le langage utilisé dans ce paragraphe est clair : "Actions, if any, are to be filed in Detroit." Faut-il ajouter qu'une lecture rapide de la lettre permettait d'en prendre connaissance. Enfin, il ne s'agissait pas d'une clause inhabituelle puisqu'elle avait été utilisée à maintes reprises auparavant. Quant à M. Branker, en tant que personne raisonnablement informée il avait sûrement les connaissances nécessaires pour comprendre que le paragraphe pouvait avoir pour conséquence d'entraîner un changement de forum ou, à tout le moins, pour soumettre le problème à une personne compétente.

     En conséquence, j'accueille les requêtes pour jugement sommaire des demanderesses et rejette celles de la défenderesse. J'en viens en effet à la conclusion que le paragraphe 4 des lettres d'extension est nul et sans effet. Les actions intentées contre la défenderesse Fednav dans les dossiers T-1260-96, T-1378-96, et T-1379-96 ne sont pas prescrites et ont été validement instituées en cette Cour. Le tout avec dépens.

OTTAWA (Ontario)

Ce 11e jour d'octobre 1996

    

                                 JUGE

__________________

1 La lettre d'extension applicable dans chacun des dossiers est identique. Seuls certains éléments diffèrent. Par exemple, la date, la description de la réclamation et le destinataire de la copie conforme diffèrent. Les lettres diffèrent également quant au lieu où l'action doit être intentée. Dans le cadre des dossiers T-1260-96 et T-1379-96, les lettres prévoyaient que les actions devaient être intentées à Détroit. Dans le dossier T-1378-96, la lettre d'extension prévoyait plutôt que l'action devait être intentée à Chicago.

2 [1983] Lloyd's Law Reports, Vol. 1, Part. I, p. 1 (H.L.).

3 William Tetley, Marine Cargo Claims , 3rd ed., International Shipping Publications, Montréal, 1988, aux pages 5 et 6).

4 Ibid.

5 Ibid.

6 Ibid, à la page 1.

7 [1982] Q.B. (Com. Ct.), Vol. 1.

8 [1984] C.A., Vol. 2.

9 [1987] C.A., Vol. 1.

10 (1984), 148 D.L.R. (3d) 412 (F.C.T.D., le juge Cattanach).

11 (1er juin 1987), T-1648-84 (C.F. 1ere inst.).


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR: T-1260-96, T-1378-96 & T-1379-96

INTITULE: SIDMAR N.V. ET LA c.

FEDNAV INTERNATIONAL LTD. ET AL

LIEU DE L'AUDIENCE: MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE : 23 SEPTEMBRE 1996

MOTIFS DE DÉCISIONS DU JUGE TREMBLAY-LAMER EN DATE DU 11 OCTOBRE 1996

COMPARUTIONS

Me LOUIS BUTEAU POUR LA DEMANDERESSE

Me PETER DAVIDSON POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

SPROULE CASTONGUAY POLLACK POUR LA DEMANDERESSE MONTRÉAL (QUÉBEC)

BRISSET BISHOP POUR LA DÉFENDERESSE MONTRÉAL (QUÉBEC)

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