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Date : 20051219

Dossier : T-833-05

Référence : 2005 CF 1713

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

GAÉTAN GROLEAU

demandeur

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

et

LOUIS TURCOTTE, en qualité de chef des Appels par intérim

du Bureau des Services Fiscaux de Québec

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La présente est une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 5 avril 2005 par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le « défendeur » ) en vertu du programme d'équité à l'effet de refuser l'annulation des intérêts arriérés supplémentaires, pour les années d'imposition 1999 et 2000, conformément au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), (5e suppl.) ch. 1 ( « LIR » ).

[2]                 Le 15 avril 2002, l'Agence du revenu du Canada établissait une nouvelle cotisation incluant des pénalités et intérêts à l'encontre de Gaétan Groleau ( « le demandeur » ) suite à une vérification pour les années 1999 et 2000.

[3]                 Le 5 juillet 2002, le demandeur déposait un avis d'opposition pour chacune des deux cotisations émises le 25 avril 2002 pour les années d'imposition 1999 et 2000.

[4]                 Ces avis furent rejetés et les cotisations furent maintenues par la division des appels du bureau des services fiscaux de Québec le 24 juillet 2003.

[5]                 Le 4 juin 2003, le demandeur présentait à l'Agence une première demande d'annulation des intérêts conformément au paragraphe 220(3.1) de la LIR, pour les années d'imposition 1999 et 2000 au motif d'un délai indu de la part de l'Agence dans le traitement de sa demande. Cette demande ne fut pas traitée à cette date puisque l'Agence devait attendre qu'une décision valide et exécutoire soit rendue concernant les années en cause.

[6]                 Le 21 juillet 2004, le juge Archambault de la Cour canadienne de l'impôt a admis les appels de cotisations à l'égard des années d'imposition 1999 et 2000 et a déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en fonction du consentement à jugement.

[7]                 Le 21 juillet 2004, le demandeur et Sa Majesté la Reine ont signé un consentement à jugement dans lequel il était permis au demandeur de déduire certains montants d'argent à titre de perte d'entreprise.

[8]                 Dans une lettre datée du 3 novembre 2004, monsieur Réjean Michaud, gestionnaire à l'Agence, avisait le demandeur que sa demande était accordée partiellement et que les intérêts pour la période allant du 18 septembre 2002 au 1er décembre 2002 seront annulés.

[9]                 Dans une lettre datée du 17 décembre 2004, le demandeur présentait à l'Agence une demande de réexamen administratif (2e niveau) de la décision rendue le 3 novembre 2004.

[10]            Après un examen du dossier, monsieur Robert Lévesque recommandait le maintien de la décision du 3 novembre 2004 aux motifs que les intérêts pour les années d'imposition 1999 et 2000 ne découlaient pas d'actions attribuables à l'Agence; qu'il n'y a pas eu de délais indus attribuables à l'Agence, autre que la période d'intérêts annulés lors de la première demande d'équité, soit une période de deux mois et demi; de plus c'est le demandeur qui a fait le choix de ne pas acquitter son compte d'impôt au moment de loger ses oppositions et son appel à la Cour canadienne de l'impôt, ce qui a eu pour effet qu'il a payé des intérêts inutilement.

[11]            Dans une lettre datée du 5 avril 2005, monsieur Louis Turcotte, chef des appels par intérim à l'Agence du revenu du Canada, avisait le demandeur que sa demande a été refusée parce que l'examen du dossier ne démontrait pas qu'il y ait eu de délais indus de la part de l'Agence dans le traitement du dossier du demandeur.

[12]            Il convient ici d'énoncer le libellé des paragraphes pertinents de la LIR:

220 (3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220 (3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

[13]            A-t-il lieu d'intervenir et de contrôler l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre dans sa décision datée du 5 avril 2005 refusant la demande d'annulation des intérêts pour un délai indu de l'Agence présenté par le demandeur?

[14]            La norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires du ministre du Revenu national prises conformément aux dispositions dites « d'équité » prévues à la LIR est la norme de la décision déraisonnable simpliciter : Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 FCA 153. Ainsi la Cour siégeant en contrôle judiciaire doit examiner les motifs donnés par le tribunal. « La décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait. Si l'un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir. Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision. » (Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 274 au para. 55).

[15]            Le paragraphe 220(3.1) de la LIR accorde au ministre du Revenu national un pouvoir discrétionnaire d'annuler, sur demande, les pénalités ou les intérêts payables par un contribuable ou une société de personne. Pour faciliter l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, le 18 mars 1992, le ministre du Revenu national a publié la circulaire d'information IC-92-2 intitulée « Lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités » , et au mois de mars 1996, il a adopté des lignes directrices améliorées dans un document intitulé « Application des dispositions d'équité aux intérêts et aux pénalités » .

[16]            Dans l'affaire Kaiser c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1995] A.C.F. no 349 (1ère inst.), le juge Rouleau soulignait que l'objet des dispositions d'équité est d'accorder au ministre du Revenu national un pouvoir discrétionnaire d'annuler des pénalités et intérêts ou d'y renoncer en totalité ou en partie, lorsque des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de la volonté du contribuable, l'ont empêché de respecter des délais ou de se conformer aux règles propres du régime fiscal.

[17]            En l'espèce le demandeur n'a invoqué aucune circonstance exceptionnelle ou indépendante de sa volonté qui l'aurait empêché de payer sa dette fiscale. À la lecture des motifs de la décision et de la preuve au dossier, il n'était pas déraisonnable pour l'Agence de conclure qu'il n'y a pas eu de délai indu attribuable à l'Agence, autre que la période d'intérêts annulés lors de la première demande d'équité, soit une période de deux mois et demi.

[18]            En effet, une étude du dossier révèle qu'il y a eu différentes périodes où le demandeur attendait des réponses de l'Agence. Le 5 juillet 2002, le demandeur déposait un avis d'opposition pour les cotisations de 1999 et 2000, lesquels furent rejetés le 24 juillet 2003, soit 13 mois plus tard. Madame Gariépy, agente des appels, a invoqué un manque de ressources humaines et le changement de commissaire pour justifier ce délai. Compte tenu des circonstances, l'Agence avisait le demandeur que les intérêts seraient annulés pour la période allant du 18 septembre 2002 au 1er décembre 2002. Le demandeur a donc eu gain de cause pour cette période.

[19]            Le 4 juin 2003, le demandeur a présenté à l'Agence une première demande d'annulation des intérêts pour les années de 1999 et 2000. Comme nous l'avons vu précédemment, cette demande ne pouvait être traitée à cette date puisque l'Agence devait attendre qu'une décision valide et exécutoire soit rendue concernant les années en cause. Ainsi, le délai pendant cette période ne peut donc être attribué à l'Agence. Le 21 juillet 2004, la Cour canadienne de l'impôt, rendait sa décision. Suite à cette décision, dans une lettre datée du 3 novembre 2004, l'Agence avisait le demandeur de l'annulation des intérêts pour la période de deux mois et demi mentionnée ci-dessus, seul délai attribuable à l'Agence.

[20]            Le 17 décembre 2004, le demandeur présentait à l'Agence une demande de réexamen de la décision rendue le 3 novembre 2004. Le 5 avril 2005, monsieur Louis Turcotte avisait le demandeur qu'il n'y avait aucun délai indu attribuable à l'Agence, ce que les faits du dossier démontrent clairement. Malheureusement pour le demandeur, comme le mentionne monsieur Turcotte, c'est lui qui a choisi de ne pas payer le solde d'impôt dû, suite aux nouvelles cotisations et d'attendre le résultat de son opposition, ce qui a eu pour effet d'accumuler les intérêts.

[21]            De plus, il n'existe aucune preuve que le droit à une décision impartiale, objective et équitable a été esquivé. Le fait que le dossier ait été traité à Québec ne peut constituer en soi un manquement à l'équité procédurale. Je note que les deux demandes ont été traitées indépendamment et que la personne impliquée dans la première demande d'annulation ne l'a pas été dans la deuxième.

[22]            Compte tenu de la preuve au dossier, il n'y a aucun motif pour conclure que la décision du ministre, datée du 5 avril 2005, refusant la demande d'annulation des intérêts du demandeur n'est pas raisonnable, et donc je rejette la demande de contrôle judiciaire. Le tout sans frais.

ORDONNANCE

[1]                 LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Le tout sans frais.

« Danièle Tremblay-Lamer »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-833-05

INTITULÉ :                                        GAÉTAN GROLEAU

                                                            et

                                                            AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA et LOUIS TURCOTTE, en qualité de chef des appels par intérim du Bureau des Services Fiscaux de Québec

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 7 décembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                       Le 19 décembre 2005

COMPARUTIONS:

M. Gaétan Groleau

POUR LE DEMANDEUR

Me Martin Lamoureux

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Gaétan Groleau

1876, rue des Épinettes Rouges

Lac St-Charles (Québec)

G3G 2L4

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

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