Date : 20250214
Dossier : IMM-12956-23
Référence : 2025 CF 291
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 14 février 2025
En présence de monsieur le juge Pentney
ENTRE : |
PRAISE OBEHI ODOGBO |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 février 2025)
[1] La demanderesse, Praise Obehi Odogbo, est une citoyenne du Nigéria. Elle a tenté d’entrer au Canada munie d’un visa de visiteur en octobre 2023, apparemment parce qu’elle voulait rendre visite à sa famille. Lorsqu’elle a été interrogée à la frontière, elle a déclaré qu’elle attendrait au Canada d’obtenir son visa d’étudiant et qu’elle n’avait pas les fonds nécessaires pour retourner au Nigéria. Elle a produit une lettre d’acceptation à un programme d’études au Canada. Elle a déclaré qu’elle ne voulait pas retourner au Nigéria et qu’elle ne savait pas combien d’argent elle transportait.
[2] En se fondant sur ces renseignements, l’agent a rédigé un rapport dans lequel il a recommandé que la demanderesse soit interdite de territoire en application du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et ce rapport a été transmis à un délégué du ministre (le délégué). Le délégué a convenu que la demanderesse était interdite de territoire parce qu’elle avait l’intention de venir au Canada pour étudier, mais qu’elle n’avait pas de permis d’études. Il a déclaré : [traduction] « Même si [la demanderesse] affirme qu’elle ne vient au Canada que pour visiter sa famille, je souscris à l’allégation de [l’agent] selon laquelle le but réel de son voyage est de venir y étudier ».
Le délégué a tenu compte des tentatives antérieures de la demanderesse de venir au Canada, des rejets antérieurs de ses demandes de permis d’études et du fait qu’elle avait fourni une lettre d’admission dans un collège canadien.
[3] Le délégué a pris une mesure d’exclusion, interdisant à la demanderesse d’entrer au Canada pendant un an. Cette dernière sollicite le contrôle judiciaire de la mesure d’exclusion.
[4] La demanderesse soulève deux questions. Elle soutient que l’agent et le délégué ont commis une erreur en la déclarant interdite de territoire, et qu’ils ont agi de façon déraisonnable en ne lui permettant pas de retirer sa demande d’entrée au Canada. Elle affirme que l’agent et le délégué n’ont pas tenu compte de son explication selon laquelle elle ne venait au Canada que pour rendre visite à de la famille, et soutient que les doutes quant à la suffisance des fonds pour son voyage n’avaient pas lieu d’être, car elle disposait de plus de 10 000 $. Elle fait également valoir que les fonctionnaires auraient dû exercer leur pouvoir discrétionnaire pour lui permettre de retirer sa demande d’entrée au Canada, sans prendre de mesure d’exclusion l’empêchant d’entrer au pays pendant un an. Cette mesure retardera sa possibilité d’étudier au Canada.
[5] Je ne puis accepter les arguments de la demanderesse.
[6] L’agent et le délégué avaient de nombreux motifs de douter du récit de la demanderesse à propos de la raison de son voyage au Canada. Comme il est indiqué dans la décision, la demanderesse s’était déjà vu refuser plusieurs permis d’études et prolongations, de même que l’autorisation de s’envoler vers le Canada à plusieurs reprises. Elle avait fourni à l’agent une lettre d’admission au Collège Algonquin et avait exprimé son intention de rester avec sa famille au Canada jusqu’à ce qu’elle obtienne son permis d’études. De plus, la demanderesse n’avait exprimé aucune intention de retourner au Nigéria. Tout cela est mentionné dans les notes du délégué, et la demanderesse n’a contesté aucun de ces faits.
[7] La demanderesse soutient que les notes du délégué sont incomplètes, que celui-ci ne mentionne pas qu’elle avait en réalité des fonds suffisants (plus de 10 000 $) en sa possession ou qu’elle avait déjà eu un statut au Canada au titre d’un permis d’études antérieur, et que rien n’indique qu’elle eut déjà enfreint les lois canadiennes en matière d’immigration.
[8] Lorsque j’examine le dossier dans son ensemble, je remarque que les notes de l’agent montrent que la demanderesse avait déjà obtenu un permis d’études, et que l’agent et le délégué savaient clairement qu’elle était arrivée munie d’un visa de résident temporaire valide. En ce qui concerne les fonds, les notes de l’agent montrent que la demanderesse avait déclaré qu’elle ne savait pas combien d’argent elle transportait et qu’elle avait dit à un moment donné qu’elle n’avait pas les fonds suffisants pour retourner au Nigéria. Le fait qu’il ait été établi par la suite qu’elle disposait de fonds suffisants n’est pas pertinent en l’espèce, car les agents évaluaient les intentions de la demanderesse – et ils avaient de nombreuses raisons de conclure qu’elle ne venait pas en tant que visiteuse, mais plutôt qu’elle avait l’intention de venir étudier au Canada.
[9] La conclusion du délégué concernant l’intention de la demanderesse est raisonnable.
[10] En ce qui concerne la décision de prendre une mesure d’exclusion, il a été confirmé dans la jurisprudence qu’il faut faire preuve d’une grande déférence à l’égard de l’expertise et de l’expérience du décideur sur la question des mesures d’exclusion : Gursimran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1260 au para 12, citant Peng c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 537 au para 15. En l’espèce, la décision de l’agent est claire et cohérente, et l’analyse est fondée sur un examen détaillé de la preuve. C’est tout ce qui est requis.
[11] Quant à l’argument selon lequel l’agent a agi de manière déraisonnable en ne permettant pas à la demanderesse de simplement retirer sa demande d’entrée au Canada, je ne suis pas convaincu qu’il y ait une raison de remettre en question la décision.
[12] Comme le confirme le Guide des contrôles de l’Agence des services frontaliers du Canada, que la demanderesse a invoqué, le décision d’offrir à une personne la possibilité de retirer volontairement sa demande d’entrée au Canada est discrétionnaire. L’un des exemples donnés est lorsque l’agent croit que la personne « a pris un mauvais virage et n’avait pas l’intention de venir au Canada ».
Ce n’est clairement pas le cas en l’espèce. Compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, je ne vois aucun fondement permettant de remettre en question la décision de l’agent. Je note également que selon le droit, comme l’agent avait commencé à rédiger un rapport d’interdiction de territoire en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR, il ne pouvait plus autoriser la demanderesse à retirer sa demande : voir Camara c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2023 CF 1329 au para 25.
[13] Pour tous ces motifs, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire.
[14] Aucune question de portée générale n’est certifiée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-12956-23
LA COUR REND LE JUGMENT suivant :
-
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
-
Aucune question de portée générale n’est certifiée.
« William F. Pentney »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-12956-23 |
INTITULÉ : |
PRAISE OBEHI ODOGBO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 13 février 2025 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE PENTNEY |
DATE DES MOTIFS : |
LE 14 février 2025 |
COMPARUTIONS :
Sandra Dzever |
Pour la demanderesse |
Margherita Braccio |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocats Toronto (Ontario) |
Pour la demanderesse |
Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
Pour le défendeur |