Date : 20250214
Dossier : IMM-12704-23
Référence : 2025 CF 288
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 14 février 2025
En présence de madame la juge Kane
ENTRE : |
WAI KA YIP TSUI YEE LO |
demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Les demandeurs, Wai Ka Yip [M. Yip] et Tsui Yee Lo [Mme Lo], sollicitent le contrôle judiciaire de la décision du 11 septembre 2023 par laquelle un agent [l’agent] d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a rejeté la demande de permis de travail ouvert que M. Yip avait présentée au titre du Programme de mobilité internationale (catégorie des mesures spéciales concernant Hong Kong). L’agent a également conclu que M. Yip était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], pour cause de présentation erronée sur des faits importants dans sa demande de permis de travail. En particulier, il a conclu que M. Yip avait présenté un diplôme obtenu illégitimement dans le but de se voir octroyer un permis de travail au Canada. Une conclusion de fausses déclarations entraîne une interdiction de territoire au Canada pour une période de cinq ans.
[2] La demande de permis de travail ouvert pour conjoint de Mme Lo a également été rejetée, car elle dépendait de la demande de M. Yip.
[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les demandeurs n’ont pas établi l’existence d’erreurs susceptibles de contrôle dans la décision de l’agent de refuser le permis de travail et dans sa conclusion de fausses déclarations, et qu’ils n’ont pas établi l’existence d’un manquement à l’équité procédurale non plus. L’agent a raisonnablement conclu que M. Yip n’avait pas établi qu’il avait légitimement obtenu le diplôme sur lequel il s’était appuyé pour démontrer qu’il satisfaisait aux critères d’admissibilité à un permis de travail ouvert et, comme l’a confirmé un agent d’immigration désigné, que M. Yip avait fait une présentation erronée sur un fait important qui, à supposer que l’information fournie eût été admise, aurait entraîné une erreur dans l’application de la LIPR.
I. Contexte
[4] Le 6 novembre 2022, M. Yip a présenté une demande de permis de travail ouvert au titre de la « Politique d’intérêt public : Permis de travail ouvert pour les nouveaux diplômés de Hong Kong »
. Pour être admissible, le demandeur doit avoir obtenu l’un des diplômes prescrits au cours des cinq années précédant la demande (cette période a par la suite été prolongée à 10 ans).
[5] M. Yip a appuyé sa demande sur sa maîtrise en administration des affaires délivrée par l’Université de Chichester (au Royaume-Uni) en juin 2022. Il a fourni une évaluation des diplômes d’études réalisée par la World Education Services [la WES] indiquant que la maîtrise en administration des affaires équivalait à une maîtrise canadienne. M. Yip a également fourni un diplôme de l’OTHM de niveau 7 en gestion stratégique et leadership délivré par la Douglas Business School [l’école Douglas] en janvier 2022. Ce diplôme était une condition préalable à l’obtention de la maîtrise en administration des affaires. L’organisme international Organization for Tourism and Hospitality Management [l’OTHM] offre une gamme de titres de compétences dans divers secteurs et fournit l’équivalent britannique des diplômes d’études.
[6] Dans une lettre du 22 août 2023, M. Yip a été invité à une entrevue concernant sa demande et il lui a été expressément demandé de soumettre certains documents avant le 29 août 2023, notamment : les relevés de notes et les diplômes de l’Université de Chichester ainsi que les travaux scolaires réalisés; les relevés de notes et les diplômes pour tous les niveaux du programme de l’OTHM ainsi que les travaux scolaires réalisés; [traduction] « une preuve d’exemption des études et/ou des cours requis pour le diplôme de l’Université de Chichester et pour tous les programmes préalables (p. ex. OTHM, Qualifi, etc.), le cas échéant »
; et d’autres documents.
[7] La lettre informait M. Yip que le défaut de soumettre tous les documents demandés entraînerait probablement le rejet de sa demande.
II. Décision faisant l’objet du contrôle
[8] La lettre du 11 septembre 2023 et les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] constituent les motifs de la décision.
[9] La lettre indique que l’agent avait conclu que la demande de M. Yip ne satisfaisait pas aux exigences de la LIPR et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], et qu’elle était rejetée pour les motifs suivants :
[traduction]
● Je conclus que vous êtes interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 40(1)a) [de la LIPR] pour avoir, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la [LIPR]. Conformément à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR, l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la date de la présente lettre ou suivant la date d’exécution d’une mesure de renvoi précédente.
● Vous n’êtes pas admissible à un permis de travail ouvert pour les nouveaux diplômés de Hong Kong, car je ne suis pas convaincu que vous ayez légitimement obtenu le diplôme présenté. *DGC*
et
Je ne suis pas convaincu que vous satisfaites à l’exigence prévue à l’article 11 de la LIPR.
[10] Étant donné que M. Yip conteste bon nombre des conclusions de l’agent, les notes de l’entrevue sont consignées de manière assez détaillée dans le SMGC. Elles sont divisées en plusieurs rubriques, et certains renseignements sont répétés sous les rubriques pertinentes, puis un résumé des conclusions de l’agent et de son évaluation globale, ainsi que des conclusions de l’agent d’immigration désigné (c.-à-d. l’agent qui a conclu aux fausses déclarations), est présenté.
[11] Le SMGC fait d’abord mention d’une demande de renseignements de M. Yip le 3 avril 2023 concernant l’état de sa demande et des préoccupations de M. Yip au sujet d’un article paru dans le South China Morning Post [le SCMP] racontant que des groupes de ressortissants de Hong Kong avaient payé des consultants ou des organismes d’enseignement pour obtenir des diplômes sans suivre les cours. M. Yip a écrit à IRCC pour indiquer qu’il avait récemment obtenu une maîtrise en administration des affaires et qu’il s’inquiétait [traduction] « des nouvelles récentes concernant des sociétés de conseil en émigration qui offraient des diplômes d’études supérieures à des Hongkongais sans que ceux-ci n’aient à suivre de cours ou à faire de travaux »
. Il a ajouté : [traduction] « [j]e suis un nouveau diplômé légitime du programme de maîtrise en administration des affaires de l’Université de Chichester; j’ai obtenu mon diplôme par des moyens légitimes et je ne devrais pas être pénalisé pour les actions d’autres personnes qui ont obtenu le leur par des moyens frauduleux »
.
[12] L’entrevue de M. Yip a eu lieu le 5 septembre 2023. Les entrées de l’agent dans le SMGC sont datées du 6 septembre 2023.
[13] Au début de l’entrevue, l’agent a expliqué que le but de celle-ci était d’évaluer la demande de M. Yip et de lui permettre de répondre à des questions concernant les renseignements contenus dans sa demande.
[14] L’agent a expliqué que l’information contenue dans l’article du SCMP avait été confirmée par d’autres demandeurs qui avaient été interrogés. Il a informé M. Yip qu’il l’avait invité à l’entrevue afin d’évaluer s’il était admissible au permis de travail ouvert demandé, s’il avait eu recours aux services d’un représentant non déclaré pour remplir sa demande et s’il avait personnellement effectué les travaux scolaires requis pour obtenir le diplôme de l’OTHM.
[15] Selon les notes du SMGC, M. Yip a reconnu qu’il était au courant de l’article paru dans le SCMP et il a répondu qu’il n’avait reçu aucune aide.
[16] L’agent a informé M. Yip qu’il était responsable de s’assurer de l’exactitude des renseignements fournis. Il a noté que M. Yip avait présenté une preuve d’obtention d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université de Chichester en juin 2022 et une preuve d’obtention du diplôme préalable, soit le diplôme de l’OTHM de niveau 7 en gestion stratégique et leadership, une formation à distance en ligne au Royaume-Uni en janvier 2022.
[17] Les notes du SMGC rendent compte de l’entrevue, y compris des questions de l’agent et des réponses de M. Yip concernant ses études et la façon dont il a obtenu sa maîtrise en administration des affaires de l’Université de Chichester et le diplôme de l’OTHM. L’agent a posé plusieurs questions à M. Yip au sujet du programme de maîtrise en administration des affaires et du fait qu’il avait fait appel à l’école Douglas pour agir comme agent d’éducation. Il lui a également demandé s’il avait fait des recherches sur la relation entre l’école Douglas et l’Université de Chichester, et si l’école Douglas l’avait aidé à obtenir l’évaluation des diplômes d’études de la WES.
[18] L’agent s’est demandé si M. Yip avait suivi tous les cours exigés et a noté que M. Yip n’avait terminé que deux unités de cours équivalant à 40 crédits et qu’il n’avait pas fourni de preuve officielle d’exemption pour les 80 autres crédits. M. Yip a déclaré qu’il n’avait pas eu d’aide pour obtenir son diplôme, qu’il avait fait tous les travaux et qu’il avait satisfait aux exigences de cours, même si ses travaux n’étaient pas de très bonne qualité.
[19] L’agent a également interrogé M. Yip au sujet des exemptions alléguées pour des cours du programme de l’OTHM et de l’absence de preuve d’exemption pour plusieurs cours. Il a noté que M. Yip n’avait pas établi qu’il avait obtenu des exemptions pour les 80 crédits requis. M. Yip a répondu qu’il ne pouvait expliquer comment l’école Douglas (l’agent d’éducation) avait géré le programme. Il a affirmé qu’il avait simplement fait ce que l’école Douglas lui avait dit de faire et qu’il n’avait pas posé de questions.
[20] L’agent a insisté sur les exigences applicables à l’obtention du diplôme de l’OTHM, telles qu’elles sont énoncées sur le site Web officiel de l’OTHM, soit un cours en ligne d’une durée de 12 mois comprenant six matières à suivre, dont quatre sont obligatoires. Il a questionné M. Yip pour savoir s’il avait demandé une reconnaissance des acquis à l’OTHM ou s’il avait demandé des exemptions. Ce dernier a répondu : [traduction] « Je suppose que je pouvais être exempté des cours en raison de mes antécédents scolaires et professionnels. Je n’ai pas demandé si j’avais besoin d’obtenir une exemption de cours. »
[21] L’agent a répété qu’il fallait présenter une preuve d’exemption officielle et qu’il ne semblait pas raisonnable qu’il ait été exempté des deux tiers des cours exigés.
[22] L’agent a de nouveau demandé à M. Yip s’il avait une preuve officielle confirmant qu’il satisfaisait aux exigences pour pouvoir être exempté des cours restants, équivalant à 80 crédits. Ce dernier a répondu qu’il avait fourni tous les documents en sa possession et qu’il n’y avait aucune autre preuve pour confirmer ses exemptions.
[23] L’agent a également noté que M. Yip avait présenté deux curriculum vitae : l’un au moment du dépôt de sa demande et l’autre avant l’entrevue. Il a fait remarquer que le curriculum vitae joint à la demande du 31 août 2021 indiquait que M. Yip avait obtenu sa maîtrise en administration des affaires, même s’il n’avait pas commencé le programme préalable de l’OTHM avant septembre 2021. M. Yip a répondu qu’il avait peut-être confondu ses curriculum vitae. Cependant, l’agent a noté que le curriculum vitae soumis avant l’entrevue indiquait également qu’il avait obtenu sa maîtrise en administration des affaires avant de l’avoir terminée. Il a conclu que l’explication de M. Yip était déraisonnable.
[24] En ce qui concerne les doutes de l’agent au sujet du fait que M. Yip pourrait avoir copié de grandes quantités de renseignements dans ses travaux sans en faire l’analyse et sans fournir de références adéquates ou accessibles, M. Yip n’a pas pu expliquer pourquoi il était impossible de trouver les références et a déclaré qu’il avait les avait pourtant bien trouvées à l’époque.
[25] L’agent a posé plusieurs questions à M. Yip au sujet des connaissances qu’il avait acquises grâce à son diplôme de l’OTHM, notamment au sujet de sa méthode de recherche et du sondage qu’il prétendait avoir mené, mais qu’il n’avait pas fourni.
[26] L’agent a soulevé des doutes quant à l’authenticité des études de M. Yip dans le cadre du programme de l’OTHM, parce que les réponses de ce dernier ne démontraient pas des connaissances de base. L’agent a déclaré : [traduction] « Je doute que vous ayez fait ces travaux vous-même. Est-ce le cas? »
. M. Yip a répondu qu’il avait fait les travaux lui-même, mais que cela datait d’il y a plus de deux ans, que le programme n’était peut-être pas l’un des meilleurs, et que ses travaux [traduction] « n’étaient pas très bons »
. Il a déclaré qu’il avait suivi les cours, qu’il satisfaisait aux exigences de cours et que la WES avait accepté sa maîtrise en administration des affaires.
[27] L’agent a expliqué que ses doutes ne concernaient pas la qualité du programme, mais l’authenticité de la maîtrise en administration des affaires de M. Yip.
[28] L’agent a indiqué qu’il doutait que M. Yip ait fait de fausses déclarations dans sa demande, particulièrement à propos de la façon dont il avait obtenu les rapports de la WES concernant le diplôme de niveau 7 de l’OTHM et la maîtrise en administration des affaires de l’Université de Chichester. Il a mentionné que les relevés de notes devaient être complets et indiquer, entre autres, les matières suivies et les notes obtenues.
[29] M. Yip a nié avoir fourni de faux renseignements et a répété qu’il ne questionnerait pas les agents d’éducation. Il a ajouté : [traduction] « Je croyais avoir satisfait à toutes les exigences. J’ai obtenu mon baccalauréat et j’ai accumulé de l’expérience de travail. Je suis sûr que je pouvais être exempté de certains cours de ces programmes. »
.
[30] M. Yip a donné quelques dernières explications et a déclaré que les [traduction] « arrangements »
avaient été pris par les responsables de l’école Douglas et qu’il n’avait pas contesté leur façon de gérer le programme. Il a ajouté : [traduction] « Je ne sais pas si je suis une victime parce que j’ai fréquenté l’école Douglas. J’ai fait mes recherches, mais je n’ai pas contesté leur gestion du programme. Je croyais que l’école Douglas était la partie autorisée à présenter une demande d’inscription au cours. Je n’ai pas examiné de près la qualité du cours. […] Je ne doutais pas de la qualité du programme, car l’école Douglas semble être un agent d’éducation honnête qui offre des programmes au Royaume-Uni. »
[31] Le résumé figurant dans les notes du SMGC indique qu’au cours de l’entrevue, l’agent a répété qu’il avait des doutes que M. Yip ait fait de fausses déclarations en prétendant qu’il avait obtenu ses diplômes légitimement. Ces doutes découlaient de deux facteurs : premièrement, M. Yip a déclaré qu’il n’avait terminé que deux unités, [traduction] « car l’école Douglas lui avait dit qu’il était exempté des autres cours »
; toutefois, il n’a pas pu fournir de preuve fiable d’exemption pour les quatre autres unités de cours, qui équivalaient à 80 crédits (il faut avoir terminé 120 crédits pour obtenir le diplôme de l’OTHM); et, deuxièmement, les réponses de M. Yip ne démontraient pas une connaissance suffisante de ses études dans le cadre du programme de l’OTHM. L’agent a noté, à titre d’exemple, que M. Yip n’était pas en mesure d’expliquer la structure de son rapport, la méthode de recherche utilisée, la taille de l’échantillon pour le sondage, l’absence d’analyse ou les grandes parties de ses travaux qui avaient été copiées d’autres sources.
[32] À la fin de l’entrevue, l’agent a informé M. Yip qu’il avait pris note de ses réponses, mais qu’il doutait encore qu’il ait obtenu ses diplômes de manière légitime. L’agent a mentionné que s’il n’avait pas interrogé M. Yip, il n’aurait pas eu connaissance des divergences. Il a réitéré ses doutes au sujet des incohérences et des faux renseignements présentés dans la preuve d’études de M. Yip et a déclaré que cette fausse déclaration aurait pu entraîner des erreurs et l’empêcher de rendre une décision juste et éclairée quant à l’admissibilité de M. Yip à un permis de travail ouvert au Canada.
[33] L’agent a également expliqué que [traduction] « [l]a conclusion de fausses déclarations sera tirée par l’agent d’immigration désigné. Nous devons examiner tous les éléments de preuve présentés dans le cadre de votre demande avant de rendre la décision d’interdiction de territoire. »
L’agent a expliqué qu’il examinerait tous les renseignements présentés ainsi que les réponses à l’entrevue et qu’il [traduction] « rejetterait sa demande de permis de travail ouvert »
.
[34] L’agent a ensuite renvoyé la demande à un agent d’immigration désigné pour qu’il l’examine et décide s’il y a lieu de rendre une décision de fausses déclarations.
[35] Les notes de l’agent d’immigration désigné indiquent que [traduction] « [d]urant l’entrevue, le demandeur n’a pas été en mesure de démontrer raisonnablement comment il avait pu être exempté de certains cours de l’OTHM, car les relevés de notes n’indiquent aucune exemption »
. L’agent d’immigration désigné fait remarquer que M. Yip a déclaré qu’il avait simplement suivi les instructions de l’agent d’éducation et qu’il n’avait fait preuve d’aucune diligence raisonnable, notamment qu’il n’avait [traduction] « pas examiné de près la qualité du cours »
. Il n’a pas non plus été en mesure d’expliquer pourquoi de grandes quantités de renseignements avaient été copiées sans que des références soient fournies. L’agent d’immigration désigné a mentionné qu’il incombe au demandeur de s’assurer que tous les renseignements contenus dans sa demande sont exacts et, en conclusion, il déclare : [traduction]« [s]elon la prépondérance des probabilités, je suis convaincu que le demandeur a soumis un diplôme obtenu de manière illégitime dans le but de se voir accorder un permis de travail au Canada. Par conséquent, je suis convaincu que le demandeur a fait une présentation erronée sur un fait important qui, à supposer que l’information fournie eût été admise, aurait entraîné une erreur dans l’application de la [LIPR]. »
III. Norme de contrôle
[36] Une décision par laquelle une demande de permis de séjour temporaire est rejetée, qu’il s’agisse d’un visa de visiteur ou d’un permis de travail, et une conclusion d’interdiction de territoire tirée en application de l’alinéa 40(1)a), qui est une décision factuelle, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Bains c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 57 au para 49; Mehmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1012 au para 20; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux paras 16-17).
[37] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, aux para 85, 102, 105–07). Une décision ne devrait être infirmée que si elle souffre de « lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence »
(Vavilov, au para 100).
[38] Lorsque des questions d’équité procédurale sont soulevées, la Cour doit déterminer si la procédure suivie par le décideur était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances. Elle doit se demander, « en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi »
(Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CFCP] au para 54). La question déterminante demeure celle de savoir « si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre »
(CFCP, au para 56).
[39] Sur le fondement de l’application des facteurs énoncés au paragraphe 21 de l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker], il est établi dans la jurisprudence que le degré d’équité procédurale auquel a droit un demandeur de permis de travail se situe à l’extrémité inférieure du spectre (Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 782 au para 19; Sulce c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1132 au para 10). Toutefois, en cas de conclusion de fausses déclarations tirée au titre de l’article 40 de la LIPR, il est établi dans la jurisprudence que, compte tenu des conséquences d’une telle conclusion (soit l’interdiction de présenter une nouvelle demande pendant cinq ans), le degré d’équité procédurale auquel un demandeur a droit est plus élevé et dépasse l’obligation minimale due (voir par exemple Chahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 725 aux para 21-22; Samra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1649 au para 18).
IV. Dispositions législatives pertinentes
[40] Le paragraphe 11(1) énonce les exigences relatives à la délivrance d’un visa à un étranger et le paragraphe 16(1) de la LIPR énonce l’obligation de dire la vérité :
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[41] L’alinéa 40(1)a) énonce les critères à respecter pour rendre une décision d’interdiction de territoire fondée sur de fausses déclarations :
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V. Observations du demandeur
[42] M. Yip soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle il n’était pas admissible au permis de travail est déraisonnable. Il fait également valoir que la conclusion de l’agent concernant les fausses déclarations n’est pas raisonnable, car elle n’est pas étayée par une preuve claire et convaincante. Subsidiairement, il soutient que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’exception relative à l’erreur de bonne foi et en ne l’appliquant pas.
[43] M. Yip soutient aussi que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale.
A. Il n’y a aucune raison impérieuse de conclure à de fausses déclarations
[44] M. Yip fait remarquer qu’au moment où il a présenté sa demande de permis de travail, les étrangers étaient autorisés à présenter une demande si, au cours des cinq années précédentes, ils avaient obtenu un diplôme, un certificat ou un titre de compétences d’un établissement à l’étranger équivalant à un diplôme canadien.
[45] M. Yip soutient qu’il satisfaisait aux conditions d’admissibilité pour un permis de travail parce qu’il avait obtenu un diplôme de l’Université de Chichester conformément aux exigences du programme. Il soutient en outre qu’il n’avait aucune raison de remettre en question l’agent d’éducation ou le diplôme de l’OTHM et la maîtrise en administration des affaires qui lui avaient été décernés.
[46] M. Yip affirme qu’il n’y a aucune preuve claire et convaincante qu’il n’a pas effectué les travaux de cours et que, sans une telle preuve, la conclusion de fausses déclarations n’est pas raisonnable. Il fait valoir que son diplôme de l’OTHM et sa maîtrise en administration des affaires confirment qu’il a terminé le programme, et que le rapport de la WES confirme l’authenticité de ses diplômes. Il fait remarquer que ses relevés de notes montrent qu’il a réussi le cours et qu’il a atteint les objectifs d’apprentissage.
[47] M. Yip soutient que l’agent a fondé sa conclusion de fausses déclarations sur de simples soupçons, parce que l’Université de Chichester était nommée dans l’article paru dans le SCMP. Il avance que les questions posées par l’agent n’étaient pas liées à l’objectif déclaré de l’entrevue, mais plutôt à l’article du SCMP concernant le recours à un représentant non déclaré et l’achèvement des cours. Il soutient que la conclusion de fausses déclarations tirée par l’agent ne reposait pas sur ces questions. De plus, il prétend que les questions de l’agent n’étaient pas liées à une évaluation de l’authenticité de ses diplômes.
[48] M. Yip nie ne pas avoir répondu aux questions de l’agent au sujet de ses cours ou ne pas avoir démontré une connaissance suffisante de ses études. Il soutient que ses réponses au sujet de ses travaux de cours montraient qu’il avait [traduction] « au moins participé »
aux cours qu’il devait suivre et qu’il avait démontré « à tout le moins des connaissances rudimentaires »
à l’égard des travaux à effectuer.
[49] M. Yip soutient que les doutes de l’agent ne reposaient que sur la question de savoir s’il avait été exempté de certains cours et qu’ils ne permettent pas de conclure qu’il a obtenu son diplôme de façon illégitime. Il fait remarquer qu’il a obtenu la note de passage pour tous les cours obligatoires. M. Yip soutient en outre que même si ses travaux sont de piètre qualité, cela n’est pas pertinent pour déterminer si ses diplômes sont authentiques.
[50] En ce qui concerne les exemptions, M. Yip soutient que dans sa lettre, l’agent lui disait d’apporter une preuve d’exemption [traduction] « le cas échéant »
, et qu’il n’avait « aucune »
preuve. Il affirme également que ses études et son expérience de travail antérieures étayent son opinion selon laquelle les exemptions étaient implicites.
[51] En ce qui concerne les dates sur son curriculum vitae, M. Yip soutient qu’il a confondu les curriculum vitae, comme il l’a expliqué à l’agent. Il a mentionné que l’un des curriculum vitae montre qu’il a travaillé après la date d’obtention de sa maîtrise en administration des affaires.
[52] M. Yip soutient que les doutes de l’agent au sujet du plagiat constituent un motif arbitraire pour conclure à de fausses déclarations. Il fait valoir que les questions de l’agent constituent une allégation de plagiat, ce qui dépasse l’expertise de l’agent.
[53] M. Yip soutient que les faits des affaires relatives aux fausses déclarations invoquées par le défendeur (Kwong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1727 [Kwong]; Lam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1138 [Lam]; et Tsang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1941 [Tsang]) sont différents, car dans ces affaires, la conclusion relative à l’existence de fausses déclarations était beaucoup plus étayée que dans sa situation.
B. L’agent n’a pas tenu compte du fait que M. Yip pouvait avoir fait une erreur de bonne foi
[54] M. Yip nie avoir fait une présentation erronée sur des faits importants, mais soutient subsidiairement que, s’il y a eu fausse déclaration, elle a été faite à son insu et il s’agit d’une erreur de bonne foi. M. Yip reconnaît qu’il a peut-être été naïf, mais il fait valoir que, vu ses réponses et ses explications lors de l’entrevue, l’agent a commis une erreur en ne considérant pas que les fausses déclarations avaient été faites de bonne foi.
[55] M. Yip mentionne à nouveau que ses relevés de notes et d’autres documents étaient authentiques, même s’ils ne font pas état d’exemptions de cours. Il soutient qu’il n’avait aucun contrôle sur le contenu de ses relevés de notes. Il affirme également qu’il s’est fié à l’agent d’éducation et qu’il croyait n’avoir que deux cours à suivre pour obtenir le diplôme de l’OTHM. Il ajoute qu’il croyait sincèrement qu’il bénéficierait d’exemptions. M. Yip mentionne aussi qu’une maîtrise en administration des affaires lui a été décernée et qu’il croyait sincèrement que ses diplômes étaient authentiques.
C. L’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale
[56] M. Yip soutient que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale en n’exprimant pas tous ses doutes concernant ses diplômes dans la lettre d’équité procédurale qu’il a envoyée avant l’entrevue et en ne lui offrant pas une véritable possibilité de répondre. Il soutient que la lettre dans laquelle l’agent lui demandait des documents et l’invitait à l’entrevue ne laissait entrevoir aucun doute quant à ses diplômes, ses travaux scolaires et ses exemptions, et que l’agent n’a fait part de ses doutes quant à une possible fausse déclaration qu’à la fin de l’entrevue. M. Yip affirme que l’agent avait déjà décidé de rejeter la demande, sans lui offrir la possibilité de dissiper ces doutes.
[57] M. Yip soutient en outre que l’agent s’est appuyé sur des éléments de preuve extrinsèques, en particulier l’article paru dans le SCMP, le fait que d’autres demandeurs avaient confirmé le contenu de cet article, ainsi que la reconnaissance des acquis de l’OTHM pour justifier les exemptions. Il fait valoir que l’agent soupçonnait une fausse déclaration en raison de l’article du SCMP et de la [traduction] « confirmation »
d’autres demandeurs. M. Yip mentionne qu’il ne pouvait pas commenter des renseignements fournis par d’autres demandeurs et qui ne lui avaient pas été communiqués.
[58] M. Yip soutient également que les questions posées par l’agent étaient hostiles et l’ont mis sur la défensive. Il prétend qu’il n’a pas pu fournir d’explications raisonnables sur-le-champ et qu’il aurait dû se voir accorder du temps pour répondre aux doutes de l’agent ou présenter d’autres documents.
VI. Observations du défendeur
[59] Le défendeur soutient que la décision est raisonnable, que l’exception relative à l’erreur de bonne foi ne s’applique pas et qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.
A. Le rejet de la demande et la conclusion de fausses déclarations sont raisonnables
[60] Le défendeur soutient que l’agent a fourni des motifs détaillés, intelligibles et justifiés pour appuyer son refus d’octroyer le permis de travail demandé et qu’il disposait d’éléments de preuve suffisants pour conclure à de fausses déclarations.
[61] Le défendeur fait remarquer que la lettre de l’agent enjoignait à M. Yip d’apporter des documents précis et indiquait qu’un défaut de le faire pourrait entraîner le rejet de sa demande de permis de travail. M. Yip n’a pas fourni les documents exigés, y compris une preuve d’exemption des cours. Cette seule omission pouvait justifier le rejet de la demande de permis de travail. Le défendeur ajoute que M. Yip a reconnu qu’il n’avait pas de preuve d’exemption et qu’il n’a jamais indiqué qu’il pouvait fournir une telle preuve.
[62] Le défendeur soutient que l’agent n’a pas mis en doute l’authenticité des diplômes ou des relevés de notes des deux établissements. Les doutes de l’agent concernaient la question de savoir si M. Yip avait légitimement obtenu les diplômes.
[63] Le défendeur fait remarquer que l’agent a soulevé de nombreux doutes au sujet des diplômes de M. Yip et que les réponses de M. Yip n’étaient pas raisonnables. Entre autres, l’agent a soulevé ce qui suit : aucune preuve n’attestait que M. Yip avait terminé quatre unités de cours représentant 80 crédits dans le cadre de son programme de l’OTHM ou en avait été exempté; une grande partie des travaux scolaires avait été copiée; le curriculum vitae de M. Yip indiquait qu’il avait déjà obtenu sa maîtrise en administration des affaires de l’Université de Chichester avant de commencer son programme de l’OTHM; et M. Yip était incapable de démontrer une connaissance de base de ses études.
[64] Le défendeur conteste l’affirmation selon laquelle l’agent a outrepassé son rôle et fait valoir que l’agent a le pouvoir d’évaluer l’authenticité des diplômes du demandeur, y compris lorsque des exemptions ont été accordées (Kwong, au para 26).
[65] Le défendeur soutient que la conclusion de fausses déclarations n’était pas fondée sur des doutes au sujet du plagiat, mais sur l’authenticité des travaux de cours, contrairement à la situation dans l’affaire Chung c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1218, invoquée par M. Yip. L’agent a exprimé des doutes parce que M. Yip n’a pas pu expliquer l’absence d’analyse dans ses travaux de cours et parce que des parties de ses travaux étaient copiées d’autres sources.
[66] Le défendeur fait également remarquer que M. Yip n’a pas été en mesure de démontrer une connaissance suffisante des concepts de base de son programme de maîtrise en administration des affaires, notamment au sujet de la structure de son rapport, de sa méthode de recherche et de l’échantillonnage du sondage. L’agent a conclu que l’explication de M. Yip — soit que cette incapacité était attribuable au temps qui s’était écoulé et à la piètre qualité de son travail — n’était pas raisonnable.
[67] Le défendeur soutient que l’agent a reconnu le rapport de la WES pour ce qu’il était : ce rapport ne démontre pas que M. Yip a terminé les cours, mais seulement que, si le diplôme avait bien été légitimement obtenu, il équivaudrait à un diplôme canadien.
[68] En ce qui concerne la conclusion de l’agent chargé de l’examen, le défendeur soutient que, d’après les notes prises lors de l’entrevue, il y avait plusieurs raisons de conclure que M. Yip n’avait pas légitimement obtenu les diplômes qu’il disait posséder et sur lesquels il avait fondé sa demande de permis de travail, et de conclure que M. Yip avait fait une présentation erronée sur un fait important.
B. L’agent n’a pas manqué à l’équité procédurale
[69] Le défendeur soutient qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale; l’agent n’était pas tenu d’envoyer une lettre d’équité procédurale avant l’entrevue. L’avis d’entrevue indiquait adéquatement l’objet de celle-ci. De plus, les doutes de l’agent ont été pleinement expliqués à M. Yip au début de l’entrevue, et M. Yip a eu toute la latitude pour y répondre. En outre, M. Yip avait l’obligation de fournir des renseignements complets et véridiques.
[70] Au fur et à mesure que l’agent a soulevé d’autres doutes, M. Yip a eu l’occasion d’y répondre au cours de l’entrevue.
[71] Le défendeur conteste l’affirmation selon laquelle l’agent s’est appuyé sur des éléments de preuve extrinsèques; tous les renseignements invoqués étaient accessibles au public.
C. L’exception relative à l’erreur de bonne foi ne s’applique pas
[72] Le défendeur mentionne que le demandeur d’un permis de travail ou d’un autre visa est responsable des fausses déclarations faites directement ou par l’entremise de tiers, comme des consultants en immigration ou des agents d’éducation (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 747 au para 28).
[73] Le défendeur soutient que l’agent n’était pas tenu de prendre en considération l’exception relative à l’erreur de bonne foi parce qu’il n’avait pas accepté que M. Yip eût véritablement agi de bonne foi. M. Yip s’est fait demander de fournir une preuve d’exemption, et cette information était sous son contrôle, tout comme d’autres renseignements qui auraient permis de savoir s’il avait légitimement obtenu ses diplômes. Selon ses motifs, l’agent n’a pas considéré M. Yip comme [traduction] « une victime »
.
[74] Le défendeur ajoute que M. Yip n’a pas démontré qu’il croyait honnêtement et raisonnablement qu’il avait légitimement terminé ses cours et qu’il ne cachait pas de renseignements importants ou que ces renseignements étaient hors de son contrôle.
VII. La décision est raisonnable
A. Le rejet de la demande de permis de travail par l’agent est raisonnable
[75] L’agent a mené une entrevue approfondie, a examiné les documents soumis, a noté les documents qui n’avaient pas été fournis et a raisonnablement conclu que M. Yip ne satisfaisait pas aux exigences relatives à la délivrance d’un permis de travail ouvert. La lettre et les notes du SMGC expriment clairement les principaux doutes concernant la façon dont les diplômes ont été obtenus, les réponses de M. Yip et l’évaluation cumulative de l’agent, qui ont mené à la décision de refuser le permis et à la conclusion que M. Yip avait fait une présentation erronée sur un fait important.
[76] M. Yip n’a pas fourni les documents demandés, en particulier [traduction] « une preuve d’exemption des études et/ou des cours requis pour le diplôme de l’Université de Chichester et pour tous les programmes préalables (p. ex. OTHM, Qualifi, etc.), le cas échéant »
. Cette seule omission pouvait justifier le rejet de la demande de permis de travail par l’agent.
[77] L’allégation de M. Yip selon laquelle il n’était pas tenu de fournir une preuve d’exemption parce que la lettre demandait de fournir une preuve [traduction] « le cas échéant »
et qu’il ne disposait pas d’une telle preuve repose sur une interprétation déraisonnable de la demande. La lettre demandait clairement une preuve d’exemption et/ou des travaux réalisés dans les cours menant au diplôme de l’Université de Chichester et la même chose pour les programmes préalables [traduction] « le cas échéant »
. L’expression [traduction] « le cas échéant »
renvoie aux programmes préalables. Dans le cas de M. Yip, le programme de l’OTHM était une exigence préalable et il était tenu de fournir une preuve d’exemption et/ou des travaux de cours qu’il avait réalisés pour obtenir le diplôme de l’OTHM. M. Yip n’a pas fourni la preuve d’exemption demandée et, à la fin de l’entrevue, il a déclaré qu’il n’avait pas d’autres renseignements à fournir. Il n’a pas demandé de délai supplémentaire pour obtenir une preuve d’exemption auprès du programme de l’OTHM ou de l’Université de Chichester.
[78] L’interprétation proposée par M. Yip est également incompatible avec ses autres observations selon lesquelles il n’était pas tenu de suivre plus de deux cours, il a fait ce que l’école Douglas lui a dit de faire sans poser de questions, et il a présumé que ses antécédents et son expérience auraient pu donner lieu à des exemptions.
[79] Comme l’a fait remarquer l’agent, il n’était pas raisonnable d’être exempté des deux tiers des cours ou des crédits obligatoires.
[80] L’agent a expliqué au début de l’entrevue que le but de celle-ci était d’évaluer si M. Yip était admissible au permis de travail ouvert demandé, s’il avait eu recours aux services d’un représentant non déclaré et s’il avait personnellement effectué les travaux scolaires requis pour obtenir le diplôme de l’OTHM. Contrairement à ce qu’avance M. Yip, soit que les questions de l’agent n’étaient pas liées à l’objectif déclaré de l’entrevue, l’agent a expressément déclaré que l’admissibilité de M. Yip et la réalisation des travaux de cours seraient évaluées. Les questions de l’agent étaient directement liées à l’objet de l’entrevue.
[81] Voici ce qui a été dit dans la décision Lam, aux paragraphes 20 à 21 :
[traduction]
[20] Je peux imaginer une situation dans laquelle un agent des visas pourrait se mettre à poser des questions déraisonnables. Une telle chose pourrait se produire, par exemple, si les questions de l’agent n’ont aucun lien avec l’objet de l’enquête ou si elles ne permettent pas de se faire une idée fiable de l’authenticité des études d’une personne. Cependant, contrairement à ce que le demandeur soutient, ce n’est pas ce qui s’est produit lors de son entrevue. L’agent des visas n’a pas tenté de façon inadmissible de « poser des questions pièges » au demandeur quant à ses études, mais il a posé les bonnes questions pour évaluer la crédibilité de l’affirmation implicite du demandeur selon laquelle il avait véritablement obtenu les diplômes nécessaires.
[21] Pour conclure logiquement, le demandeur soutient essentiellement que les agents des visas doivent accepter d’emblée les diplômes et ne peuvent pas poser aux demandeurs des questions raisonnables pour évaluer l’authenticité des programmes d’études qu’ils disent avoir réussis. Cette proposition n’est étayée ni par la loi ni par la jurisprudence.
[82] Comme dans l’affaire Lam, l’agent n’a pas posé de questions qui n’étaient pas liées à l’évaluation de l’authenticité des diplômes de M. Yip.
[83] Dans l’affaire Kwong, l’agent avait conclu que le demandeur n’était pas en mesure d’expliquer comment il avait été exempté de 120 crédits, car il n’avait fourni aucun relevé de notes, diplôme ou document démontrant comment il avait obtenu cette exemption (Kwong, au para 16). Dans cette affaire, il était également question d’allégations de plagiat; toutefois, le juge Southcott a conclu que le doute principal de l’agent concernait l’incapacité du demandeur à expliquer comment il avait obtenu les 120 crédits, qu’il s’agissait d’une [traduction] « conclusion déterminante »
et que la décision dans son ensemble était raisonnable (Kwong, au para 27).
[84] L’agent n’a pas outrepassé son rôle en évaluant toutes les informations et toutes les réponses pertinentes pour déterminer si M. Yip était admissible au permis de travail ouvert.
[85] Dans la décision Lam, le juge Grant a également mentionné ce qui suit au paragraphe 18 :
[traduction
[18] Lorsqu’un diplôme constitue un élément important d’une demande d’immigration, il s’ensuit que l’agent a le pouvoir – en fait, il est tenu – d’apprécier tous les faits importants liés à ce diplôme, notamment de vérifier s’il a été obtenu légitimement.
[86] Dans la décision Kwong, au paragraphe 26, le juge Southcott a adopté la même position, ajoutant : [traduction] « cela dit, il peut incomber à la Cour d’évaluer, au regard des faits d’une affaire donnée, si l’agent a effectué cette appréciation d’une manière raisonnable, sans se perdre dans des analyses qui ne relèvent pas de son expertise »
.
[87] En l’espèce, les questions de l’agent et son évaluation globale des diplômes de M. Yip étaient raisonnables. L’agent ne s’est pas égaré dans des domaines qui ne relèvent pas de son rôle ou de son expertise.
[88] L’agent n’était pas tenu de présumer que selon la politique relative à la reconnaissance des acquis de l’OTHM, M. Yip serait exempté de certains cours. Il a posé des questions à M. Yip au sujet de cette politique de reconnaissance des acquis, et ce dernier a répondu qu’il ne s’était pas informé à savoir s’il devait obtenir des exemptions pour certains cours. Il incombait à M. Yip de s’assurer que ses diplômes avaient été obtenus légitimement. Même s’il s’en est peut-être remis à l’agent d’éducation pour faire avancer sa demande, il demeurait responsable de présenter une demande complète et véridique. Comme l’indique la jurisprudence, le fardeau de vérifier l’intégralité et l’exactitude des renseignements qu’ils fournissent incombe aux demandeurs; [traduction] « ces derniers ne peuvent se défiler de cette responsabilité en prétendant être innocents ou en jetant le blâme sur une tierce partie »
(Tsang, au para 26).
[89] Contrairement à ce que M. Yip a laissé entendre, l’agent n’était pas tenu de demander à l’Université de Chichester ou à l’OTHM si M. Yip avait terminé les cours exigés ou les raisons pour lesquelles ils lui avaient conféré les diplômes.
B. La conclusion de fausses déclarations est raisonnable
[90] Dans la décision Tsang, le juge Zinn a réitéré les critères permettant de conclure à de fausses déclarations, faisant remarquer ce qui suit aux paragraphes 23 et 24 :
[traduction
[23] La jurisprudence confirme que pour que soit prononcée une interdiction de territoire en application de l’alinéa 40(1)a), deux conditions s’appliquent : 1) il doit y avoir une présentation erronée sur un fait; 2) la présentation erronée doit porter sur un fait important, pouvant entraîner une erreur dans l’application de la Loi : Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1441 au para 14; Ragada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 639 au para 18; Malik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1004 au para 11.
[24] Aucune notion de mens rea, de préméditation ou d’intention n’est requise pour établir qu’il y a eu de fausses déclarations : Punia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 184 au para 51; Maan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 118 aux para 24-25. Même une omission innocente de fournir des renseignements importants peut mener à une conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations : Baro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299 au para 15; Gobordhun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 971 au para 28.
[91] M. Yip invoque le paragraphe 17 de la décision Vargas Villanueva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 66, où le juge Grammond a expliqué qu’une conclusion de fausses déclarations doit être fondée sur une preuve claire et convaincante et « [qu’i]l ne suffit pas d’avoir un simple soupçon ou même des motifs raisonnables de croire »
. M. Yip soutient qu’il n’y a pas de preuve claire et convaincante; l’agent avait plutôt des soupçons en raison de l’article paru dans le SCMP.
[92] L’exigence d’une preuve claire et convaincante de fausses déclarations doit être examinée parallèlement aux nombreux autres principes bien établis concernant une conclusion de fausses déclarations.
[93] Dans la décision Tsang, le juge Zinn a réitéré ainsi le but d’une conclusion de fausses déclarations et les conséquences et principes directeurs au paragraphe 26 :
[traduction]
[26] D’autres principes généraux ainsi que le contexte juridique entourant l’alinéa 40(1)a) ont été examinés en détail par le juge Little au paragraphe 28 de la décision Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 747 [Singh]. Les principes de base sont les suivants :
1) L’article 40 doit être interprété de façon large afin de préserver l’intégrité du processus d’immigration canadien, en dissuadant quiconque de faire de fausses déclarations et en faisant en sorte que les demandeurs fournissent des renseignements complets, honnêtes et véridiques;
2) L’obligation générale de franchise prévue au paragraphe 16(1) de la LIPR exige des demandeurs qu’ils fournissent des renseignements complets, honnêtes et véridiques quand ils présentent une demande d’entrée au Canada, et cette obligation aide à l’interprétation de l’article 40;
3) Le fardeau de vérifier l’intégralité et l’exactitude des renseignements qu’ils fournissent incombe aux demandeurs; ces derniers ne peuvent se défiler de cette responsabilité en prétendant être innocents ou en jetant le blâme sur une tierce partie;
4) L’alinéa 40(1)a) vise expressément les présentations erronées et les réticences sur un fait important;
5)L’alinéa 40(1)a) s’applique aux fausses déclarations, qu’elles soient délibérées, faites par négligence, intentionnelles ou non;
6) Les demandeurs sont responsables, sous le régime de l’alinéa 40(1)a), des fausses déclarations qu’ils ont faites eux-mêmes et de celles qui ont été faites en leur nom par d’autres personnes, telles que des consultants ou des agents en immigration;
7) Un demandeur peut être tenu responsable sous le régime de l’alinéa 40(1)a), même si la fausse déclaration est faite à son insu, y compris par une tierce partie.
[94] Les principes résumés dans la décision Singh et réitérés dans la décision Tsang ne sont pas nouveaux et ont été énoncés dans de nombreux cas; par exemple, la juge Strickland a résumé ces principes au paragraphe 28 de la décision Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971 [Goburdhun], puis aux paragraphes 15 et 16 de la décision Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 368.
[95] L’argument de M. Yip selon lequel l’agent a fondé sa conclusion de fausses déclarations sur des soupçons découlant de l’article du SCMP n’est pas corroboré par le dossier. Comme je le mentionne plus haut, les notes du SMGC reflètent les questions posées à M. Yip ainsi que ses réponses. Les réponses données lors de l’entrevue permettent amplement à la Cour de conclure que la conclusion de fausses déclarations, confirmée par l’agent d’immigration désigné, est raisonnable. Le fait que M. Yip n’avait aucune preuve d’exemption; le fait qu’il n’était pas en mesure d’expliquer s’il avait demandé pourquoi il serait exempté des deux tiers de ses cours; son incapacité à décrire ses recherches; son incapacité à expliquer pourquoi de longs passages avaient été copiés sans qu’aucune référence ne soit fournie; et son explication confuse au sujet de deux curriculum vitae, qui laissaient tous deux entendre qu’il avait terminé sa maîtrise en administration des affaires avant le début du programme, fournissent cumulativement des éléments de preuve plus que suffisants pour que l’agent puisse raisonnablement conclure que M. Yip avait fait une présentation erronée sur des faits importants dans sa demande.
[96] Comme il est indiqué au paragraphe 26 de la décision Tsang, les demandeurs ont une obligation de franchise, doivent présenter une demande véridique et complète et sont responsables des fausses déclarations directes ou indirectes, et même une omission involontaire de fournir des renseignements importants peut constituer une fausse déclaration menant à une interdiction de territoire.
C. L’agent n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte de l’exception relative à l’erreur de bonne foi
[97] Au paragraphe 25 de la décision Tsang, le juge Zinn a expliqué les critères permettant de conclure à une fausse déclaration ou à une erreur de bonne foi :
[traduction]
[25] Ce régime législatif strict reconnaît une exception restreinte d’erreur de bonne foi. Pour en bénéficier, le demandeur doit prouver « qu’il croyait honnêtement et raisonnablement ne pas dissimuler des renseignements importants » : Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 416 au para 11; Ram c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 795 au para 19. Cette exception ne s’applique que dans des circonstances exceptionnelles : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1369 au para 19; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 401 au para 25; Paashazadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 327 au para 20.
[98] Dans la décision Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1441, aux paragraphes 18 et 19, le juge McHaffie a également examiné la jurisprudence et mentionné qu’il ne suffit pas de croire subjectivement que les renseignements fournis étaient authentiques; il faut aussi que cette croyance soit objectivement raisonnable compte tenu des faits. Certaines décisions mentionnent également une autre exigence, soit que la connaissance des fausses déclarations doit échapper à la volonté du demandeur (Goburdhun, aux para 28, 31).
[99] M. Yip laisse entendre qu’il a fait une erreur de bonne foi; il soutient qu’il n’est pas responsable d’avoir fourni des renseignements trompeurs puisqu’il a simplement suivi les directives de l’agent d’éducation et du programme en ligne tel qu’il était offert. Il soutient que ses diplômes étaient authentiques et qu’il a effectué les travaux exigés, comme l’avait conseillé l’agent d’éducation, et que, même si ses travaux scolaires n’étaient pas très bons, il satisfaisait aux exigences du programme. Cependant, il a avoué à l’agent qu’il n’avait aucune preuve d’exemption pour les deux tiers des cours qui étaient obligatoires. Il a laissé entendre qu’il aurait pu obtenir des exemptions, ou qu’il pensait qu’il aurait pu en obtenir vu son expérience, mais aucune preuve ne démontrait qu’il avait été exempté des cours. Il n’a pas non plus indiqué qu’il pouvait demander une preuve d’exemption auprès de l’OTHM ou de l’Université de Chichester.
[100] Il n’y a aucun fondement objectif à l’appui de l’affirmation de M. Yip selon laquelle il a effectué tous les travaux requis, a été exempté de certains cours ou a légitimement obtenu le diplôme de l’OTHM comme condition préalable à l’obtention de sa maîtrise en administration des affaires. M. Yip n’a pas respecté l’exigence claire de fournir une preuve d’exemption, et il aurait pu demander à l’établissement pourquoi il avait pu obtenu son diplôme sans suivre les cours requis. M. Yip reconnaît qu’il a peut-être été naïf, mais selon la Cour, la conduite de M. Yip va bien au-delà de la naïveté; il a obtenu deux diplômes plus rapidement que la normale, sans avoir terminé les deux tiers des cours obligatoires, sans avoir une connaissance suffisante de ce qu’il a étudié, en copiant d’autres sources dans ses travaux, en ne fournissant aucune analyse de sa recherche ou en n’expliquant pas sa méthodologie et en renvoyant à des sondages et à des questionnaires qui n’ont pas été fournis. M. Yip n’était pas sans instruction; il était titulaire d’un baccalauréat ès arts et aurait été au courant des exigences pour obtenir ce diplôme ou d’autres diplômes. Il était au courant des efforts qu’il avait déployés — ou de son manque d’efforts — pour obtenir le diplôme de l’OTHM et la maîtrise en administration des affaires, et de ce qu’il avait fait ou n’avait pas fait pour obtenir ces diplômes. Il incombait à M. Yip de s’assurer que les diplômes qu’il cherchait à obtenir, et sur lesquels il s’était par la suite appuyé pour obtenir un permis de travail au Canada, étaient obtenus légitimement. Il ne s’est pas acquitté de ce fardeau.
D. Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale
[101] Comme je le mentionne plus haut, M. Yip soutient que l’agent a manqué à l’équité procédurale, notamment en n’énonçant pas tous ses doutes dans une lettre avant l’entrevue, en ne lui offrant pas une possibilité réelle de répondre aux doutes soulevés au cours de l’entrevue et en se fondant sur des éléments de preuve extrinsèques. M. Yip soutient également que l’agent avait déjà décidé de refuser le permis de travail avant la fin de l’entrevue.
[102] M. Yip ne tient pas compte du fait que la lettre l’invitant à l’entrevue lui enjoignait clairement de fournir des documents précis et indiquait qu’un défaut de le faire [traduction] « entraînerait probablement le rejet de [sa] demande »
.
[103] L’agent a expliqué au début de l’entrevue que le but de celle-ci était d’évaluer si M. Yip était admissible au permis de travail demandé, notamment s’il avait eu recours aux services d’un représentant non déclaré pour faire sa demande et s’il avait personnellement effectué les travaux scolaires requis pour obtenir le diplôme de l’OTHM.
[104] L’agent a expressément noté des doutes au sujet des diplômes que M. Yip avait obtenus entre septembre 2021 et juin 2022, soit la période au cours de laquelle M. Yip a obtenu le diplôme de l’OTHM, suivi d’une maîtrise en administration des affaires. L’agent a également indiqué que les renseignements contenus dans l’article du SCMP avaient été confirmés par d’autres demandeurs.
[105] Dans l’affaire Kwong, l’invitation à l’entrevue exigeait explicitement des documents afin de vérifier les diplômes du demandeur, notamment des travaux de cours, des relevés de notes, des relevés de paiement et des relevés bancaires, et avertissait que le défaut de fournir ces documents pourrait entraîner le rejet de la demande. Au paragraphe 35 de la décision Kwong, le juge Southcott a conclu que [traduction]« [...] aucun fondement ne permet[tait] de conclure que puisque l’agent n’avait pas expressément fait mention de ses doutes dans la demande d’entrevue, il avait privé le demandeur de l’occasion de connaître la preuve à réfuter ou de dissiper ces doutes »
.
[106] Comme je le mentionne plus haut, l’obligation d’équité procédurale dans le contexte d’une demande de permis de travail se situe au bas de l’échelle. La question fondamentale est « de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre »
(CFCP, au para 56). En règle générale, l’agent n’est pas tenu d’aviser le demandeur des lacunes relevées dans sa demande ou dans les documents fournis à l’appui. En outre, il n’est pas tenu de lui donner l’occasion de dissiper ses préoccupations lorsque les documents présentés à l’appui sont incomplets ou insuffisants (Hamza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 264 aux para 21-24). Toutefois, lorsque les doutes de l’agent concernent la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité des documents, une telle obligation peut exister (Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283 au para 24).
[107] M. Yip connaissait la preuve à réfuter; il devait étayer sa demande de permis de travail ouvert, fournir tous les documents requis et répondre honnêtement à toutes les questions.
[108] L’agent n’a pas remis en question l’authenticité des relevés de notes ou des diplômes, mais plutôt la description que M. Yip a faite de la façon dont il a obtenu les diplômes vu l’absence de preuve d’exemption des cours obligatoires et d’autres doutes découlant des réponses de M. Yip à ses questions. L’agent a donné à M. Yip l’occasion de répondre à ses doutes lors de l’entrevue. Cette entrevue était, en soi, une couche supplémentaire d’équité procédurale.
[109] L’obligation d’équité procédurale qui s’applique dans le contexte d’une demande de permis de travail — même lorsqu’elle mène à une conclusion de fausses déclarations — n’exige pas que tous les doutes possibles soient communiqués avant l’entrevue. L’entrevue offre l’occasion de dissiper ces doutes, y compris les doutes supplémentaires qui surgissent au fur et à mesure qu’elle se déroule (Kwong, aux para 34-37; Tsang, au para 32). L’agent a fait part plusieurs fois de ses doutes à M. Yip, notamment au sujet de l’absence de preuve d’exemption et d’achèvement des cours, et lui a donné l’occasion de répondre et de fournir des explications. Même si M. Yip soutient qu’il aurait dû avoir la possibilité de présenter d’autres observations après l’entrevue, il n’a pas demandé à le faire; il a plutôt déclaré qu’il n’avait pas d’autres renseignements à fournir. Au paragraphe 33 de la décision Tsang, le juge Zinn a mentionné que la possibilité de présenter des observations après l’entrevue allait au-delà des exigences de l’obligation d’équité procédurale dans les circonstances.
[110] L’agent a fait part à M. Yip de ses doutes au sujet du diplôme de l’OTHM au début de l’entrevue. M. Yip était tout à fait au courant de l’article paru dans le SCMP et du commentaire de l’agent selon lequel les renseignements qu’il contenait avaient été confirmés par d’autres demandeurs. Il aurait dû raisonnablement s’attendre à ce que sa demande soit examinée de près. Les réponses de M. Yip aux questions de l’agent à propos de ses cours, de l’absence de preuve d’exemption, des dates sur son curriculum vitae, de son incapacité à expliquer le manque de connaissances au sujet du sondage ou du questionnaire qu’il a prétendu avoir utilisé pour son rapport dans le cadre de la maîtrise en administration des affaires, du plagiat et du faible niveau de connaissance de ses études ont suscité des doutes supplémentaires. Cependant, l’agent a donné à M. Yip l’occasion de fournir des explications ou des éclaircissements.
[111] Contrairement à ce que M. Yip a fait observer, l’agent ne s’est pas appuyé sur des éléments de preuve extrinsèques. M. Yip connaissait bien l’article du SCMP puisqu’il avait communiqué avec IRCC, comme l’indiquent les notes du SMGC, et avait affirmé que, contrairement aux autres personnes mentionnées dans l’article, il avait obtenu sa maîtrise en administration des affaires de façon légitime. L’agent n’était pas tenu de nommer les autres demandeurs qui avaient confirmé les renseignements contenus dans l’article. De plus, l’agent n’a pas refusé le permis de travail ni conclu à de fausses déclarations en raison de l’article du SCMP, mais plutôt parce que M. Yip n’a pas démontré qu’il avait obtenu ses diplômes en effectuant les travaux requis ou parce qu’il bénéficiait d’exemptions.
[112] L’agent ne s’est fondé sur aucun renseignement lié à la reconnaissance des acquis, et il ne s’agissait pas d’un élément de preuve extrinsèque puisque ces renseignements sont accessibles au public et concernent le programme préalable de l’OTHM. L’agent s’est simplement informé auprès de M. Yip s’il avait demandé une reconnaissance des acquis à l’OTHM, et ce dernier a répondu qu’il ne s’était pas informé s’il devait obtenir des exemptions pour certains cours.
[113] L’allégation de M. Yip selon laquelle l’agent avait déjà décidé de refuser le permis de travail n’est pas étayée par le dossier. Le SMGC contient une entrée sous la rubrique « Conclusion »
où il est indiqué ceci : [traduction] « J’ai expliqué au demandeur que je tiendrais compte de tous les renseignements présentés et de nos discussions lors de l’entrevue et que je rejetterais sa demande de permis de travail ouvert. Je pourrais également demander à mon superviseur d’examiner sa fausse déclaration. Le demandeur devrait être en mesure d’obtenir le résultat dans son compte MonCIC d’ici une semaine et d’y trouver des mises à jour. »
Toutefois, comme je le mentionne plus haut, les notes du SMGC sont répétitives et des renseignements se répètent sous diverses rubriques. Lues de façon globale, les notes du SMGC ne donnent pas à penser que l’agent avait déjà décidé du résultat ou même qu’il a carrément refusé le permis de travail à la fin de l’entrevue. Les notes du SMGC indiquent que l’agent a noté que les réponses de M. Yip seraient examinées et que, en ce qui concerne la question des fausses déclarations, un agent d’immigration désigné examinerait la demande et prendrait cette décision.
[114] Cependant, même si l’agent a communiqué la décision de refuser le permis de travail à la fin de l’entrevue, cela ne signifie pas qu’il avait déjà décidé de l’issue de la demande de M. Yip. Cela veut plutôt dire qu’il fonderait sa décision sur son examen de la demande de M. Yip et sur les réponses fournies lors de l’entrevue.
VIII. Conclusion
[115] En conclusion, la Cour juge que la décision de refuser le permis de travail et de tirer une conclusion de fausses déclarations est raisonnable. Les motifs de l’agent, tels qu’ils sont exposés dans la lettre et les notes du SMGC, montrent que l’évaluation globale repose sur une analyse rationnelle et qu’elle est justifiée au regard des faits et du droit.
[116] La Cour juge également qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.
[117] La Cour reconnaît qu’une conclusion de fausses déclarations a de lourdes conséquences; toutefois, ces conséquences sont justifiées par la nécessité de préserver l’intégrité du système d’immigration et de dissuader quiconque de faire de fausses déclarations, comme le souligne à maintes reprises la jurisprudence.
JUGEMENT dans le dossier IMM-12704-23
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
-
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
-
Il n’y a pas de question à certifier.
« Catherine M. Kane »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-12704-23 |
INTITULÉ : |
WAI KA YIP, TSUI YEE LO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 22 JANVIER 2025 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE KANE |
DATE DES MOTIFS : |
LE 14 FÉVRIER 2025 |
COMPARUTIONS :
Stanley Wen Han Leo |
Pour le demandeur |
Ely-Anna Hidalgo-Simpson |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
KAIROS LAW CORPORATION Port Coquitlam (Colombie-Britannique) |
Pour le demandeur |
Procureur général du Canada Vancouver (Colombie‑Britannique) |
Pour le défendeur |