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Date : 20250210


Dossier : IMM-15666-23

Référence : 2025 CF 256

Ottawa (Ontario), le 10 février 2025

En présence de l'honorable madame la juge Ngo

ENTRE :

HARPREETSINGH PALSINGH SARDAR

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Harpreetsingh Palsingh Sardar [demandeur], demande le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] qui a rejeté sa demande d’asile [Décision]. Dans sa Décision, la SAR a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] en concluant que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger puisqu’il existe une possibilité de refuge intérieur [PRI] en Inde. La SAR a aussi rejeté la demande d’asile du demandeur en concluant qu’il était non crédible.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le demandeur n’a pas démontré que la Décision était déraisonnable.

II. Faits

[3] Le 4 aout 2012, le demandeur a fui l’Inde, son pays d’origine. Il dit craindre la persécution du père de son amoureuse qui l’aurait attaqué. Le demandeur affirme que le père de son amoureuse entretient des liens avec le Bharatiya Janata Party. Le demandeur est arrivé au Canada muni d’un permis d’études dont le renouvellement a été refusé en 2014.

[4] Le 31 aout 2022, le demandeur a réclamé le statut de réfugié au Canada. Le 4 juin 2023, le demandeur a soumis un addendum à son formulaire de demande d’asile qui fait valoir que son agent de persécution ainsi que la police le rechercheraient toujours en Inde. Le 25 mai 2023, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur au motif qu’il possède une PRI en Inde. La décision de la SPR est portée en appel devant la SAR.

[5] Dans le cadre des procédures en appel, la SAR a demandé au demandeur de lui fournir les documents originaux déposés en preuve devant la SPR. La SAR a aussi avisé le demandeur qu’elle traitera d’une nouvelle question en appel, soit l’analyse de sa crédibilité. Elle lui a offert l’opportunité de déposer de nouvelles soumissions sur ce point, ce qu’il a fait le 13 septembre 2023.

[6] Le 15 novembre 2023, la SAR a rejeté la demande d’asile du demandeur en trouvant qu’il était non crédible. La SAR a également confirmé la décision de la SPR concernant la PRI. La SAR a ainsi conclu que le demandeur n’a pas su montrer une possibilité sérieuse de persécution pour l’un des motifs prévus dans la Convention ou que, selon la prépondérance des probabilités, il serait exposé à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou de peines cruels et inusités, ou encore de torture advenant un retour en Inde.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[7] La seule question en litige est de savoir si la Décision est déraisonnable.

[8] Les parties s’entendent que la Cour doit considérer le bien-fondé de la Décision en appliquant la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 16-17, 25 [Vavilov]). Je suis aussi d’avis que la norme de la décision raisonnable s’applique quant aux motifs de la Décision.

[9] En contrôle judiciaire, la Cour doit faire l’analyse et déterminer si une décision fait preuve des caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov au para 99). Une décision raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision faisant l'objet du contrôle (Vavilov au para 90). Une décision pourrait se qualifier de déraisonnable, si le décideur administratif a mal interprété la preuve au dossier (Vavilov aux para 125, 126). La partie qui conteste la décision a le fardeau de démontrer que la décision est déraisonnable (Vavilov au para 100).

IV. Analyse

[10] Le demandeur soutient que la Décision est déraisonnable puisque la SAR a omis de procéder à l’évaluation de la disponibilité de la protection de l’État.

[11] Lors de l’audience, le demandeur a fait valoir que la SAR avait rejeté en bloc, l’ensemble de la preuve concernant la crédibilité du demandeur. En rejetant la demande d’asile sur la base de la crédibilité du demandeur, la SAR a erré en omettant la question de la protection de l’État dans son analyse du risque allégué advenant un retour en Inde. La SAR aurait dû analyser la documentation pertinente sur l’Inde et reconnaitre la gravité de la situation du demandeur. Le demandeur soutient que même si l’Inde est considérée comme une démocratie de type parlementaire, elle fait néanmoins face à des problèmes de corruption bien documentés. Le demandeur se base sur ce portrait de l’Inde pour alléguer qu’il ne peut se prévaloir de la protection de l’État.

[12] D’autre part, le défendeur soutient que la SAR n’avait pas à analyser la question de la protection de l’État puisque les conclusions de la SAR sur la crédibilité du demandeur et sur la PRI étaient déterminantes et suffisantes pour refuser sa demande d’asile. Il était raisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’avait pas de risque sérieux de persécution dans la PRI parce que la preuve ne permettait pas d’établir la motivation de l’agent de persécution ni qu’il serait persécuté en raison de sa confession sikhe advenant son retour en Inde. D’ailleurs, le défendeur souligne que les conclusions de la SAR sur la PRI et la crédibilité du récit du demandeur n’ont pas été contestées par le demandeur en contrôle judiciaire.

[13] Le défendeur fait également valoir que la SAR a pris soin de détailler ses conclusions quant à la crédibilité du demandeur. La SAR a relevé plusieurs problèmes d’authenticité quant aux différents documents soumis par le demandeur. Par exemple, la SAR a soulevé des variations entre les documents originaux et les différentes versions soumis devant la SPR et la SAR. Le défendeur fait valoir aussi que les conclusions générales sur l’absence de crédibilité du demandeur ont entaché ces allégations de persécution, l’élément central de sa demande d’asile. Ceci était suffisant pour rejeter la demande d’asile. Néanmoins, la SAR a aussi effectué l’analyse de la PRI établie par la SPR.

[14] Je suis d’accord avec les arguments du défendeur que la SAR n’était pas obligée de traiter la question de la protection de l’État puisqu’elle avait déjà tranché les questions déterminantes de la crédibilité de la demande d’asile et de l’existence d’une PRI (citant Simranjit c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1791 [Simranjit] au para 8; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 6 au para 42 [Singh]).

[15] Cette Cour a déjà considéré l’argument du demandeur que la SAR aurait dû analyser la protection de l’État même après avoir conclu à un manque de crédibilité ou à l’existence d’une PRI. La jurisprudence confirme que la question de la PRI est déterminante pour les demandes d’asile et que la SAR n’a pas à traiter de la protection de l’État une fois qu’elle a déterminé l’existence d’une PRI (Simranjit au para 8; Singh au para 42).

[16] De plus, il est bien établi que la SAR et la SPR n’ont pas l’obligation d’examiner la question de la protection étatique lorsqu’elles concluent au manque de crédibilité des allégations au soutien de la demande d’asile. Dans ces circonstances, la question de la protection de l’État revêt également un caractère accessoire (Ankrah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 728 aux para 16-19 citant Gomez Florez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 659 au para 39).

V. Conclusion

[17] La Décision constitue donc une issue raisonnable. En appliquant la norme de la décision raisonnable, la Décision satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Elle est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[18] Les parties ont confirmé qu’il n’y avait aucune question à certifier et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.

[19] Finalement, l’intitulé du dossier sera corrigé afin que le défendeur soit désigné correctement sous le titre de « Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » au lieu de « Ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté ».


JUGEMENT dans le dossier IMM-15666-23

LA COUR STATUE que :

  • 1)La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  • 2)Il n’y a aucune question à certifier.

  • 3)L’intitulé du dossier est corrigé afin que le défendeur soit désigné sous le titre de « Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ».

« Phuong T.V. Ngo »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-15666-23

INTITULÉ :

HARPREETSINGH PALSINGH SARDAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 JANVIER 2025

JUGEMENT ET MOTIFS

LA JUGE NGO

DATE DES MOTIFS :

LE 10 FÉVRIER 2025

COMPARUTIONS :

Paul Eyouck

Pour LE DEMANDEUR

Jeanne Robert

Pour LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude Légal Eyouck

Avocats

Montréal (Québec)

Pour LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour LE DÉFENDEUR

 

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